Gestion Durable des Forêts (GDF) Boîte à outils

Réduire la dégradation des forêts

Ce module est destiné aux aménagistes des forêts et des terres, ainsi qu’aux parties prenantes de tous les secteurs participant aux efforts conjoints de lutte contre la dégradation des forêts. Il fournit des indications sur la manière de ralentir, d’arrêter et d’inverser la dégradation des forêts au sein de la sphère de contrôle et d’influence de l’aménagiste. Il est conseillé de lire ce module en parallèle avec le module sur la lutte contre la déforestation.  

Les facteurs de la dégradation des forêts

Au niveau mondial, les activités les plus importantes à l’origine des perturbations et, à plus long terme, à l’origine de la dégradation des forêts sont:

  • l’exploitation forestière et l’extraction de bois d’œuvre non durables;
  • la collecte non durable de bois de feu;
  • la production non durable de charbon de bois;
  • le surpâturage dans les forêts;
  • les incendies non maîtrisés; et
  • la défaunation (la perte ou la réduction des espèces sauvages, ce qui pourrait avoir des conséquences écologiques graves sur le plan de la pollinisation des arbres, de la dispersion des graines et de la lutte contre les ravageurs).

Les facteurs sous-jacents correspondent aux interactions complexes de facteurs sociaux, économiques, politiques, technologiques et culturels qui influent sur les facteurs directs.  Parmi les nombreux facteurs sous-jacents citons: des politiques non solides; une gouvernance faible et l’absence d’application des lois; le manque de terres et l’allocation peu claire des droits; la pauvreté rurale; le manque d’investissements et de ressources financières; la croissance démographique et la migration; les conflits civils.

La différence entre les causes directes et les causes sous-jacentes, ainsi qu’entre les changements anthropiques et naturels, est moins évidente qu’il ne paraît de prime abord.  Les causes anthropiques et naturelles à l’origine de la dégradation sont souvent interdépendantes, et la dégradation n’est que le résultat final de liens de casualité longs et complexes.

Tableau 2. Principaux facteurs de la dégradation des forêts

Tableau 2. Principaux facteurs de la dégradation des forêts

Comment s’attaquer à la dégradation des forêts

Évaluer la dégradation des forêts

Évaluer la dégradation des forêts

Il est important de savoir si les forêts sont dégradées et, le cas échéant, d’en connaître les causes pour prendre les mesures nécessaires à enrayer et invertir le processus.

La collecte et l’analyse d’informations sur l’état des forêts et sur l’étendue de leur dégradation permettra de prioriser les ressources et les mesures à prendre pour éviter une nouvelle dégradation, s’attaquer aux causes fondamentales et rétablir ou restaurer les paysages forestiers dégradés. Cela aidera également les pays à respecter leurs engagements concernant la présentation de rapports au niveau international.

Il est, toutefois, difficile de quantifier l’ampleur du problème. Les différentes parties prenantes perçoivent la dégradation des forêts de manières différentes – la forêt qui sera dégradée pour une personne pourrait être le moyen d’existence d’une autre – et il peut être difficile de trouver une approche commune qui la définisse.  De nombreux critères sont appliqués comme la santé et la vitalité, la diversité des espèces, la capacité de production, la capacité de protection et la valeur esthétique; mais la pondération donnée à chaque critère influence la perception de la dégradation. Par exemple, une forêt plantée pourrait être considérée «dégradée» si l’on se fonde uniquement sur le critère de biodiversité.

La définition de dégradation devrait être liée aux objectifs de gestion forestière ainsi qu’aux buts poursuivis par la société – la «dégradation» est donc définie par la capacité de la forêt de produire les produits et les services demandés par les parties prenantes.

Un autre problème concernant le suivi de la dégradation est l’éventuelle difficulté de distinguer entre les variations naturelles et la dégradation. Il faut disposer d’un état de référence qui permette de comparer les changements survenus dans la forêt à une échelle temporelle précise. 

Les éléments thématiques de la GDF dénombrés dans l’Instrument de l’ONU concernant les forêts (et énumérés dans le tableau suivant) peuvent offrir un cadre approprié pour choisir les indicateurs de la dégradation de la forêt.

Éléments thématiques de la GDF

Exemples d’indicateurs de la dégradation forestière

1.   Étendue des ressources forestières

•  Baisse du pourcentage de couvert

2.   Diversité biologique des forêts

•  Niveau de fragmentation et densité du réseau routier

•  Composition et changements dans la composition des espèces (pour un type d’écosystème)

•  Existence ou changements des espèces clés (menacées, anciennes, chassées)

•  Existence ou changements, et niveau de présence des espèces envahissantes

•  Existence ou changements, et niveau de présence des abeilles pollinisatrices

3.   Santé et vitalité des forêts

•  Zones touchées par les ravageurs et les maladies

•  Zones frappées par les incendies

4.   Fonctions productives des ressources forestières

•  Nombre d’essences dont le bois a une valeur marchande

•  Nombre d’arbres exploitables

•  Capacité reproductive diminuée des espèces commerciales (nombre de taillis épuisés)

•  Distance moyenne parcourue pour collecter le bois de feu ou les produits forestiers non ligneux

•  Nombre de gibiers

5.   Fonctions de protection des ressources forestières

•  Érosion des sols (présence de rigoles ou ravines, et exposition des racines des plantes)

•  Quantité et qualité de l'eau

L’évaluation de l’état de dégradation de la forêt implique de sélectionner une échelle spatiale (mondiale, nationale, sous-nationale, paysagère/bassin versant, unité forestière d’aménagement ou peuplement/site), et une méthode d’évaluation. Ces aspects sont examinés plus loin.

