Mission d’évaluation de la situation relative à la fièvre de la vallée du Rift, Mauritanie (7 au 17 janvier 2011)
Contexte
La zone de l’Adrar, dans le Nord de la Mauritanie, a connu fin septembre-début octobre 2010 des événements pluviométriques exceptionnels, qui ont provoqué la pullulation de populations de moustiques dans les zones d’oasis.
Cette situation a conduit à une épidémie violente de fièvre de la vallée du Rift. Les premiers cas animaux sont apparus environ un mois après ces pluies, avec de fortes mortalités de dromadaires et des vagues d’avortement chez les petits ruminants. Des cas humains ont également été rapportés.
La maladie chez les animaux a été notifiée officiellement à l’OIE le 16 décembre 2010. Le Ministère du Développement Rural de la République islamique de Mauritanie a envoyé à la FAO une requête d’assistance le 22 décembre 2010 pour aider à la définition de sa stratégie de contrôle et de suivi de l’épidémie.
En réponse à cette requête, le centre de gestion des crises en santé animale (CMC-AH) a déployé une mission d’expertise d’urgence à Nouakchott et dans la région de l’Adrar (Mauritanie) du 7 au 17 janvier 2011.
Le Centre de gestion des crises – santé animale (CMC-AH) est le mécanisme de réponse rapide mis en place par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) pour faire face aux situations d’urgence dues aux maladies animales transfrontières.
Participants
L’équipe était constituée de 3 experts du CMC-AH du siège de la FAO à Rome (Stéphane De La Rocque, expert en épidémiologie des maladies vectorielles, chef de mission ; Filip Claes, expert en techniques diagnostiques ; Ludovic Plee, expert en épidémiologie et en gestion des risques) et d’un expert en réseaux de laboratoire de l’unité FAO - ECTAD - Afrique du Nord, Lilian Puech.
L’Animal Production and Health Officer du Bureau Sous-régional de la FAO à Tunis, Mohamed Bengoumi a participé à une partie de la mission.
La mission
Les membres de la mission ont pu rencontrer les représentants des agences des Nations Unies présentes en Mauritanie, les autorités mauritaniennes (principalement Ministères du développement rural et de la santé) et certains bailleurs de fonds. Une mission de terrain dans la région ayant subi l’épisode de FVR, l’Adrar, a permis de rencontrer les acteurs de terrain(autorités locales, services déconcentrés, populations) et de recueillir des données et témoignages très utiles.
Cet épisode de FVR s'est caractérisé et distingué principalement par :
• sa survenue dans une région ne faisant pas jusqu’à lors l’objet d’une vigilance particulière car considérée comme non infectée et peu propice à l’apparition et au développement de la maladie (désertique, sans population de moustiques) ;
• des évènements pluviométriques inhabituels ayant entrainé une modification de l’écosystème ;
• un tableau clinique et des symptômes atypiques observés chez les dromadaires, soulevant des interrogations quant à l’étiopathogénie du phénomène infectieux.
Cadavre de chamelles découvert dans le désert, présentant des signes d'avortement
Les principales recommandations ont porté sur :
• des adaptations institutionnelles avec la recherche de synergies entre les cellules de crise des différents ministères, voire leur fusion, et la rédaction d’un plan unique d’intervention
• un renforcement de la surveillance avec l’extension géographique à la zone concernée du dispositif des troupeaux sentinelles (en place dans le sud du pays) et leur diversification (intégration de troupeaux de dromadaires)
• une amélioration de la cohérence dans la communication publique concernant les risques et une adaptation de cette communication selon les publics ciblés (consommateurs, éleveurs et autres professionnels de la filière de production animale, responsables de la santé publique)
• un maintien et un renforcement des mesures de lutte, notamment les opérations de démoustication
• le renforcement des capacités diagnostiques du laboratoire du Centre national de l’élevage et de recherches vétérinaires (CNERV).
(Ekaterina Isselmou, Ahmed Bezeid Ould El Mamy, Yahya Barry)
Outre ces recommandations principalement destinées au Gouvernement mauritanien, la mission a également identifié des besoins :
• de coordination régionale (impliquant à minima les pays immédiatement frontaliers) pour la surveillance et le contrôle de la FVR : mise en place, harmonisation et coordination de programmes de surveillance, renforcement et harmonisation des méthodes d’analyse, … Une fiche technique a été réalisée à cet effet.
• d’évolution des paramètres de suivi des facteurs de risques (en lien notamment avec le changement climatique)
• de recherche, la pathologie des dromadaires et leur éventuel rôle dans la diffusion des maladies infectieuses restant encore largement méconnus.
Une restitution a été effectuée en fin de mission, devant le forum de coordination des urgences en Mauritanie.
La description de cet évènement a fait l’objet d’une publication dans la revue Emerging Infectious Diseases.
L’unité FAO-ECTAD de Tunis s’est particulièrement impliquée dans cette action, la Mauritanie faisant partie de la zone d’intervention du bureau sous-régional de Tunis.
Outre la participation à la mission, elle a fortement contribué à la définition d’un projet d’urgence (élaboré par la FAO et l’OMS) destiné à aider les autorités mauritaniennes à contrôler la propagation de cette maladie et à limiter les contaminations tant humaines qu’animales, projet qui a reçu un soutien financier du Fonds central d’intervention d’urgence des Nations Unies (CERF).
Elle a également fourni en urgence un appui au CNERV, grâce au soutien de l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID).
(Rédacteur: Lilian Puech, FAO-ECTAD-AN)