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Les gardiennes de la réserve forestière vénézuélienne d’Imataca


Des femmes autochtones portent un projet FAO-FEM de conservation des forêts.

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Cecilia Rivas (au milieu) dirige la communauté kali’na et mène un projet de restauration dans la réserve forestière d’Imataca, leur terre natale. ©FAO/Jesús Contreras

06/08/2021

Il est environ cinq heures du matin et la réserve forestière d’Imataca bruisse des voix des femmes kali’na. Ces femmes autochtones vont au fleuve Botanamo, au cœur de la jungle, pour y chercher de l’eau pour la journée. Elles prépareront ensuite du casabe, une sorte de crêpe ronde de manioc, pour accompagner le gibier que d’autres membres de la tribu auront rapporté de la chasse. Après le petit-déjeuner, elles s’affairent à leur tâche principale de la journée, qui consiste à gérer et à conserver la forêt. 

«Je n’ai jamais vu mes sœurs autochtones montrer tant de motivation et d’enthousiasme pour leur travail, se réjouit Cecilia Rivas, «capitaine» du groupe, malgré toutes les difficultés que traverse notre pays, ces femmes prennent l’initiative d’améliorer leur propre communauté». 

Le ou la «capitaine» est le dirigeant élu de la communauté. «Les Kali’nas ont toujours été dirigés par des hommes. Autrefois, nous n’avions pas voix au chapitre ni droit de vote», explique-t-elle. L’élection de Cecilia en 2013 a marqué le début d’une transformation. Dans le cadre de leur projet, qui vise également à améliorer l’égalité des sexes dans le secteur forestier, la FAO et le FEM ont adopté ce nouveau mode de pensée en aidant les femmes kali’na à agir pour valoriser leurs territoires et sauvegarder la biodiversité de la région.

À gauche/en haut: La FAO et le FEM collaborent avec les communautés autochtones pour préserver et gérer durablement la biodiversité des forêts dans lesquelles elles vivent. ©FAO/Jesús Contreras À droite: Imataca abrite un nombre considérable d’espèces sau

Gestion communautaire des forêts

Imataca est une immense forêt tropicale humide présentant une grande diversité, située dans le sud-est du Venezuela. Cette réserve naturelle abrite une biodiversité hors du commun, nichée dans chaque recoin de la forêt. Parmi la végétation luxuriante, on peut observer un grand nombre de mammifères, tels que des jaguars, des tapirs, des biches et des singes hurleurs, mais ce sont les oiseaux qui offrent les spectacles les plus saisissants. C’est là, en effet, que l’imposante harpie féroce, le plus grand oiseau de proie du monde, fait son nid. 

Les Kali’nas vivent en petits groupes de familles élargies au cœur de la réserve forestière. Beaucoup de personnes et d’entreprises n’ont jamais reconnu cette réserve comme étant le territoire des Kali’nas, y abattent des arbres ou y travaillent sans leur autorisation ni le consentement de ceux-ci et en utilisant les ressources sans en faire bénéficier les populations locales. Les entreprises minières sont particulièrement dévastatrices. 

«Étant donné que ces entreprises extérieures à la communauté ne nous aidaient pas, nous avons eu l’idée de lancer notre propre entreprise, explique Cecilia. Les femmes de la communauté se sont ensuite organisées et ont commencé à construire des pépinières pour nos arbres».

Les femmes kali’nas ont ensuite créé leur entreprise, en coordination avec le gouvernement vénézuélien et la FAO. Elles ont choisi de l’appeler Tukupu en hommage à un petit poisson à rayures originaire d’Itamaca qui est malheureusement menacé par les exploitations minières, les abattages non sélectifs d’arbres et les pratiques forestières néfastes.

«Les tukupu étaient nombreux dans le Botanamo, et je parle au passé car, aujourd’hui, ils ne le sont plus, nous n’avons presque plus d’eau, déplore Cecilia. Tout est en train de s’assécher à cause des exploitations minières et des activités irresponsables qui détruisent notre forêt».

Lorsque les Kali’nas ont monté leur entreprise, le gouvernement vénézuélien leur a offert 7 000 hectares de la réserve forestière d’Imataca à co-gérer. Des activités de formation et de remise en état sont désormais organisées sur ces territoires pour restaurer des zones abîmées par l’exploitation minière. Les Kali’nas sont en train d’y construire des centaines de pépinières pour cultiver des plantes qui seront utilisées pour reboiser. L’entreprise améliore également l’état des sols et des rivières pour aider les tupuku à revenir. 

L’octroi de ces terres est l’une des plus grandes réussites de ce projetmais, pour Cecilia, le changement de mentalité au sein de la communauté est encore plus important. «Nous avons prouvé que le peuple kali’na était capable de mener à bien ce projet.» Cecilia estime que cette reconnaissance est essentielle car, pour elle, les Kali’nas sont les «vrais gardiens de la forêt».

Des enfants kali’nas aident à cultiver des plants qui seront utilisés pour reboiser. ©FAO/Jesús Contreras

Le projet aide également les communautés à trouver de nouvelles manières de vivre des ressources de la forêt, non seulement grâce à la commercialisation du bois, mais aussi de produits non ligneux. Les Kali’nas produisent ainsi du miel grâce à l’élevage d’abeilles méliponides et ont créé un marché autochtone à Tumeremo, village du sud du pays, pour vendre leur miel et d’autres produits, comme du manioc et du pain de manioc.

Cecilia est optimiste pour l’avenir. «Notre communauté est très heureuse de ce projet. Si nous continuons comme ça, nous aurons bientôt assez d’argent pour acheter du savon et du sel, et aussi d’autres produits dont nous avons besoin au quotidien. Nous traversons actuellement une période difficile à cause de la pandémie. Aujourd’hui, comme on dit ici, nous “mangeons les fruits verts”, mais bientôt nous pourrons savourer les vrais fruits de notre travail», conclut-elle.

Les peuples autochtones sont les gardiens de 80 pour cent de la biodiversité de la planète, et les forêts qui se trouvent sur leurs territoires ancestraux jouent des rôles essentiels dans l’action climatique aux niveaux mondial et régional et dans la lutte contre la pauvreté, la faim et la malnutrition. Leurs territoires contiennent environ un tiers de tout le carbone stocké dans les forêts d’Amérique latine et des Caraïbes et 14 pour cent du carbone stocké dans les forêts tropicales du monde.

Ces forêts ont par le passé beaucoup moins souffert de la déforestation et de la dégradation que les autres forêts de la région, mais cela change rapidement et il est urgent d’agir pour renverser ces nouvelles tendances. La publication de la FAO intitulée Forest Governance by Indigenous and Tribal Peoples (la gouvernance forestière des peuples autochtones et tribaux) montre combien il est important et urgent de mener une action climatique pour protéger les forêts des territoires autochtones et tribaux d’Amérique latine ainsi que les peuples qui s’en occupent.

Grâce à leur riche connaissance ancestrale des manières de vivre durablement sur ces terres, les peuples autochtones sont des partenaires essentiels pour la préservation de la biodiversité, la protection de nos ressources naturelles et la transformation de nos systèmes alimentaires. La FAO met tout en œuvre pour collaborer avec les peuples autochtones, pour veiller à ce qu’ils soient entendus et à ce que leurs connaissances soient partagées dans le monde entier.

UNFAO · Les gardiennes de la forêt vénézuélienne montrent la voie
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Pour en savoir plus

*Cet article est une version actualisée de l’article publié le 27/10/2020.