COMITÉ DES PRODUITS

GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL SUR LA VIANDE

SOUS-GROUPE DES CUIRS ET PEAUX

Sixième session

Le Cap (République sud-africaine), 9 - 11 novembre 1998

RESTRICTIONS AU COMMERCE DES CUIRS ET PEAUX






I. INTRODUCTION

1. A sa cinquième session tenue en 1996, le Sous-Groupe, ayant étudié les restrictions imposées par certains pays sur leurs exportations de cuirs et peaux, a demandé des informations plus complètes sur ces mesures et sur leurs effets.

2. Le présent document se compose d'un exposé rapide de la question établi par le Secrétariat de la FAO et de deux annexes communiquées respectivement par l'ESALIA (Association des industries du cuir d'Afrique orientale et australe) et la Confédération des associations nationales de tanneurs et mégissiers de la Communauté européenne (COTANCE) qui présentent des analyses de l'impact des restrictions à l'importation au niveau des pays concernés et à l'échelon international. Ces annexes, dans lesquelles les deux organisations expriment leurs vues, sont reproduites telles quelles pour faciliter les débats du Sous-Groupe.

II. CONTEXTE

3. Les restrictions à l'importation sont généralement imposées pour favoriser le développement des industries du tannage et du travail du cuir. En limitant le mouvement de matières premières vers les marchés extérieurs, ces mesures augmentent les disponibilités à l'intérieur du pays, de sorte que les tanneries locales bénéficient d'approvisionnements plus abondants à des prix moins élevés. Grâce à ces coûts plus avantageux, les investissements dans le traitement des cuirs et peaux et la fabrication des produits dérivés deviennent plus rentables.

4. Ces restrictions ont pour effet de réduire les disponibilités de matières premières des tanneries des pays importateurs et donc d'augmenter leurs prix de revient. Parallèlement, la baisse des prix dans les pays producteurs n'incite guère à fournir des matériaux de bonne qualité et peut avoir pour effet global de réduire la qualité et le volume des cuirs et peaux bruts mis sur le marché. Dans certains cas, les cuirs et peaux passent clandestinement les frontières pour être vendus à meilleurs prix dans les pays voisins.

5. A sa troisième session, tenue en 1992, le Sous-Groupe a examiné les résultats d'un modèle économique quantitatif utilisé pour analyser les effets des restrictions à l'importation et à l'exportation sur le commerce. D'après cette étude, la valeur agrégative des exportations de cuirs et peaux bruts et travaillés des pays exportateurs en développement était réduite d'environ 56 millions de dollars E.-U. par an par les restrictions qui étaient alors appliquées à l'exportation. Simultanément, la valeur des exportations de produits manufacturés à base de cuir augmentait d'environ 40 millions de dollars E.-U. par suite de ces mêmes restrictions. En conséquence, on estimait que la valeur totale des exportations de cuirs et peaux et de produits dérivés en provenance des pays en développement aurait été inférieure de quelque 16 millions de dollars E.-U. en l'absence de ces restrictions à l'exportation. Toutefois, on a constaté que les restrictions à l'importation des produits à base de cuir, en particulier celles qui étaient imposées par les pays développés, avaient un effet bien plus considérable sur les échanges mondiaux que les restrictions appliquées à l'exportation des cuirs et peaux. Il convient cependant de noter que cette étude ne portait que sur les effets immédiats ou à court terme de ces mesures sans tenir compte de la mise en place éventuelle d'activités industrielles qui pourraient se produire au bout d'un certain temps grâce à la protection offerte à ces activités.

