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Des chercheuses autochtones font connaître leurs savoirs traditionnels par leurs travaux universitaires


La FAO et l’Université Thompson Rivers mettent en lumière les femmes autochtones en leur qualité de détentrices de savoirs et de gardiennes de la nature

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Les femmes autochtones sont des détentrices de savoirs, des fournisseuses d’aliments, des garantes de la biodiversité et des professeures pour les jeunes générations. ©Mariiam Tambieva

06/03/2025

Les femmes autochtones sont des fournisseuses d’aliments, des dépositaires des semences, des gardiennes des plantes médicinales et des garantes de la biodiversité. Elles sont des détentrices de savoirs et des professeures pour les jeunes générations. Elles jouent un rôle fondamental pour préserver les savoirs, les systèmes agroalimentaires, les cultures et les langues des peuples autochtones. Enracinées dans la relation à part qu’elles entretiennent avec la terre et le territoire de leurs ancêtres, elles sont en première ligne pour protéger les droits des peuples autochtones et faire cesser la destruction des écosystèmes.

Des femmes autochtones vivent dans plus de 90 pays dans le monde. Elles apportent une contribution sans équivalent à l’humanité dans les domaines de la sécurité alimentaire, de la biodiversité, de la médecine, de la domestication des espèces et de la transformation des aliments.

Et pourtant, trop souvent, elles demeurent invisibles dans les statistiques, les espaces de prise de décisions et les politiques publiques en raison de l’absence persistante de données ventilées les concernant, de la discrimination et des inégalités généralisées, et du refus systématique de reconnaître leurs droits individuels et collectifs.

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) collabore avec des femmes autochtones et des universités pour remédier au manque de données et faire en sorte que ces femmes soient associées aux processus décisionnels.

«Le cœur de la démarche est de s’assurer qu’elles sont à la table des discussions aux côtés des responsables de l’élaboration des politiques de sorte que leurs savoirs puissent avoir une influence concrète sur les espaces de décisions à l’échelle locale, nationale et internationale», déclare Yon Fernandez-de-Larrinoa, Chef de l’Unité chargée des peuples autochtones de la FAO.

Il s’agit non seulement de rendre les femmes autochtones visibles, mais aussi de tirer parti de la fonction cruciale qui est la leur en tant que détentrices de savoirs. «Les femmes autochtones sont déjà des chercheuses. Elles doivent toutefois avoir les moyens de publier et de diffuser leurs travaux ainsi que la compréhension qu’elles ont d’enjeux complexes. Leurs savoirs doivent être reconnus si nous voulons améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition pour tous», estime Mikaila Way, Coordonnatrice à la FAO du programme de recherche sur les femmes autochtones.

En 2015, la FAO a travaillé en partenariat avec des organisations de femmes autochtones du monde entier afin de créer des établissements nationaux et régionaux de formation des femmes autochtones aux fonctions d’encadrement dans les domaines des droits humains et de la sécurité alimentaire – qui mettaient l’accent sur des priorités telles que le régime foncier et le consentement libre, préalable et éclairé. En collaboration avec des organisations autochtones, la FAO a mis en place 13 établissements de ce type à l’échelle nationale et régionale et formé ainsi plus de 300 femmes autochtones. Nombre d’entre elles prennent part aujourd’hui à des négociations et à des initiatives internationales.

En réponse à l’un des appels mondiaux forts qui encourageait à promouvoir les travaux universitaires des femmes autochtones, la FAO a entamé un partenariat avec l’Université Thompson Rivers qui se trouve à Kamloops, en Colombie britannique (Canada), pour mettre sur pied un programme spécialisé intitulé «Knowledge Makers» (faiseurs de savoirs).

Pendant longtemps, les peuples autochtones, en particulier les femmes, ont été exclus du monde de la recherche universitaire. «Auparavant, les travaux de recherche étaient menés sur nous en tant que peuples autochtones. À l’époque, ils étaient entrepris pour nous. Ensuite, ils ont été réalisés avec nous, et maintenant, ils le sont par nous», fait observer Rod McCormick, Directeur du Centre de recherche autochtone à l’Université Thompson Rivers.

Par l’intermédiaire du programme Knowledge Makers, la FAO et l’université ont apporté un soutien à une promotion de femmes autochtones spécialisées dans les systèmes alimentaires et les systèmes de connaissances des peuples autochtones ainsi que dans l’action pour le climat. Vingt-et-une femmes autochtones originaires de 16 pays répartis dans les sept régions socioculturelles ont été sélectionnées. Les résultats de leurs travaux sont réunis dans un volume spécial du Knowledge Makers Journal.

