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Les compétences non techniques: élément essentiel de l’innovation agricole


Comment l’établissement de liens entre la collaboration et l’innovation stimule les moyens d’existence dans les régions tropicales

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L’innovation agricole repose autant sur des compétences non techniques, telles que la communication et la collaboration, que sur la technologie. ©FAO/Fredrik Lerneryd

05/07/2021

«Passer du statut d’agriculteur à celui d’agro-entrepreneur est un processus complexe qui nécessite de nouvelles compétences. C’est pour cela que nous avons eu besoin d’aide» a expliqué Edgar Somacumbi, agriculteur angolais de la province du Cuanza-Sud. «Quand, il y a deux ans, j’ai eu vent du projet de développement des capacités pour les systèmes d’innovation agricole, j’ai tout de suite su que c’était exactement ce que recherchait le groupe d’agriculteurs auquel j’appartiens.» 

Ces dernières années, les innovations agricoles ont amélioré les moyens d’existence de nombreuses personnes en zone rurale, entre autres grâce à l’introduction de nouvelle technologies et d’outils numériques et à un accès plus facile au microfinancement. Et pourtant, dans de nombreuses zones rurales, les progrès sont encore limités. En fait, il arrive que, quelles que soient les nouvelles technologies mises à disposition, les petits exploitants agricoles rechignent à les adopter. Pourquoi? 

L’accessibilité physique et financière est certainement l’un des facteurs déterminants, mais on estime que l’absence des «compétences non techniques» indispensables au processus de changement, joue également un rôle: capacité à partager de nouvelles connaissances, à communiquer de manière compréhensible, à collaborer avec d’autres intervenants des systèmes alimentaires, à négocier avec des acheteurs et à participer à des concertations sur les politiques générales. 

Afin de pallier ces insuffisances, la FAO collabore avec des partenaires par l’intermédiaire de la Plate‑forme pour l’agriculture tropicale (TAP), initiative relevant du G20 lancée en 2012 et hébergée par la FAO, dans le but de faciliter la mise en place de programmes de développement des capacités et le partage de connaissances, et de les améliorer, dans l’objectif ultime de renforcer l’innovation agricole dans les régions tropicales et subtropicales.

Dans le cadre de la plate-forme TAP, la FAO a mis en œuvre un projet sur le Développement des capacités pour les systèmes d’innovation agricole (CDAIS) en partenariat avec AGRINATURA et la Commission européenne. À l’heure actuelle, la FAO exécute un projet complémentaire visant à transposer à plus grande échelle le développement des capacités par le biais du projet TAP dans neuf pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, grâce à un financement de la Commission européenne. Ces projets reposent sur une approche participative fondée sur les communautés, qui privilégie la réflexion, l’apprentissage collectif, la participation à des groupes et la création conjointe de connaissances avec les agriculteurs et agricultrices, en les aidant à adopter plus facilement des méthodes novatrices. Cela a-t-il fonctionné ?

Edgar répondrait par l’affirmative. Il a participé à l’un des tout premiers projets CDAIS dont l’objectif était de mettre en culture des terres auparavant inutilisées et d’attirer de jeunes agriculteurs et agricultrices dans cette région rurale du centre de l’Angola. Comme 59 autres agriculteurs, Edgar a reçu une parcelle de 250 hectares de terres non exploitées. La majeure partie du matériel agricole est mise en commun et les agriculteurs et agricultrices doivent déterminer, d’un commun accord, qui peut utiliser un équipement donné et la période d’utilisation.

«Bien entendu, tout ne se déroule pas sans heurts» a précisé Edgar, «mais nous avons appris à envisager les problèmes sous un angle positif et nous travaillons ensemble à la définition de solutions adaptées.» 

Comme les agriculteurs de la région sont également confrontés au problème récurrent de l’accès aux financements et aux marchés, une formation a été dispensée dans le cadre du projet sur les compétences en matière de gestion d’une entreprise agricole, y compris l’élaboration de plans d’exploitation, la création et la gestion de groupements de producteurs et l’utilisation de techniques agricoles de pointe.

Edgar a fièrement expliqué que, grâce au projet CDAIS, 9 000 hectares avaient été cultivés pendant une période de cinq ans, ce qui a permis de créer des centaines d’emplois. «Ces compétences nouvellement acquises ne peuvent que nous faire grandir» a-t-il ajouté.

En Angola, les projets CDAIS ont aidé les agriculteurs et agricultrices à acquérir de nouvelles compétences dans le domaine de la gestion d’une exploitation agricole. Au Bangladesh, de petits producteurs d’ananas ont pu améliorer leurs compétences en mati

Plus forts ensemble, au Bangladesh

Les compétences non techniques telles que la capacité à collaborer, à communiquer, à réfléchir et à apprendre à s’adapter aux innovations et à y réagir sont tout aussi importants pour un autre type de production agricole: la culture de l’ananas. Alors que l’ananas est l’une des principales cultures de rente de la filière des fruits au Bangladesh, les agriculteurs qui travaillent à leur compte ont souvent des revenus particulièrement faibles. Comme les associations de producteurs sont rares, ils ont un faible pouvoir de négociation et un accès limité aux marchés. 