6. A sa session suivante, tenue en 1994, le Sous-Groupe a étudié l'effet des négociations de l'Uruguay Round qui étaient alors près de s'achever. Il a procédé à une nouvelle analyse des répercussions probables de ces négociations sur les cuirs et peaux à sa cinquième session, en 1996. Il est alors apparu que les cuirs et peaux bruts, n'étant pratiquement jamais frappés de droits de douane à l'importation, ne devraient pas être affectés directement par les modifications convenues dans le cadre de l'Uruguay Round. En revanche, les réductions tarifaires consenties sur le cuir et les produits dérivés par certains pays étaient importantes. Il est encore trop tôt pour présenter une évaluation à posteriori des effets de l'Uruguay Round, d'autant plus que certaines dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur, mais on espère qu'il sera possible d'entreprendre une étude à ce sujet à l'avenir.

III. RÉSUMÉ

7. A la demande du Sous-Groupe, le présent document est soumis pour permettre de poursuivre l'analyse des effets des entraves à l'exportation en communiquant des exposés détaillés de deux associations professionnelles sur la nature des effets que, selon elles, ces mesures ont sur le commerce des cuirs et peaux et les produits dérivés.

8. Les délégués participant à la session ont invités à informer le Sous-Groupe des mesures commerciales appliquées par leur pays et à formuler des observations sur les études.


Annexe 1
Restrictions à l'exportation des cuirs et peaux appliquées par
certains pays d'Afrique subsaharienne

La présente annexe a été communiquée par ESALIA (Association du secteur du cuir d'Afrique orientale et australe)

INTRODUCTION

La présente note identifie les divers types de restrictions commerciales actuellement appliquées dans certains pays africains et analyse notamment les points suivants:

SITUATION ACTUELLE

La plupart des pays africains ont, au cours des dernières années, profondément modifié leur économie en adoptant d'importantes mesures de libéralisation. Toutefois, dans un certain nombre de cas, ces modifications ont été adoptées de façon sélective de manière à ne pas toucher les secteurs considérés comme d'importance stratégique pour l'économie nationale. Dans une perspective historique, la plupart des pays d'Afrique n'ont pas la capacité d'exporter les biens qu'ils produisent sur des bases concurrentielles et, comme la question des industries manufacturières est très complexe, la création et l'exploitation de tanneries dans ces pays étaient en grande partie conditionnées par la protection contre la concurrence que leur offrait le gouvernement national.

La stratégie adoptée diffère d'un pays à l'autre, mais en général, des organismes publics ou semi-publics ont été créés pour coordonner le commerce des cuirs et peaux aux niveaux national et international. Dans la plupart des cas, les organismes ainsi créés jouissaient d'un monopole et imposaient des restrictions sur les échanges locaux et les importations.

La situation actuelle dans neuf pays d'Afrique orientale et australe est brièvement exposée ci-après.

ÉTHIOPIE

En matière de tannage, l'Ethiopie a une tradition bien plus ancienne que la plupart des pays d'Afrique australe et orientale. Elle possède également un cheptel bien plus important estimé à 30 millions de bovins, 24 millions d'ovins et 18 millions de caprins, qui sert de base à son industrie du cuir.

En août 1992, l'Office national du cuir et de la chaussure (NLSC), qui était chargé de fixer les prix des cuirs et peaux, a été supprimé et les entreprises d'Etat ont été confiées à des conseils d'administration indépendants. Depuis lors, le secteur a fait l'objet d'une déréglementation progressive, notamment en ce qui concerne la création de tanneries et la privatisation de certaines entreprises d'Etat. Toutefois, l'interdiction de l'exportation des cuirs et peaux bruts reste en vigueur.

KENYA

Au Kenya, le commerce des cuirs et peaux est régi par le "Hides, Skins and Leather Trade Act". Cette loi donne pouvoir au Ministère de l'agriculture et de l'élevage de coordonner et d'orienter le commerce et la mise en valeur des cuirs et peaux au moyen de licences. Elle limite essentiellement le rôle de l'Etat à la production animale, à l'abattage et à la conservation des cuirs et peaux; toutefois, elle autorise le gouvernement à orienter et à surveiller les exportations non seulement de cuirs et peaux bruts, mais aussi de cuirs semi-ouvrés ou finis, bien que le marché soit entièrement libre.

