La FAO au Tchad

Mission d’évaluation multisectorielle des agences des Nations Unies au Tchad

Après l’attaque de la région du lac par les sectes islamistes Boko Haram, les agences des Nations Unies au Tchad ont dépêchée une mission d’évaluation multisectorielle.
04/03/2015

Après l’attaque de la région du lac par les sectes islamistes Boko Haram, les agences des Nations Unies au Tchad ont dépêchée une mission d’évaluation multisectorielle.

Une initiative pour évaluer l’impact de la crise et pour mobiliser une réponse multisectorielle appropriée  aux besoins des populations rurales victimes.

Lac Tchad, 4 mars 2015- Depuis 2009, les attaques de Boko Haram et leur répression par les forces nigérianes ont fait plus de 13 000 morts et 1,5 million de déplacés. Au Nigéria depuis le début de l’année 2015, cette situation a provoqué des vagues de mouvements de réfugiés vers la région du Lac, ainsi que des déplacements, vers la terre ferme, des tchadiens ressortissants des îles frontalières. La population du Lac est estimée à  environ 540 000 personnes[1], auxquelles s’ajoutent plus de 18 000 réfugiés essentiellement arrivés au cours des dernières semaines.

La menace terroriste a conduit les autorités locales à procéder à la restriction des mouvements transfrontaliers, ce qui a entrainé une diminution drastique des flux commerciaux et des revenus des populations locales, alors que les prix de plusieurs biens de première nécessité ont augmenté de plus de 50 pour cent.

Une mission d'évaluation inter-agence a été effectuée du 21 au 26 Février 2015 dans les sous-préfectures de la région du Lac fortement impactées par la crise au Nigéria : Liwa, Baga-Sola, Bol, Ngouri, Daboua, Doum-Doum et la sous-préfecture de Kouloudia dans le Hadjer Lamis (qui a ressenti un impact pour raison de sa proximité au lac Tchad et la frontière avec le Nigéria). Celle-ci s’est tenue afin d’évaluer l’impact de la crise, en particulier sur les populations locales, et de mobiliser une réponse multisectorielle appropriée  aux besoins de populations rurales affectées.

La mission s’est concentrée sur l’identification des  besoins humanitaires de la population locale, des refugiés, des retournés et des déplacés internes et sur l’évaluation du niveau de réponse apporté par les acteurs humanitaires et étatiques.

Une situation critique

L’évaluation a permis d’identifier des lacunes dans la réponse afin de formuler des recommandations d’action aux autorités ainsi qu’aux partenaires techniques et financiers.  Selon les prévisions qui en découlent, plus de 35 000 réfugiés et déplacés devraient arriver au Tchad suite à l’insécurité et aux violences sévissant dans le nord-est du Nigeria. Quelques 7 000 réfugiés se sont déjà installés sur les îles du lac Tchad, où l'accès humanitaire est malheureusement extrêmement difficile.

La situation alimentaire et nutritionnelle pourrait se dégrader, sachant qu’elle était déjà en phase de stress (pour la période mars-septembre 2014) pour des raisons d’extrême variabilité pluviométrique et de pauvreté chronique. Conséquences, la production céréalière de la région en 2014-2015 est en baisse de 19% par rapport à la moyenne quinquennale.

Notons que près de 30% de la population du Lac a une consommation alimentaire considérée comme pauvre et limitée, près d’un tiers des ménages sont dirigés par des femmes seules, la prévalence de l’insécurité alimentaire globale dans la région est de 32%, celle de l’insécurité alimentaire sévère est estimée à 18%.

Pour des raisons de sécurité, la fermeture de la frontière avec le Nigéria a eu un fort impact sur l’équilibre économique, causant des perturbations sur des échanges commerciaux (le Nigéria destination majeure des exportations des produits d’élevage) mais aussi, une augmentation des prix dans toutes les huit sous-préfectures de la région du Lac.

Le niveau des prix des céréales est élevé et celui du bétail est en baisse puisque son  commerce dans la région se fait à 90% sur les marchés transfrontaliers. Comparé à 2013, le revenu mensuel moyen dans la région a baissé de  près de 40%. Il y a donc environ 200 000 personnes de cette région qui sont gravement touchées par l'insécurité alimentaire représentant près de 30%  de la population locale.

Sur base de l’évaluation, la mission recommande de fournir une assistance d’urgence en termes de protection des personnes déplacées et réfugiées ainsi que de renforcer les capacités et moyens d’existence des populations locales. Il s’agira principalement de fournir des moyens de production agricole et de renforcer les capacités financières des associations féminines (crédits-épargnes) afin d’améliorer leurs investissements locaux et revenus. Les femmes ainsi que les autorités locales et religieuses joueront un rôle important pour la cohésion sociale, la prévention de la violence et du radicalisme.

Mobilisation de la FAO sur le terrain

Le bureau de la FAO au Tchad développe un programme spécifique pour lequel deux millions de dollars américains (USD 2, 000,000) sont recherchés afin de permettre aux populations déplacées, réfugiées et locales (5,000 ménages) de produire leur alimentation et d’en dégager des revenus afin de couvrir leurs besoins de première nécessité. D’autre part ce programme portera une attention particulière aux associations  de femmes (100 groupes composés d’environ 20 membres) engagées dans la gestion communautaire des systèmes de crédit-épargne (inspirés des tontines traditionnelles) qui bénéficieront d’un appui en transfert monétaire conditionnel pour l’amélioration de leurs infrastructures productrices (entreposage, transformation, etc.). Ce transfert s’effectuera en échange d’un travail communautaire précis et permettra à leurs membres d’augmenter leurs contributions aux « parts » des tontines et donc de bénéficier de meilleurs crédits pour développer des activités génératrices de revenus (petit commerce local) afin de compléter au mieux les revenus saisonniers liés à l’agriculture. 



[1]Projection 2015 source INSEED-RGPH2, 2009