FAO en République démocratique du Congo

Plus de 27 millions de congolais en insécurité alimentaire aiguë en RD Congo

©FAO _Carte des résultats IPC 19e cycle/Xavier FARHAY
13/09/2021

La FAO appelle le gouvernement et autres partenaires techniques financiers à prendre des mesures drastiques afin d’éviter d’aggraver la situation de l’insécurité alimentaire au pays.

Alors que le Covid-19 poursuit ses effets dévastateurs, la situation de la sécurité alimentaire reste très préoccupante en RD Congo, avec environ 27 millions de Congolais qui sont en situation d’insécurité alimentaire. Ces résultats issus du 19ème cycle d’analyse du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) ont été présentés le lundi 13 septembre 2021, à Kinshasa, par le Groupe de travail technique (GTT IPC), en présence du Ministre de l’Agriculture, des Représentants de la FAO et du PAM, de la société civile, des délégués des différents ministères et des autres parties prenantes impliquées dans le secteur de la sécurité alimentaire dans le pays. C‘était à l’occasion d’une session de validation et d’endossement par le Gouvernement de la République démocratique du Congo des résultats de l’analyse de l’insécurité alimentaire à travers le cadre consensuel de l’IPC.  

Le Représentant de la FAO, Aristide Ongone Obame, s’est réjoui de la franche collaboration entre  les parties prenantes ayant abouti aux résultats d’analyses présentés, tout en rassurant que la FAO et le PAM ne ménageront aucun effort pour soutenir techniquement et financièrement les analyses IPC en RDC. «Mon souhait est que ces résultats puissent rencontrer la ferme volonté des décideurs à prendre de bonnes décisions en faveur des Congolaises et des Congolais en situation de vulnérabilité », a-t-il renchérit.

Le Représentant du PAM en RDC, Peter Musoko a, quant à lui, demandé au gouvernement congolais de s’attaquer aux causes de l’insécurité alimentaire afin de soulager tant soi peu la vulnérabilité des populations enquêtées.

A son tour, le ministre de l’Agriculture, M’Zinga Birihanze, représenté par son Directeur de cabinet, qui s’est réjoui de la validation des résultats, s’est engagé à soutenir la vision de la revanche du sol sur le sous-sol, soit l’agriculture au cœur du développement de la RD Congo……» a-t-il expliqué.

Résultats issus du 19ème cycle : IPC aiguë en RDC

Les analyses du 19ème Cycle de l’IPC, allant de février à décembre 2021, ont couvert les 26 provinces que compte le pays dont 133 territoires en zones rurales, 13 zones urbaines (Goma, Bukavu, Beni, Butembo, Mbuji-Mayi, Kananga, Kalemie, Zongo, Gbadolite, Uvira, Gemena, Kindu) et 24 communes de la ville de Kinshasa, soit un total de 170 unités analysées (contre 104 en juillet 2020).

Les résultats de ces analyses indiquent que 9 territoires ont été classifiés en phase d’urgence ou phase 4 de l’IPC et 93 autres en phase de crise ou phase 3 de l’IPC. Sur les 96,2 millions de personnes vivant dans les zones analysées, les résultats montrent que 27,3 millions sont confrontées à un niveau élevé d’insécurité alimentaire aiguë équivalent à la phase 3 et 4 de l’IPC, représentant ainsi 28% de la population analysée. Sur le nombre de personnes en insécurité alimentaire aiguë,  6,7 millions sont en situation d’urgence équivalente à la phase 4 de l’IPC. Ces résultats présentés font de la RD Congo, en raison de la taille de la population analysée, le pays présentant le plus grand besoin d’assistance dans le monde.

Il sied de préciser que le chiffre le plus élevé de la population en insécurité alimentaire aiguë (crise et urgence) a connu son pic en septembre 2020, une période qui a coïncidé avec l’avènement de la pandémie de la COVID-19, obligeant les autorités de mettre en place des mesures de restriction.

Ainsi, par rapport au nombre des populations analysées, les personnes vulnérables touchées par l’insécurité alimentaire aiguë élevée (Phase 3 de l’IPC et plus) se retrouvent principalement dans les provinces du Kasaï Central (51%), de l’Ituri (50%), du Kasaï (49%), du Kwango (40%), du Tanganyika (39%), du Kasaï Oriental (38%), du Nord-Kivu et du Maniema (30% dans ces deux provinces).

Les provinces qui affichent le nombre le plus important de personnes qui font face à une insécurité alimentaire aiguë élevée sont : le Nord-Kivu (3,1 millions), l’Ituri (2,8 millions), le Kasaï Central (2,5millions), le Kasaï Oriental (2 millions), le Kasaï (1,9 millions), le Sud-Kivu (1,6 millions), la ville province de Kinshasa (1,6 millions) et enfin, le Tanganyika (1,2 millions).

