L’odyssée de la pomme de terre à travers les âges et les continents
Hommage à la pomme de terre, pièce maîtresse des régimes alimentaires et du patrimoine agricole mondiaux
Le système ingénieux du patrimoine agricole mondial de la FAO à Chiloé (Chili) a été mis à l’honneur pour son rôle primordial dans la préservation de la diversité des pommes de terre, qui sont essentielles à la sécurité alimentaire mondiale. ©CET/Carlos Venegas
30/05/2024
L’histoire de la pomme de terre remonte à environ 8 000 ans, dans les Andes, quand des groupes de chasseurs-cueilleurs commencèrent à domestiquer des variétés sauvages qui poussaient autour du lac Titicaca. Bien des siècles plus tard, autour du XVIe siècle, les Espagnols apportèrent la pomme de terre du Pérou en Europe et commencèrent à la cultiver chez eux. Ces tubercules cultivés en Espagne furent ensuite disséminés dans toute l’Europe, comme cadeaux exotiques offerts à des botanistes et même à des personnalités comme le pape.
Il fallut ensuite peu de temps pour que les marins y vissent l’aliment idéal pour leurs longs périples sur les océans. Et c’est ainsi, dit-on, que la pomme de terre conquit le reste de la planète et commença à être cultivée à grande échelle.
Aujourd’hui, la pomme de terre, troisième aliment le plus consommé sur Terre, est un élément essentiel du régime alimentaire de la population mondiale, principalement en raison de sa capacité de se développer sur des superficies moins étendues que n’importe quelle autre plante cultivée.
Pourtant, pendant plusieurs décennies, l’Europe s’est contentée d’un très petit nombre de variétés de pommes de terre, alors qu’il en existait tant d’autres. Ce manque de diversité génétique parmi les pommes de terre cultivées en Europe fait que cette denrée de base est très vulnérable aux maladies. Le mildiou, qui a ravagé les champs de pommes de terre en Irlande et déclenché la grande famine dans les années 1840, en est la funeste illustration.
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a fait de la préservation de la diversité des pommes de terre une priorité, afin que cette denrée alimentaire de base demeure un pilier de l’agriculture durable et de la sécurité alimentaire. Les Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial de la FAO sont partie intégrante de cette initiative. Ces systèmes sont des lieux qui ont été choisis pour préserver les traditions inestimables des agriculteurs et les systèmes agroalimentaires durables qui protègent les variétés locales et biodiversifiées de cultures vitales telles que les pommes de terre.
Voici quatre systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial qui font rayonner la pomme de terre:
Chiloé (Chili): le berceau des pommes de terre commerciales
L’archipel de Chiloé abrite un système ingénieux du patrimoine agricole mondial qui est essentiel pour la préservation de la biodiversité de la pomme de terre. En effet, des études récentes de l’ADN révèlent que les variétés cultivées aux quatre coins de la planète aujourd’hui sont des cousines proches des pommes de terre chiliennes.
Avant la modernisation de l’agriculture, les communautés autochtones de Chiloé cultivaient entre 800 et 1 000 variétés locales de pommes de terre. Malheureusement, l’apparition de maladies et la généralisation des semences commerciales ont fait tomber ce nombre à 91 variétés. Les femmes, qui, en milieu rural, pratiquent des activités de conservation dans leurs exploitations, jouent un rôle essentiel dans la préservation de cette diversité génétique.
Aujourd’hui, la pomme de terre est la principale culture des îles lointaines de Chiloé et elle revêt une importance fondamentale pour les moyens de subsistance de la population locale. D’ailleurs, elle a des retombées qui vont bien au-delà des côtes de Chiloé, puisque les variétés cultivées dans l’archipel contribuent considérablement à la sécurité alimentaire mondiale.
