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A. FACTEURS AGRONOMIQUES


A.1 Cycle de croissance et période végétative
A.2 Rayonnement
A.3 Température
A.4 Enracinement
A.5 Aération
A.6 Quantité d’eau
A.7 Eléments nutritifs
A.8 Qualité de l’eau
A.9 Salinité
A.10 Sodicité
A.11 pH, Oligo-éléments et toxicités

Besoins et limitations liés aux cultures

L’environnement agricole

Dans la présente section, les facteurs à caractère principalement agronomique sont étudiés dans le cadre de 13 rubriques: cycle et période végétative; rayonnement; température; enracinement; aération; quantité d’eau; éléments nutritifs (NPK); qualité de l’eau; salinité; sodicité; toxicité du bore et des chlorures; pH; oligoéléments et autres toxicités; ravageurs, maladies et mauvaises herbes; inondations, orages, vent et gelées. Inévitablement, il a fallu inclure certains aspects empiétant sur les questions d’aménagement, auquel cas, celles-ci ont été exclues de la Section B (aménagement).

A.1 Cycle de croissance et période végétative


A.1.1 Limites critiques de la période végétative

Le cycle de croissance est le temps nécessaire à une culture annuelle pour accomplir son cyle annuel: établissement, croissance et production de la partie utile. Les cultures pérennes ont un cycle de croissance supérieur à un an.

La période végétative des cultures annuelles correspond à la période de l’année pendant laquelle la température, la réserve d’eau du sol et divers autres facteurs permettent aux cultures de croître et de développer.

Le cycle de croissance est donc une propriété appartenant à la culture (c’est-à-dire un besoin lié à la culture) tandis que la période végétative est une condition liée à la terre (c’est-à-dire une qualité ou une caractéristique de la terre).

Le cycle végétatif est un des éléments les plus déterminants, à l’échelle mondiale et continentale, de l’aptitude des terres à tels ou tels cultures et cultivars (voir FAO, 1978a). Les Tableaux 32 et 33 illustrent ce concept. A l’intérieur d’une zone intéressée par un projet de mise en valeur, il n’est pas rare que les périodes végétatives aient une durée variable, car la température, les disponibilités en eau et les précipitations n’y sont pas uniformes.

Sous les climats subtropicaux et tempérés, les variations de température saisonnières déterminent deux périodes végétatives, l’une hivernale, l’autre estivale. En Basse-Egypte, par exemple, les cultures tempérées, comme le trèfle d’Alexandrie, le blé, l’orge et les haricots, poussent en hiver et les cultures qui demandent des températures plus élevées (coton, riz, maïs) en été. Ces variations saisonnières de température n’influent normalement pas sur la classification. On peut donc décrire les types d’utilisation des terres d’après l’étalement plan de culture sur la période végétative estivale et hivernale. Dans les régions montagneuses où la température varie avec l’altitude et où des gelées peuvent se produire dans les fonds de vallées, la période végétative peut être considérée comme ayant un rôle de classificateur; de même si les disponibilités en eau varient selon les endroits.

Tableau 32

GRANDS CLIMATS

(à mettre en parallèle avec le Tableau 33)

Climat


Climat dominant pendant la période végétative

Moyenne journalière des températures en C pendant la période végétative

A prendre en considération pour le groupe de culture (Tableau 33)

Nom

Tropical
Température moyenne mensuelle (ramenée au niveau de la mer) supérieure à18° C tous les mois




1

Tropical chaud

supérieure à 20

II et III

2

Tropical modérément frais

15 - 20

I et IV

3

Tropical frais

5/10 - 15

1

4

Tropical froid

inférieur à 5

Ne convient pas

Subtropical
Un ou plusieurs mois avec une température mensuelle (ramenée au niveau de la mer) inférieure à 18°C, mais tous les mois supérieure à 5°C








5

Subtropical chaud à modérément frais (pluies estivales)

supérieure à 20

II et III

6

Subtropical chaud à modérément frais (pluies estivales)

15 - 20

I et IV

7

Subtropical chaud (pluies estivales)

supérieure à 20

II et III

8

Subtropical modérément frais (pluies estivales)

15 - 20

I et IV

9

Subtropical frais (pluies estivales)

5/10 - 20

I

10

Subtropical froid (pluies estivales)

inférieure à 5

Ne convient pas

11

Subtropical frais (pluies hivernales)

5/10 - 20

I

12

Subtropical froid (pluies hivernales)

inférieure à 5

Ne convient pas i

Tempéré
Un ou plusieurs mois avec une température moyenne mensuelle (ramenée au niveau de la mer) inférieure à 5°C


13

Tempéré frais

5/10 - 20

I

14

Tempéré froid

inférieur à 5

Ne convient pas

Source: FAO 1980 c, p.355; Higgins et Kassam, 1981.

Tableau 33 GROUPES D’ADAPTABILITE DES CULTURES, D’APRES LE CIRCUIT PHOTOSYNTHETIQUE ET LA REACTION AU RAYONNEMENT ET A LA TEMPERATURE
(à mettre en parallèle avec le Tableau 32)

Groupe d’adaptabilité des cultures

I

II

III

IV

V

Circuit photosynthétique

C3

C3

C4

C4

MAC

Température optimale pour la photosynthèse (°C)

15 - 20

25 - 30

30 - 35

20 - 30

25 - 35


Betterave à sucre
Haricot (phaseolus)
Blé
Orge
Avoine
Pomme de terre
Haricot (TE)
Pois chiche

Soja (TR)
Haricot (phaseolus)
Riz
Manioc
Patate douce
Igname
Haricot (TR)
Arachide
Coton
Tabac
Banane
Cocotier
Hévéa
Palmier à huile

Sorgho (TR)
Maïs
Mil chandelle
Mil commun (Panicum)
Mil (TR)
Eleusine cultivée
Setaria
Canne à sucre

Mil commun (Panicum)
Mil (TE-TH)
Sorgho (TE-TH)
Maïs (TE- TH)
Setaria

Sisal
Ananas

TE = Cultivars des zones tempérées; TR = cultivars tropicaux (basses-terres); TH = cultivars tropicaux (altitude)

Source: renseignements tirés de FAO 1978a et FAO 1980c.

Dans beaucoup de pays, c’est la période pendant laquelle l’eau d’irrigation est disponible qui détermine la longueur de la période végétative. Certains périmètres d’irrigation de l’Asie du Sud-Est ou du Moyen-Orient alimentés par des cours d’eau ou par épandage des cours peuvent englober des terres sur lesquelles la période végétative et la période d’irrigation peuvent aller de 12 à quelques mois par an. De telles variations auront un rôle classificateur lorsqu’elles se produisent à l’intérieur d’une même zone de projet.

La longueur de la période végétative peut être raccourcie par des conditions d’humidité qui entravent le mûrissement et le séchage des cultures ou nuisent à la qualité du produit (diminution de la teneur en sucre de la canne à sucre, coloration anormale du coton, défauts sur les fruits, etc.).

A.1.1 Limites critiques de la période végétative

Méthode 1: Méthode générale (FAO 1978a)

Cette méthode est particulièrement utile dans les études de reconnaissance ou de faible intensité quand il s’agit d’établir la nécessité de l’irrigation. Elle se fonde sur la température moyenne journalière (T), les précipitations (P) et l’évapotranspiration potentielle (ETP) et permet de construire des graphiques tels que ceux qui sont représentés à la Figure 6. On peut utiliser des données décadaires ou mensuelles; les données mensuelles peuvent être converties en données décadaires. La procédure est indiquée à la page suivante.

i. Contrainte de température: la période végétative est limitée aux périodes décadaires pendant lesquelles la moyenne quotidienne est égale ou supérieure à une température minimum donnée (5° C, par exemple).

ii. Début de la période végétative: en régime pluvial, il s’agit du moment où les précipitations sont supérieures ou égales à la moitié de l’évapotranspiration potentielle.

iii. Période humide: en régime pluvial, une période végétative normale doit comprendre au moins une période humide de 10 jours, c’est-à-dire une période pendant laquelle les précipitations sont supérieures à l’évapotranspiration potentielle.

iv. Fin des pluies: on peut considérer qu’il s’agit du moment où les précipitations tombent au-dessous de la moitié de l’évapotranspiration potentielle.

v. Fin de la période végétative: la période végétative se termine quand la réserve d’eau emmagasinée dans le sol après arrêt des précipitations et de l’irrigation se tarit.

