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La production alimentaire locale restreinte aggrave la crise humanitaire dans la bande de Gaza


L'intensification des hostilités, les problèmes d’accès et les dégâts subis par l’agriculture ont accru l’insécurité alimentaire aiguë vécue par les Gazaouis

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La plupart des terres agricoles de la bande de Gaza ont été détruites par le conflit. Les agriculteurs dépendent de plus en plus de l’aide humanitaire et des aliments en conserve. ©FAO/Yousef Alrozzi

05/08/2024

Mohamed El Yaty se rappelle de la vie avant le 7 octobre avec envie et chagrin.

«Nous nous réveillions à 6 heures, finissions le travail à midi et y retournions aux alentours de 16 heures, de la prière de l’Asr à la prière du Maghrib. Nous ne faisions que travailler», raconte cet agriculteur de 39 ans originaire de Deir el-Balah, dans la zone centrale de la bande de Gaza.

Mohamed a perdu 22 membres de sa famille depuis le début du conflit. Les 13 dounoums (13 000 mètres carrés) de terres qu'il possédait et qui accueillaient une multitude de serres ont été rasés, détruits par les bombardements intensifs. C’est le cas de la plupart des terrains agricoles à Gaza.

Mohamed ne peut maintenant cultiver que la moitié de ses terres, ce qui a considérablement réduit sa production d’aubergines, de concombres, de piments et de tomates.

La bande de Gaza était autrefois amplement autonome pour ce qui est de la production de légumes, de produits laitiers, de volaille et de poisson. Elle produisait également une grande partie de la viande rouge et des fruits consommés par sa population. Mais les hostilités récentes ont semé la destruction sur les terres de Gaza et ont pratiquement anéanti le système agroalimentaire local et fait cesser les activités agricoles. La sécurité alimentaire et la nutrition se sont aussi fortement dégradées.

Aujourd’hui, Mohamed consomme essentiellement des aliments en conserve.

«Avant la guerre, nous avions à manger – la nourriture était disponible et accessible. Viande, légumes, tout était disponible. C’était de la bonne nourriture. Aujourd’hui, tout est en conserve», dit‑il.

La maison de Yousef Al-Masri a été détruite par les bombardements. Il essaie maintenant de préserver ce qu’il reste de sa récolte dans sa serre endommagée. ©FAO/Yousef Alrozzi

Dans le sud de Gaza, dans la ville de Khan Younès, la maison de Yousef Al-Masri a été détruite et il a dû s'installer dans une zone moins dangereuse, à trois kilomètres de son domicile et de son exploitation. 

«Mon exploitation, c’était aussi ma maison. Le matin, mes ouvriers et moi allions récolter et semer et nous étions pleinement heureux», raconte-t-il.

Avant le 7 octobre, cet agriculteur de 53 ans cultivait des piments, des aubergines, des choux, des tomates et du maïs. C’est de là qu'il tirait ses moyens d’existence, ses revenus et, de bien des façons, sa dignité. Sa production ainsi que celle d’autres agriculteurs locaux approvisionnaient en aliments nutritifs nombre de personnes à Gaza.

D’après une analyse récente des données satellitaires effectuée par l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les infrastructures agricoles de Gaza ont subi des dégâts à grande échelle: 57 pour cent des terres cultivées ont été endommagées, 33 pour cent des serres ont été détruites et nombre de puits et de panneaux solaires ont été perdus.

Une grave pénurie de fourrage et d’eau a causé la mort de quelque 70 pour cent des animaux d'élevage depuis octobre 2023. En outre, environ 70 pour cent de la flottille de pêche de la bande de Gaza a été décimée. Seuls l’agriculture, l’élevage et la pêche à petite échelle se poursuivent, lorsque les conditions de sécurité le permettent.

