FAO au Sénégal

A Djirnda, les habitants veulent désespérément retourner à la pêche

©FAO/JohnWessels
05/06/2020

La pêche côtière au Sénégal durement touchée par les mesures de prévention de la propagation du COVID-19 

Mr Elhadj Issakha Sarr tire la sonnette d'alarme. Jusqu'ici, raconte ce pêcheur et mareyeur de 52 ans, les gens de Djirnda ont réussi à s'en sortir. "Maintenant", ajoute-t-il, "ils n’en peuvent plus." 

Niché dans un îlot dans le delta du fleuve Saloum au sud du Sénégal, près de la Gambie, le petit village de Djirnda vit essentiellement de la pêche. Cependant, les mesures prises par les autorités sénégalaises pour contrôler la propagation du coronavirus ont mis cette communauté à genoux. 

Tout d'abord, dit Mr Issakha, il y a eu le couvre-feu. Personne n’est autorisé à sortir de huit heures du soir à six heures du matin. Cela a mis un terme à la pêche à la crevette qui a lieu la nuit. Selon Mr Issakha, les crevettes représentent environ 25% des captures de Djirnda. 

Les femmes ont été les plus touchées, dit-il. Elles se concentrent sur le séchage des crevettes et le fumage du poisson. Sans crevettes et sans commerçants du Burkina Faso ou de la Guinée qui achètent la plupart de leurs produits, elles sont à bout de souffle. D'autant plus que l'autre débouché pour les produits tels que les poissons, le port voisin de Joal, ne peut pas être atteint en raison de l'interdiction de transport interurbain. 

Les hommes aussi ont du mal, ajoute Mr Issakha. "Vous pouvez toujours aller à la pêche pendant la journée", explique-t-il, "mais vous ne savez pas vraiment si vous allez vendre." 

Des mesures d'urgence telles que l'interdiction de transport, les fermetures des marchés et la suspension des exportations, ont fortement impacté le secteur de la pêche, selon Ibrahima Lo, qui est en charge de la pêche dans la région de Fatick où Djirnda est située. 

«Pêche, transformation, commerce - tout le secteur a été touché», explique Mr Ibrahim Lo. Le risque de crise alimentaire résultant d'un ralentissement des activités et d'une perte de revenus est réel, ajoute-t-il. 

L’impact évident du COVID 

Djirnda n'est pas un cas isolé. Les communautés le long de la côte du Sénégal sont confrontées à des défis similaires maintenant que la pêche, un moteur de l'économie fournissant 16% des exportations nationales en 2018, a cessé de fonctionner. 

Et, l'impact du COVID-19 ne se fait pas sentir uniquement sur la pêche, explique Mr Robert Guei, Coordonnateur sous-régional de la FAO pour l'Afrique de l'Ouest et Représentant au Sénégal. Tous les secteurs de la production alimentaire sont en grande difficulté. «La FAO s'adapte à la nouvelle norme», dit-il. «Notre priorité à court terme est d'éviter que la crise sanitaire causée par la pandémie ne devienne une crise alimentaire». 

Pour maintenir la chaîne d'approvisionnement alimentaire viable, la FAO s'est associée au Gouvernement du Sénégal, à l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU Femmes) et au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) pour lancer l'initiative «Panier de la ménagère». 

Cette initiative vise à créer un pont entre les producteurs, qui ne peuvent pas vendre leurs produits alimentaires en raison des restrictions liées au COVID-19, et les ménages confrontés à l'insécurité alimentaire et nutritionnelle. 

Amélioration de la pêche côtière

«À long terme, nous devrons nous adapter et aider à trouver de nouvelles solutions pour venir en aide aux plus vulnérables», explique Mr Nathanael Hishamunda, responsable du Program FishCodes à la FAO. Au Sénégal, Mr Hishamunda s'attend à ce que la pêche côtière fasse partie de la solution. 

La pêche côtière représente environ 80% de la capture totale du Sénégal et représente la majorité des emplois dans la pêche et la transformation artisanales - environ un demi-million. Cela explique le fait que l’Initiative Pêche Côtière (Coastal Fisheries Initiative -CFI), un effort mondial pour améliorer la gestion des pêches côtières et conserver la biodiversité marine, travaille avec les communautés locales au Sénégal. 

«La pêche est une bouée de sauvetage pour les communautés côtières du Sénégal», explique Mme Leah Karrer, spécialiste principale de l'environnement au Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) qui finance la CFI. «Comme la pandémie de coronavirus nous montre de façon spectaculaire aujourd'hui, nous devons prendre soin de l'environnement si nous voulons une croissance durable pour les personnes et la planète». 

En février, avant la première apparition du COVID-19 au Sénégal, les dirigeants de la communauté locale de pêcheurs de Djirnda ont discuté avec la FAO des défis de la pêche artisanale dans le delta du Saloum. Ils ont exprimé la nécessité d’une digue pour protéger l’espace de travail des femmes contre les inondations. Ils ont également convenu d'intensifier la surveillance pour sauvegarder les espèces menacées dans les aires marines protégées. 

Mr Elhadj Issakha Sarr, qui a pris part à la discussion, aimerait pouvoir à nouveau se concentrer sur ces questions. Mais, tout cela semble très loin. À l'heure actuelle, les habitants de Djirnda ont des préoccupations plus urgentes, dit-il. Tout ce qu'ils veulent, c'est retourner à la pêche. "Il s'agit d’une question  de survie." 

Comment le COVID-19 affecte-t-il les systèmes alimentaires des pêches et de l'aquaculture? 

«Toutes les activités requises pour livrer du poisson et des produits à base de poisson, de la production au consommateur final, est soumis aux effets indirects de la pandémie par le biais de nouvelles mesures sanitaires, de l'évolution des demandes des consommateurs, de l'accès aux marchés ou de problèmes logistiques liés au transport et aux restrictions frontalières. Cette situation, à son tour, a un effet néfaste sur les pêcheurs et les pisciculteurs, ainsi que sur la sécurité alimentaire et la nutrition des populations qui dépendent fortement du poisson pour les protéines animales et les micronutriments essentiels» comme c’est décrit dans le résumé de la nouvelle note d’orientation de la FAO. 

Cette note d'orientation passe en revue les défis actuels et propose des mesures pour protéger la production, les revenus du secteur et les plus vulnérables, ainsi que pour maintenir les opérations et soutenir la chaîne d'approvisionnement.