Figure 6: Exemple de quatre types de périodes végétatives (dans des conditions pluviales susceptibles d’être modifiées par l’irrigation) (d’après FAO 1978a).

1. NORMAL

2. INTERMEDIAIRE

3. HUMIDE TOUTE L’ANNEE

4. SEC TOUTE L’ANNEE

a

- Début des pluies et de la période végétative

b1 et b2

- Début et fin de la période humide respectivement

c

- Fin des pluies et de la saison des pluies

d

- Fin de la période végétative

P

- Précipitations

ETP

- Evapotranspiration potentielle


Parmi les résultats du projet relatif aux zones agro-écologiques, la FAO a publié (FAO 1978/80/81) les isolignes des périodes végétatives par continents. Ces isolignes ont été généralisées pour des raisons liées à l’échelle de la publication. Pour des études plus intensives, on peut établir les isolignes des périodes végétatives à intervalles de 75 jours, de 90 jours, puis de 30 jours sur 365 jours. Elles peuvent être tracées pour l’agriculture existante et pour l’agriculture envisagée après l’apport d’un complément d’irrigation. D’après les périodes végétatives on pourra voir s’il faut se limiter à une seule culture ou à deux cultures consécutives, ou encore adopter des cultivars différents d’une même culture.

Méthode 2: Manifestations liées à la pluviométrie (Stern et Coe 1982)

Cette approche est utile lorsque la période végétative dépend de variations saisonnières ou interannuelles de la pluviométrie.

C’est une méthode qui repose sur l’analyse des précipitations journalières de chacune des années incluses dans les relevés pluviométriques. Son originalité réside dans le fait que à chaque année correspond une valeur unique pour tout phénomène ou caractéristique intéressante. L’utilisateur définit ce qui est l’événement; ce peut-être, par exemple, une série de caractéristiques pluviométriques pouvant définir une période de sécheresse, le début des pluies, la fin des pluies, la longueur de la période végétative entre le début et la fin des pluies, ou la répartition annuelle des précipitations, etc. Chaque phénomène est recensé pour chaque année (jour ou période); on peut ensuite estimer, directement d’après la fréquence relative, la probabilité avec laquelle il se manifestera ou établir sa répartition dans le temps (répartition normale, par exemple).

Cette méthode offre également la possibilité de calculer le bilan hydrique quotidien du sol sur la base des meilleures données disponibles. Ce bilan montrera quelle sera, entre une capacité au champ définie (limite supérieure) et un point de flétrissement permanent (limite inférieure), la teneur du sol en eau en fonction des gains et pertes quotidiens. La Figure 7 illustre l’application de cette méthode à un sol perméable et montre que, en régime pluvial, les périodes végétatives varient d’une saison et d’une année à l’autre.

Le recours à l’informatique facilite l’utilisation de cette méthode, mais, si on ne possède pas d’ordinateur, on peut tout aussi bien traiter les données de façon traditionnelle (Stern et Coe 1982). Par rapport à des méthodes plus générales, elle a le grand avantage qu’elle permet d’identifier, à partir des relevés pluviométriques historiques, les conditions qui caractérisent les années extrêmes.

Figure 7: Quantité d’eau disponible dans le sol pendant la période 1965-1978, calculée sur la base des précipitations journalières, de la capacité au champ et du point de flétri s sèment permanent, pour un luvisol chromique de Kilinochchi compte tenu d’une quantité d’eau disponible de 304 mm sur une profondeur d’enracinement de 250 cm et d’une évapotranspiration de 5 mm par jour.

Source: Robertson et Eavis 1983.

A.2 Rayonnement

Les trois aspects pertinents du rayonnement sont (i) la longueur du jour, (ii) son influence sur la photosynthèse et l’accumulation de matière sèche dans les cultures, (iii) ses effets sur l’évapotranspiration. Le rayonnement peut également être important pour le séchage et le mûrissement des cultures mais cet aspect est traité au Point B.17.

La longueur du jour peut être un élément de classification dans les évaluations de faible intensité couvrant des latitudes différentes comme nous l’avons vu à propos de la période végétative (Tableaux 32 et 33). La longueur du jour influe sur les cultivars photosensibles de cultures telles que le riz en ce sens qu’elle conditionne le début de la floraison et le déclenchement ou la longueur des phases végétative et reproductive de la croissance et du développement. Il arrive que l’interaction de la longueur du jour avec la quantité d’eau disponible ou la température joue un rôle classificateur au niveau d’un projet (influence sur la floraison de la canne à sucre, sur la floraison et la fructification du manguier, sur la formation du bulbe des oignons et leur mûrissement, etc.).

Monteith (1972) a étudié l’influence du rayonnement sur la photosynthèse et l’accumulation de matière sèche dans les cultures. Le Tableau 33 montre des différences de relation pour les cultures C3 et C4.

Figure 8: Bilan du rayonnement

Source: FAO 1977b
La Figure 8 montre les composants du bilan de rayonnement qui peuvent servir à définir les limites critiques:
i. Le rayonnement extra-terrestre (Ra): c’est celui qui parvient à la partie supérieure de l’atmosphère. Il dépend de la latitude et de l’époque de l’année.

ii. Le rayonnement solaire (Rs): c’est la partie du rayonnement extraterrestre qui n’est pas absorbé et diffusé durant la traversée de l’atmosphère, plus une partie du rayonnement diffusé qui atteint la surface de la terre. Une partie de ce rayonnement (50 pour cent environ) constitue le rayonnement photosynthétiquement actif (PAR) (Szeicz 1974). La valeur du rayonnement solaire s’obtient par des mesures directes. On peut également la calculer par approximation au moyen de la formule:

Rs = (0,25 + 0,05 n/N) Ra
où n est le nombre réel d’heures d’isolation effective (mesurée avec un solarimètre Campbell Stokes, par exemple), et N le nombre maximum possible d’heures d’insolation pour un mois donné sous une latitude donnée (voir tables standard, dans le Bulletin FAO d’Irrigation et de Drainage N° 24, 1977b, par exemple).

iii. Le rayonnement solaire de courtes longueurs d’onde net (Rns): c’est la partie du rayonnement solaire (Rs) qui est directement réfléchie par le sol et la culture et qui se perd dans l’atmosphère. Le réfléchissement dépend de la nature du couvert superficiel, il est d’environ 5 pour cent pour l’eau et de 20-25 pour cent pour la plupart des cultures à feuillage vert. Le rayonnement restant après la perte par réflexion constitue le rayonnement net de courtes longueurs d’onde Rns.

