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Protéger la biodiversité au Chili dans le contexte de la pandémie


María Cristina protège des arbres préhistoriques menacés parce que nous avons besoin d’écosystèmes en bonne santé pour rester en bonne santé

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Le keule, un arbre préhistorique à feuillage persistant endémique du Chili, est aujourd’hui gravement menacé d’extinction en raison des activités humaines telles que l’exploitation forestière sans discernement et les feux de forêt d’origine anthropique. ©FAO

30/09/2020

Il s’agit d’une espèce imposante qui peut mesurer de 15 à 30 mètres de haut. Elle peut vivre pendant des siècles et existe depuis 100 millions d’années. Elle a traversé différentes périodes glaciaires et de grandes évolutions géologiques et connu l’extinction des dinosaures et plus d’une pandémie.

Toutefois, le keule, cet arbre à feuillage persistant endémique du Chili dont le nom scientifique est Gomortega keule, est aujourd’hui gravement menacé d’extinction en raison des activités humaines. L’exploitation sans discernement des forêts et de nombreux feux de forêt ont décimé des centaines d’arbres centenaires dans plusieurs régions du sud du Chili. Aujourd’hui, on estime qu’il n’en reste que 4 000 dans tout le pays.

Toutefois, il est possible d’agir pour éloigner la menace de l’extinction. 

María Cristina Ortega a commencé ses travaux de protection de ces arbres dans le cadre d’une initiative de conservation des espèces menacées d’extinction financée par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et mise en œuvre par la FAO en partenariat avec la Société nationale chilienne des forêts et le Ministère chilien de l’environnement.

Elle travaille dans une pépinière qui se trouve au Centre des semences, de la génétique et de l’entomologie, dans la ville de Chillán. Malgré la pandémie mondiale de covid-19, María Cristina a continué de s’occuper des jeunes plants de keule. Comme elle est mère d’un enfant qui souffre d’une maladie chronique, elle a dû être extrêmement vigilante pendant la pandémie, mais elle sait que son travail est important pour la survie de cette espèce: «Il m’est impossible de travailler de chez moi. Ces arbres sont des trésors vivants, donc nous sommes obligés de venir. J’ai les autorisations nécessaires et je prends toutes les précautions pour me protéger et protéger les autres», affirme-t-elle.

«Nous venons chacun à notre tour. Pour ma part, je viens trois fois par semaine pour prendre la température de l’air, arroser les jeunes plants et vérifier s’il n’y a pas de mauvaises herbes et éventuellement des organismes nuisibles ou des champignons. Il ne faut rien négliger». 

Bien que la situation actuelle soit compliquée, elle aime son travail. «Je suis très heureuse de pouvoir continuer à travailler malgré le coronavirus. Ce travail n’est pas qu’un moyen de gagner ma vie, il m’apporte beaucoup de satisfaction. Ces arbres sont comme des enfants pour moi. Je fais en sorte qu’ils ne souffrent pas de la chaleur et je protège les plus jeunes pousses des oiseaux. Je considère ces arbres comme mes bébés.»

María Cristina a continué de s’occuper des jeunes plants malgré la pandémie, afin de contribuer au repeuplement de cette espèce d’arbre en danger. ©FAO

Dans la pépinière où travaille María Cristina, il y a actuellement 107 jeunes plants répartis dans deux serres.

Malheureusement, le keule ne se propage pas facilement. De fait, il s’agit de l’espèce endémique du Chili qui germe le plus lentement. 

Selon Maria Cristina, «il faut en général près d’un an pour que les graines de keule sortent de terre».

Dans la pépinière de Chillán, on teste actuellement des techniques de micropropagation, ainsi que de nouvelles techniques pour déterminer la façon la plus efficace de reproduire cette espèce arboricole. 

