FAO en Sao Tomé-et-Principe

Q & R : Les effets de la pandémie du COVID-19 sur l’alimentation et l’agriculture - Quelles sont les personnes dont la sécurité alimentaire et les moyens d’existence sont les plus menacés par la pandémie?

© FAO/Ody Mpouo

19/08/2020

Selon les dernières estimations des Nations Unies (rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2020), près de 690 millions de personnes ont souffert de la faim en 2019, soit une augmentation de 10 millions par rapport à 2018 et de près de 60 millions en cinq ans. En raison des coûts élevés et de la faiblesse de leurs moyens financiers, des milliards de personnes ne peuvent adopter une alimentation saine et nutritive.

Le rapport indique que, à l’échelle de la planète, la pandémie de covid-19 pourrait faire basculer jusqu’à 132 millions de personnes supplémentaires dans une situation de faim chronique d’ici à la fin de 2020.

Par ailleurs, à la fin de 2019, 135 millions de personnes dans 55 pays et territoires souffraient de l’insécurité alimentaire aiguë à un niveau de crise, d’après le Rapport mondial sur les crises alimentaires 2020, publié en avril. De plus, 75 millions d’enfants présentaient un retard de croissance et 17 millions une émaciation en 2019. Ces chiffres sont les plus hauts jamais atteints s’agissant de l’insécurité alimentaire aiguë et de la malnutrition à un niveau de crise depuis la première édition du rapport, en 2017.

Plus récemment, en juillet 2020, la FAO et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont réalisé une analyse qui a mis en évidence 27 pays – aucune région du monde n’est épargnée – actuellement au bord d’une crise alimentaire due à la covid-19, qui s’explique par le fait que les répercussions de la pandémie aggravent les causes préexistantes de la faim.

Le rapport d’analyse indique que, pour ces pays «à risque», la probabilité est grande – et parfois déjà réelle – de subir une forte dégradation de la sécurité alimentaire dans les mois à venir, y compris une augmentation du nombre de personnes qui se trouveraient ainsi en situation d’insécurité alimentaire aiguë.

C’est la raison pour laquelle la FAO s’inquiète particulièrement des effets de la pandémie sur les populations vulnérables déjà aux prises avec la faim ou d’autres crises – l’invasion de criquets pèlerins dans la Corne de l’Afrique et au-delà, les chocs et l’insécurité économiques au Yémen et au Sahel, par exemple –, ainsi que dans les pays qui sont fortement tributaires des importations alimentaires, comme les petits États insulaires en développement, et dans ceux qui dépendent de leurs exportations de produits de base, tels que le pétrole.

Au Soudan, par exemple, le nombre de personnes souffrant de l’insécurité alimentaire aiguë à un niveau de crise ou pire a été estimé à 9,6 millions pour la période juillet-septembre 2020, ce qui correspond au chiffre le plus élevé jamais enregistré dans ce pays (prévisions IPC – juin-décembre 2020).

En Somalie, le nombre de personnes en situation de crise ou au-delà devrait tripler par rapport aux estimations réalisées avant l’apparition de la covid-19 (Groupe d’évaluation de la sécurité alimentaire et de la nutrition, mai 2020).

En Afghanistan, 13,2 millions de personnes souffrent de l’insécurité alimentaire aiguë (IPC 3 et 4), ce qui représente une hausse d’environ un million depuis le début de l’application des mesures prises pour faire face à la covid-19 (prévisions IPC – mai-novembre 2020).

En outre, les pays qui dépendent fortement de leurs exportations de produits de base (denrées alimentaires, matières premières, combustibles) sont confrontés à une réduction considérable de la demande émanant des pays développés, et continueront de l’être. Les pays d’Afrique, dans l’impossibilité d’exporter leurs produits (pétrole ou coton, par exemple), vont continuer de voir leurs recettes diminuer. Par ailleurs, la situation est particulièrement difficile pour les petits pays et territoires insulaires car les activités touristiques, qui constituent leur principale source de revenus, sont à l’arrêt et continueront de l’être, ou tout du moins seront considérablement ralenties tant qu’il n’existera pas de vaccin ni de traitement. À cela s’ajoute le fait que beaucoup de petits pays et territoires insulaires sont dépendants des exportations de pétrole. Ils sont également tributaires des transferts de fonds, qui ont été réduits de 20 pour cent, sont exposés à des chocs climatiques et ne peuvent se dispenser d’importer des denrées alimentaires.

Parmi les groupes vulnérables, citons les petits agriculteurs, les travailleurs migrants et les travailleurs informels, les pasteurs et les pêcheurs, que la pandémie peut empêcher de cultiver, de s’occuper des animaux ou de pêcher. Il leur sera également difficile d’accéder aux marchés pour vendre leurs produits ou acheter des intrants essentiels. De plus, la hausse des prix des denrées alimentaires et leur pouvoir d’achat limité ne feront qu’ajouter à leurs problèmes. Les ouvriers informels qui travaillaient dans les secteurs de la récolte et de la transformation ont été touchés de plein fouet: beaucoup ont perdu une partie de leurs revenus, voire leur emploi.

Par ailleurs, des millions d’enfants ne peuvent plus bénéficier des repas scolaires sur lesquels ils comptaient et beaucoup d’entre eux n’ont plus accès aux programmes publics de protection sociale, y compris l’assurance maladie.

Outre celles qui concernent l’agriculture, d’autres répercussions sectorielles sont attendues. Prenons l’exemple du poisson, qui fournit plus de 20 pour cent des apports moyens en protéines animales par personne à trois milliards de personnes, et même plus de 50 pour cent dans certains pays moins avancés. C’est l’un des produits alimentaires de base les plus échangés dans le monde. Par conséquent, l’incidence sur les moyens d’existence des communautés de pêcheurs, la sécurité alimentaire, la nutrition et le commerce, en particulier dans ces pays, qui sont fortement dépendants du secteur de la pêche, devrait être considérable.

Les pays en développement courent un risque particulièrement élevé étant donné que la covid-19 peut entraîner une réduction de la main-d’œuvre et avoir des conséquences sur les revenus et les moyens d’existence, ainsi que sur les activités de production à forte intensité de main-d’œuvre (agriculture, pêche/aquaculture). L’Afrique subsaharienne, en particulier, suscite des préoccupations. En effet, la plupart des pays en proie à une crise alimentaire se situent dans cette sous-région et la pandémie s’y propage à un moment crucial tant pour les agriculteurs que pour les éleveurs, où ceux-ci ont besoin de se procurer des semences et d’autres intrants et de se rendre sur leurs exploitations pour mener leurs activités de plantation.

Version originale sur le lien suivant: http://www.fao.org/2019-ncov/q-and-a/impact-on-food-and-agriculture/fr/