Le rayonnement net de courtes longueurs d’onde s’obtient en corrigeant le rayonnement solaire pour tenir compte de la réflectivité du couvert végétal, soit:

Rns = (1 - a) Rs
Ainsi, pour un sol recouvert de cultures vertes a a pour valeur 0,25, et Rns correspond à 75 pour cent du rayonnement solaire.

iv. Le rayonnement net de grandes longueurs d’onde (Rn1) représente la différence entre le rayonnement de grandes longueurs d’onde reçu et réfléchi. Le rayonnement réfléchi est normalement supérieur, il y a donc pertes supplémentaires de rayonnement à la surface de la terre; le rayonnement net de grandes longueurs d’onde constitue donc une perte d’énergie. On peut l’évaluer d’après la température, la pression de la vapeur (ed) et de rapport n/N (nombre réel et possible d’heures d’insolation effective). On trouvera dans le Bulletin FAO d’irrigation et de drainage N° 24 (Tableaux 15, 16 et 17) les valeurs correspondant aux fonctions f (t), f (ed) et f (n/N).

v. Le rayonnement total net (Rn) équivaut à la différence entre le rayonnement net de courtes longueurs d’onde et le rayonnement net de grandes longueurs d’onde, soit:

Rn = Rns - Rn1
Le rayonnement total net sert à estimer les pertes d’eau par évaporation. Son unité, Rn = 1 cal/cm2/minute, correspond à peu près à l’énergie nécessaire pour faire évaporer 1 mm d’eau en une heure. En unités SI, le rayonnement s’exprime par mW/m2, 1 mW/m2 étant le rayonnement nécessaire pour faire évaporer 830 mm/jour.
La croissance végétative de la plupart des plantes augmente linéairement avec le rayonnement solaire pour atteindre un point limite au-delà duquel elle cesse. Dans de nombreuses régions tropicales, la croissance végétale est davantage limitée par la pénurie d’eau que par le rayonnement, le potentiel de croissance autorisé par le rayonnement n’est pas atteint. Toutefois, l’effet saisonnier du rayonnement sur les rendements peut être manifeste (aux Philippines et dans d’autres pays de l’Asie du Sud-Est, des variétés modernes de riz irrigué, abondamment arrosées, ont des rendements de saison sèche supérieurs aux rendements de saison humide, où le ciel est ouvert). Dans les pays tempérés, l’un des principaux facteurs qui limitent la croissance végétale pendant les mois d’hiver est l’insuffisance du rayonnement; il est donc possible d’utiliser certaines caractéristiques des terres, comme l’aspect, pour établir, le cas échéant, des limites critiques.

La FAO (1978, 1980, 1981) et Doorenbos et Kassam (dans FAO 1979a) ont mis au point des tables mettant en relation le rayonnement et les heures d’insolation d’une part et le taux de production de matière sèche d’autre part pour une culture “type”. Ces valeurs, jointes aux données concernant la température et la phénologie des cultures peuvent servir à calculer le volume de la biomasse convertie en rendements agricoles compte tenu du rayonnement dans une zone donnée.

A.3 Température

La température a déjà été traitée au point A1, Cycle et période végétative. La plupart des cultures cessent de se développer quand la température descend au-dessous d’un seuil critique. De même, des températures très élevées (au-dessus de 30-35°C) ont un effet néfaste sur la croissance. Les cultures se répartissent en cinq groupes d’adaptabilité selon leur circuit photosynthétique d’assimilation du carbone (C3, C4 ou MAC) mais aussi en fonction des effets du rayonnement et de la température sur la photosynthèse (voir Tableau 33). Entre la température minimale nécessaire à la croissance végétale et la température optimale de photosynthèse, le taux de croissance augmente plus ou moins linéairement avec la température; au-delà, il reste stable à l’intérieur de la fourchette des températures optimales, pour retomber à des températures plus élevées. Il y a interaction entre la température et le rayonnement. Le potentiel de croissance est à son maximum quand le rayonnement et la température sont tous les deux compris dans les limites optimales.

Sous beaucoup de climats tempérés, de même que dans les zones de haute altitude des pays tropicaux, la température descend, pendant une partie de la campagne végétative, au-dessous de l’optimum.

Les limites critiques définissant les niveaux d’aptitude s1, s2, s3, n1 et n2 peuvent être exprimées en fourchettes de température (degré C ou autres unités). Par exemple, on utilise parfois des unités thermiques (degrés-jours accumulables au cours d’une campagne végétative) pour décrire les conditions saisonnières nécessaires à des cultures déterminées, comme le coton.

A.4 Enracinement

Les plantes ont besoin d’eau et d’éléments nutritifs, lesquels sont transportés, via les racines, du sol vers la partie productive des plantes. Si des caractéristiques défavorables des terres entravent le développement ou le fonctionnement du système radiculaire, il en résultera un manque d’eau ou d’éléments nutritifs qui influera négativement sur la croissance et le rendement de la culture.

Les facteurs qui peuvent avoir une incidence sur la croissance et la répartition des racines sont les suivants:

i. fourniture d’assimilats (sucres, etc.) des pousses et des feuilles vers les racines;

ii. température du sol;

iii. eau du sol;

iv. éléments nutritifs contenus dans le sol et environnement chimique (salinité, sodicité, pH, carences en oligo-éléments et toxicités);

v. apport en oxygène nécessaire à la respiration du tissu radiculaire;

vi. obstacles mécaniques à la pénétration des racines;

vii. ravageurs et maladies du système radiculaire.

Ces facteurs n’ont pas tous la même importance pour l’évaluation des terres; il est donc utile d’évaluer certains d’entre eux dans des rubriques différentes. C’est ainsi que l’aération du sol est traitée au point A.5, l’eau au point A.6, la salinité au point A.9, la sodicité au point A.10, le pH, les carences en oligo-éléments et les toxicités au point A.11, les ravageurs et maladies au point A.12, etc. Tous ces facteurs peuvent influer sur la croissance des racines, le développement ou le fonctionnement du système radiculaire ainsi que sur la croissance de l’ensemble de la plante.

Dans la présente section, on considère l’enracinement du point de vue de la place disponible pour les racines et des obstacles mécaniques.

La place des racines est l’espace disponible pour le développement radiculaire. Elle peut être exprimée par les limites critiques de (i) la profondeur utile de sol, (ii) le pourcentage d’espace occupé (ou non occupé) par des pierres, (iii) le volume de sol impénétrable (ou pénétrable), selon le cas. Dans le cas des cultures annuelles, le volume du sol occupé par les racines varie dans le temps à mesure que le système radiculaire se développe, depuis l’établissement des plantules jusqu’à la maturité des plantes; la résistance mécanique peut freiner ce processus.

La résistance mécanique à la pénétration des racines est la force que doivent exercer les racines ou la résistance qu’elles doivent surmonter pour pénétrer dans le sol. Elle est fonction de la consistance du sol.

Lorsqu’ils varient suffisamment d’une unité de terre à une autre pour entraîner des différences d’absorption de l’eau et des nutriments par les cultures et par conséquent influer sur les rendements, la production ou la qualité, l’espace disponible pour les racines et la résistance mécanique peuvent être considérés comme étant des éléments de classification.

La profondeur utile du sol et le pourcentage du volume des pierres sont estimés à l’aide des techniques normalisées des prospections pédologiques. L’épaisseur de sol disponible pour l’enracinement peut être limitée par (i) la présence de couches indurées résultant de pratiques d’aménagement (circulation intense ou submersion continue du sol, par exemple), (ii) la présence de couches pédo-génétiques compactes (horizons argileux compacts, couche dure, siliceuse, couche dure fiable, horizons cémentés et indurés, gypsifères, calcaires, etc. (iii) des horizons restrictifs C ou D, (iv) des horizons à pH faible ou élevé, avec concentrations toxiques d’aluminium, de manganèse ou de composés sulfitiques (pH faible) ou de sodium combiné avec des carbonates et des bicarbonates (pH élevé).

