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À la découverte des traditions, communautés et paysages marocains qui se cachent derrière l’arganier et son huile


Pleins feux sur l’arganier, cet arbre au cœur d’un patrimoine culturel remarquable

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La zone d’Ait Souab-Ait Mansour, au Maroc, abrite un système à base d’arganiers, unique en son genre et riche en biodiversité, qui procure des moyens d’existence et des possibilités agricoles aux populations locales. ©Argan Oil Presidium project /Oliver Migliore

10/05/2021

À quelques encablures au sud de la ville animée d’Agadir, au Maroc, se trouve une région rurale du nom de Chtouka-Ait Baha. Bien qu’elle soit située à proximité de plusieurs sites touristiques marocains, ses paysages montagneux et désertiques nous plongent dans un monde à des années-lumière des rues colorées et de l’effervescence des villes du pays. Cette région relativement isolée recèle toutefois un incroyable trésor national: l’arganier. Non seulement cet arbre fournit-il l’un des produits d’exportation les plus précieux du Maroc, l’huile d’argan, mais il est également endémique de la région et ne pousse naturellement qu’au Maroc et dans ses environs.  

Résistants à la sécheresse et à la chaleur, les arganiers sont cultivés depuis des siècles dans la zone d’Ait Souab-Ait Mansour, située dans la région de Chtouka-Ait Baha. Ils peuvent supporter des températures allant jusqu’à 50 °C et jouent un rôle irremplaçable dans la vie des communautés de la région. Les populations qui vivent sur ces terres arides et semi‑arides ont créé un système de production exceptionnel qui repose sur la culture de l’arganier. Ces communautés locales fabriquent de l’huile et d’autres produits à partir des arganiers, cultivent les terres tout autour des arbres et élèvent des chèvres, qui aiment grimper dans les branches de ces arbres de petite taille pour se nourrir de leurs fruits. Du fait de cette triple vocation, combinant la culture des terres (agriculture), l’exploitation des arbres (sylviculture) et l’élevage de chèvres (pastoralisme), on parle ici d’un système «agro‑sylvo-pastoral». 

En 2018, la FAO a accordé au système mis en place dans la zone d’Ait Souab-Ait Mansour la désignation de Système ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM) afin de souligner combien les pratiques agricoles singulières et résilientes des communautés de la région constituent un élément précieux du patrimoine culturel, qui a permis de préserver un paysage et une biodiversité hors du commun. Le système agro-sylvo-pastoral fondé sur l’arganier ne constitue qu’un seul exemple parmi les 62 sites innovants reconnus par le programme SIPAM.

À gauche/en haut: Des chèvres escaladent des arganiers, ces arbres de petite taille dont elles apprécient les feuilles, les fruits et les noix! ©Nadiia Zamedianska/shutterstock.com. À droite/en bas: La fabrication d’huile d’argan est une importante source

Quels sont les différents usages de l’arganier?

L’huile d’argan est le principal produit obtenu à partir de l’arganier et peut-être le plus connu à l’échelle mondiale. Fabriquée à partir de la noix du fruit de l’arganier, elle peut avoir à la fois un usage alimentaire, comme l’huile d’olive, et un usage cosmétique, grâce à ses vertus nourrissantes pour la peau et les cheveux. L’extraction de l’huile est un travail de longue haleine. Ainsi, il faut 50 kg de fruits pour produire un demi-litre d’huile à peine, ce qui permet de comprendre pourquoi son prix est généralement beaucoup plus élevé que celui de l’huile d’olive. Depuis les années 1990, époque à laquelle le grand public a commencé à découvrir les propriétés alimentaires, cosmétiques et thérapeutiques de l’huile d’argan, ce trésor qui était resté enfoui au fin fond du Maroc est l’objet d’un véritable engouement sur le marché international.

