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Eaux souterraines: rendre visible l’invisible


Lutter contre l’épuisement et la pollution des nappes phréatiques pour assurer la sécurité alimentaire

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L’apport économique mondial des eaux souterraines à l’agriculture est estimé à environ 230 milliards d’USD par an. ©FAO/Essam Alkamaly

22/03/2022

L’eau, élément essentiel à la vie, est souvent tenue pour acquise. Et cela est encore plus vrai lorsque cet or liquide est caché sous terre. Mais comme toutes les ressources naturelles, l’eau douce est en quantité finie, et nos modes de vie et d’agriculture en compromettent gravement les disponibilités.

Les eaux souterraines ont permis à des millions de personnes de s’extraire de la pauvreté depuis que les technologies de forage et les sources d’énergie servant au pompage de l’eau sont devenues largement accessibles aux agriculteurs durant la seconde moitié du XXe siècle. La contribution des eaux souterraines à l’économie agricole est à présent estimée à près de 230 milliards d’USD par an dans le monde.

L’augmentation projetée de la demande de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et de biocarburants étant de 50 pour cent à l’horizon 2050 par rapport aux chiffres de 2012, la baisse de niveau des nappes phréatiques, si rien n’est fait pour l’interrompre, risque de compromettre la sécurité alimentaire, l’approvisionnement de base en eau et la résilience face à la crise climatique à l’échelle mondiale. Comme bien souvent, ce sont les populations les plus pauvres et les plus marginalisées qui risquent d’en subir le plus lourd préjudice.

Environ 70 pour cent des prélèvements d’eaux souterraines dans le monde sont destinés aux cultures vivrières et industrielles et à l’élevage. Le secteur agricole doit agir pour trouver des solutions aux problèmes que pose cette utilisation des eaux souterraines. À gauche/En haut: ©FAO/Michael Tewelde. À droite/En bas: ©FAO/Fahad Kaizer

Les eaux souterraines, une ressource à laquelle nous devons beaucoup 

La révolution verte accomplie par l’Inde dans les années 1960, qui a mis fin à des siècles de famines et a joué un rôle déterminant pour sortir le pays de la pauvreté, doit beaucoup à l’abondance des eaux présentes sous la surface du territoire.

L’Inde est aujourd’hui l’une des plus grandes consommatrices d’eau souterraine au monde, cette ressource précieuse alimentant 60 pour cent environ des superficies de cultures irriguées dans le pays. Sans elle, les populations de l’Inde et de nombreux autres pays du monde éprouveraient des difficultés à se nourrir. En Amérique du Nord et en Asie du Sud, par exemple, ce sont 59 et 57 pour cent respectivement des terres dotées d’équipements d’irrigation qui sont alimentées par les eaux souterraines. 

Mais ces acquis ont un coût. En Inde, afin de permettre à une population en croissance rapide d’avoir accès à des aliments abordables, les collectivités territoriales ont offert aux agriculteurs de l’électricité bon marché, voire gratuite dans certains endroits, pour faire fonctionner leurs pompes hydrauliques. Cela a entraîné un dangereux effondrement du niveau des nappes phréatiques dans certaines régions du pays, ce qui a conduit les autorités à revenir sur ces politiques. 

Le cas du Pakistan voisin est similaire: quatrième utilisateur mondial d’eaux souterraines, le pays a vu des décennies de surexploitation l’amener au bord d’une grave crise des eaux souterraines, alors même que son bassin de l’Indus contient au moins quatre-vingts fois le volume d’eau douce des trois plus grands barrages du pays.

En l’espace de 60 ans, le Pakistan, pays à l’origine tributaire de ses eaux de surface, est devenu tributaire de ses eaux souterraines et, après avoir bénéficié d’un excédent d’eaux souterraines, connaît aujourd’hui un important déficit d’eaux souterraines. 

Une préoccupation mondiale

La raréfaction de cet or liquide est mondiale: on dispose de preuves irréfutables que de nombreux aquifères dans le monde entier sont soumis à un niveau d’exploitation non viable. Qui plus est, l’utilisation inconsidérée d’engrais et de pesticides est la cause principale de pollution anthropique des nappes souterraines.

Environ 70 pour cent des prélèvements d’eau souterraine dans le monde sont destinés aux cultures vivrières et industrielles et à l’élevage, tandis qu’environ 30 pour cent de toute l’eau d’irrigation dans le monde provient du sous-sol. On comprend donc que le secteur agricole doit avoir un rôle de premier plan dans les solutions à apporter à ce problème.

Il est possible d’accroître la productivité de l’eau dans l’agriculture en réduisant les pertes d’eau par la modernisation des systèmes d’irrigation et la surveillance permanente des nappes phréatiques. ©FAO/Michael Tewelde

Que peut-on faire? 

Un autre problème tient aux solutions traditionnellement mises en œuvre pour le stockage de l’eau, qui consistent généralement en la construction de grands barrages hydrauliques. Non seulement ces barrages ont un impact environnemental majeur, mais leur aménagement peut aussi causer des problèmes d’ordre social, notamment lorsqu’il impose le déplacement de collectivités entières. La FAO recommande aux pays d’envisager une plus large gamme de solutions naturelles pour la gestion de leurs réserves d’eau, par exemple en donnant une plus grande importance aux réservoirs naturels, auxquels peut être conjugué le stockage des eaux de surface dans les plaines d’inondation, les zones humides et les rivières aux méandres naturels.

La surveillance permanente de la consommation d’eau souterraine, en particulier dans les zones irriguées alimentées par des aquifères non renouvelables, est également indispensable pour garantir une utilisation durable de ces ressources. La FAO vient en aide aux gouvernements et à d’autres parties prenantes en mettant à leur disposition des outils, notamment pour l’irrigation de précision ou la collecte et le stockage des eaux, ainsi que des technologies satellitaires, grâce auxquelles il est possible d’estimer à moindre coût la consommation et les prélèvements d’eau souterraine en mesurant quasiment en temps réel le niveau effectif de ce qu’on appelle l’«évapotranspiration», c’est-à-dire la somme de toutes les formes d’évaporation de l’eau et de transpiration des végétaux. Le portail WaPOR de la FAO fournit actuellement ces données en accès libre pour l’ensemble de l’Afrique et du Proche-Orient.

Il est urgent de rendre l’agriculture plus efficace. La productivité de l’eau dans l’agriculture peut être améliorée en réduisant les pertes d’eau grâce à la modernisation des systèmes d’irrigation et à une meilleure gestion de l’eau et en augmentant la productivité des cultures par l’utilisation de variétés à plus haut rendement et plus nutritives.

La FAO, en collaboration avec ONU-Eau et d’autres partenaires, a profité de la Journée mondiale de l’eau, pour sensibiliser le public à l’importance des ressources en eaux souterraines pour la production alimentaire et la sécurité alimentaire, en présentant à cette occasion le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, qui était axé sur les eaux souterraines.

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