La consistance du sol et la résistance mécanique à la pénétration des racines dépendent de (i) la texture du sol ou la granulométrie des particules, (ii) la structure ou l’homogénéité du sol et (iii) la teneur en eau du sol. La consistance du sol et la résistance à la pénétration augmentent quand sa densité apparente augmente sous l’effet du compactage et à mesure que le sol devient plus sec. Eaves (1972a) et Warnaars et Eavis (1972) ont étudié ces phénomènes sur des sables de granulométries différentes et sur un limon sableux. On peut estimer la résistance mécanique au moyen d’un pénétromètre, ou la déduire des mesures de résistance du sol, ou de l’observation des systèmes radiculaires dans des fosses pédologiques (renflement de l’extrémité des racines, distribution peu étendue, etc). La résistance du sol peut être mesurée à l’aide d’un appareil triaxial utilisé en mécanique des sols. Une autre méthode plus simple mais satisfaisante consiste à appliquer sans étreinte latérale une charge “normale” par l’intermédiaire d’une plaque posée au sommet d’une carotte de sol placée sur le plateau d’une balance se chargeant par le haut. La valeur indiquée par la balance au moment où la carotte se brise représente la résistance du sol. Une autre méthode consiste à enfoncer dans la carotte un petit pénétromètre fait d’une épingle placée la tête en bas. On lit la résistance à la pénétration sur le cadran de la balance.

Les mesures de la résistance du sol et les mesures faites au pénétromètre doivent être effectuées avec une teneur en eau appropriée, car l’humidité du sol influe fortement sur la mesure. Les teneurs choisies doivent refléter les conditions que les plantes connaissent dans les champs.

Ces mesures ne pourront être employées sans un minimum de sens critique. En effet, les racines peuvent se frayer un chemin dans les fissures, galeries de termites ou de vers, canaux de vieilles racines, etc. Toutefois, les pores qui retiennent l’eau dans des sols non saturés sont toujours trop petits pour héberger des racines; celles-ci doivent donc généralement déformer le sol pour y pénétrer.

Des limites critiques des conditions d’“enracinement” pourront être établies à l’aide de caractéristiques telles que la profondeur utile du sol, le pourcentage volumique de pierres et la résistance du sol; elles permettront de définir les niveaux d’aptitude s1, s2, s3, n1 et n2 correspondant aux besoins de cultures ou systèmes de cultures particuliers.

A.5 Aération

En respirant, les racines consomment de grandes quantités d’oxygène. A une température de 25°C, leur consommation moyenne quotidienne d’oxygène gazeux correspond à environ neuf fois leur volume. Les racines des plantes submergées ne reçoivent que peu d’oxygène de l’eau et du sol qui les entourent. Le riz aquatique et certaines plantes de marais s’approvisionnent en oxygène au moyen de conduits reliant les parties aériennes aux racines (Greenwood 1968).

Les plantes autres que le riz et les plantes de marais doivent prendre leur oxygène principalement dans le sol. Nombre de plantes cultivées doivent donc absolument pouvoir prélever dans le sol, pendant toute la campagne végétative, l’oxygène dont elles ont besoin. Les micro-organismes du sol consomment eux aussi de grandes quantités d’oxygène; dans des conditions anaérobies, ils peuvent produire des taux inhibiteurs ou stimulateurs d’une phythormone, l’éthylène.

Pour atteindre les racines, l’oxygène se diffuse à travers les pores remplis de gaz et, de là, à travers les pellicules d’eau et les tissus respiratoires des racines. La diffusion de l’oxygène est 10 000 fois plus rapide en phase gazeuse qu’en phase liquide. Il en résulte que la concentration d’oxygène, en différents points du réseau d’interconnexion des pores remplis de gaz, est relativement homogène, alors que dans les pellicules d’eau et les tissus radiculaires, les gradients de concentration d’oxygène sont prononcés. C’est pour cette raison que la teneur en eau du sol et l’épaisseur de barrières hydriques à la circulation de l’oxygène autour des racines ont une incidence marquée sur la disponibilité de l’oxygène.

Si les observations couramment effectuées dans le cadre des enquêtes pédologiques (couleur des gleys, par exemple) permettent de déceler facilement un manque d’aération, il n’existe par contre pas de propriété du sol facilement mesurable ou d’instrument fiable pour établir les conditions d’aération du sol. Comme l’espace occupé par les pores remplis de gaz est inversement proportionnel à la teneur en eau du sol, on pourrait adapter et utiliser des modèles de simulation semblable à celui de la Figure 7 pour indiquer le risque d’insuffisance d’aération. En calculant le bilan hydrique quotidien et les périodes de fortes précipitations où la capacité de rétention du sol est dépassée (faute d’un drainage suffisamment rapide), on peut déduire la durée des périodes de saturation. La perméabilité du sol ou la rapidité avec laquelle le drainage évacue l’eau peuvent donc être des caractéristiques importantes sur lesquelles peut éventuellement influer la présence d’une nappe phréatique ou d’une couche de sol dont la perméabilité ou la conductivité hydraulique sont relativement faibles par rapport à celles du sol situé juste au-dessus. La résistance à l’écoulement vertical (C) à travers une barrière est égale à l’épaisseur de la couche divisée par sa conductivité hydraulique verticale. Les limites critiques de C peuvent être fixées comme allant de C = 50 ou moins (représentant s1 ou la quasi-absence de barrière) et C = 250 ou plus (obstacle effectif à l’écoulement) (Bulletin FAO Irrigation et drainage N° 38, 1980a).

L’importance du drainage pour l’évacuation de l’eau et des sels en excédent est traitée au point C.21.

Il peut être important de savoir que les effets négatifs d’une insuffisance d’aération en période humide peuvent être compensés par une croissance supplémentaire lors de la période sèche suivante. Ce surcroît de croissance peut être dû au stockage d’un supplément d’eau dans le sol avant la sécheresse. En d’autres termes, les avantages que représente, pour la croissance végétale, la présence d’un complément d’eau résiduelle dans le sol après une période de saturation compensent l’effet néfaste d’une mauvaise aération (Eavis 1971).

Si l’on juge nécessaire d’étudier d’éventuels problèmes d’aération pour un sol donné, il existe une technique d’essai biologique qui permet d’utiliser les carottes de sol conservées au laboratoire avec des teneurs en eau du même ordre que celle rencontrée dans le champ. Les plantes utilisées pour cet essai peuvent être des pois ou d’autres plantules (Eavis 1972). On peut établir un “indice du manque d’aération” d’après les déviations de la relation-type entre la vitesse d’extension des racines et la résistance au pénétromètre. Cela permet parfois de dire si, sur un sol donné, une croissance médiocre ou des rendements non optimaux sont dus à un manque d’aération du sol ou à un autre facteur.

Le manque d’oxygène est souvent la principale cause des effets négatifs d’une mauvaise aération sur la croissance végétale, mais d’autres facteurs peuvent également jouer un rôle important, comme la pourriture des racines et du pied provoquée par des champignons ou des bactéries pathogènes. Ces facteurs peuvent devenir “des éléments de classification” dans le cas de certaines cultures; ainsi, les arbres fruitiers (agrumes et autres) peuvent être sujets à la gommose et autres maladies sur des sols périodiquement mal aérés.

Une mauvaise aération peut compromettre l’efficacité des fumures et engrais contenant de l’azote. La dénitrification et le lessivage peuvent entraîner des pertes d’azote.

Quand on évalue le facteur “aération”, il faut tenir compte des pratiques d’aménagement et des interventions de mise en valeur des terres qui peuvent minimiser les effets néfastes d’une mauvaise aération. Dans la Section C.21, on évaluera le coût des drains permanents, et dans la Section B.16, le coût des drains provisoires.

A.6 Quantité d’eau


A.6.1 Importance de la quantité d’eau comme élément de classification
A.6.2 Rapport entre les besoins et l’approvisionnement en eau
A.6.3 Rendements des cultures et stress hydrique
A.6.4 Estimation des besoins d’irrigation et des besoins en eau des cultures
A.6.5 Contribution des précipitations aux besoins en eau des champs des agriculteurs (pluie efficace)
A.6.6 Infiltration et percolation en riziculture inondée

Pour déterminer la quantité d’eau nécessaire à l’irrigation, il faut distinguer les besoins de la culture, les besoins nets d’eau d’irrigation, les besoins bruts d’eau d’irrigation, avec leurs divers composants.

