FAO en Sao Tomé-et-Principe

Quelles sont les conséquences actuelles et futures de la pandémie de covid-19 sur la production alimentaire, les filières de l’agriculture et de la pêche/l’aquaculture et les marchés ?

© FAO/Ody Mpouo

28/08/2020

Une filière d’approvisionnement alimentaire est un réseau complexe qui se compose de divers éléments : producteurs, consommateurs, intrants destinés à l’agriculture ou à la pêche, transformation et stockage, transport et commercialisation, etc.

Dès le début de la crise, les chaînes d’approvisionnement alimentaire se sont tendues car de nombreux pays ont imposé des restrictions quant aux entrées et sorties de biens et de personnes aux frontières nationales et à la circulation des biens et des personnes sur leur territoire. Par conséquent, l’enjeu n’était pas la disponibilité des aliments mais leur accessibilité.

Ensuite, face à toutes les incertitudes relatives aux approvisionnements alimentaires, certains pays ont limité les exportations de denrées alimentaires, ce qui n’a fait que rendre la situation encore plus difficile.

Ces mesures protectionnistes ont été prises en partie pour éviter une augmentation des prix intérieurs des denrées alimentaires. En effet, compte tenu de l’affaiblissement des monnaies nationales, il devenait plus avantageux pour les producteurs d’aliments d’exporter plutôt que de vendre sur le marché domestique. L’inflation des prix alimentaires qui en aurait découlé aurait pu avoir de lourdes conséquences, à savoir des troubles sociaux et politiques et l’aggravation de la pauvreté.

Heureusement, l’excès de protectionnisme a été évité et nombre des restrictions instaurées ont finalement été levées, les pays adoptant globalement une approche raisonnable et modérée.

Au niveau mondial, les approvisionnements alimentaires sont suffisants et les marchés s’avèrent stables pour le moment. Les stocks mondiaux de céréales, par exemple, se situent à un niveau confortable et les perspectives pour 2020 concernant le blé et les autres principales céréales de base sont positives.

Néanmoins, les filières d’approvisionnement demeurent soumises à des perturbations, les situations sont contrastées et de nombreuses inconnues demeurent.

Production alimentaire

Bien que la probabilité d’une réduction de la production de denrées de base à forte valeur (fruits et légumes) se dessine déjà nettement, cette diminution n’est pas encore perceptible en raison des mesures de confinement et des perturbations des chaînes de valeur.

Dans les pays déjà en proie à d’autres crises, la FAO mène actuellement des enquêtes sur le terrain qui semblent indiquer que les petits producteurs sont confrontés à des difficultés grandissantes pour ce qui est de l’accès aux intrants – semences et engrais, notamment – du fait de la hausse des prix de ces produits, de la chute des revenus des ménages et/ou de la disponibilité insuffisante de ces intrants sur les marchés.

Nous ne savons pas encore quelle sera l’ampleur de ces répercussions sur la production nationale. Néanmoins, en Afghanistan notamment, une enquête menée par la FAO en collaboration avec le gouvernement tend à prévoir une baisse de plus de 50 pour cent de la production de certaines denrées alimentaires (céréales, fruits, légumes et produits laitiers, entre autres) cette année. Plus de 1 300 personnes, dans 18 provinces d’Afghanistan, ont participé à l’enquête: agriculteurs, négociants, transformateurs/propriétaires d’usines et spécialistes de l’agriculture.

Le recul de la production alimentaire pourrait avoir de graves incidences sur les disponibilités alimentaires. Si la plantation est limitée, la récolte le sera aussi. Au bout du compte, les familles d’agriculteurs, qui font souvent partie des groupes de population qui souffrent le plus cruellement de l’insécurité alimentaire, et leurs communautés n’auront pas accès à des aliments nutritifs en quantité suffisante.

Pêche et aquaculture

Dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, les conséquences sont variables et peuvent être assez complexes. S’agissant de la pêche de capture sauvage, le fait que des navires de pêche soient à l’arrêt (en raison de la contraction ou de l’effondrement des marchés ainsi que des mesures sanitaires, difficiles à appliquer à bord d’un bateau) peut engendrer un effet domino qui se ferait sentir tout au long des chaînes de valeur, tant au niveau de l’offre en général que de la disponibilité de certaines espèces. En outre, dans le secteur de la pêche de capture sauvage et de l’aquaculture, des problèmes logistiques liés aux restrictions imposées aux transports, les fermetures de frontières et la demande moindre émanant des restaurants et des hôtels peuvent entraîner de profonds changements sur les marchés, qui se répercuteraient sur les prix.

Élevage

Le secteur de l’élevage subit lui aussi les effets de la pandémie, étant donné que l’accès aux aliments pour animaux est réduit et que les capacités des abattoirs sont moindres (en raison de contraintes logistiques et de pénuries de main-d’œuvre). C’est ce qui s’est produit en Chine.

Dans les pays déjà en proie à d’autres crises, il ressort des évaluations réalisées par la FAO que le secteur de l’élevage est particulièrement vulnérable face aux effets de la pandémie.

Au Zimbabwe, par exemple, les mesures d’endiguement et l’impossibilité pour les fabricants de se procurer des matières premières et de la main-d’œuvre perturbent les approvisionnements en aliments pour animaux. En Afghanistan, les Kuchis, un groupe ethnique nomade, sont touchés de plein fouet: l’accès aux pâturages est restreint, il n’y a pas suffisamment d’aliments/de fourrage pour les animaux et les prix de ces produits ont augmenté, ce à quoi s’ajoute la difficulté de bénéficier de services vétérinaires de qualité. Près d’un tiers d’entre eux ont signalé que leur transhumance avait été limitée voire rendue impossible, ce qui avait donné lieu à des tensions localisées.

Transports

Les obstacles qui entravent les circuits de transport sont particulièrement contraignants du point de vue des filières d’approvisionnement en aliments frais et entraînent une augmentation des pertes et du gaspillage de nourriture. Le poisson et les produits aquatiques frais, qui sont extrêmement périssables et doivent donc être vendus, transformés ou entreposés dans un court délai, sont concernés au plus haut point.

Il est probable que les mesures de quarantaine et les restrictions qui pèsent sur les transports limitent l’accès des agriculteurs et des pêcheurs aux marchés, ce qui réduirait leurs capacités de production et entraverait la vente de leurs produits.

Les pénuries de main-d’œuvre pourraient perturber la production et la transformation d’aliments, notamment dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre (cultures à forte valeur, viande et poisson, par exemple).

Marchés

La fermeture des restaurants et des stands de vente d’aliments sur la voie publique prive de nombreux producteurs et transformateurs d’un marché vital, ce qui peut donner lieu de manière temporaire à une production excédentaire ou déclencher une réduction de la production en amont, comme on l’observe dans les secteurs du poisson et de la viande. Dans certains pays en développement, l’offre et la demande urbaines de produits frais sont en baisse du fait des restrictions en vigueur et des comportements d’aversion des négociants et des consommateurs.

Version originale sur le lien suivant: http://www.fao.org/2019-ncov/q-and-a/impact-on-food-and-agriculture/fr/