Afin d’aider les petits exploitants à donner de l’élan à la filière de l’ananas au Bangladesh, la FAO et AGRINATURA, par l’intermédiaire du projet CDAIS, ont utilisé la plate-forme TAP pour offrir leurs conseils et leur soutien aux agriculteurs de la grande zone de production de la région montagneuse de Chittagong. Les agriculteurs ont participé à des séances de formation sur les compétences requises pour diriger une équipe, l’établissement de relations de confiance, une communication efficace et la prise de décisions participative. 

Après avoir abordé les problèmes et les carences de moyens, le groupe a élaboré un plan à long terme, dans lequel figurait la création d’une association de producteurs d’ananas afin d’aider les agriculteurs à obtenir de meilleurs prix et de les doter d’une plate-forme à partir de laquelle ils peuvent communiquer avec les représentants du gouvernement, les acheteurs et les intermédiaires.

«À l’issue de la formation CDAIS, nous avons créé la Bandarban Pineapple Growers Organisation (Organisation des producteurs d’ananas de Bandarban)» a indiqué Jessi Chakma, trésorier de l’organisation. «J’ai appris à travailler au sein d’un groupe: les règles et règlements, le réseautage et les avantages, qui permettent d’obtenir des prix raisonnables et de négocier.»

Alors qu’ils travaillaient seuls auparavant, les agriculteurs ont pris l’habitude d’agir et de décider en tant que groupe, en trouvant ensemble des solutions à leurs problèmes à mesure qu’ils se présentent.

Au Guatemala, un projet CDAIS a révélé le potentiel rémunérateur de la production d’avocats. ©FAO/Rubí López

Changement au Guatemala

Changer n’est pas toujours chose aisée. C’est pourquoi il est utile d’être doté des compétences adéquates pour gérer le changement. Traditionnellement, les agriculteurs des rives du lac Atitlán, dans la région centrale du Guatemala, cultivaient le maïs et le haricot, mais il y a quelques années, ils ont entendu parler d’une nouvelle variété d’avocat susceptible de bien s’acclimater à leur région et d’augmenter leur revenu. Au début, pourtant, la transition a été problématique pour un grand nombre d’entre eux. Jusqu’à ce que l’initiative CDAIS de la FAO et d’AGRINATURA aide les agriculteurs de cette zone à unir leurs efforts, en encourageant la production d’avocats en tant que moyen d’existence.

Dans le cadre de ce projet CDAIS financé par la Commission européenne, les agriculteurs se sont réunis à plusieurs reprises pour partager conseils et astuces relatifs à cette culture, nouvelle pour eux. Il n’a pas fallu longtemps pour que des échos de leur réussite suscitent l’intérêt d’autres agriculteurs des bords du lac. En l’espace d’une année, un nouveau groupe de producteurs potentiels d’avocat s’est formé et a profité des réunions organisées dans le cadre du projet CDAIS pour mettre en œuvre un plan d’action et créer sa propre association de producteurs. 

Sergio Coroxón, président de ce nouveau groupe intitulé Association pour le développement intégré de l’Altiplano (AIDA), a indiqué avoir remarqué que les revenus des agriculteurs s’étaient nettement améliorés à partir du moment où le projet CDAIS avait été mis en œuvre. 

«Le résultat le plus important de l’initiative CDAIS a été le fait que l’AIDA représente désormais les producteurs d’avocat de tout le pourtour du lac Atitlán» a observé Sergio. «Ce résultat n’a pas été obtenu du jour au lendemain. Il n’a été possible que grâce aux nombreuses réunions que le projet CDAIS a aidé à organiser depuis 2015.» 

Également producteur d’avocat, Don Andrés en convient également. «Tellement de choses ont changé depuis le lancement du projet CDAIS. Ils nous ont aidé à nous rapprocher, à former une grande famille de producteurs qui travaille désormais en partenariat pour le bien commun» a-t-il précisé. 

Pour réussir à stimuler le secteur agricole grâce à l’innovation, il faut être doté de deux types de capacités: les capacités techniques et les capacités fonctionnelles. Or, ces dernières sont souvent négligées. La FAO soutient les agriculteurs et agricultrices dans ces deux domaines, afin qu’ils obtiennent de meilleurs résultats et que leurs moyens d’existence soient plus efficaces et durables.

S’appuyant sur l’expérience acquise depuis août 2019 dans le cadre des projets CDAIS, la FAO a transposé à plus grande échelle le cadre commun de la plate-formeTAP par l’intermédiaire du projet «Développer les capacités pour les systèmes d’innovation agricole» dans neuf pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, grâce au soutien financier de l’initiative DeSIRA (Développement d’innovations intelligentes grâce à la recherche dans le domaine de l’agriculture) de l’Union européenne.

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