Les besoins d’eau peuvent s’exprimer en hauteur d’eau (mm) ou en volume (m3). Une hauteur d’eau de 1 mm sur une superficie de 1 hectare est égale à 10 m3/ha (pour convertir les valeurs en mm en m3/ha, il suffit de multiplier par 10). Dans la Section A.8, on traitera de la qualité de l’eau. Les principaux facteurs conditionnant l’alimentation en eau d’une culture irriguée sont représentés sur la Figure 9.

i. Besoins en eau des cultures: c’est la quantité d’eau nécessaire pour couvrir le taux maximum d’évapotranspiration de la culture quand l’eau du sol n’est pas un facteur limitant.

ii. Besoin net d’eau d’irrigation: c’est la quantité d’eau nécessaire pour satisfaire les besoins en eau de la culture, moins la quantité apportée au champ par les précipitations, le ruissellement, la nappe phréatique et l’eau emmagasinée dans le sol, plus les pertes par ruissellement, infiltration et percolation.

iii Besoin brut d’eau d’irrigation: c’est le besoin net d’eau d’irrigation auquel s’ajoutent les pertes en cours de transport (entre la source d’alimentation et les champs) et toute quantité d’eau supplémentaire nécessaire au lessivage, en sus de la percolation.

iv. Evapotranspiration: c’est la vitesse à laquelle l’eau se perd par transpiration des végétaux et par évaporation de l’eau présente à la surface du sol, sous forme d’eau stagnante, par exemple. On trouvera dans le glossaire la définition des expressions “évapotranspiration de la culture de référence” (ETo) “vitesse maximum d’évapotranspiration de la culture” (ETm ou ETcult) et “vitesse réelle d’évapotranspiration de la culture” (Eta).

v. Précipitation efficace (ou pluie efficace): c’est la partie des précipitations qui contribue à satisfaire les besoins en eau de la culture et/ou le besoin net d’eau d’irrigation.

vi. Ecoulement latéral: désigne la contribution en eau de surface provenant des terres adjacentes; le terme “ruissellement” désigne les pertes d’eau au profit de terres voisines.

vii. Eau souterraine: eau provenant des profondeurs du sol.

viii. Eau du sol: c’est l’eau emmagasinée dans le sol.

ix. Infiltration (selon l’IRRI) désigne les pertes d’eau à partir du champ, par écoulement latéral, écoulement superficiel à travers les diguettes (banquettes en terre) dans le cas des rizières.

x. Percolation: désigne les pertes d’eau à partir du champ, par écoulement vertical à travers le profil du sol.

xi. I et P: infiltration et percolation (riziculture irriguée).

xii. Pertes en cours de transport: ce sont les pertes dues à l’évaporation, à la percolation ou à des fissures dans le réseau des canaux d’irrigation, entre la source d’alimentation et le champ.

xiii. Besoins de lessivage: c’est la quantité d’eau qui doit traverser la zone des racines pour maîtriser la salinité du sol (parfois exprimés en tant que fraction des besoins nets d’eau d’irrigation, ou fraction de lessivage).

Figure 9: Diagramme des principaux facteurs conditionnant l’alimentation en eau d’une culture irriguée.
Source: Rapport annuel CSIRO 1978/80

A.6.1 Importance de la quantité d’eau comme élément de classification

Dans certains pays et zones de projets, la production agricole n’est pas limitée par l’approvisionnement en eau; l’eau disponible permet de satisfaire la totalité des besoins. Dans d’autres pays et zones, les disponibilités en eau varient énormément dans l’année et d’une année à l’autre. Or, comme on l’a vu dans la Section A.1, la quantité d’eau disponible peut influer sur la longueur de la période végétative.

A.6.2 Rapport entre les besoins et l’approvisionnement en eau

La régulation des ressources en eau d’une vallée fluviale peut aller de l’intervention limitée à la maîtrise totale. L’irrigation par épandage des crues et l’irrigation par gravité au fil de l’eau peuvent se traduire par une grande variabilité de l’approvisionnement en eau si, à côté des ouvrages de dérivation, rien n’est prévu pour le stockage de l’eau. Si le réseau d’irrigation ne comprend pas une capacité de stockage suffisante pour utiliser en saison sèche l’eau disponible pendant la saison humide, on aura, dans le courant de l’année, des situations que l’on peut définir comme des situations dans lesquelles “les terres sont le facteur limitatif” et d’autres dans lesquelles “l’eau est le facteur limitatif”. Dans le premier cas, l’eau est abondante et la superficie cultivable susceptible de la recevoir est insuffisante. Dans le second cas, c’est la superficie irrigable qui est limitée par la quantité d’eau disponible, non la superficie cultivable; certaines zones pourront dans ce cas recevoir plus d’eau que d’autres.

La surface qui peut être irrigable dépend en fait de la quantité d’eau disponible pendant le mois ou la période où l’eau est insuffisante (Eavis, Socratous et Makin 1979; Hazlewood et Livingstone 1978, Livingstone et Hazlewood 1979). Pendant les mois où les excédents en eau sont importants, l’eau qui ne peut être stockée peut être déversée ou utilisée par les agriculteurs pour la préparation des terres (ameubli s sèment du sol, par exemple) ou pour lutter contre les mauvaises herbes (submersion des rizières). Pour beaucoup de réseaux alimentés par gravité au fil de l’eau (et pour beaucoup de périmètres n’ayant qu’une capacité de stockage limitée) il faudra donc fixer les limites critiques des niveaux d’aptitude (s1, s2, s3, n1 et n2) en tenant compte de la période où l’eau est l’élément limitatif plutôt que de la quantité globale d’eau disponible pendant l’année.

Un aspect important de toute évaluation de l’offre et de la demande d’eau (quand l’eau est une denrée rare et soumise à des variations saisonnières) consistera à confronter de façon aussi rigoureuse que possible les profils de l’offre et de la demande. C’est ainsi qu’on pourra jouer sur les plans de culture et sur les superficies occupées par telle ou telle culture pour tenir compte d’une réduction de l’approvisionnement en eau vers la fin de la saison des pluies. De la même façon, on pourra décaler dans le temps la préparation des terres et les dates de plantation pour étaler les pointes de consommation d’eau pendant les mois où la demande est supérieure à l’offre. La Figure 10 montre comment le calendrier des arrosages influe sur l’ajustement de l’offre et de la demande d’eau. Si le projet d’irrigation est programmé de façon à fournir l’eau en quantités constantes et à des fréquences constantes, offre et demande risquent de mal correspondre. Beaucoup de projets d’irrigation doivent néanmoins être organisés de cette façon pour simplifier administrativement la distribution d’eau. On peut améliorer l’adéquation des profils de l’offre et de la demande en jouant sur la quantité ou la fréquence des arrosages, voire sur les deux (Figure 10).

Les variations interannuelles des ressources en eau jouent souvent un rôle aussi important que les variations saisonnières dans l’évaluation des terres. Les décisions concernant l’étendue de la superficie “irrigable” reposent sur l’ajustement de l’offre et de la demande d’eau; dans les cas où l’approvisionnement en eau est ni fiable ni régulier, il convient de calculer la superficie “irrigable” sans prendre de risque excessif. L’alternative qui se pose est la suivante: assurer en toute sécurité l’approvisionnement en eau d’une petite superficie, ou bien irriguer, dans des conditions moins sûres, une vaste superficie. Il est d’ailleurs possible que, en année humide, l’eau disponible soit mieux utilisée dans le second cas. A titre de compromis, il vaut mieux tenter de maximiser les avantages nets par projet ou par unité de volume d’eau, que chercher la certitude de rendements élevés sur une petite superficie. (Eavis, Socratous et Makin 1978). Si l’approvisionnement en eau est limité par des variations annuelles et s’il n’est pas possible de stocker l’eau dans des conditions satisfaisantes, on n’obtiendra de façon régulière des rendements élevés par unité de surface qu’en renonçant à la possibilité d’irriguer une superficie plus importante pendant les années humides.