Les produits à base d’argan constituent une source essentielle de revenus pour les communautés de la région. Depuis des siècles, l’huile d’argan est préparée à la maison, selon les recettes familiales, par des femmes rurales qui vivent près des arganeraies. Les femmes brisent la coque dure du noyau à l’aide d’une pierre, puis en retirent l’amande et la broient, avant d’ajouter de l’eau tiède pour faciliter l’extraction de l’huile. La fabrication de l’huile d’argan constitue également une occasion pour les femmes de passer du temps ensemble. 

L’arganier donne également du bois et du charbon de bois d’excellente qualité, qui sont très recherchés dans toute la région et qui servent depuis longtemps à approvisionner la plupart des grandes villes marocaines.

Un réservoir de biodiversité

La région est un point névralgique de la biodiversité, où l’on fait pousser les arganiers aux côtés de plus d’une cinquantaine d’espèces végétales cultivées, déclinées en 102 variétés locales, toutes endémiques de la région, et de 16 races locales de bovins, d’ovins, de caprins, de camélidés, d’équidés, de volailles et d’abeilles. La subsistance des communautés locales est étroitement liée à cette biodiversité, qui procure de la nourriture, du fourrage, des semences et des revenus. L’arganier est le pilier de ce système agricole traditionnel puisqu’il joue un rôle déterminant dans la stabilité écologique de la région et constitue la principale source de revenus des agriculteurs. Toutefois, le système intégré procure également aux communautés d’autres aliments et produits, notamment des cultures de base, des céréales, du bois de chauffe, de la viande et de la laine.

Les populations locales ont trouvé des façons ingénieuses de cultiver ces terres arides, pauvres en eau, ce qui leur permet de préserver les ressources en eau et de générer des revenus. ©Abderrahmane Aitlhaj

Des pratiques agricoles ingénieuses

Les populations locales ont mis au point de nombreuses méthodes astucieuses pour exploiter la terre, parmi lesquelles des pratiques agroforestières qui s’adaptent très bien à un environnement aride, où l’eau manque, et à la pauvreté des sols. Par exemple, les terres arables étant peu étendues et la région étant montagneuse, les agriculteurs ont aménagé des zones planes en terrasses pour leurs cultures. Ces terrasses en pierre favorisent la rétention d’eau par les sols et ralentissent l’érosion, ce qui permet de pratiquer une agriculture pluviale.

L’eau est une ressource vitale dans un climat d’une telle aridité, et les agriculteurs locaux ont conçu un système de gestion de l’eau dont la maîtrise se transmet de génération en génération depuis des siècles. Outre les longs canaux construits à flanc de montagne, les agropasteurs ont creusé à même la roche de vastes réservoirs d’eau de pluie, appelés Matifiya. Ces grottes souterraines, qui absorbent et filtrent l’eau provenant du sol, sont si efficaces qu’elles permettent aux populations locales de préserver leurs moyens d’existence même lors de longues périodes de sécheresse.

Ce n’est pas seulement le système de collecte d’eau en lui-même qui est si impressionnant, c’est aussi la façon dont il est géré. La gestion des ressources en eau est en effet assurée par la Jmaa locale. Il s’agit d’un comité des sages, qui est chargé d’organiser les biens collectifs comme l’eau et de résoudre les différends entre les villageois. Les décisions prises par ce comité ne sont jamais contestées, car les Jmaa ont gagné le respect des populations au fil des générations et constituent un élément central de la société.

Journée internationale de l’arganier 

L’Organisation des Nations Unies a proclamé le 10 mai Journée internationale de l’arganier, pour que l’occasion nous soit donnée d’apprécier à leur juste valeur cette ressource précieuse et les communautés locales qui la cultivent et l’exploitent. En cette journée spéciale, nous mettons à l’honneur l’arganier, le site d’Ait Souab-Ait Mansour, classé parmi les Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial, et les communautés traditionnelles du monde entier, dont les techniques agricoles innovantes contribuent à une plus grande résilience face au changement climatique et à une amélioration de la sécurité alimentaire.

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