Food and Agriculture Organization of the United NationsFood and Agriculture Organization of the United Nations

Faire face à la sécheresse


L’insécurité alimentaire induite par la sécheresse généralisée qui sévit actuellement dans la Corne de l’Afrique a déclenché une crise humanitaire régionale, touchant en particulier les communautés possédant du bétail. Abdal Monium Osman, de la Division des urgences et de la réhabilitation de la FAO, et Cyril Ferrand, Responsable de l’équipe chargée des programmes de résilience en Afrique de l’Est, expliquent le travail de la FAO en vue d’améliorer la résilience des moyens d’existence pastoraux.

Share on Facebook Share on X Share on Linkedin

Au Kenya, plusieurs membres d’une communauté pastorale attendent la distribution de nourriture animale. Les sécheresses qui ont frappé la Corne de l’Afrique ont augmenté en fréquence et en intensité. A cela s’ajoutent plusieurs années de pluies insuffisantes qui n’ont pas permis aux ménages affectés de se rétablir. ©FAO/Luis Tato.

04/04/2018

Q. Comment les communautés pastorales arrivent-elles à survivre après une grave sécheresse comme celles de 2011 et de 2017 ?

A. Les communautés pastorales reposent sur un ensemble de stratégies permettant de stimuler et d’améliorer la résilience. Le fait de mobiliser les éleveurs afin de mieux exploiter les ressources en pâturage, le recours à des animaux qui vont brouter des espèces ligneuses, comme les chameaux et les chèvres, la disponibilité des réseaux sociaux et des dispositifs de protection qui faciliteront le prêt du bétail et le processus de repeuplement en vue de préparer l’avenir, comptent parmi ces stratégies.

Un autre élément important du processus de rétablissement est le maintien de la santé des animaux et le fait de les nourrir avec des aliments de qualité, en attendant que les conditions de pâturage s’améliorent.

Plusieurs zones en Ethiopie, au Kenya et en Somalie sont toujours aux prises avec une situation de sécheresse. Les cultivateurs peuvent se relancer en une ou deux saisons, mais les éleveurs ont besoin de quatre ou cinq ans pour régénérer leur stock.

Q. Qu’est-ce que la FAO et les autres partenaires devraient faire pour soutenir les moyens d’existence pastoraux en Afrique de l’Est?

A. Il n’existe plus une seule forme de pastoralisme et nous devons adapter notre aide aux besoins. Certains éleveurs ont besoin d’un soutien commercial afin de vendre leurs animaux et nous devons également les aider au niveau de la chaîne de valeur. D’autres ont tout perdu et ont besoin d’aide pour reconstruire leurs moyens d’existence.

Pour la FAO, il s’agit en priorité d’améliorer la capacité et la responsabilité des institutions de gouvernance, de prendre en compte les aspects transfrontaliers et régionaux du pastoralisme, d’utiliser des systèmes de surveillance pour remédier aux problèmes lorsqu’ils surviennent et de pouvoir assurer des interventions d’urgence dédiée aux communautés possédant du bétail lorsqu’une crise survient.

En Somalie, une fille boit du lait de chèvre dans un camp d’éleveurs qui ont perdu leurs moyens d’existence suite à la sécheresse. Un homme donne à boire à ses animaux assoiffés. ©FAO/Karel Prinsloo.

Q. Comment la FAO exploite-t-elle ses ressources pour soutenir le pastoralisme dans ses différents contextes?

A. La FAO a plusieurs avantages, notamment son expertise en matière de santé animale, ainsi que d’autres questions liées au bétail.

Pour le moment, la FAO s’occupe des problèmes d’alimentation animale uniquement en cas d’urgence, mais nous dévons également travailler aux côtés de l’ensemble des acteurs du secteur afin d’évaluer la disponibilité alimentaire dans chaque pays, pas seulement pendant les situations d’urgence. La FAO vient à ce sujet de développer un nouvel outil destiné à analyser la disponibilité alimentaire dans un pays ou une région donnée, en se basant sur la disponibilité nationale des ressources.

Q. Quelles sont les leçons apprises suite à l’intervention visant à faire face à la sécheresse qui a frappé l’Afrique de l’Est en 2016-2017 et comment la FAO pourrait-elle s’en servir pour mieux préparer les prochaines interventions en situations de crise ?

A. Nous sommes encore en train de tirer des leçons car la sécheresse est toujours en cours. Les périodes de sécheresse se répètent et cela signifie également que nous serons mieux préparés la prochaine fois. Un an, voire 18 mois après une période de sécheresse, on perd toujours un peu d’élan communautaire et l’énergie faiblit.

L’un des développements positifs auxquels la FAO a pris part est de faire reconnaître le pastoralisme comme problème transfrontalier aux yeux de l’IGAD. Ainsi, nous avons pu travailler avec les gouvernements pour faciliter le passage des frontières et rechercher de meilleures zones de pâturage, sans se préoccuper des conflits et des disputes dans ces mêmes zones. Ici, la leçon apprise est que le fait de désamorcer les tensions et de faciliter l’accès aux ressources en pâturage et en eau, lors des périodes de sécheresse, est essentiel si l’on veut minimiser les tensions sociales et sauver le bétail.

Le manque d’accès à l’alimentation animale a provoqué un grand nombre de décès au sein du bétail et entraîné une hausse du taux de malnutrition chez les enfants. Lors de nos interventions, cela nous a notamment appris à cibler les troupeaux laitiers délaissés qui permettront de nourrir ceux qui en ont le plus besoin lorsque le principal troupeau migrera.

Collecte d’eau dans une rivière sur le point de s’assécher en Ethiopie. L’équipe de résilience de la FAO pour l’Afrique de l’Est travaille afin d’améliorer la résilience des moyens d’existence pastoraux face à la sécheresse. ©FAO/Giulio Napolitano.

Q. Quels sont les rôles joués par le bétail et le pastoralisme en matière de nutrition dans les régions arides et semi-arides ?  

A. Le pastoralisme permet de transformer les ressources des terres arides marginales en produits animaliers de haute qualité, comme par exemple le lait. Le lait demeure l’une des denrées alimentaires les plus importantes dans l’alimentation des ménages pastoraux, surtout pour les enfants âgés de moins de cinq ans.

Les études au Kenya ont montré qu’il existait un lien direct entre la malnutrition infantile et la détérioration de l’eau et de la nourriture animale, mais nous n’avons pas assez exploité ce lien. A présent, il existe un projet conjoint de la FAO et de l’UNICEF qui établit justement le lien entre la santé infantile et la santé animale.

Q. A quoi ressemblera la crise pastorale dans la région en 2018?

A. Malheureusement, les perspectives climatiques de février à mai 2018 ne sont pas favorables. En Ethiopie, au Kenya et en Somalie, il est très peu probable que les conditions s’améliorent. Les prévisions font état de précipitations en dessous de la moyenne, ce qui veut dire que le pâturage n’aura pas le temps de se régénérer, que la production céréale en pâtira et qu’il ne sera pas possible de récupérer de l’eau dans certaines zones.

Le côté positif est que la FAO travaille au développement d’un meilleur système d’alerte précoce pour le bétail – le Système d’alerte précoce prédictif pour le bétail (PLEWS) – en plus d’outils destinés à l’ensemble des acteurs du secteur qui permettront une alimentation plus équilibrée. Nous travaillons également à la conception et à la mise en œuvre de programmes dédiés au bétail, prenant en compte la question de la nutrition, ainsi qu’à des interventions dédiées à l’alimentation animale dans le contexte pastoral.

Liens utiles

En savoir plus: