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Le mil, de l’oubli à la redécouverte


En Inde, les banques de semences communautaires contribuent à la diversification des cultures et, ainsi, ravivent la biodiversité et améliorent la nutrition

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Le mil pousse très bien au Bihar, État du nord-est de l'Inde, mais les paysans ont arrêté de le cultiver et ne disposent plus de graines. L’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) finance un projet qui a permis de relancer la culture du mil et d’autres plantes vivrières grâce aux banques de semences communautaires et à des essais menés dans les exploitations. ©FAO/Pankaj Paul

14/04/2023

Encore une fois, il n’a pas suffisamment plu pendant la saison des moussons au Bihar, État situé au nord-est de l'Inde. Les puits sont à sec et Pudi Soren, qui a 27 ans, doit aller jusqu’aux rives du fleuve pour pouvoir cultiver le riz et les pois chiches qui, pendant les mois d’hiver, fournissent les calories nécessaires et des moyens de subsistance.

Il existe pourtant un type de mil que Pudi peut semer près de son foyer: l’éleusine. Riche en protéines, celle-ci n’est pas gourmande en eau et n’a besoin que de très peu d’engrais.

«Nous avons oublié certaines cultures», remarque Pudi. «Quand j’étais petite, je voyais encore des champs d’éleusine, mais les gens ont depuis longtemps arrêté de la cultiver.»

Ces 20 dernières années, les communautés des États situés au centre et à l’est de l’Inde ont pour une bonne part abandonné la culture des graines oléagineuses, des légumes secs et des céréales à petits grains comme le mil. C’est une tendance générale, due à diverses pressions, qui a conduit à la perte des graines et des connaissances nécessaires pour les faire pousser. Ce recul a contribué à une malnutrition grave et à un appauvrissement de la diversité génétique dans les régions concernées.

Pudi a récemment recommencé à cultiver ces plantes vivrières, à partir de semences reçues dans le cadre d’un projet du Fonds pour le partage des avantages administré par le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (le Traité international) de la FAO et mis en œuvre par Public Advocacy Initiatives for Rights and Values in India, une organisation à but non lucratif.

«Mon mari et moi avons une petite parcelle, mais nous n’y faisions pas pousser grand-chose, car nous manquions des ressources nécessaires», remarque Pudi. «Il y a trois ans, on nous a donné des semences dans le cadre du projet et nous avons été encouragés à les semer. Maintenant, je suis fière d'être paysanne.»

Le Fonds pour le partage des avantages est une composante du Traité international de la FAO, qui permet d’aider les agriculteurs des pays en développement à sauvegarder et utiliser la diversité phytogénétique pour assurer la sécurité alimentaire et à faire face au changement climatique. En Inde, le projet s’emploie à renforcer la résilience des pratiques agricoles, à améliorer la nutrition et à soutenir les moyens de subsistance grâce à la réintroduction des graines oléagineuses, des légumes secs et des céréales à petits grains, ainsi qu’à un accès facilité des agriculteurs à ces cultures.

Pudi apprécie particulièrement les avantages que l’éleusine lui apporte. «Nous pouvons cultiver l’éleusine lorsque les rizières sont en jachère ou pendant l’été», remarque-t-elle. «En plus, nous n’avons pas besoin d’engrais, de la bouse de vache suffit. C’est aussi une bonne source de protéines pour notre alimentation et mes enfants aiment les biscuits que je fais avec sa farine.»

Les banques de semences communautaires facilitent l’échange et la conservation des variétés de plantes cultivées locales. En Inde, dans les zones tribales, les graines sont traditionnellement conservées dans des pots en terre cuite. ©FAO/Pankaj Paul

Les banques de semences communautaires

Dans la région où vit Pudi, les paysans ont pour habitude de ne récolter qu’un seul type de culture pendant la saison des moussons. Avec le lancement de cinq banques de semences communautaires, le projet a contribué à la diversification des espèces cultivées localement.

«Nous prenons des graines d’éleusine, d’amarante, de lentilles, de moutarde et de pois cajan à la banque de semences communautaire qui se trouve près de chez nous», explique Pudi. «Après la récolte, nous y rapportons des graines. De nombreuses personnes ont commencé à s’intéresser à divers types de cultures après nous avoir vu agir ainsi et, dans notre village, il y a de plus en plus de parcelles dans lesquelles des gens font pousser des légumes secs, des oléagineux et de l’éleusine.»

La banque de semences communautaire est essentielle pour que les paysans aient rapidement accès aux graines sans avoir à entreprendre un long voyage. Elle sert aussi de centre de formation et de lieu de réunion pour que les agriculteurs puissent collaborer avec des scientifiques des universités d’agronomie des environs. Les paysans apprennent à faire pousser leurs cultures de manière durable et à conserver des graines pour la saison suivante. Ils participent aussi à des essais visant à sélectionner les semences qui correspondent le mieux à leurs besoins et à leurs préférences.

L’obtention de graines auprès des banques de semences et la culture de variétés oubliées permettent aussi de mettre de l’argent de côté. «Avant, nous achetions de l’huile, de la farine et des légumes secs au marché. Ça nous coûtait entre 500 et 600 roupies tous les mois», explique Pudi. «Depuis que nous nous sommes lancés dans ces cultures, nos dépenses ont baissé et je consacre l’argent ainsi économisé à l’éducation de mes enfants.»

Depuis qu’elle participe au projet du Fonds pour le partage des avantages, Pudi a diversifié ses cultures avec de nouvelles variétés de mil, de pois chiches, de moutarde et de lentilles. Elle a ainsi toujours quelque chose à récolter et elle peut préparer des repas nourrissants pour sa famille. ©FAO/Pankaj Paul

«Nous avons des problèmes propres aux petits paysans. Il pleut de moins en moins. Et quand, comme cette année, la pluie se fait rare, l’irrigation est chère. Heureusement, l’éleusine peut pousser avec moins d’eau», remarque Pudi, en décrivant comment le changement climatique a eu des effets sur ses activités agricoles.

Ce que je cultive correspond aux besoins de ma famille, mais plus tard, je veux vendre les excédents au marché... J’espère que des projets comme celui auquel je participe dans le cadre du Fonds pour le partage des avantages continueront à soutenir les paysans de mon village et du monde entier.»

À ce jour, le projet a permis de relancer la culture et la conservation in situ de 94 variétés de 42 plantes vivrières. L’ambition est que 1 250 agriculteurs des communautés rurales des États situés au centre et à l'est de l’Inde participent au projet et que ce soient principalement des femmes: 250 recevront des graines issues des cinq banques de semences créées dans le cadre du projet et 1 000 autres auront la possibilité de renforcer leurs capacités techniques grâce à l’organisation d’ateliers, de stages pratiques et de visites, à l’échange de connaissances et à des documents d’information.

Pudi continue à promouvoir la sauvegarde et le partage des semences qui, comme celles de l’éleusine, pourraient être oubliées alors qu’elles sont d’une importance mondiale. En septembre 2022, elle a pris la parole à l’occasion de la réunion de l’organe directeur du Traité international, à laquelle ont participé 150 pays et plus de 400 personnes. Elle a raconté son expérience et a souligné qu’il était important de relancer l’utilisation des semences oubliées et d’avoir accès aux cultures qui poussent bien au niveau local. Le soutien offert grâce au Fonds fiduciaire pour le partage des avantages est fondamental si l’on veut disposer de moyens de subsistance résilients et prospères.

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