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Les sols devraient aussi avoir des droits.


Véritable pionnier de la recherche sur les sols et de l’agriculture de conservation, Dr. Rattan Lal a montré la voie à suivre dans l’un des principaux domaines de travail de la FAO.

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Dr. Lal a jeté les bases de l’agriculture de conservation, une approche qui peut contribuer à restaurer les sols de la planète, à piéger le carbone et à lutter contre l’insécurité alimentaire. ©Ohio State University/K. Chamberlain

01/12/2020

Ayant grandi dans une petite ferme en Inde, Rattan Lal a connu nombre des difficultés auxquelles les petits exploitants agricoles d’aujourd’hui font face. Sa famille n’avait ni eau courante ni électricité, mais il précise: «nous n’en avons jamais pâti, car tout le monde vivait dans les mêmes conditions».

Son père, qui était agriculteur, se heurtait à des problèmes d’irrigation et de salinité du sol, ce à quoi il était possible de remédier en améliorant le drainage des terres, comme Dr. Lal le comprendrait plus tard. En effet, ce n’est qu’après des années d’études que ce dernier a commencé à saisir et à enseigner au monde le rôle fondamental du sol.

Un prix Nobel de la paix* et un Prix mondial de l’alimentation plus tard, Dr. Lal a changé notre façon de voir la gestion durable des sols et ouvert la voie à ce que nous appelons maintenant l’agriculture de conservation, c’est-à-dire une approche qui peut jouer un rôle considérable dans la restauration des sols négligés à travers le monde, le piégeage du carbone et la lutte contre l’insécurité alimentaire.

L’agriculture de conservation consiste essentiellement à réduire au minimum les perturbations du sol (en limitant le labourage), à maintenir une couverture permanente des sols et à diversifier la production agricole, autant d’éléments qui peuvent contribuer à accroître la biodiversité, réduire l’utilisation de l’eau et améliorer la santé des sols.

L’agriculture de conservation joue un rôle important dans le soutien que la FAO apporte aux petits exploitants agricoles en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Les avantages de cette approche sont nombreux puisqu’elle permet d’augmenter les rendements et de réduire les coûts des agriculteurs, mais aussi d’assainir les sols et de mieux piéger le carbone. Depuis qu’il a pris conscience de tous ces bienfaits, Dr. Lal s’est donné pour mission de mieux faire connaître cette technique.

Un rôle de pionnier

Dans les années 1970, lorsqu’il travaillait pour l’Institut international d’agriculture tropicale au Nigéria, Dr. Lal a constaté qu’en supprimant les pratiques de labourage et en recouvrant simplement le sol de résidus de culture, il était capable de produire cinq tonnes de maïs par hectare chaque saison, tandis que les agriculteurs locaux ne pouvaient en produire qu’une tonne. Pourtant, curieusement, ceux-ci ne voulaient rien savoir de l’agriculture de conservation.

Aux yeux de Dr. Lal, ce rejet s’expliquait par une méfiance à l’égard de l’agriculture sans labour. Plus de quarante ans plus tard, la FAO et d’autres organisations telles que le Réseau africain de conservation du sol œuvrent, avec beaucoup plus de réussite, à la diffusion de ces pratiques en Afrique.

Par exemple, dans le cadre du projet sur le renforcement de la coordination, de l’adoption et de la gouvernance de l’agriculture de conservation en Afrique australe, la FAO amène de plus en plus d’agriculteurs à se tourner vers cette approche.

Étant donné que cette région se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète, il est urgent de renforcer les systèmes alimentaires et d’accroître la résilience des agriculteurs, dont beaucoup pratiquent une agriculture à petite échelle ou une agriculture de subsistance. Pour y parvenir, le projet favorise la collaboration entre les gouvernements, les ONG et les organismes de développement, ce qui signifie que la FAO et ses partenaires sont mieux à même de rassembler les connaissances et les pratiques optimales en matière d’agriculture de conservation et de les diffuser auprès des agriculteurs.