MALAWI

Le Malawi possède un petit cheptel composé d'un million de bovins, 0,9 million de caprins et environ 0,1 million d'ovins.

La CSC (Cold Storage Company - Société d'entrepôts frigorifiques) était le principal et unique exportateur de cuirs et peaux bruts jusqu'en 1992, date à laquelle d'autres entreprises du pays ont été autorisées à participer aux échanges. Le commerce des cuirs et peaux n'était assujetti à aucune restrictions légales, mais pour des raisons historiques, la CSC reste le principal acheteur et exportateur de ces produits

NAMIBIE

L'élevage constitue la principale activité économique de la Namibie. Il n'existe aucun mécanisme régulateur du commerce des cuirs et peaux, à l'exception des réglementations vétérinaires applicables à l'exportation et surtout aux mouvements de matériaux bruts de la zone de quarantaine du nord vers le sud.

SOUDAN

Le Soudan possède un important cheptel qui vient au second rang en Afrique après celui de l'Ethiopie. Les produits de l'élevage jouent donc un rôle considérable dans l'économie grâce à l'exportation d'animaux sur pied et aussi de cuirs, principalement sous forme de produits semi-préparés.

Les exportations de cuirs et peaux ont été interdites dans le cadre d'une mesure de politique économique mise en place en 1993 par le Ministère des finances pour soutenir l'industrie nationale du tannage. Cette interdiction suscite une certaine opposition, mais elle est appuyée par les tanneurs.

TANZANIE

La Tanzanie possède un cheptel relativement important réparti dans la plupart des zones de son territoire. Les exportations de cuirs et peaux ont été frappées de restrictions de 1967 à 1987 pour permettre aux tanneries semi-publiques de se procurer facilement des produits bruts. Cependant, le commerce a été libéré en partie en 1987, ce qui a permis à certaines sociétés d'exporter des cuirs et peaux bruts. En 1993, le gouvernement a lancé un programme de privatisation visant le secteur du cuir. Le commerce des cuirs et peaux de la Tanzanie est désormais entièrement libre et le régime de licence en vigueur n'entrave pas les exportations de produits bruts.

OUGANDA

En 1975, un organisme public, Uganda Leather and Tanning Industries Ltd (ULATI) jouissant du monopole des échanges de cuirs et peaux a été créé; en conséquence, les prix ont baissé et ces produits ont souvent été exportés en contrebande. En 1991, le gouvernement a privatisé ULATI. Le commerce est désormais libre, mais les tanneries d'Ouganda doivent toujours acheter les peaux à des prix élevés lorsqu'elles se trouvent en concurrence avec les exportateurs de produits bruts.

ZAMBIE

Le Gouvernement zambien a créé une tannerie au début de 1990 et a simultanément interdit les exportations de cuirs et peaux bruts pour permettre à cette entreprise de se procurer des matières premières à des prix compétitifs. Toutefois, lorsque le secteur a été libéralisé, d'autres abattoirs et tanneries privés ont été construits. L'Association des cuirs et des industries dérivées de Zambie (LIAZ) a demandé à plusieurs reprises au gouvernement d'imposer des restrictions sur les importations de peaux brutes, mais le secteur reste entièrement libre.

ZIMBABWE

L'expansion rapide des secteurs du tannage et de la chaussure pendant les premières années 80 a fait apparaître une demande de peaux brutes dans le pays et les exportations de cuirs et peaux bruts se sont interrompues en raison des quantités limitées disponibles dans le pays même et des prix intéressants pratiqués sur le marché local.

En 1993, le Zimbabwe, ayant adopté une politique de libéralisation, a supprimé les droits de douane et subventions appliqués jusque-là pour protéger l'industrie nationale de la concurrence extérieure. C'est aujourd'hui l'un des rares pays d'Afrique qui importe des peaux de bonne qualité pour compléter les disponibilités nationales de matières premières, et tirerait donc profit de l'abandon des restrictions commerciales par les autres pays africains.

TYPES DE RESTRICTIONS COMMERCIALES

Il existe différents types de restrictions sur le commerce des cuirs et peaux qui ont des objectifs différents. Les objectifs ci-après ont servi de base pour formuler des mesures restrictives:

Les mesures suivantes sont fréquemment mises en application dans les pays en développement pour exercer une incidence directe ou indirecte sur les échanges de façon à protéger l'industrie locale des cuirs.

A. Licences de vente ou d'achat pour le commerce intérieur et les exportations

Ces licences d'achat/vente sont généralement accordées aux sociétés ou aux individus qui remplissent certaines conditions et dans la plupart des cas elles précisent la zone d'activité visée. Il est parfois prévu que la personne intéressée soit originaire de sa zone d'activité et connaisse le secteur. Les réglementations de ce genre ont généralement pour effet d'aider à survivre les entreprises familiales et de limiter l'entrée de nouveaux arrivants dans le secteur.

B. Régimes de licences sélectifs

Les régimes de licences sélectifs défavorisent généralement les étrangers et protègent les entrepreneurs locaux de la concurrence extérieure sur le marché national. Ils peuvent être fondés sur des textes de loi ou non. Toutefois, les services de licence stipulent que les licences sont accordées exclusivement aux ressortissants du pays ou à des sociétés dont ces ressortissants possèdent un pourcentage important du capital.

C. Contrôle des prix des cuirs et peaux bruts

Dans les pays où l'industrie est encore protégée par des interdictions d'exporter des cuirs et peaux bruts, elle peut exercer une influence sur les prix des matières brutes puisque les concurrents extérieurs sont exclus du marché.

D. Subventions sous forme de primes d'exportation

De nombreux pays ont eu recours aux subventions sous forme de primes d'exportation pour renforcer la position concurrentielle de leurs produits sur les marchés internationaux. Dans beaucoup de pays africains, le secteur du tannage a bénéficié pendant de nombreuses années de subventions de ce genre, mais celles-ci ont pour la plupart été supprimées progressivement dans le cadre des Accords de l'Uruguay Round de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

E. Taxes variables

Certains pays protègent leur industrie du tannage au moyen de taxes variant suivant les besoins de leurs producteurs et selon le pays importateur. Les taxes sous forme de droits de douane sont relevées ou abaissées après consultation des industriels locaux. Les droits d'importation sont abaissés en cas de pénurie de cuirs et peaux bruts et relevés en cas d'offre abondante. Lorsqu'il existe des accords commerciaux régionaux, des taxes variables peuvent être appliquées aux exportations et importations en provenance de l'extérieur de la région.

EFFETS DES RESTRICTIONS À L'EXPORTATION DES CUIRS ET PEAUX BRUTS

A. Marchés locaux

La plupart des pays d'Afrique subsaharienne qui imposent des restrictions à l'exportation des cuirs et peaux bruts ont rencontré des difficultés pour appliquer les restrictions quantitatives _contingents d'exportation_ et, comme l'Ethiopie et le Soudan, ont eu recours à l'interdiction totale des exportations de ces produits. La contrebande des cuirs et peaux à travers les frontières est en général restée modeste dans ces deux cas grâce à l'application efficace de l'interdiction.

Les restrictions à l'exportation ont généralement pour effet de réduire le prix versé aux producteurs. Dans le cas de la Tanzanie, les restrictions à l'exportation appliquées pendant la période d'activité de la société "Tanzania Hides and Skins Company" ont tellement fait baisser ces prix que la contrebande des cuirs et peaux bruts vers le Kenya limitrophe où les prix étaient beaucoup plus élevés est devenue lucrative et que le commerce est passé en majeure partie au secteur non officiel. Lorsque les producteurs n'obtiennent pas de rémunérations suffisantes, ils ne maintiennent pas la qualité et fournissent des matériaux de niveau inférieur, d'où une nouvelle réduction de leurs revenus. Les disponibilités de cuirs et peaux ont presque toujours tendance à augmenter lorsque les prix versés aux producteurs montent et, au contraire, à diminuer lorsque ces prix baissent.

B. Marché international

Les restrictions commerciales frappant les exportations de cuirs et peaux bruts entravent les mouvements internationaux de ces produits. La situation est encore compliquée par le manque d'information sur les règlements nationaux applicables aux importations en provenance de la plupart des pays africains. Ces problèmes ont fait obstacle à l'intégration des produits africains dans le commerce mondial du cuir, de sorte que l'Afrique ne joue qu'un rôle secondaire sur les marchés internationaux de ces produits.

Au niveau international, les restrictions à l'exportation des cuirs et peaux sont considérées comme ayant eu globalement un effet négatif sur le secteur du cuir. En raison des restrictions, les sociétés des pays protégés se sont trouvées favorisées par rapport aux concurrents des pays où le secteur est libre. Les mesures de protection appliquées dans certains pays ont permis aux industries du cuir de refuser de mettre en oeuvre des mesures qui auraient amélioré l'efficacité de la production.

Dans l'ensemble, les restrictions ont eu principalement des effets dans les trois domaines suivants:

· Image médiocre du secteur du cuir dans les pays en développement

L'absence d'information sur le secteur dans les marchés soumis à des restrictions a tendance à limiter l'accès au marché aux acheteurs qui ont depuis longtemps des liens avec eux. Afin de garder la maîtrise de ces marchés, les acheteurs donnent une image négative des conditions de commerce en évoquant les restrictions en vigueur. Cette image négative concerne le plus souvent le commerce des cuirs et peaux dans les pays en développement, car la plupart des importateurs n'ont pas facilement accès aux informations sur des pays particuliers. Dans ces conditions, les affaires sont considérées comme peu sûres, d'autant plus que souvent les délais de livraison ne sont pas respectés en raison des démarches administratives liées aux exportations.

· Disponibilités réduites de matières premières

Les restrictions commerciales empêchent souvent les négociants locaux d'exploiter pleinement les disponibilités de cuirs et peaux en augmentant la collecte. Les producteurs de cuirs et peaux sont gravement découragés par les faibles prix qu'ils obtiennent pour leurs produits. Ils ne sont donc pas disposés à couvrir des coûts de transport, par exemple, car ils ne sont pas toujours assurés d'en tirer profit. En 1987, la libéralisation des échanges en Tanzanie a eu pour effet d'accroître le ramassage de cuirs et peaux, de sorte que des quantités plus importantes ont été mises sur le marché mondial. Toutefois, la libéralisation ne favorise pas les industries de transformation locales qui sont concurrencées par de nouveaux arrivants et seuls les entrepreneurs les plus concurrentiels peuvent se procurer des quantités suffisantes de matières premières.

· Qualité des cuirs et peaux bruts

Au niveau international, les prix des cuirs et peaux bruts sont étroitement liés à la qualité. Sur un marché limité, les achats peuvent dans une certaine mesure être fondés sur la qualité, mais les acheteurs de cuirs et peaux bruts au niveau local ne rémunèrent pas toujours justement les efforts déployés par les producteurs pour améliorer la qualité. En outre, les négociants n'ont guère de raisons de chercher à obtenir la meilleure qualité possible parce qu'il n'y a guère de concurrents pour acquérir les volumes de cuirs et peaux bruts disponibles. Cependant, d'autres facteurs entrent en jeu, par exemple la conjoncture sur le marché et l'efficacité du réseau d'amélioration des cuirs et peaux. Dans l'ensemble, un marché limité ne favorise pas l'amélioration de la qualité des produits.

CONCLUSION

Les restrictions à l'exportation des cuirs et peaux offrent des avantages à court terme aux exportateurs d'un pays qui pratique une politique commerciale restrictive. Dans un tel pays, les tanneries sont en mesure d'acheter des matières premières à des prix inférieurs aux cours mondiaux, ce qui décourage les producteurs, freine la créativité et affaiblit la position concurrentielle du secteur.


Annexe 2
Analyse des restrictions à l'exportation des cuirs et peaux

La présente annexe a été communiquée par la Conférence des associations nationales de tanneurs et mégissiers de la Communauté européenne _COTANCE_

INTRODUCTION

Le facteur le plus important pour la viabilité de l'industrie du cuir est peut-être l'accès aux matières premières. Toutefois, les disponibilités de cuirs et peaux ne sont pas réparties également dans le monde et certains pays, notamment ceux qui possèdent un cheptel abondant, sont avantagés par rapport à d'autres lorsqu'il s'agit de mettre en place un secteur du cuir rémunérateur.

Le commerce international des cuirs et peaux bruts et ouvrés permet de compenser les déséquilibres locaux entre l'offre et la demande de matériaux de base. Il constitue un mécanisme d'établissement des prix et contribue à répartir les ressources au mieux au niveau mondial. La liberté des marchés de matières premières est donc indispensable, notamment pour les pays dont les ressources sont limitées.

Toutefois, depuis quelques dizaines d'années, les restrictions à l'exportation des cuirs et peaux se sont multipliées et ont eu des répercussions sur les disponibilités et les prix au niveau mondial, tout en aggravant les préoccupations des agents du secteur sur les marchés libres.

On trouvera ci-après un exposé des types de mesures en vigueur et de certains de leurs effets sur les échanges internationaux ainsi qu'une analyse des diverses conséquences que ces mesures pourraient avoir sur le secteur des cuirs et peaux dans les pays en développement et les pays développés.

DESCRIPTION DES TYPES DE RESTRICTIONS À L'EXPORTATION ACTUELLEMENT EN VIGUEUR

Les restrictions à l'exportation des cuirs et peaux peuvent être étudiées en fonction i_ des raisons de leur établissement, ii_ de leur nature, iii_ des produits visés:

i_ Raisons de leur établissement

Ces mesures ont pour objectif d'influer sur les disponibilités et les prix des matières premières au niveau local.

La réduction ou l'interdiction des sorties de cuirs et peaux d'un pays augmente l'offre et affaiblit les prix intérieurs des matières brutes, ce qui renforce la viabilité des industries de transformation et améliore la compétitivité des tanneries nationales sur les marchés d'exportation.

Des restrictions à l'exportation des cuirs et peaux ont également été mises en application à titre de sauvegarde pour éviter des difficultés critiques dues à des pénuries brusques et imprévisibles d'une matière première indispensable et irremplaçable.

Les pays en développement ont également recommandé l'adoption de restrictions à l'exportation des cuirs et peaux en guise de mécanismes de protection destinés à compenser l'établissement de droits de douane à l'importation des cuirs par les pays développés.

ii_ Nature des restrictions

Les restrictions à l'importation peuvent revêtir diverses formes et peuvent frapper les mouvements commerciaux en tout ou en partie.

Les interdictions d'exporter sont généralement fondées sur un texte législatif unique portant interdiction d'exporter des cuirs et peaux _Pakistan, Egypte, Bangladesh, etc._. Tous les produits de ce genre obtenus dans le pays sont alors disponibles uniquement pour les tanneries locales.

Les contingents à l'exportation sont des restrictions quantitatives qui limitent les exportations à un certain volume annuel de façon à assurer des disponibilités locales suffisantes soit pour alimenter la capacité de production installée des tanneries nationales _Pologne, Roumanie, etc._, soit pour couvrir les courants d'échanges traditionnels en évitant de trop perturber les activités des négociants _Croatie, etc._. Ce genre de mesure est généralement associé à un régime de licences d'exportation.