En haut, à gauche: Les communautés autochtones des Andes conservent des milliers de variétés de pommes de terre. © FAO/Liana John En bas, à droite: Les systèmes agricoles ramli de Ghar El Melh, en Tunisie, permettent aux agriculteurs de cultiver toute l’année sur des substrats sablonneux. Avec l’aimable autorisation de Pareto Paysages. ©Simon Gabillard
Des milliers de variétés sont cultivées dans les Andes péruviennes
Dans un autre système ingénieux du patrimoine agricole mondial, situé dans les Andes, les pommes de terre cultivées à flanc de colline sont une source essentielle de nourriture pour les habitants de la région. Leurs méthodes agraires se fondent sur les savoirs traditionnels et les pratiques durables transmises par les agriculteurs et les communautés autochtones. Grâce à elles, plus de 4 000 variétés de pommes de terre, dont des pommes de terre sauvages, poussent dans la région andine.
L’agriculture andine est l’un des exemples les plus remarquables d’adaptation des agriculteurs à leur milieu, puisqu’ils ont appris à domestiquer des espèces endémiques de pommes de terre et à les cultiver à des altitudes comprises entre 3 300 et 3 800 mètres d’altitude. Les variétés autochtones sont principalement consommées sur place. Les pommes de terre déshydratées, appelées chuños, sont conservées pendant des années et utilisées comme principale source alimentaire pendant les périodes sèches.
On peut déplorer que l’exode rural des jeunes entraîne une lourde perte de savoirs et de biodiversité, mais les normes culturelles et les rituels des communautés autochtones locales permettent au système de conserver son identité agricole et de préserver des milliers de variétés de pommes de terre.
En Tunisie, la culture en ramli
À Ghar El Melh, un système ingénieux du patrimoine agricole mondial situé en Tunisie, les agriculteurs utilisent la technique du ramli, consistant à cultiver des espèces alimentaires dans du sable.
Les espèces cultivées en ramli poussent sur des substrats sablonneux qui sont irrigués d’eau douce grâce au va-et-vient des marées. Ce système très délicat a pu être conçu grâce aux connaissances et à l’expérience que les agriculteurs se transmettent depuis des générations afin d’éviter que les cultures ne soient submergées par l’eau salée, ce qui signerait leur fin.
La pomme de terre est au cœur de la production alimentaire locale, dans les lagunes de Ghar El Melh, et constitue un moyen de subsistance essentiel pour les habitants de la région, la demande sur le marché étant forte.
La pomme de terre est considérée comme l’«or blanc» de la région de Barroso (Portugal), compte tenu de son intérêt économique. ©Système agro-sylvo-pastoral de Barroso (Portugal)
L’or blanc de Barroso (Portugal)
Le climat doux du système ingénieux du patrimoine agricole mondial de la région de Barroso, au Portugal, en fait un lieu idéal pour la culture de la pomme de terre.
La culture de la pomme de terre est devenue le bien le plus précieux des agriculteurs, qu’ils considèrent comme l’«or blanc» de la région. La production florissante de la pomme de terre a permis aux familles d’améliorer leurs conditions de vie, de s’offrir des vêtements de meilleure qualité et de moderniser leurs habitations.
Les experts évoquent dans leurs écrits la célèbre «Batata de Trás-os-Montes» depuis le XVIIIe siècle, ce qui donne une idée de l’importance socioculturelle et de l’ancienneté de ce produit. Sa réputation et sa valeur ont permis à cette culture de se voir décerner le label «indication géographique protégée», qui atteste la qualité d’un produit en fonction du terroir d’où il provient.
La pomme de terre a parcouru un long chemin sur terre et dans le temps, jusqu’à devenir l’une des garantes de la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance de milliards de personnes. C’est pourquoi l’Organisation des Nations Unies a fait du 30 mai la Journée internationale de la pomme de terre. Célébrez l’événement en découvrant les variétés de pommes de terre disponibles localement et les différentes façons de les cuisiner. Partagez vos nouvelles connaissances avec vos amis et découvrez ce tubercule omniprésent sous un nouveau jour!
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