Des agriculteurs comme Yousef et Mohamed sont essentiels à l’approvisionnement alimentaire de Gaza. Toutefois, Yousef et d’autres agriculteurs, éleveurs et pêcheurs de la bande de Gaza peinent à conserver leurs moyens de production, leurs sources de nutrition et leurs revenus en raison de l’intensification des hostilités et du manque d’intrants agricoles indispensables, que ce soit pour des raisons de disponibilité ou d’accessibilité.

«Il n’y a ni outils ni matériel; il n’y a pas non plus d’eau et tout coûte cher. Il n’y a plus de pesticides, d’engrais ou de produits plastiques», explique Yousef.

«Avant le 7 octobre, une heure de consommation d’eau me coûtait entre 2,5 et 3 shekels. [Aujourd’hui], ça me coûte entre 70 et 90 shekels», dit-il.

«Nos conditions sont très difficiles à tous points de vue: électricité, eau, logement. Que dire de plus? Nous n’allons pas trouver plus de nourriture, la saison agricole est passée. À la prochaine saison, nous n’aurons plus rien à cultiver», ajoute-t-il.

Les données révèlent que la bande de Gaza connaît une insécurité alimentaire sans précédent

D’après les données publiées le 25 juin 2024 par l’initiative mondiale du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), 96 pour cent de la population gazaouie connaîtra un niveau élevé d’insécurité alimentaire aiguë jusqu’à septembre 2024. Dans les conditions actuelles, près d'un demi-million de personnes risquent la famine. Ce chiffre effarant signifie qu’un Gazaoui sur cinq sera confronté à la faim extrême et plus de 20 pour cent de la population passera des jours entiers sans manger.

Avant le 7 octobre, la production de légumes de Mohamed El Yaty ainsi que celle d’autres agriculteurs locaux approvisionnaient les communautés en aliments nutritifs. ©FAO/Yousef Alrozzi

Les volumes de l’aide alimentaire internationale, qui se compose principalement d’aliments en conserve non périssables, sont insuffisants du fait des blocus. De plus, les aliments en conserve et préemballés sont certes indispensables et permettent à la population de survivre, mais ils ne remplacent pas les aliments nutritifs frais comme le lait, la viande rouge et les légumes.

Consciente de ce déficit nutritif, la FAO, épaulée par les Gouvernements de la Belgique, de l’Italie et de la Norvège, fournit du fourrage d'orge à Gaza afin de nourrir les animaux restants et d’accroître la production laitière des petits ruminants.

Le lait de brebis et de chèvre est particulièrement bon pour les enfants car il est plus facile à digérer et contient moins de lactose et plus de nutriments, notamment des protéines de qualité supérieure et des acides gras bénéfiques. Ces produits laitiers sont indispensables à la survie et aux besoins nutritionnels des enfants.

La FAO aide également les agriculteurs à accéder à des biens de première nécessité, comme des concentrés alimentaires pour animaux, des bâches en plastique pour les serres, des citernes à eau, des vaccins pour animaux, des kits vétérinaires et d’autres intrants essentiels pour rétablir les moyens d’existence et assurer la sécurité alimentaire.

Toutefois, la capacité de la FAO, de l’ONU et d’autres organisations humanitaires d’apporter une assistance vitale aux Gazaouis dépend de facteurs déterminants, à savoir l’instauration d’un cessez‑le-feu durable et un accès sans entrave à l’aide humanitaire.

Il est également crucial d'investir immédiatement dans la protection des exploitations et des animaux d’élevage restants afin de faciliter la remise en état rapide des infrastructures du système agricole et alimentaire qui ont été endommagées en raison du conflit.

Malgré les difficultés croissantes, Mohamed s’adapte à ses serres endommagées et improvise une culture en extérieur. «J’ai dû cultiver les aubergines en extérieur, car je ne pouvais les planter dans la serre – il n’y a pas d’abri, pas de bâche en plastique, rien. Évidemment, notre production a chuté de 50 pour cent», fait-il savoir.

Comptant sur leur propre résilience, les Gazaouis font ce qu'ils peuvent pour manger, travailler et survivre et attendent la fin du conflit pour rétablir leurs moyens d’existence.

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