Valorisation de produits forestiers non ligneux au Sénégal
Les organisations de femmes de la zone sylvopastorale investissent dans l’entrepreneuriat agricole
Selon une enquête de la FAO 2018[1], 75 pourcents des femmes de Widou Thingoly, dans la commune de Téssékéré, région de Louga, appartenaient, au moins, à un groupe de producteurs, une association ou une organisation communautaire. La plupart de ces femmes ont participé aux processus décisionnels et institutionnels qui ont affecté leurs communautés.
Djina Ka est la présidente de « Jokere Endam », un Groupement d’intérêt économique établi à Widou Thingoly dans la commune de Téssékéré, région de Louga. Grâce à l’équipement et à la mise en service de l’unité de valorisation des produits forestiers, en particulier la balanite aegyptiaca, par la FAO, cette dame peut extraire l’huile de la graine plus rapidement et plus efficacement.
Cette huile est utilisée pour la consommation familiale et le surplus est commercialisé sur le marché local, en l’occurrence les loumas (marchés hebdomadaires) et au-delà, dans les centres urbains. Les revenus de cette activité lucrative lui permettent de subvenir à ses besoins et aussi d’assurer l'éducation de ses enfants.
Le chiffre d’affaires total généré par la production de 2 litres d’huile est de 14 000 FCFA (USD 23,19), avec un prix de vente de 7 000 FCFA par litre (USD 11,60). Cette production génère une marge brute de 3 640 FCFA (USD 6,03).
« Cette unité de transformation des balanites est une grande satisfaction pour nous, les femmes. Auparavant, ce n'était pas du tout facile, car après avoir collecté les noix, nous devions nous déplacer dans les grandes villes pour extraire l'huile. Maintenant, grâce à cette unité, nous gagnons beaucoup de temps dans le processus de transformation sans avoir à nous déplacer. Nous utilisons cette huile pour notre propre consommation. Nous la vendons également pour alimenter la trésorerie de notre Groupement d’Intérêt Économique », Djina Ka, la présidente de Jokere Endam.
Dans la région sylvopastorale du Sénégal, le balanites aegyptiaca, appelé « muthiteki », en peul, ou « soump », en wolof, joue un rôle vital dans les traditions locales. Ce produit est utilisé pour la production d'huile ainsi que pour la confection de confiture et de produits cosmétiques.
Malgré leur importance, la transformation des balanites en huile nécessitait, traditionnellement, beaucoup de temps et d'efforts de la part des femmes. Grâce à l'appui de la FAO, elles ont désormais accès à des équipements réduisant la pénibilité de leurs activités : une décortiqueuse, un moulin, une étuveuse et une presse à huile.
En effet, la FAO, à travers le projet de Résilience et de Reforestation Intensive pour la Sauvegarde des Territoires et des Écosystèmes au Sénégal (RIPOSTES), financé par l’Union Européenne et le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), a fourni aux femmes de Widou Thingoly, Tessékéré et Koyli Alpha, regroupées en Groupement de Promotion Féminine (GPF), des seaux, des masques, et des gants. À travers ce projet, la FAO a également renforcé les capacités des femmes du groupement sur l'utilisation et l’entretien des machines et outils.
« Auparavant, pour faire sortir les amandes des balanites, nous utilisions un caillou ou une barre de fer pour décortiquer les noyaux. Parfois certaines femmes se blessaient à tel point qu’elles se rendaient même à l’hôpital pour des soins médicaux », se souvient Djina Ka.
Les activités du projet RIPOSTES incluent également la mise en place de clôtures, la fourniture d'équipements et d'outils nécessaires à des activités rentables et durables, la formation des femmes par le biais d'ateliers réguliers et l'établissement de chaînes de valeur en renforçant les capacités des résidents locaux en collaboration avec l'Agence Sénégalaise de la Reforestation et de la Grande Muraille Verte (ASERGMV).
Fatoumata Demba, Kodialal, une bénéficiaire du projet se confie : « Tous ces arbres de balanites que vous voyez ici, dans cette parcelle de Kodialal, clôturée par le projet RIPOSTES, peuvent produire chacun entre deux et trois sacs de 50 kg de balanites. Cette année, en pleine saison sèche, nous en avons beaucoup récolté, en plus du fourrage pour le bétail. Nous avons utilisé nos techniques traditionnelles pour en extraire de l’huile ; et après transformation nous avons de l’huile pour notre consommation personnelle. Nous en avons commercialisé une partie pour avoir de l’argent et satisfaire nos besoins ».
Dans un avenir proche, d’autres projets pour moderniser l’exploitation du balanites avec l’acquisition de laboratoire mobile et l’installation de Fermes agricoles communautaires intégrées (FACI) pour améliorer la qualité de vie dans la zone de la GMV.
En 2016, la FAO a lancé, dans le cadre de l'initiative de la Grande Muraille Verte pour le Sahara et le Sahel, le projet « Action contre la Désertification ». Le projet RIPOSTES, financé par l'Union européenne et le FEM, a pris le relais, depuis 2022 ; ceci dans le but de renforcer les capacités d'adaptation des communautés aux changements climatiques et d'atténuer ses effets à travers une gestion durable des terres et des écosystèmes. Le projet couvre la zone sylvopastorale et le bassin arachidier, notamment les régions de Louga, Matam, Fatick et Kaffrine. Les interventions du projet sont menées en étroite collaboration avec l'ASERGMV et d'autres partenaires, y compris les institutions gouvernementales, les ONG et le secteur privé.
L’initiative « Grande Muraille Verte » a été soutenu par l'Union Africaine en 2007 pour établir une mosaïque de pratiques de gestion durable des terres. La FAO soutient l'expansion de la Grande Muraille Verte et les efforts pour lutter contre les effets du changement climatique et la désertification. Aujourd'hui, plus de onze pays africains ainsi que des organisations internationales, des instituts académiques et de recherche, des organisations de la société civile et des organisations communautaire de base travaillent ensemble pour freiner l’avancée du désert et lutter contre la dégradation des terres.