Niveau de l’unité forestière d’aménagement (UFA) ou du site

Niveau de l’unité forestière d’aménagement (UFA) ou du site

L’évaluation de l’état de dégradation des forêts de chaque site ou UFA permet aux propriétaires et aux aménagistes de décider des mesures correctives à entreprendre à l’échelle locale.

Les aménagistes devront établir quels indicateurs de la dégradation mesurer pendant le contrôle régulier des forêts (voir le module Suivi de la gestion des forêts).   L’identification précoce des problèmes locaux permettra d’orienter la révision des programmes de gestion des forêts afin d’éviter de nouvelles dégradations, d’aborder les causes profondes de la dégradation, de prendre des mesures pour réparer les dégâts occasionnés et d’investir dans leur remise en état. 

Les aménagistes devraient donc garder à l’esprit que plusieurs indicateurs de la capacité d’une forêt à fournir des biens et des services changent dans le temps au sein d’un peuplement, sans que cela ne constitue une dégradation de la forêt.  Les fluctuations à court terme font partie des cycles naturels ou sont le résultat d’interventions planifiées par l’homme (voir la figure 1).

Niveau sous-national, national ou mondial

Niveau sous-national, national ou mondial

La dégradation des forêts est généralement évaluée à des échelles plus grandes pour faciliter la conception et la mise en œuvre des politiques et des programmes, y compris les mécanismes de paiement ou d’autres mesures incitatives propres à éviter la dégradation (paiements pour services environnementaux, par exemple).  Ce genre de suivi à très grande échelle est également utile pour l’établissement de rapports nationaux destinés à des instances internationales, comme les rapports sur les émissions de GES et la biodiversité.

Mesurer et contrôler la dégradation des forêts à l’échelle sous-nationale ou nationale est problématique, et cela peut être plus long et plus coûteux qu’évaluer la déforestation.  Une combinaison d’inventaires forestiers sur le terrain et de données obtenues par la télédétection fournira des estimations bien plus fiables.   La télédétection constitue, en effet, une solution rentable pour évaluer la dégradation grâce à l’utilisation d’indicateurs supplétifs comme le pourcentage de couvert arboré (une tendance décroissante supposera une dégradation). Des enquêtes de terrain spécifiques (par ex. observations biométriques de terrain, évaluations de la biodiversité, évaluations rurales rapides) peuvent aussi être menées dans des zones où la télédétection a détecté une dégradation afin d’avoir une connaissance plus nuancée des tendances de dégradation, de leurs causes et des solutions possibles.

La méthode de suivi la plus appropriée sera déterminée en fonction de paramètres comme le type de végétation, les évolutions climatiques ou de la dégradation (La dégradation survient-elle à petite ou à grande échelle? Est-elle concentrée ou dispersée?). Parfois, la dégradation sera le résultat direct de la gestion, et il se peut que l’on observe des différences dans l’état de la forêt d’une part et d’autre des limites des zones de gestion. Dans d’autres cas, en revanche, il sera plus utile d’observer les séries temporelles pour détecter les changements.

Dans certains pays, les systèmes nationaux de surveillance des forêts permettront également d’en suivre la dégradation, s’ils sont adaptés et élargis. 

Faire le suivi de la dégradation des forêts avec un degré de certitude élevé est à la fois long et coûteux; cette activité devrait être prise en considération dans le contexte de la REDD+, si la dégradation de la forêt est susceptible de contribuer largement aux émissions de GES.  Lorsque ce genre de suivi s’avère nécessaire, il faudra cibler les zones les plus exposées à la dégradation. 

Les estimations sur la dégradation pourraient s’avérer inexactes (avec des intervalles de confiance très larges) en raison du nombre élevé de variables et de la difficulté d’en mesurer un bon nombre. Même en disposant des meilleurs systèmes de mesure et de suivi, il sera peut-être difficile d’estimer les taux de dégradation d’année en année, raison pour laquelle il est conseillé d’utiliser une approche à long terme. 

Les sources de données de télédétection pouvant être utilisées pour surveiller la dégradation des forêts comprennent des méthodes optiques à niveau élevé de résolution spatiale (RapidEye) et des senseurs actifs comme les radars ou les lidars. 

Identifier et analyser les facteurs de la dégradation

Identifier et analyser les facteurs de la dégradation

La dégradation des forêts est un phénomène complexe fortement lié à la géographie: pour le comprendre, il faudra donc analyser les causes directes de même que les causes indirectes. Après avoir identifié l’échelle et les zones touchées par la dégradation, il sera utile de mener une évaluation exhaustive des facteurs de dégradation pour chaque zone.  Il est souhaitable que les parties prenantes clés associées aux facteurs de dégradation participent à ces évaluations et contribuent à analyser les données pour comprendre les dynamiques du changement.

