Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

16 octobre 2024

Journée mondiale de l'alimentation

Matteo Ward

«Ce n'est qu'une question de temps avant qu'un homme politique ne dise: «Il ne me reste plus qu’un verre d'eau pour mon pays – je vais le destiner à l'agriculture [plutôt qu’à] la mode.»
17/08/2023

Italie

Matteo Ward aimerait que vous considériez votre t-shirt comme une miche de pain. «Ils sont faits tous les deux des mêmes ingrédients: terre, eau, air, énergie et intervention humaine», explique-t-il.   

«Comment pouvons-nous alors permettre à une industrie d'extraire des ressources essentielles à la vie pour produire des choses dont personne n'a besoin dans de telles quantités et avec une qualité aussi médiocre?»   

C'est une question provocatrice de la part d'un homme qui a commencé sa carrière au sein même de l'industrie qu'il tente aujourd'hui de réformer et de réglementer. Mais pour Matteo, amener les marques de vêtements à modifier radicalement leur modèle économique est une question de survie — pour la planète, pour les personnes qui fabriquent nos vêtements et aussi pour l'industrie dans son ensemble. 

«Ce n'est qu'une question de temps avant qu'un homme politique ne dise: «Il ne me reste plus qu’un verre d'eau pour mon pays – je vais le destiner à l'agriculture [plutôt qu’à] la mode», dit-il.   

Matteo est le cofondateur de WRÅD, un bureau de design et de conseil créé pour inspirer et permettre à d'autres de remettre en question le statu quo non durable du système de la mode par le biais de l'éducation, du design et de l'innovation. Il anime également la série documentaire JUNK, coproduite par Will Media et Sky Italia, qui met en lumière l'impact de l'industrie de la mode à travers les histoires des personnes et des écosystèmes qui en subissent directement les conséquences.   

La première chose à faire lorsqu'il conseille les marques? Arrêter de vendre des vêtements sous l’appellation «durables», explique-t-il. 

«Supposons que vous conceviez un t-shirt fabriqué avec 50 pour cent d'eau en moins. Félicitations. Mais si vous doublez la production de ce t-shirt la saison suivante, le bénéfice net pour l'environnement est nul.» 

Il en va de même pour les tissus synthétiques vierges ou recyclés, qui dégagent des microplastiques à chaque lavage.   

«Les microplastiques sont un problème énorme», car ils sont trop petits pour être retenus par les filtres et finissent donc de plus en plus souvent dans nos océans et entrent dans notre chaîne alimentaire.   

Mais même les meilleurs filtres seraient inutiles, souligne-t-il, si les usines ne sont pas suffisamment payées pour continuer à les faire fonctionner. L'aspect financier est également très important.   

C'est pourquoi Matteo aide les marques à penser de manière holistique, en décloisonnant les départements internes et en les rapprochant de la chaîne de valeur. Le point de départ est toujours la fonction du vêtement: combien de fois sera-t-il lavé et doit-il être forcément synthétique? 

Si l'amélioration des processus de fabrication fait partie de la démarche visant à faire bouger les choses, le principal problème n'est pas d'ordre matériel, affirme-t-il. «Il est économique et culturel.»   

«Le véritable obstacle est la surproduction, la surconsommation et la façon dont la communication a été utilisée pour pousser les gens à consommer plus de biens qu'ils n'en ont besoin.»   

Son objectif final est de faire évoluer cette industrie de 3 trillions de dollars US vers un modèle d'entreprise qui tire ses revenus de la durabilité. Mais cela «ne se fera pas du jour au lendemain», reconnaît-il, et certainement pas sans le soutien de législations plus strictes, notamment l'interdiction des messages publicitaires trompeurs. 

Mais s'il existe une politique capable d’avoir un impact majeur sur l'environnement, c'est bien celle-ci, à savoir de «payer un salaire décent aux travailleurs».   

«Si les personnes ne sont pas mises dans une position économique leur permettant de penser à autre chose qu'à leur survie, ils feront toujours des compromis avec l'environnement.»