Rosa Marina Flores Cruz (à gauche/en haut), du peuple autochtone afro-binniza, a consacré son étude à la prolifération des parcs éoliens au Mexique et aux répercussions de ces installations sur le territoire de sa communauté. Melanie M. Kirby (à droite/en bas) étudie l’importance de la conservation des pollinisateurs dans la gestion responsable des terres, et explique qu’il est nécessaire de «réautochtoniser», c’est-à-dire de revenir à des pratiques trouvant leur origine chez les peuples autochtones. À gauche/en haut: © Rosa Marina Flores Cruz. À droite/en bas: © Melanie M. Kirby

Rosa Marina Flores Cruz, qui appartient au peuple autochtone afro-binniza d’Oaxaca (Mexique), a consacré ses travaux de recherche à la prolifération des parcs éoliens et aux graves conséquences que ces parcs ont sur le territoire de sa communauté, malgré les affirmations selon lesquelles ils favorisent le «développement durable».

«Les femmes ont été presque entièrement écartées des accords et de la signature des contrats de location conclus avec les entreprises d’énergie éolienne. Elles ont été exclues de la prise de décisions, car elles étaient très peu nombreuses à avoir le statut de propriétaire des terres, et les efforts de persuasion ont donc été concentrés sur les hommes. Mais face à cette situation, dès le début, nous, les femmes autochtones, avons participé à la défense du territoire», précise Flores Cruz.

Mariiam Tambieva, du peuple autochtone karatchaï-balkar dans le Caucase du Nord (Russie), appelle l’attention sur les modes de vie «zéro déchet» et les pratiques traditionnelles de sa communauté qui ont été adoptés par respect pour la nature, et qui sont à présent «redécouverts» dans la quête d’un développement durable.

«Même si les Karatchaïs et les Balkars n’emploient jamais le terme “zéro déchet”, nous vivons en accord avec cette philosophie depuis des siècles», explique-t-elle. Ils utilisaient toutes les parties de l’animal, que ce soit la viande, les os ou les abats, pour cuisiner différents aliments et faire des conserves. Les ménages étant les principaux producteurs de déchets alimentaires, ajoute-t-elle, l’adoption de ces pratiques pourrait grandement contribuer à diminuer le gaspillage. «Appliquer les méthodes utilisées par les peuples autochtones peut être facile; il suffit de s’informer et d’apprendre à les reproduire, et d’échanger ensuite les expériences», conclut-elle. 

Mariiam Tambieva, du peuple autochtone karatchaï-balkar, appelle l’attention sur les modes de vie «zéro déchet» de sa communauté, qui pourraient servir de modèles pour les ménages. © Mariiam Tambieva

En sa qualité de spécialiste des pollinisateurs, Melanie M. Kirby, originaire du village de Tortugas au Nouveau-Mexique (États-Unis d’Amérique), s’intéresse à la «réautochtonisation» et à l’importance de la conservation des pollinisateurs dans la gestion responsable des terres. «L’apiculture nous renvoie à nos origines en tant que “semblables de lumière”, en tant que parties de cette terre, et non en tant qu’êtres séparés d’elle», indique-t-elle. Elle explique que le terme «réautochtonisation» désigne le retour à des pratiques trouvant leurs racines chez les peuples autochtones, et que le concept consiste à redécouvrir notre relation à la nature et à la terre.

«Le fait de réautochtoniser les méthodes de gestion responsable et de conservation peut aider à enrichir les systèmes de connaissances délaissés et marginalisés qui ont été élaborés pendant des millénaires», assure-t-elle. Dans le cadre de ses travaux, Mme Kirby renvoie au concept de consilience, selon lequel les savoirs de différents domaines peuvent être conjugués pour créer une compréhension unifiée du monde.

La démarche de la FAO nécessite de créer des espaces où la nature complémentaire des systèmes alimentaires et des systèmes de connaissances des peuples autochtones, d’un côté, et de la science formelle, de l’autre, peuvent se combiner pour qu’il soit possible de s’attaquer à certains problèmes majeurs auxquels notre planète doit faire face, comme l’appauvrissement de la biodiversité et l’insécurité alimentaire.

Il est indispensable de permettre aux femmes autochtones de faire part de leur sagesse dans le cadre de travaux universitaires pour tirer parti des connaissances qui leur ont été transmises oralement et qui ont été rassemblées pendant des milliers d’années dans plus de 5 000 communautés autochtones à travers le monde. Ce savoir peut et doit influer sur les débats menés à l’échelle mondiale et offrir des solutions aux défis d’aujourd’hui. 

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