Food and Agriculture Organization of the United NationsFood and Agriculture Organization of the United Nations

Suivre le rythme de la Terre nourricière


Apprendre des systèmes alimentaires des peuples autochtones et de leur respect de la nature

Share on Facebook Share on X Share on Linkedin

Les systèmes alimentaires des peuples autochtones existent depuis des siècles, produisant une remarquable diversité d’aliments sans épuiser les ressources naturelles de base des écosystèmes environnants. ©National University of Columbia/Daniel Baena

09/08/2021

L’eau douce de l’Amazone produit un son familier aux oreilles des populations de la réserve autochtone de Puerto Nariño dans le sud de la Colombie. Ce fleuve est l’unique voie d’accès aux berges des rivières, des lacs, des plaines d’inondation et des terres fermes qui relient les 22 villages des peuples Tikuna, Cocama et Yagua.

Pour se procurer une nourriture saisonnière toute l’année, les Tikuma, les Cocama et les Yagua combinent différents usages: la pêche, la chasse et l’agriculture chagras, soit un système ancestral de production diversifiée dans lequel sont cultivées des espèces annuelles et pérennes et qui prévoit un abattage sélectif des arbres avant de les brûler, cela afin de reconstituer une succession forestière saine.

Comme dans une harmonie musicale, ces activités sont interdépendantes, chacune arrivant à son heure et dans l’espace qui lui a été dévolu, dans le respect des cycles des crues et décrues saisonnières. Les saisons rythment les activités. Les crues arrivent d’abord, rechargeant l’écosystème des plaines. Les poissons se reproduisent, se nourrissent et fertilisent le sol. Vient alors le moment de pêcher dans les eaux peu profondes, lorsque le poisson est abondant. Enfin, lorsque l’eau se raréfie, mais que le sol s’est enrichi de matière organique, les cultures et la chasse deviennent les principaux moyens de production d’aliments.

La conformité des systèmes alimentaires des peuples autochtones aux cycles naturels de production et de consommation de denrées alimentaires est une des caractéristiques qui rangent ces systèmes parmi les plus durables au monde. Ci-dessus, à gauche: ©OMAC

Le tempo de la culture itinérante

La production alimentaire a elle aussi son rythme. Comme les peuples Tikuna, Cocama et Yagua d’Amazonie, les Khasi de la partie indienne du massif de l’Himalaya appliquent un système de culture itinérante cyclique appelé Jhum, lui aussi doté de son propre rythme. Tous les ans, des champs cultivés sont mis en jachère pour une durée de sept à dix ans cependant qu’est défriché un nouveau terrain destiné à l’agriculture. La rotation des champs préserve la fertilité des sols. Les champs Jhum, qui représentent un usage commun aux peuples autochtones d’Asie, sont particulièrement productifs: il est possible d’y faire pousser plus de 60 espèces cultivées différentes. 

Ce peuple habite le district des monts Khasi dans la Meghalaya indienne, région où la pluviométrie est l’une des plus fortes au monde. Les Khasi forment une société matrilinéaire millénaire ayant elle aussi adapté ses modes de gestion du terroir aux saisons; ils en produisent des denrées alimentaires nourrissantes et des moyens de subsistance pour l’ensemble de la communauté, mais sans perdre de vue les besoins des générations futures.

Le peuple Inári Sámi de la région arctique du nord de la Finlande règle aussi ses activités vivrières sur les cycles de la nature. Ce peuple d’éleveurs de rennes, de pêcheurs et de chasseurs-cueilleurs quitte les forêts dans l’hiver pour gagner les espaces non boisés l’été, en suivant le parcours des rennes, ces animaux représentant leur source de nourriture et leurs moyens de subsistance principaux.

La conformité aux cycles naturels de production et de consommation des denrées alimentaires, qui consiste à agir en accord avec la Terre nourricière et lui laisser dicter son rythme, est une des caractéristiques des systèmes alimentaires des peuples autochtones qui les situent parmi les plus durables au monde. Ce respect des cycles naturels est essentiel pour la conservation de la biodiversité, la gestion des écosystèmes et la garantie de régimes alimentaires sains et nutritifs.

En offrant des connaissances éprouvées et des pratiques respectueuses de l’environnement, les peuples autochtones peuvent jouer un rôle important dans la transformation des systèmes alimentaires mondiaux, rendant ceux-ci plus durables et respectueux de la nature. ©NESFAS/Alethea Kordor

Des systèmes qui ont fait leurs preuves

Les systèmes alimentaires des peuples autochtones existent depuis des siècles, produisant une remarquable diversité d’aliments sans épuiser les ressources naturelles de base des écosystèmes environnants. Pourquoi? Parce que les peuples autochtones savent que nous ne sommes pas séparés de la nature. Et loin de s’en écarter, ils vivent en harmonie avec la Terre nourricière, en vouant un respect égal aux humains et aux créatures non-humaines.

Ce respect des ressources naturelles et de la biodiversité crée une résilience qui constitue un élément essentiel de leurs systèmes alimentaires. Les mécanismes de solidarité et de réciprocité à l’œuvre dans leur partage de la nourriture, et la riche biodiversité présente sur leurs territoires, sont d’importants filets de sécurité qui préservent les plantes cultivées et entretiennent l’offre de nourriture issue d’espèces sauvages.

Les langues autochtones jouent aussi un rôle indispensable dans la résilience de leurs systèmes alimentaires. Près de 4 000 langues sur les quelque 6 700 langues aujourd’hui parlées dans le monde sont des langues autochtones, riches de termes ayant trait à la production alimentaire et aux pratiques traditionnelles. C’est ainsi que le peuple Baka du Cameroun est réputé pour nommer et connaître plus de 500 végétaux servant à des fins médicinales, matérielles et spirituelles, tandis que la langue du peuple Khasi en Inde possède des termes spécifiques pour définir la qualité du sol. Lorsqu’une langue autochtone commence à se détériorer, il en va de même des connaissances traditionnelles de la communauté, au point que les membres de la communauté en viennent à oublier les noms des végétaux, des herbes et jusqu’aux usages qui les caractérisent.

Ces trésors de connaissances accumulés génération après génération, et une intelligence fine des rapports entre les éléments de l’écosystème, garantissent la protection de leur sécurité alimentaire et de la biodiversité sur leurs territoires ancestraux.

Considérés comme étant parmi les plus durables et les plus résilients de la planète, les systèmes alimentaires des peuples autochtones ont pour enjeu l’avenir de l’alimentation. Ils peuvent en effet jouer un rôle important dans la transformation des systèmes alimentaires, en rendant ceux-ci plus durables et respectueux de la nature. C’est la raison pour laquelle les peuples autochtones ont fait entendre leur voix lors du pré-sommet du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, en demandant que leurs systèmes alimentaires soient considérés comme une solution révolutionnaire.

Aujourd’hui, alors que le monde cherche à rendre nos systèmes alimentaires plus responsables et mieux adaptés aux besoins futurs, les peuples autochtones sont prêts à partager leurs connaissances en matière de durabilité et de résilience, ainsi que leur secret le plus précieux: comment se conformer au rythme de la Terre nourricière. 

Liens utiles

Pour en savoir plus: