Empreinte hydrique du secteur bananier

 


L'agriculture consomme 70% de l'eau douce tirée des nappes phréatiques, cours d’eauet lacs au niveau mondial. En raison de la croissance de la population, la production alimentaire mondiale est appelée à augmenter de 70% d'ici 2050, ce qui aura un impact direct sur les ressources en eau.1 Les plantations de bananes exigent un approvisionnement en eau en quantité et en fréquence soutenues, sachant qu’un déficit en eau pourrait nuire à la croissance et aux rendements des cultures. En tant que culture de long terme, la totalité des besoins en eau du bananier varie entre 1 200 mm par an dans les tropiques humides et 2 200 mm par an dans les tropiques secs.

Compte tenu de l'importance de l'irrigation et du drainage dans le processus de production de la banane, la consommation et la pollution de l'eau ont longtemps été un problème majeur pour l'industrie; d'autant plus que les consommateurs deviennent de plus en plus exigeants concernant l'impact des produits qu'ils achètent2. Dans l'industrie de la banane, les pratiques de gestion de l'eau ont permis de considérablement réduire l'empreinte hydrique, définie comme la mesure de la consommation et de la contamination des ressources d'eau douce pour la production d'un bien ou d'un service3.

Évaluation de l'empreinte hydrique

 

En tant que concept relativement récent, peu d'études ont été publiées sur l’empreinte hydrique. Au niveau international, une comparaison des méthodologies disponibles pour la quantification des empreintes environnementales liées à l'utilisation des ressources en eau a été développée4:


Comparaison des méthodologies - empreintes environnementales et utilisation de l'eau

 Détails

Hoekstra et al, 2011

ISO, 2014

Nom de la méthodologie

The Water Footprint Assessment Manual

ISO14046:2014, Environmental management – Water footprint – Principles, requirements and guidelines

Auteur

Water Footprint Network (WFN)

Organisation internationale de normalisation (ISO)

Dénomination de l'empreinte

Empreinte hydrique

Empreinte eau

Définition de l'empreinte

«Mesure volumétrique de la consommation d'eau et de la pollution»

«Mesures quantifiant les impacts environnementaux possibles liés à l'eau»

Champ d'application

Définit une série de critères et procédures pour le calcul de l'empreinte hydrique (WFP), classée en bleue, verte et grise. La WFP bleue correspond aux usages de consommation des eaux de surface et des eaux souterraines, et la WFP verte à ceux dans lesquels la source est l'eau de pluie. La WFP grise est l'eau douce nécessaire pour assimiler les charges de contaminants.

Établit des principes, des exigences et des lignes directrices pour l'élaboration et la communication d'une évaluation de l'empreinte hydrique, fondée sur l'ACV; des produits, processus et organisations.

Étapes de l'évaluation de l'empreinte

(i) Définition de l'objectif et de la portée, (ii) Comptabilisation de l'empreinte hydrique, (iii) Évaluation de la durabilité de l'empreinte hydrique, (iv) Formulation de la réponse de l'empreinte hydrique.

(i) Définition de l'objectif et de la portée, (ii) Analyse de l'inventaire de l'empreinte hydrique, (iii) Évaluation de l'impact de l'empreinte hydrique, (iv) Interprétation des résultats.

Résultats

Volume d'eau de consommation classé selon le type de source d'alimentation (WFP bleue et verte) et volume d'eau douce nécessaire pour assimiler la charge polluante (WFP grise). Les volumes sont donnés par unité de produit ou temps selon la définition du champ d'application.

Valeur individuelle de l'impact, ou profil de ses résultats. Les résultats sont donnés en fonction de l'unité fonctionnelle définie dans le périmètre, qui constitue un "indicateur quantitatif de la performance du procédé ou système, utilisé comme unité de référence et de comparaison".

Commentaires

Cette méthodologie a été développée par des membres professionnels des organisations partenaires du WFN.

Son application a tendance à être complexe, elle comprend donc une section d'exemples pour différents cas et des questions fréquemment posées. Il est précisé que la WFP "ne mesure pas la gravité des impacts environnementaux locaux de la consommation d'eau et de la pollution".

Développée par le Comité Technique ISO/TC 207 sur le Management Environnemental, et intégrée par des professionnels de différents domaines et pays. Une étude ne peut être qualifiée d '"empreinte eau" que si elle est exhaustive (principe d'intégralité), c'est-à-dire si elle inclut tous les impacts environnementaux importants par rapport à la disponibilité et à la dégradation de la ressource.

Étapes pour mesurer l'empreinte hydrique des produits, procédés et organisations:

     1. Définition des objectifs
     2. Définition de la portée de l'évaluation (en termes de géographie et de temps)
     3. Collecte de données et comptabilisation pour chaque étape du processus de production
     4. Calcul de l'empreinte hydrique
     5. Évaluation de la durabilité de l'empreinte hydrique
     6. Recommandations pour réduire l'empreinte hydrique.

Les études ayant été réalisées sur la culture et la transformation du bananier mesurent son empreinte hydrique en termes de volumes d'eau consommés et contaminés par unité de produit. Les résultats varient considérablement d'un pays à l'autre, le WFN ayant calculé une empreinte hydrique moyenne de 790 m3/tonne de bananes au niveau mondial6. Les résultats dépendent du système de production et de traitement utilisé ainsi que de la source d'eau.

Activités contribuant à l'empreinte hydrique du secteur de la banane

Irrigation

La culture de la banane exige un approvisionnement en eau abondant et fréquent tout au long du cycle de production pour assurer la productivité de la culture et la qualité des fruits7. Les méthodes d'irrigation pouvant être utilisées comprennent la pulvérisation sous foliaire, la pulvérisation supra foliaire, l'irrigation par goutte à goutte ou encore par gravité. Le choix du système d'irrigation dépend de la disponibilité des ressources en eau et de l'accès à la technologie. Des aspects tels que la rétention d'humidité, l'infiltration de base, l'évaporation et le bilan hydrique doivent également être pris en compte8.

La gestion de l'eau dans les bananeraies est un problème majeur puisque le taux de pompage affecte les eaux souterraines et de surface avec la construction de puits, de pompes d'irrigation, de systèmes de canaux et de drainage de surface; ce qui affecte le bilan hydrique et l'approvisionnement des communautés avoisinantes9. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre des pratiques de gestion appropriées afin de minimiser l'impact social et environnemental de l'utilisation de l'eau.

 

Impact de l'irrigation

Les études effectuées pour calculer l'empreinte hydrique dans les grandes10 11 et petites7 plantations ont permis de conclure que près de 99% de l'empreinte hydrique correspond à la phase de production agricole. Selon l'analyse du WFN, la part correspondant à l'empreinte hydrique bleue, verte ou grise dépend:

  • du type d'irrigation: dans le cas du Costa Rica10, où aucune irrigation n'est nécessaire, 100% de l'empreinte d'eau est verte, tandis que dans le cas du Pérou7 où la dépendance à l'irrigation est élevée et les systèmes utilisés peu efficaces en termes d'utilisation de l'eau, 94% de l'empreinte hydrique est classée bleue. Il existe également des cas intermédiaires comme le Honduras10 ou l'Équateur7, avec une empreinte bleue comprise entre 20% et 34% du fait d'une moindre dépendance à l'irrigation ou d'une plus grande efficacité des systèmes utilisés.
  • du système de production: dans les systèmes de production classiques, comme en Equateur7, l'empreinte hydrique grise calculée est d'environ 18%, correspondant à la lixiviation de l'azote par la fertilisation, tandis que dans les systèmes de production biologique l'empreinte hydrique grise est nulle.

Pratiques optimisant l'utilisation de l'eau pour irriguer les bananeraies:

  • Calcul des besoins en irrigation sur la base de données météorologiques.
  • Mesure des niveaux d'humidité du sol. Dans les plantations d'une multinationale bananière, l'humidité a été mesurée tous les 15 hectares avec cinq points de contrôle d’où ont été extraits des échantillons pour analyse, à des profondeurs entre 0–15 cm et 15–30 cm.
  • Irrigation en fonction du taux d'infiltration de l'eau, des conditions physiques du sol, de la capacité de retenue de l'humidité et de l'évapotranspiration.
  • Utilisation de paillis en couches épaisses dans les bananeraies pour conserver l'eau et réduire l'évapotranspiration11.
  • Utilisation de cultures de couverture constituées de plantes indigènes le long des canaux de drainage et des plantations.
  • Utilisation de tensiomètres pour mesurer les besoins en eau de la plantation. Deux tensiomètres peuvent être utilisés sur une plantation en différents points, l'un à 25 cm et l'autre à 60 cm de profondeur. La décision d'arroser est prise sur la base des résultats de la mesure. Dans le cas de sols mélangés ou de pentes, des tensiomètres supplémentaires peuvent être nécessaires.
  • Formation du personnel en charge de l'irrigation sur des sujets tels que la taxonomie bananière, le calcul des besoins en eau de la culture, les conditions environnementales de la zone et leur impact sur la plantation, la distribution de l'irrigation et l'utilisation appropriée du système d'irrigation.
  • Dans les cas où l'irrigation par aspersion est utilisée, mesurer la quantité d'eau pourvue par pulvérisation en différents endroits de la plantation, pour s'assurer que la même quantité d'eau est apportée dans toute la plantation. Garder à l'esprit que les arroseurs les plus proches de la station de pompage recevront plus d'eau que ceux qui en sont plus éloignés. En cas d'écarts importants, il peut être envisagé de réduire les distances entre les arroseurs ou de réduire le diamètre du tuyau.
  • Dans des pays comme le Pérou7, où le système d'irrigation fonctionne par gravité, des études recommandent de réduire la quantité d'eau utilisée pour l'irrigation et d'augmenter la fréquence de l'arrosage, ce qui permet une meilleure utilisation de l’eau et une réduction de la consommation dans les plantations.

Stations de conditionnement

Les stations de conditionnement des bananes consomment de l'eau pour nettoyer les résidus, les insectes et le latex des fruits. Cette consommation varie selon le procédé et la source d'eau utilisée.

Une analyse effectuée dans des stations de conditionnement en Équateur7, où les sources d'eau sont abondantes et peu coûteuses, a révélé que l'empreinte hydrique y est plus élevée que dans les stations au Pérou, où l'accès à l'eau est limité et chaque station paie l'eau qu'elle consomme. En Équateur, l'empreinte hydrique calculée était de 576 m3 par tonne - dont, selon l'évaluation basée sur le WFN, 48% d’eau verte, 34% d’eau bleue et 18% d’eau grise. Au Pérou, l'empreinte calculée était de 599 m3 par tonne, dont 94% d’eau bleue et 6% d’eau verte.

Pratiques d'économie d'eau dans les stations d'emballage

  • Les entreprises bananières ont adopté des pratiques visant à réduire la consommation d'eau dans leurs stations d'emballage7 11, parmi lesquelles la recirculation et le contrôle de la qualité de l'eau pour éviter les champignons. Certaines d'entre elles ont mis en place des systèmes de recirculation de l'eau éliminant les résidus solides et le latex, et ont ajouté du chlore pour permettre la réutilisation de l’eau dans le processus de conditionnement pendant deux semaines.
  • L'utilisation d'une moindre quantité d'eau dans les réservoirs de nettoyage et la surveillance fréquente de la qualité des rejets d'eau - comprenant l'analyse microbiologique et l'analyse des résidus de pesticides – garantissent que l'eau réutilisée est conforme aux conditions de qualité requises. Des échantillons d'eau doivent être prélevés pour des analyses en laboratoire à une fréquence déterminée par l'activité du processus de conditionnement dans chaque station.
  • Effectuer l'ablation des mains et le dé-latexage directement sur le terrain et non dans les stations de conditionnement10.
  • L'utilisation d'alun ou de produits éliminant le latex dans les piscines de nettoyage des bananes en facilite le retrait et réduit la consommation d'eau7.
  • Il est également possible de procéder à une ablation des mains à sec dans les stations de conditionnement.

 

Résultats

 

  • Les systèmes de recirculation contribuent à réduire la consommation d'eau d'environ 80%12. Selon une étude menée dans différentes stations de conditionnement, l'empreinte hydrique d'une station de conditionnement sans système de recirculation est de 1,3 l/kg de bananes, contre 0,05 l/kg dans une station d'emballage avec recirculation de l'eau. Dans le nouveau système, qui inclut l'ablation des mains et le dé-latexage directement sur le terrain, l'empreinte hydrique est de 0,02 l/kg. Ces quantités restent bien entendu minimes comparées à la quantité d'eau nécessaire à l'irrigation (environ 500 l/kg).
  • De même, l'Association nationale des producteurs de bananes du Costa Rica (CORBANA) a signalé une réduction de 55% de la consommation d'eau grâce à la mise en place de systèmes de recirculation de l'eau, de 23% en réduisant la profondeur de l'eau dans les piscines de nettoyage et de 19% en y ajoutant des produits de nettoyage.13

Références

Références

1 FAO; Earthscan. 2011. The state of the world's land and water resources for food and agriculture

2 Roibás, L. Elbehri, A. & Hospido, A. 2015. Evaluating the sustainability of Ecuador bananas: Carbon footprint, water usage and wealth distribution along the supply chain

3 Water Footprint Network. What is a water footprint?

HIDROCEC-UNA. Aplicación del cálculo de huella hídrica para regiones de cultivos de café, bananao y arroz en Costa Rica

4 Ana Lorena Vallejo. 2015. Metodología práctica para la cuantificación de la huella de agua en Plantas Empacadoras de banano en Costa Rica” Ana Lorena Vallejo Chaverri

5 Hoekstra, A., Chapagain, A., Aldaya, M. & Mekonnen, M. 2011. The water footprint assessment manual

6 Mekonnen, M. & Hoekstra, A. 2011. The green, blue and grey water footprint of crops and derived crop products

Water Footprint Network. Product gallery

7 Zarate, E; Kuiper, D. 2013. Water Footprint Assessment of Bananas Produced by Small Banana Producers in Peru and Ecuador

8 AUGURA. 2009. Buenas prácticas agrícolas en el cultivo de banano en la región del Magdalena

University of Victoria. 2002. The Ecological footprint of a Dole Banana

10 Soil & More International. 2011. Water Footprint Assessment  Bananas and Pineapples Dole Food Company

11 LimnoTech. 2012. Water Footprint Assessment Banana and Lettuce Products Produced by Chiquita

12 Chiquita Brands International, 2012. Corporate Social Responsibility Report

13 CORBANA. 2013. Planificación e investigación para ahorrar agua en la industria bananera