Il existe, grosso modo, deux façons de diminuer la consommation d’eau pour faire face à une pénurie en période de sécheresse. On peut soit réduire temporairement la superficie irriguée (en période de pénurie) en cessant complètement d’arroser certaines zones; soit ramener l’approvisionnement en eau au-dessous des besoins optima, au risque de faire baisser les rendements.

Il est clair que les terres qui ne seront approvisionnées en eau que certaines années ou à certaines saisons mais ne le seront pas en période de pénurie devront recevoir un niveau d’aptitude inférieur à celui des terres dont l’approvisionnement en eau sera plus fiable. Il est parfois possible de faire, sur ce type de terres, des cultures qui tolèrent la sécheresse mais réagisssent favorablement lorsque l’eau devient abondante, ou des cultures à cycle court qui pourront être suspendues en période sèche.

Figure 10: Effet de la planification des arrosages sur l’ajustement de l’offre et de la demande d’eau

a) Quantité et fréquence constantes (tours d’eau)

b) Quantité constante, fréquence variable (tours à fréquence variable)

c) Quantité variable, fréquence constante (tours à quantité variable)

Source: Replogle et Merriam 1980
Les limites critiques correspondant aux niveaux d’aptitude s1, s2, s3, n1 et n2 à un type d’utilisation donné peuvent être établies en tenant compte de toutes ces considérations.

A.6.3 Rendements des cultures et stress hydrique

Dans le Bulletin Irrigation et Drainage N° 33 de la FAO (FAO 1979e), on trouve une description des effets du déficit hydrique sur le rendement de nombreuses cultures. Expérimentalement, on constate souvent un rapport directement proportionnel entre le rendement végétal et la transpiration; dans la pratique, une relation linéaire entre la production végétale et l’évapotranspiration réelle (ETa) constitue une approximation satisfaisante (du moins dans la fourchette des rendements commercialisables). Certaines cultures souffrent davantage que d’autres d’un manque d’eau à certains stades de leur développement, ce qu’il est possible de prendre en considération.

La Figure 11 illustre le type de fonction de production que l’on rencontre souvent dans les expériences. Le rendement et l’évapotranspiration sont pointés en tant que rapport entre le rendement maximum (Ym) et l’évapotranspiration maximale (ETm et Etcult). Si l’on soustrait les rapports ainsi obtenus de l’unité (1), on transforme les échelles de façon à obtenir une indication de la baisse relative de rendement (1 - Ya/Ym) et du déficit relatif d’évapotranspiration (1 - Eta/ETm). Des limites critiques peuvent être établies pour des fourchettes de rendement appropriées, comme le montre la Figure 11. Si l’approvisionnement en eau varie d’une année à l’autre, le pourcentage d’années notées “n” peut servir à choisir les limites critiques (Eavis, Socratous et Makin 1979).

A.6.4 Estimation des besoins d’irrigation et des besoins en eau des cultures

Les méthodes d’estimation des besoins en eau sont décrites dans le Bulletin Irrigation et Drainage N° 24 de la FAO. Les principales opérations généralement nécessaires sont énumérées ci-après. Eavis, Socratous et Makin (1979) décrivent une procédure plus complexe, fondée sur des modèles de bilan hydrique qui tiennent compte des variations des précipitations journalières sur les champs des agriculteurs, du rôle de réservoir que joue le sol et des pénuries d’eau.

Les principales opérations à accomplir pour estimer les besoins d’irrigation et les besoins d’eau des cultures sont les suivantes:

i. Etablir un calendrier de culture, hebdomadaire ou décadaire, pour la préparation des terres, la plantation (vidange des rizières), la récolte; etc.

ii. calculer l’évapotranspiration de la culture de référence (ETo) pour chacune des périodes hebdomadaires ou décadaires. Utiliser des relevés climatiques ou des données obtenues dans des bacs d’évaporation, selon les méthodes décrites dans le Bulletin Irrigation et Drainage N° 24 de la FAO;

iii. sélectionner des coefficients de culture (kc) conformément aux instructions du Bulletin Irrigation et drainage N° 24 de la FAO (kc = ETm/ETo pour les différents stades de développement de la culture);

iv. calculer l’évapotranspiration maximum de la culture (ETm) en multipliant ii par iii (ETm = Eto.kc) pour les différents stades de développement de la culture. On suppose que l’eau ne manque pas;

v. ajouter la quantité d’eau nécessaire pour l’humidification initiale du sol (s’il est sec), pour la préparation des terres, ainsi que pour le désherbage, le drainage des rizières, etc.;

vi. soustraire, le cas échéant, les besoins d’eau couverts par l’humidité résiduelle du sol vers la fin de la campagne végétative;

vii. ajouter des quantités estimatives correspondant aux pertes par ruissellement, infiltration et percolation, ou aux gains provenant de l’écoulement latéral ou des eaux souterraines;

viii. calculer les besoins de lessivage (voir Figure 16). Si la percolation escomptée ne suffit pas à maintenir la salinité du sol dans les limites requises, ajouter aux besoins le volume d’eau approprié;

ix. déduire des besoins d’eau d’irrigation la quantité d’eau apportée par les précipitations sur les champs des agriculteurs (pluie efficace);

x. convertir les besoins ci-dessus exprimés en mm en volumes d’eau par superficie irriguée (soit: mm x 10 x ha = m3).

xi. ajouter les pertes de transport entre la source d’alimentation et le champ;

xii. compte tenu de la technique d’arrosage envisagée, établir un programme d’irrigation (voir Figure 10) (fréquence, débit et durée des arrosages);

xiii. calculer les pointes de consommation d’eau sous forme de débit en litres par seconde et par hectare (l/s/ha);

xiv. ajouter les profils de l’offre et de la demande d’eau par répétitions successives.

Figure 11: Relation entre l’évapotranspiration et le rendement d’une culture de pomme de terre, d’après des expériences d’irrigation effectuées à Chypre, montrant comment des limites critiques ont été définies. (La taille de la superficie irrigable a été fixée à partir de la proportion d’années pendant lesquelles l’approvisionnement en eau et les rendements relatifs sont tombés à n1 (N1 sur la figure).

Il n’est pas de notre propos de présenter ici une description détaillée de ces opérations. La Figure 12, complétée par le Tableau 34, donne par exemple, quelques estimations des besoins d’eau d’irrigation d’une double culture de riz à Bali (Indonésie) (Eavis et Walker 1976). Les différences que l’on constate dans cet exemple concernant les besoins d’eau d’irrigation des différentes unités de terre comprises dans la zone de projet s’expliquent essentiellement par des variations des pertes par infiltration et percolation au niveau des champs (voir Section A.6.6).