Les droits, taxes ou surtaxes d'exportation sont des mesures fiscales qui font monter le prix de vente des cuirs et peaux à l'exportation qui sont alors moins intéressants pour les marchés internationaux _Argentine, Brésil, Uruguay et la plupart des pays appliquant des restrictions à l'exportation_.

Les prix d'exportation minimaux ont un effet analogue à celui des restrictions quantitatives ou des taxes. Indépendamment du prix de la matière première sur le marché local, les prix sont fixés officiellement à l'exportation. Les acheteurs étrangers sont tenus de verser le prix officiel _Maroc, Argentine, etc._.

Les licences d'exportation constituent des obstacles administratifs aux échanges car l'exportation n'est autorisée que si les procédures locales ont été dûment suivies et si les autorités décident que l'expédition peut avoir lieu en fonction de critères déterminés _Inde, Tunisie, etc._.

Les restrictions partielles à l'exportation peuvent constituer une interdiction de fait, soit lorsque les contingents ne permettent pas d'effectuer des expéditions commercialement viables, soit lorsque les droits, taxes ou surtaxes sont prohibitifs, que les prix d'exportation minimaux sont trop élevés ou qu'en fait aucune licence d'exportation n'est accordée.

iii_ Produits visés

Les restrictions à l'exportation des matières premières de tannerie touchent principalement les cuirs et peaux bruts au profit de l'industrie locale du tannage. Elles peuvent toutefois être élargies aux produits intermédiaires comme les cuirs en bleu humide ou les cuirs en croûte. Et dans certains cas elles frappent également les cuirs finis. Ces restrictions peuvent être appliquées par phases successives lorsqu'un pays suit une politique d'industrialisation tendant à accroître la valeur ajoutée potentielle dans le secteur national du cuir.

ANALYSE DES EFFETS DES RESTRICTIONS À L'EXPORTATION

i_ Marchés internationaux des cuirs et peaux

Les restrictions à l'exportation se traduisent par une réduction des disponibilités des cuirs et peaux sur les marchés internationaux et peuvent également diminuer la variété de l'offre sur les marchés libres. Les quantités dont sont ainsi privés les marchés mondiaux varient selon le type de mesures appliquées et l'importance relative de la production du pays concerné.

Elles accentuent en outre l'instabilité des prix sur les marchés internationaux des cuirs et peaux.

ii_ Marchés internationaux du cuir et des produits dérivés

Les prix des cuirs des différentes catégories ont tendance à baisser lorsque des cuirs travaillés provenant de matières soumises à des restrictions sont mis sur le marché. Les entreprises qui ne peuvent faire face à la concurrence des prix pratiqués par leurs homologues sur les marchés où les matières brutes sont soumises à restrictions sont progressivement chassées du marché.

Les restrictions à l'exportation ont également des effets visibles sur le marché des cuirs refendus. Lorsque les cuirs en bleu humide sont offerts sur le marché à des prix proches de ceux auxquels les tanneries du marché libre vendaient habituellement les cuirs refendus, il est difficile et parfois impossible de poursuivre les activités.

Les restrictions à l'exportation des cuirs et peaux favorisent la création de nouveaux courants d'échanges de cuirs et de produits dérivés et faussent les courants d'échanges traditionnels au profit des tanneries des pays qui ont recours à ces mesures.

INCIDENCE DES RESTRICTIONS À L'EXPORTATION SUR LES SECTEURS DES CUIRS ET PEAUX BRUTS ET TRAVAILLÉS DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ET LES PAYS DÉVELOPPÉS

Ce sont généralement les pays en développement qui ont recours aux restrictions à l'exportation mais certains pays développés appliquent aussi de telles restrictions aux cuirs et peaux, notamment en Europe centrale et orientale. L'effet des restrictions dépend de la place que tient le pays dans la production de cuirs et peaux bruts et travaillés.