Un exemple récent d’une telle collaboration nous vient du Zimbabwe, où la FAO et l’ONG «Foundations for Farming» ont soutenu le gouvernement dans son objectif ambitieux de former 1,8 million de paysans à l’agriculture de conservation.

«Je ne vois pas pourquoi l’Afrique ne pourrait pas devenir le grenier du monde», déclare Dr. Lal.

L’agriculture de conservation consiste à laisser les résidus de culture sur les champs, ce qui créé une couverture organique qui restitue les nutriments au sol. Selon Dr. Lal, «les gens sont à l’image du sol sur lequel ils vivent». Notre santé dépend de c

Restaurer les sols négligés

Pendant de nombreuses années, les sols ont été négligés: la monoculture et la mauvaise utilisation des produits chimiques ont détruit les nutriments essentiels et les microbes présents dans les sols sains. Pour contrer cette tendance, Rattan Lal insiste sur le fait que les agriculteurs doivent commencer par gérer la fertilité des sols à l’aide de la matière organique.

«Les agriculteurs ne restituent pas ce qu’ils prélèvent, si bien que les sols se détériorent. Les gens sont à l’image du sol sur lequel ils vivent: leur santé s’en ressent également.»

En ce qui concerne l’utilisation des terres, Dr. Lal affirme que nous avons plus de ressources qu’il n’en faut, mais que nous ne les utilisons pas correctement.

«Produire et gaspiller toujours plus est un crime contre la nature. La philosophie idéale consiste à produire davantage avec moins: moins de terre, moins d’eau, moins d’engrais, moins de pesticides, moins d’émissions de gaz à effet de serre, moins de gaspillage.»

Bien qu’il admette que le sol et l’agriculture de conservation ne suffisent pas à eux seuls à compenser les émissions de gaz à effet de serre, il estime que «la restauration du carbone dans le sol et les arbres est la mesure la plus facile à mettre en place, avec de nombreux avantages à la clé dans des domaines fondamentaux: sécurité alimentaire et nutritionnelle, amélioration de la qualité de l’eau et accroissement de la biodiversité».

«Si nous employons des pratiques scientifiques, supprimons les labours et pratiquons la culture de couverture et l’agriculture de conservation, l’agriculture ne peut que contribuer à la lutte contre le changement climatique», déclare Dr. Lal.

Le sol abrite 25 pour cent de toute la biodiversité. C’est une matière vivante qui doit être respectée et protégée. ©Conservation Farming Unit

Un optimisme à toute épreuve

En fin de compte, Rattan Lal estime que le rôle du sol est bien trop fondamental pour être négligé.

«Le sol est une matière vivante: on y trouve 25 pour cent de toute la biodiversité», explique-t-il. «Et comme tout être vivant, le sol devrait aussi avoir le droit d’être protégé, restauré et géré comme il se doit».

Dr. Lal est incroyablement optimiste: il est heureux de constater que les sols sont de plus en plus valorisés et loue les efforts qui sont déployés à l’échelle internationale pour lutter contre le changement climatique.

«La FAO et d’autres organisations sont désormais conscientes de l’importance des sols: la récompense que j’ai reçue récemment [Prix mondial de l’alimentation] en témoigne amplement.»

Face à l’accélération du changement climatique dans de nombreuses régions du monde, la FAO encourage l’adoption de systèmes de production plus résilients et plus efficaces, tels que l’agriculture de conservation. Si l’on veut que les petits exploitants du monde entier parviennent à assurer leur sécurité alimentaire, les sols doivent jouer un rôle essentiel. C’est pourquoi la FAO œuvre en faveur de la gestion durable des sols au moyen d’initiatives telles que le Partenariat mondial sur les sols et célèbre, le 5 décembre de chaque année, la Journée mondiale des sols, afin de sensibiliser à l’importance des ressources en sols.

* Le Dr Rattan Lal a reçu un certificat du prix Nobel de la paix pour ses contributions au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), le co-lauréat du prix Nobel de la paix en 2007.

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