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Le frikeh: un plat ancestral au goût d’avenir pour les femmes des campagnes libanaises


Dans la vallée de la Bekaa, le blé vert fait naître des vocations de cheffes d’entreprise

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Les Libanaises récoltent le blé vert puis le grillent pour en faire un plat délicieux appelé frikeh. La réintroduction de cette céréale traditionnelle et nutritive dans l’alimentation leur ouvre aussi de nouvelles perspectives économiques dans une région minée par le chômage. © Association des femmes de Deir al-Ahmar

11/04/2023

Connaissez-vous cette céréale nutritive au parfum particulier, tirée du feu ? Elle est appelée parfois «farik» ou «frik», mais son vrai nom est «frikeh» ou «freekeh», qui vient du mot arabe farak signifiant «frotter».

Norma Kozah Rahmeh et ses deux jumelles, comme les autres cultivatrices de la vallée de la Bekaa, récoltent ce blé dur avant sa pleine maturité. Elles en font des tas qu’elles font sécher au soleil, puis y mettent le feu avec la plus grande précaution de manière que seule la paille et les glumes brûlent.

Grâce à leur taux d'humidité élevé, les jeunes grains résistent au feu et, après avoir été battus énergiquement, les épis libèrent de délicieux grains verts au goût fumé: le frikeh.

Cette céréale, composante ancestrale des cuisines levantines et nord-africaines et encore très utilisée dans de nombreux pays du Bassin méditerranéen, est l’ingrédient parfait pour des pilafs, des woks, des risottos, des soupes, ou simplement mélangé à du poisson, du poulet ou d’autres viandes.

Autrefois le grenier à blé de l’Empire romain, la vallée de la Bekaa voit de nouveau ses champs couverts de ce blé vert transformé ensuite en frikeh, et c'est en partie grâce à un groupe de villageoises qui ont compris l’intérêt nutritionnel, culturel et économique de ces petits grains.

Avec l’aide du Gouvernement canadien, du Ministère libanais de l’agriculture et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, les femmes de Deir el Ahmar ont appris à cultiver, récolter et griller le blé vert pour en faire ce f

Des perspectives nouvelles

L’association des femmes de Deir el Ahmar (WADA) s’est constituée il y a plus d'une vingtaine d'années à un moment où la situation économique de la région devenait critique, avec une forte émigration des jeunes et une faible implication des femmes dans le secteur productif.

WADA voulait améliorer les conditions de vie des femmes et de leurs familles en aidant à créer davantage d’opportunités économiques dans le village.

Et l’association a vu dans le frikeh une belle occasion d’y parvenir. Afin de réintroduire la céréale dans la région, l’association a collaboré avec le Ministère libanais de l’agriculture pour organiser des ateliers destinés aux femmes, au cours desquels elles ont appris la manière traditionnelle de travailler le blé vert et de préparer le plat.

L'association a ensuite mis au point la chaîne de production en plusieurs étapes et, avec l’aide de l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), elle a obtenu le matériel nécessaire pour griller, transformer et conditionner le blé vert.

Année après année, l’association a grandi et s’est employée à améliorer la qualité et la quantité de ses produits, faisant de Deir el Ahmar une destination prisée pour goûter le délicieux frikeh dans des recettes originales, y compris des salades et des desserts.

Pour les femmes de Deir el Ahmar, la réintroduction du frikeh représentait une opportunité économique leur permettant d'améliorer les conditions de vie des familles de leur village. © Association des femmes de Deir el Ahmar

De la fourche à la fourchette

Après avoir participé à un atelier au local de l’association, Norma Kozah Rahmen et ses filles, scolarisées dans un lycée technique et qui l’aident pendant leur temps libre, font pousser du frikeh pour la première fois dans leur jardin.

«Je sais maintenant que cette céréale est très intéressante sur le plan économique et nutritif... Cette année, j’en cultive moi-même sur mon terrain afin de produire du frikeh pour ma famille et pour vendre le reste, car la demande est forte actuellement», explique Norma.

WADA fait partie des 255 groupes de femmes qui bénéficient d’un projet de la FAO financé par le Gouvernement canadien pour soutenir des coopératives, des associations et des groupes informels de femmes du secteur agroalimentaire au Liban. Dans le cadre des écoles de gestion coopérative de la FAO, les membres de l’association reçoivent des formations dans différents domaines, notamment le commerce, le marketing, la communication et l’égalité des genres.

Grâce au projet, beaucoup d’habitantes de Deir el Ahmar créent leur entreprise et participent activement à l’association. Il a permis également d’installer une serre moderne à proximité du local de l’association, où les femmes peuvent faire sécher le frikeh et d'autres types de fruits et légumes.

«Avant la construction [de la serre], nous devions louer un lieu ou un garage pour faire sécher et griller le frikeh. Mais avec l’aide de la FAO, tout le processus est devenu beaucoup plus simple», se réjouit Mona Imad, membre de WADA.

Dans les campagnes libanaises, les femmes autrefois souvent cantonnées à des travaux domestiques non rémunérés non seulement cultivent aujourd’hui leur propre blé, mais elles le transforment, le cuisinent et le vendent dans les installations de l’association. Celle-ci espère augmenter le volume de frikeh produit tout en améliorant sa qualité, son niveau de sécurité sanitaire et ses possibilités de commercialisation.

«Ce travail me permet de payer les frais de scolarité de ma fille et d'acheter des médicaments. J’encourage toutes les femmes à cultiver du blé sur leur terrain», ajoute Norma Kozah Rahmen, qui a aussi appris à cuisiner et vendre des confitures, des pickles, du boulgour et le kichk, une préparation laitière traditionnelle, pour nourrir sa famille toute l’année.

«C’est comme ça que nous pouvons faire face à la crise économique et aux hivers rigoureux, quand la neige coupe les routes. Notre travail quotidien nous permet d'améliorer notre situation économique et d’assurer notre sécurité alimentaire», souligne-t-elle.

Alors qu’au Liban les femmes représentent 43 pour cent de la main‑d’œuvre agricole, leur rôle important dans l’agriculture nationale est encore peu reconnu.

La FAO s’emploie à sensibiliser à l’égalité des genres et à renforcer les capacités des communautés rurales et des organisations d'agriculteurs.

Financé par le Gouvernement canadien, le projet d’appui aux coopératives et associations de femmes dans le secteur agroalimentaire au Liban (Support to Women’s cooperatives and associations in the agrifood sector of Lebanon) vise à autonomiser les femmes des zones rurales au Liban et à améliorer leurs moyens d’existence grâce à des activités de renforcement des capacités, des aides financières et du travail contre rémunération.

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