Tableau 34 BESOINS ANNUELS BRUTS D’EAU D’IRRIGATION POUR UNE VARIETE DE RIZ LOCAL DE 140 JOURS, SUIVIE D’UNE VARIETE DE RIZ VHR DE 120 JOURS
(ce tableau accompagne la Figure 12)

Pertes par infiltration et percolation,
mm/jour

Première culture de riz
(140 jours)

Deuxième culture de riz
(120 jours)

Besoins annuels bruts d’eau d’irrigation

Demande de pointe



mm/culture

mm/an 1/

l/s/ha

1

5,0

1 352

1 901

3 253

2,15

2

10,0

2 146

2 744

4 890

3,26

3

15,0

3 096

3 701

6 797

3,59

1/ mm/an x 10 ° quantité brute d’eau d’irrigation nécessaire en m3/ha/an.
Figure 12: Besoins d’eau d’irrigation. Riz local suivi de riz VHR, côte nord de Bali, Indonésie.
Hypothèses:
a) Les pertes par infiltration et percolation sont de 5mm/jour, 10mm/jour et 15mm/jour, pour tenir compte de la diversité des conditions qui règnent dans les différentes unités de terre (1, 2 et 3).

b) Plantation étalée sur 60 jours.

c) Variété locale (traditionnelle) cycle de 140 jours, riz VHR 120 jours.

d) Pré-saturation de 250 mm pour la première culture, 100 mm pour la seconde.

e) Pertes de transport: 15 pour cent de l’approvisionnement brut, plus 5 pour cent de gaspillage administratif, pertes totale pendant le transport jusqu’à la lisière du champ = 20 pour cent de l’approvisionnement brut.

f) La probabilité de précipitation retenue pour obtenir une approximation de la pluie efficace est de 80 pour cent.

A.6.5 Contribution des précipitations aux besoins en eau des champs des agriculteurs (pluie efficace)

Dans les régions humides, les besoins d’eau des cultures peuvent être partiellement satisfaits par les pluies qui tombent directement sur les champs des agriculteurs. D’une saison ou d’une année à l’autre, la proportion entre l’eau fournie (i) par les précipitations et (ii) par l’irrigation peut varier.

La quantité de pluie qui tombe sur un champ n’est pas totalement utilisable. Une partie de cette pluie se perd par ruissellement, percolation en profondeur ou évaporation de l’eau interceptée par les feuilles des plantes. Lorsque le ruissellement est négligeable, la meilleure façon d’estimer la contribution directe des précipitations à la satisfaction des besoins en eau consiste à établir un bilan hydrique journalier du sol en se servant des relevés des précipitations quotidiennes (Stern et Coe 1982). On a souvent recours à des approximations plus simples (probabilité de chute de pluie de 80 pour cent) mais qui ont parfois donné des résultats trompeurs. Le Bulletin Irrigation et drainage N° 24 de la FAO cite des méthodes plus anciennes pour calculer les probabilités de précipitation et la pluie efficace.

Les caractéristiques des terres (pente, relief, vitesse d’infiltration, craquèlement, perméabilité et aménagement du sol) peuvent toutes influer sur l’utilisation des précipitations; on peut donc utiliser les limites critiques des caractéristiques importantes pour l’évaluation des terres.

Dans le cas particulier du riz aquatique, la contribution de la pluie efficace dépend des pratiques de conservation des eaux. Dans beaucoup de régions rizicoles, pour maintenir le niveau de l’eau dans les rizières, on assure un écoulement contenu par gravité. Les pluies qui tombent sur une rizière pleine débordent et risquent de ne pas être utilisées efficacement en aval. Pour mieux utiliser les précipitations directes, les cultivateurs doivent suspendre cet écoulement et laisser le niveau baisser dans les rizières; le champ se vide partiellement et il devient possible de stocker temporairement l’eau de pluie. Cela réduit aussi les pertes par infiltration et percolation (voir ci-après).

En règle générale, la proportion de pluie efficace est plus grande en période sèche qu’en période humide. Dans certaines régions, la neige fondue et l’écoulement latéral provenant de zones voisines jouent un rôle important.

A.6.6 Infiltration et percolation en riziculture inondée

Dans de nombreuses régions de riziculture, les pertes d’eau par infiltration et percolation sont largement supérieures à l’évapotranspiration. Si la quantité d’eau est un facteur limitatif, l’infiltration et la percolation ainsi que les caractéristiques des terres qui conditionnent ces phénomènes sont à prendre sérieusement en considération dans l’évaluation.

L’infiltration est un déplacement latéral de l’eau à travers le sol, les diguettes ou bourrelets qui entourent les champs. La percolation est la descente verticale de l’eau vers une nappe phréatique. Sur le terrain, il est parfois difficile de les distinguer l’une de l’autre; c’est pourquoi on les considère souvent conjointement.

Dans les zones relativement planes caractérisées par un drainage faible et un plan phréatique élevé, l’infiltration et la percolation sont fonction du débit sortant total, qui lui-même résulte de différences de hauteur d’eau et de la résistance des bourrelets et du sol à l’écoulement. Si l’on a une série de rizières sur une pente, l’infiltration d’un champ à l’autre est compensée par l’infiltration de l’eau provenant des champs situés plus haut; on peut donc mesurer les pertes nettes dans la dernière rizière car elle est généralement située le long d’un drain ou d’une zone non plantée qui fait fonction de puisard pour l’ensemble du système.

La vitesse de percolation dépend de la pression de l’eau et de la résistance à l’écoulement de l’eau à travers le profil du sol. Sur les sols perméables, la hauteur d’eau qui stagne dans les rizières représente une charge accrue et, de ce fait, influe sensiblement sur les taux de percolation à travers le fond du champ et les diguettes. La perméabilité du sol dépend de la structure et de la texture du sol, des interfaces entre les horizons, notamment de la présence de couches compactes argileuses ou indurées qui peuvent entraîner la formation d’une nappe perchée au-dessus de la vraie nappe phréatique. Dans beaucoup de régions rizicoles, c’est la nappe phréatique elle-même qui régit les pertes d’eau par percolation.

Sur les terres pentues où la nappe phréatique se situe au-dessous de la profondeur d’enracinement du riz (25 à 30 cm), les pertes par infiltration et par percolation sont fonction de l’efficacité avec laquelle les rizières en terrasses peuvent être rendues étanches grâce à la mise en boue du fond et à l’imperméabilisation des diguettes. La mise en boue détruit la structure du sol et favorise le colmatage. Son efficacité dépend de diverses caractéristiques: texture du sol, nature des minéraux argileux prédominants, gonflement et retrait du sol, salinité, teneur en matière organique et maîtrise de l’eau. L’efficacité de la mise en boue est souvent un élément de première importance dans l’évaluation des pertes par infiltration et par percolation. Elle n’est pas toujours très efficace dans les rizières de création récente mais, normalement, elle va en s’améliorant pendant les cinq à dix premières années d’exploitation.

Les pertes d’eau vers la nappe phréatique se produisent non seulement à travers le fond des rizières, mais aussi à travers les diguettes. Dans beaucoup de régions rizicoles, les diguettes permanentes sont faites avec des sols perméables bien structurés autorisant des fuites qui augmentent avec la hauteur de l’eau qui stagne dans le champ (Walker et Rushton 1984); ces pertes peuvent constituer la préoccupation principale. Le problème risque d’être plus difficile à résoudre si les diguettes forment des terrasses permanentes que si elles sont détruites après chaque récolte, puis reconstituées et compactées pendant la préparation des terres.

La texture du sol, le pourcentage d’argile et la minéralogie des argiles sont autant d’éléments qui peuvent contribuer à une évaluation des pertes d’eau par infiltration et par percolation. Les besoins nets d’eau d’irrigation d’une culture de riz seront probablement plus importants sur des sols sableux que sur des sols argileux. Chin et Lee (1961) font état de 7, 9, 10 et 12 mm/jour pour des sols de Taïwan contenant respectivement 25-30 pour cent, 15-25 pour cent, 10-15 pour cent, 5-10 pour cent d’argile. Gupta et Bhattacharya (1969) mentionnent des pertes par percolation décroissantes pour des sols respectivement constitués de sable, limon sableux, limon sableux fin et argile lourde. Toutefois, Achar et Dastane (1971) signalent des pertes par percolation pouvant atteindre 19 mm/jour avec des vertisols noirs lourds contenant jusqu’à 50 pour cent d’argile. Le type de minéraux argileux et la teneur en sel du sol et de l’eau sont des facteurs à ne pas négliger. Les sels entraînent une agrégation des argiles montmorillonitiques et autres et une aggravation des pertes par infiltration et par percolation. Les argiles kaolinitiques gonflent relativement peu et se comportent moins efficacement que les argiles montmorillonitiques.

