Food and Agriculture Organization of the United NationsFood and Agriculture Organization of the United Nations

Comment faut-il nommer les aliments créés à partir de cellules animales?


Définir la terminologie est la première étape en matière de sécurité sanitaire des aliments.

Share on Facebook Share on X Share on Linkedin

En Israël, un chef présente un morceau de «steak» issu de cultures cellulaires, mais rien ne dit que ce produit portera ce nom à l’avenir. La terminologie joue un rôle crucial dans le processus visant à garantir la sécurité d’un produit alimentaire. ©FAO/Oded Antman

03/03/2023

Comment appelleriez-vous un produit alimentaire qui a été fabriqué en cultivant des cellules animales dans une cuve? Est-ce que c’est encore un «steak» ou du «poulet» si l’expérience gustative et les nutriments apportés sont les mêmes, mais que l’on n’a pas eu besoin d’abattre du bétail ou de la volaille pour vous le servir? Si nous voulons savoir exactement ce que nous consommons, il est clair que le nom donné au produit est important. Il est également essentiel de connaître le rôle que joue la terminologie dans le processus visant à garantir qu’un produit alimentaire est sans danger. 

La nomenclature n’est qu’une des questions qui se posent alors que la quête de nouvelles formes de protéines que poursuit l’humanité s’intensifie. Débats mis à part, une centaine d’entreprises dans une douzaine de pays ont commencé à produire ces aliments et une d’entre elles les vend déjà aux consommateurs.

Le débat sur la sécurité sanitaire de ces aliments ne peut donc pas attendre.

Une consultation de spécialistes, qui portait sur la manière de garantir que les aliments de ce type sont sûrs, a été organisée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en novembre 2022.

Toutefois, comme l’explique Mme Masami Takeuchi, spécialiste de la sécurité sanitaire à la FAO, avant même de pouvoir se pencher sur la question de la sécurité, il faut se mettre d’accord sur le nom de la chose dont on parle. «Dans toute discussion, il faut toujours commencer par se mettre d’accord sur la nomenclature. Si nous n’utilisons pas les mêmes mots ou le même langage, nous ne parviendrons pas à dialoguer». 

Que contient un nom? 

Ainsi, un des rapports élaborés par la FAO en vue de la consultation portait sur la question de la terminologie et présentait une analyse des termes les plus utilisés dans les différents secteurs et une étude de leurs avantages et de leurs inconvénients.

Tout un éventail de termes sont utilisés, on parle notamment de viande «artificielle», «cultivée en laboratoire», «fausse » ou «propre». Certains de ces termes portent clairement des jugements de valeur. D’autres, comme «de culture » ou «cultivé» pourraient créer de la confusion par rapport à d’autres produits existants, notamment les produits issus de l’aquaculture (poisson de culture/cultivé, par exemple).

Une autre difficulté qui se présente concerne les termes qu’il faut utiliser comme qualificatifs après le mot «viande» pour éviter d’être trop vague. La question de savoir si le produit doit être réglementé comme la viande peut alors se poser, tout comme celle des prescriptions religieuses ou autres qui accompagnent ce type d’aliment dans certains pays. Est-ce que ces nouveaux aliments respectent les règles alimentaires associées aux produits halal et casher, par exemple?

L’analyse de la question terminologique menée par la FAO suggère que la meilleure formulation pour le moment semble être «aliments issus de cultures cellulaires», indique Mme Takeuchi, même si l’Organisation reste ouverte à ce sujet, selon elle.

Dans de nombreux pays, des scientifiques travaillent sur les aliments issus de cultures cellulaires depuis plus d’une décennie. Un pays a déjà approuvé la consommation de ce type de produit par l’homme. Le débat sur leur sécurité ne peut donc pas attendre

Toute la planète est un marché

Les scientifiques travaillent sur ces aliments depuis plus d’une décennie et des dizaines d’entreprises s’y intéressent, mais, pour l’heure, la consommation humaine de ces aliments n’a été approuvé que par Singapour, en 2020, sous la forme de croquettes de poulets «cultivées» (ce terme a été choisi par le pays), qui ont été servies à quelques consommateurs enthousiastes lors de séances de dégustation exclusives. Ce n’est donc pas une coïncidence que cette cité-État d’Asie du Sud-Est ait été choisie pour accueillir les consultations de novembre. 

Certes, les discussions sur la sécurité et la terminologie doivent se poursuivre, mais ce type de produit se généralisera-t-il bientôt sur les étals des supermarchés du monde entier? Sans surprise, il faut tout d’abord que chaque pays trouve comment appeler ces aliments avant de pouvoir s’atteler à leur réglementation. Ainsi, la FAO et l’OMS, dans le cadre de la Commission du Codex Alimentarius, sont là pour apporter leur aide en fournissant les avis scientifiques nécessaires au travail de réglementation et suivent méticuleusement toutes les étapes qui sont indispensables pour définir les dangers potentiels et analyser les risques.

Comme pour tous les aliments, y compris les nouveaux, les étapes de ce processus sont multiples, mais «il faut d’ores et déjà veiller à ce que tout le monde dispose d’une méthodologie pour garantir la sécurité de ce type d’aliment», affirme Mme Takeuchi. «S’ils ne sont pas sûrs, ils n’ont aucun intérêt», ajoute-t-elle.

La FAO et l’OMS, dans le cadre de la Commission du Codex Alimentarius, définissent les dangers et les risques potentiels et fournissent des avis scientifiques afin de garantir, avant toute chose, que les aliments sont sûrs. ©FAO/Oded Antman

Durabilité: être ou ne pas être?

Bien qu’ils ne soient pas encore sur nos étals, il est de plus en plus question des aliments issus de cultures cellulaires, qui suscitent naturellement toutes sortes de questions, d’espoirs et de peurs. Pourraient-ils constituer une source alternative durable de protéines animales si le bétail ou la volaille étaient touchés par une épidémie de grande échelle? Pourraient-ils contribuer à faire diminuer la pression qui pèse sur le secteur de l’élevage en raison de la demande croissante? Le bien-être animal pourrait-il y gagner?

Pour résumer, il est trop tôt pour le dire. L’évaluation de nombreux aspects des aliments issus de cultures cellulaires, notamment leur impact environnemental et la question de la consommation d’énergie et d’eau, ne peut être menée convenablement que dans le cadre d’une production à grande échelle. Toutefois, il faudrait pour cela une approbation réglementaire de grande ampleur, sans mentionner les importants investissements nécessaires. 

La résolution de tous les problèmes liés au développement de la production sera un processus important qui déterminera l’avenir des aliments issus de cultures cellulaires. Ce n’est qu’une fois que les pays commenceront à approuver ce type de produit et que la production s’intensifiera que «nous serons en mesure de commencer à comprendre plus en profondeur toutes les questions liées à l’environnement et au bien-être animal», affirme Mme Takeuchi.    

Toutefois, la priorité actuelle de la FAO est claire: la sécurité sanitaire de ces aliments.  «Nous devons comprendre comment garantir la sécurité de ces produits et faire passer le message auprès de la population», conclut Mme Takeuchi.

Il est évident qu’il reste encore beaucoup à faire, mais pendant que les scientifiques s’efforcent de s’assurer que ces aliments seront bénéfiques et ne seront pas nocifs pour les consommateurs, il faut commencer par leur trouver un nom.

Liens utiles

Pour en savoir plus