Dans le cadre du projet, il était aussi initialement prévu de planter de nouvelles graines de keule dans la Cordillère de Nahuelbuta, une importante chaîne de montagnes côtière où, en général, le keule pousse bien. Toutefois, en raison de l’apparition de la covid-19, cela n’a pas été possible.

La tradition rencontre la durabilité

Le keule est non seulement important du point de vue de la biodiversité locale, mais il joue aussi un rôle dans la culture alimentaire locale. Il produit un petit fruit sucré jaune à forte valeur nutritionnelle et riche en antioxydants. Traditionnellement, les populations locales utilisaient les fruits pour faire des confitures, des alcools et des conserves et les Mapuches, une communauté autochtone, utilisaient les fruits et les feuilles à des fins médicinales. Pourtant, en raison de la menace d’extinction qui pèse, ces communautés ont été dissuadées d’utiliser le keule. Les autorités et des ONG étudient actuellement la possibilité de créer des exploitations de keule qui seraient utilisées uniquement par les communautés locales et indigènes, afin que les usages médicinaux et culinaires perdurent de façon plus durable.

Cet arbre autochtone n’est qu’une composante de la biodiversité locale et de l’écosystème dans son ensemble, qui est en danger. Le keule est par exemple essentiel à la survie de petits animaux qui se nourrissent de ses fruits. Si ces pratiques non durables perdurent, les végétaux, les animaux et même les systèmes alimentaires des humains, qui font tous partie du même environnement, pourraient en subir les conséquences.

L’équipe de l’initiative de conservation des espèces menacées d’extinction collabore également avec les communautés locales qui réalisent le dénombrement des keules, dont la survie dépend de cet important travail de surveillance. ©FAO

Sensibiliser et aider les communautés à s’engager 

La plupart des chiliens ne connaissent pas l’importance de cette espèce irremplaçable. María Cristina elle-même n’en avait pas conscience avant de rejoindre le projet financé par le FEM: «Je ne connaissais pas cette espèce avant d’intégrer le projet. C’est un arbre vraiment merveilleux.»

L’initiative de conservation des espèces menacées d’extinction s’efforce de sensibiliser les communautés locales et de faire en sorte que celles-ci s’engagent à conserver la biodiversité au sein de leurs systèmes agricoles productifs. Pour y parvenir, la FAO et le Ministère de l’environnement promeuvent les bonnes pratiques forestières, le tourisme et l’éducation environnementale, afin de sensibiliser à l’importance des espèces endémiques pour l’écosystème. Des initiatives gouvernementales y ont aussi contribué. En 1995, on a octroyé à l’arbre le statut de trésor national, afin qu’il puisse être protégé par la loi, et en 2005, le Chili a créé la réserve nationale du keule.

Le symbole d’un écosystème en bonne santé

La situation du keule est critique. Dans le contexte de la pandémie, certains éléments du projet vont devoir attendre, mais pour certains des «bébés» de María Cristina, cela n’est pas possible. Ils demandent du temps, des soins et de l’affection, ce que María Cristina est arrivée à leur donner malgré les restrictions actuelles: «C’est une période compliquée pour tout le monde, mais nous devons être patients, comme la nature.»

L’avenir que nous voulons et l’avenir dont nous avons besoin dépendent de la conservation de la biodiversité de la Terre, à commencer par les espèces autochtones comme le keule. Environ un tiers des emplois dans les pays en développement dépendent directement de la biodiversité et des services écosystémiques. Il est essentiel de lutter contre la perte de biodiversité pour éradiquer la pauvreté, créer des emplois pérennes et favoriser le développement économique.

L’alimentation, la santé et le bien-être physique et mental de tous sont tributaires d’une planète en bonne santé. La dégradation des écosystèmes est une menace qui pèse sur nous tous. Le partenariat FAO-FEM aide les pays à faire en sorte que les projets qui promeuvent l’agriculture soient également respectueux de l’environnement, un objectif qui est au cœur des activités de la FAO et du FEM et est absolument vital pour notre avenir.

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