La prolifération des restrictions fausse la concurrence et les courants d'échanges dans le monde entier et peut avoir un ou plusieurs des effets suivants:

i_ Incidence sur les recettes d'exportation des pays producteurs de cuirs et peaux

Bien que la réduction ou l'interruption des exportations de matières brutes puisse entraîner une baisse ou une disparition des recettes d'exportations à court terme, il est probable qu'à moyen terme, ces recettes augmenteront par suite de la vente sur les marchés extérieurs de plus grandes quantités de cuirs à valeur ajoutée plus élevée. Toutefois, les recettes d'exportation du secteur des cuirs et peaux bruts et travaillés ont tendance à se stabiliser à long terme.

ii_ Incidence sur les investissements dans les pays appliquant des restrictions

L'offre de matières premières à des prix moins élevés sur le marché intérieur encourage les investissements, locaux ou étrangers, dans le pays. Toutefois, la "subvention invisible" que les restrictions à l'exportation constituent pour la production de cuir risque aussi de détourner les tanneries protégées de chercher à améliorer leur productivité.

iii_ Incidence sur la position concurrentielle des industries dans les pays n'offrant aucune protection

Les producteurs de cuirs travaillés des pays qui n'appliquent pas de restrictions à l'exportation des cuirs et peaux doivent faire à une concurrence plus vive, qu'il s'agisse de fleur ou d'autres cuirs refendus. Si les agents ne réussissent pas à s'adapter à la différenciation croissante des produits, ils perdent des parts de marché au profit de leurs concurrents protégés. Il en est de même dans le cas des entreprises des pays qui appliquent des restrictions à l'exportation offrant moins d'avantages par rapport aux concurrents. Les entreprises des pays limitrophes de pays qui protègent leurs marchés de matières brutes sont probablement les premières à se trouver défavorisées par rapport à leurs concurrents.

iv_ Incidence sur l'amélioration de la qualité des cuirs et peaux

La demande d'exportation favorise l'amélioration de la qualité des cuirs et peaux. En fait, les prix plus intéressants offerts sur les marchés d'exportation incitent les producteurs à améliorer la qualité de leurs matières brutes. La perte totale ou partielle de débouchés extérieurs par suite de l'application de restrictions à l'exportation décourage les producteurs car les prix locaux fléchissent et les améliorations de qualité ne rapportent aucun avantage.

CONCLUSION

Les restrictions à l'exportation sont généralement adoptées pour protéger les jeunes industries ou en période de pénuries. Il faut supposer que dans les cas de ce genre, les conditions d'échanges finiront par redevenir normales. Toutefois, la situation est réellement préoccupante lorsque ces restrictions sont appliquées par des pays dont le secteur du tannage est suffisamment développé et travaille avec succès sur les marchés internationaux. Les restrictions à l'exportation deviennent alors un obstacle inéquitable aux échanges. Lorsqu'elles sont appliquées à titre de mesures de contrepartie face à la protection tarifaire imposée par les pays développés, ces restrictions sont particulièrement contestables en raison du faible niveau des droits à l'importation du cuir et de l'impossibilité de les appliquer de façon sélective.

Les négociations commerciales multilatérales sur les produits industriels qui se sont succédé ont abouti à une réduction remarquable des restrictions tarifaires à l'importation dans le commerce du cuir au niveau mondial, mais rien n'a été fait jusqu'ici pour abaisser les barrières tarifaires liées aux restrictions à l'exportation des cuirs et peaux. La prolifération incontrôlée de ces restrictions et leur effet négatif sur les échanges internationaux tirent leur origine de l'absence de règles et de disciplines dans ce domaine. Le lancement d'une nouvelle série de négociations du "millénaire" et le manque de dynamisme actuel du marché des cuirs et peaux et des produits dérivés pourraient offrir aux secteurs internationaux du cuir une bonne occasion de bien organiser ce domaine et de mettre fin aux types les plus regrettables de restrictions à l'exportation.