Mesures et stratégies s’attaquant aux facteurs de la dégradation

Mesures et stratégies s’attaquant aux facteurs de la dégradation

La dégradation peut être – mais pas nécessairement – un précurseur de la déforestation. Les forêts pourront rester dégradées pendant longtemps sans jamais se déboiser complètement.  En outre, la dégradation peut être enrayée ou invertie en de nombreux points de la voie de dégradation (voir figure 1) grâce à des interventions de gestion forestière.  Dans de nombreux cas, toutefois, la dégradation de la forêt est un précurseur de la déforestation: par exemple, les zones de récolte sélective peuvent se déboiser en très peu d’années après la récolte en l’absence d’une GDF et en présence des pressions de la déforestation.

Les mesures et les stratégies s’attaquant aux facteurs de dégradation de la forêt devraient prendre en compte les possibles impacts sur la sécurité alimentaire, sur les moyens d’existence locaux et sur la lutte contre le changement climatique.  La priorité devrait être donnée à l’amélioration de la gouvernance; au renforcement de la transparence, des capacités et de l’application des lois; à la fourniture de droits fonciers solides et équitables; et à la lutte contre les activités illégales.

Les interventions devraient prendre en compte les facteurs directs et sous-jacents, ainsi que les différentes échelles (locales, nationales ou mondiales), et inclure un large éventail de mesures.  Les aménagistes sont principalement responsables des mesures au niveau local mais il sera utile de considérer la dégradation de la forêt à de plus grandes échelles.  Enfin, il ne faudra pas sous-estimer le temps requis pour concevoir les programmes s’attaquant aux facteurs de la dégradation et concilier les intérêts des nombreuses parties prenantes.

Exemples de stratégies et de mesures à prendre pour empêcher et enrayer la dégradation

Exemples de stratégies et de mesures à prendre pour empêcher et enrayer la dégradation

Facteurs de la dégradation

Mesures

Secteur

Prélèvement et exploitation non durable de produits forestiers ligneux et non-ligneux 

Promouvoir des pratiques durables de gestion dans les forêts de production, y compris: 

Au niveau local ou de l’UFA

•  Élaborer ou revoir les plans de GDF et leur mise en œuvre, dont également les rendements durables

•  Réduire les impacts de l’exploitation forestière

•  Certification

Au niveau sous-national ou national

•  Revoir les politiques en matière de concession, les plans de gestion et les pratiques d’exploitation

•  Mener des recherches, renforcer les capacités et piloter des expériences

•  Revoir les lois sur les forêts

Dialoguer avec les parties prenantes locales et passer des accords aux responsabilités mutuelles sur l’accès, l’utilisation des ressources forestières et le partage des avantages qui en découlent

 

Renforcer la gouvernance des forêts et l’application des lois (pour lutter contre l’exploitation illégale et la récolte illégale de produits forestiers non-ligneux; pour assurer le respect des quotas établis; pour garantir la légalité des importations et exportations) 

 

Renforcer et élargir les aires protégées, en considérant des pratiques de gestion conjointe des forêts 

 

Encourager l’agroforesterie, le boisement et le reboisement pour répondre à la demande de matériaux de construction

 

Renforcer les régimes fonciers et les droits sur les forêts  

 

Collecte de bois de feu et production de charbon de bois non durables

Promouvoir des niveaux durables de collecte de bois de feu (sensibilisation, règlements locaux et application des lois) et d’efficacité de combustion (foyers et appareils de chauffage améliorés)

 

Promouvoir la production durable et efficiente de charbon de bois

 

Promouvoir l’agroforesterie, le boisement et le reboisement comme stratégies pour répondre à la demande de bois de feu et de charbon de bois 

 

Évaluer et promouvoir d’autres combustibles (briquettes bio, par ex.) et de nouvelles sources d’énergie (solaire, biogaz) 

 

Offrir aux communautés locales des mesures incitatives et de soutien pendant leur transition vers de nouvelles sources d’énergie

 

Pâturage et surpâturage de bétail

Promouvoir le pacage durable

Promouvoir les systèmes sylvopastoraux durables

 

Incendies de forêt

Promouvoir la gestion intégrée des incendies 

 

Ravageurs et maladies des forêts 

Promouvoir la gestion intégrée des ravageurs forestiers

 

Catastrophes naturelles 

Promouvoir les réponses forestières aux catastrophes (pour atténuer les impacts, éviter de nouvelles catastrophes et renforcer la résilience)

 

Priorisation et mise en œuvre

Priorisation et mise en œuvre

Les mesures devraient être choisies et hiérarchisées selon des critères convenus (par ex. objectifs, coûts estimés et potentiel de financement, capacités de mise en œuvre existantes) en consultant les parties prenantes locales.  Le processus de consultation peut être utilisé pour déterminer à quels facteurs s’attaquer en premier lieu, quelles sont les voies d’action les plus appropriées et pour quelle raison effectuer ces choix.