Quant aux territoires classés en Urgence (Phase 4 de l’IPC) il y a lieu de mentionner, Malemba-Nkulu (Haut Lomami), Djugu (Ituri), Kamonia et Luebo (Kasaï), Dibaya (Kasaï Central), Kabeya-Kamwanga (Kasaï Oriental), Beni (Nord-Kivu), Manono et Moba (Tanganyika).

Les facteurs aggravants de la situation de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle

Les cycles des conflits armés et intercommunautaires, principalement à l’Est du pays, ont continué à entrainer des mouvements pendulaires de populations. L’activisme de plus de 40 groupes armés continue à affecter les conditions de vie des populations dans certaines parties du pays, principalement en Ituri, au Nord et Sud-Kivu, au Maniema et dans la province du Tanganyika fragilisant ainsi leurs moyens d’existence.

Les effets dévastateurs du COVID-19 se poursuivent. En effet, en dépit de l’allègement des différentes mesures mises en place par le gouvernement contre la pandémie, celles –ci ont affecté la population, réduisant les mouvements de personnes et le commerce à l’intérieur du pays ou avec les pays voisins. Cela a limité l’accès physique aux marchés et aux produits alimentaires d’une part, et l’accès économique et les revenus à travers de la réduction de la productivité (perte d’emploi, fragilisation du secteur informel) et des revenus d’autre part. Pour preuve, en 2021, même le gouvernement a réduit son budget de 38%, passant de 11 à 6,9 milliards d’USD.

Ces résultats sont corroborés par les enquêtes menées par la FAO dans 14 provinces du pays et qui montrent que 40% des ménages ont connu une baisse de leur production domestique principalement dans les provinces du Sud-Kivu, Sud-Ubangui, Kwango et Tshopo et les principales spéculations cultivées affectées sont entre autres, le maïs (38%), le manioc (21%), la banane plantain (8%) et le riz (8%)…En suite, les données de l’EFSA montrent que, dans près des trois quarts des territoires couverts par le champ de l’étude, plus de 20% des ménages affichent un Score de Consommation Alimentaire (SCA) Pauvre (Phase 4 de l’IPC). Enfin, les enquêtes menées par la CAID dans plus des trois quarts des territoires analysés, au moins 20% des ménages ont une consommation alimentaire Limite à Pauvre.

Les actions recommandées

Au vu de la dégradation des moyens d’existence des ménages du fait des conflits, des aléas climatiques et d’autres facteurs spécifiques ; au regard des impacts liés au COVID-19 ; en vue de soutenir les populations potentiellement affectées, il est recommandé de, (i) Poursuivre les efforts nationaux de lutte contre la pandémie de COVID-19 et continuer de sensibiliser les populations sur le respect des mesures barrières pour limiter le risque de contagion, (ii)  Mener des actions urgentes en soutien aux populations en phase 3 et 4 de l’IPC afin d’améliorer ainsi leur consommation alimentaire. Les territoires de Djugu, Irumu, Mahagi, Masisi, Oïcha, Rutshuru, Walikalke, Fizi, Kalehe, Kalemie, où est concentré le nombre élevé des populations déplacées, doivent être priorisées pour l’aide alimentaire, (iii) Soutenir les moyens d’existence des ménages en Crise (Phase 3 de l’IPC) et Urgence (Phase 4 de l’IPC) à travers le renforcement de l’accès des ménages aux outils et semences et des capacités techniques locales ; accompagner les éleveurs et petits agriculteurs dans la lutte contre les épizooties et les maladies des végétaux à travers l’approvisionnement en intrants nécessaires en vue de renforcer et d’améliorer le système de production agricole d’urgence, (iv) Pour les zones à forte potentialité agricole et d’intérêt national et pour favoriser les échanges commerciaux et l’écoulement des produits agricoles vers les centres de consommation, soutenir la production des semences de qualité ou à haut rendement et assurer la réhabilitation, ainsi que le maintien des routes de dessertes agricoles.

Comme le démontre les analyses, les ménages les plus affectés à travers le pays sont ceux en crises et urgences, notamment les déplacés, les réfugiés, les retournés, les familles d’accueil et ceux affectés par les catastrophes naturelles, comme les inondations, les éboulements et les incendies en plus des malnutris. On retrouve également les populations les plus pauvres des zones urbaines et péri-urbaines et zones enclavées ayant un faible pouvoir d’achat, et dont l’accès à la nourriture dépend de l’approvisionnement auprès des marchés.

Etant donné que la couverture de la réponse alimentaire par rapport à la population en besoin d’assistance reste très faible au niveau national et vue l’urgence de la situation, il est recommandé aux décideurs de prendre des mesures drastiques afin d’éviter d’aggraver la situation de l’insécurité alimentaire en RD Congo.