Ce sont souvent les conditions d’infiltration et de percolation qui définissent les limites de la riziculture irriguée sur les séquences topographiques. Dans les fonds de vallées, l’infiltration et la percolation sont moindres que sur les pentes, pour des raisons en partie liées à des modifications de la texture et de la structure du sol. Infiltration et percolation interviennent souvent de façon importante dans la détermination de la superficie irrigable. Quand les pertes par infiltration et par percolation passent de 2 à 15 mm (comme dans l’exemple de la Figure 12), les besoins nets annuels d’eau d’irrigation triplent, et il en va de même des pointes de consommation.

Le lecteur trouvera ci-après des indications concernant les limites critiques des conditions d’infiltration et de percolation pour le riz aquatique. Il ne s’agit toutefois que de suggestions, qu’il faudra adapter pour tenir compte de l’importance des disponibilités en eau dans les conditions locales (voir Point A.6.1).

s1 0-2 mm/jour
s2 2-5 mm/jour
s3 5 - 15 mm/jour
n1 plus de 15 mm/jour
On peut obtenir les valeurs approximatives des conditions d’infiltration et de percolation en observant le retrait de l’eau stagnant dans des rizières ayant des sols semblables aux sols à l’étude. Avec la technique dite de l’échelle limnimétrique, on installe une jauge inclinée (pente 1/5) dans les rizières représentatives. On mesure sur la jauge l’abaissement du niveau de l’eau qui représente les pertes combinées résultant de l’évapotranspiration, de l’infiltration et de la percolation moins les apports d’eau (irrigation et précipitations). Si l’on n’ajoute ni ne retire d’eau de la rizière, la quantité totale d’eau utilisée dans le champ (indiquée par différence de hauteur d’eau) est simplement la somme de l’évapotranspiration et des pertes par infiltration et par percolation. Dans les zones peu étendues, l’évapotranspiration est pratiquement uniforme; on peut donc supposer que les différences constatées d’un endroit à un autre sont imputables à une différence d’infiltration et de percolation.

A.7 Eléments nutritifs


A.7.1 Azote
A.7.2 Phosphore
A.7.3 Potassium
A.7.4 Le facteur de classification “nutrition en NPK”

Dans la présente section, la question de la nutrition végétale est traitée uniquement du point de vue des trois principaux éléments nutritifs habituellement appliqués sous forme d’engrais: l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K). D’autres éléments et oligo-éléments seront examinés dans la Section A.11, ainsi que les effets du pH et des toxicités.

Il convient en premier lieu de faire une distinction entre:

- les besoins des cultures en éléments nutritifs, établis sur la base de leur teneur en éléments nutritifs, et

- les besoins en engrais et fumures.

Pour pouvoir utiliser la composition minérale de la matière sèche des plantes comme indicateur des besoins nutritifs des cultures et si l’on veut des résultats précis, il faut effectuer un échantillonnage sériel étalé sur tout le cycle de la culture; toutefois, on a coutume d’assimiler l’absorption d’éléments nutritifs par les plantes à leur teneur en éléments nutritifs au moment de la récolte. Ce résultat donne une indication de la quantité d’éléments nutritifs qu’il faut apporter au sol pour maintenir sa fertilité autour de son niveau initial. L’apport d’éléments nutritifs susceptibles de remplacer les éléments enlevés à la récolte peut provenir:
i. de la minéralisation du sol (c’est-à-dire de la transformation des minéraux du sol ou de la matière organique non assimilables en éléments nutritifs assimilables);

ii. des fumures et engrais, ou

iii. de la fixation atmosphérique, pour une partie de l’azote.

Des pertes peuvent aussi être occasionnées par le lessivage, par une fixation sous des formes non assimilables, par déminéralisation, etc. Les besoins en fumier et engrais dépendent de toutes ces considérations et sont habituellement calculés empiriquement, sur la base de l’expérience.

Figure 13: Transformation de l’azote dans la rhizosphère.

Source: FAO 1980d

A.7.1 Azote

Pour la plupart des cultures irriguées, seule l’eau a une importance supérieure à celle de l’azote. La Figure 13 illustre le cycle de l’azote. Si le manque d’azote est le principal facteur de limitation du rendement, un apport d’engrais azotés assurera une production relativement prévisible. Les principaux points à prendre en considération pour décider de la quantité d’azote à appliquer sont les suivants:

i. quantité d’azote prélevée par la culture;
ii. teneur initiale du sol en azote;
iii. quantité d’azote obtenue par la fixation;
iv. pertes d’azote par lessivage, dénitrification, etc.
Avec les cultures feuillues à cycle court et à haut rendement, il faut en outre tenir compte de la nécessité d’assurer temporairement des concentrations élevées de nitrate ou d’azote ammoniacal dans le sol pour stimuler l’absorption aux stades critiques de la croissance. De telles applications entraînent fréquemment des pertes supplémentaires par lessivage; la quantité d’azote appliquée en régime de culture intensive peut donc être largement supérieure au prélèvement effectué par la culture. Par ailleurs, l’air ou la minéralisation de la matière organique peuvent fournir un apport supplémentaire. Depuis des siècles, dans de nombreuses régions d’Asie, des variétés traditionnelles de riz ont été cultivées sans apport de fumiers ou d’engrais azotés, grâce à la fixation atmosphérique de l’azote par des micro-organismes et des algues. Le riz inondé et les légumineuses peuvent fournir une contribution de 30 à 75 kg M/ha en l’espace de trois à quatre mois, quand les conditions sont favorables; mais cela ne suffit pas pour obtenir des rendements optima ou maxima avec les variétés modernes.

Si d’autres facteurs que l’eau et les éléments nutritifs n’ont pas de caractère limitatif, il est fréquent que l’interaction des engrais azotés et de l’arrosage joue un rôle important. Les sols récemment bonifiés des zones arides et semi-arides sont souvent très pauvres en matière organique et en azote, tout en étant très aptes à l’irrigation. Sur de tels sols, le type de réaction et d’interaction qu’on obtient avec de l’eau et des engrais azotés est celui qui illustre la Figure 14. Si l’eau ne manque pas, la réaction à l’azote est plus forte. On peut évaluer la différence de comportement des unités de terre d’après la surface de réaction. On peut également définir les limites critiques d’après le coût des intrants (engrais) nécessaires aux différentes unités de terres.

Figure 14: Exemple de réaction du rendement à l’engrais et à l’eau sur un sol pauvre en azote assimilable.

Le coût d’application d’engrais azoté peut être différent d’une unité de terre à l’autre. Des sols nécessitant de fortes doses d’azote peuvent être des sols qui soit avaient, au départ, une teneur insuffisante en azote, soit utilisent mai les apports d’azote pour des raisons de lessivage ou autres. Toutefois, dans la pratique, les agriculteurs appliquent souvent la même quantité d’engrais sur toutes leurs terres; et les rendements varient car l’utilisation des engrais n’est pas uniformément efficace.

La carence en azote est particulièrement fréquente sur les sols sableux et très altérés dans les zones à pluviométrie élevée, ainsi que sur les sols pauvres en matière organique. La teneur totale des sols en azote et azote nitrique est assez significative d’une carence grave; toutefois, dans les teneurs moyennes et compte tenu des variations saisonnières, ces teneurs ne jouent guère dans le calcul des besoins immédiats en engrais.

La teneur en nitrates des sols arables varie de 2 à 60 mg/l d’azote sous forme de nitrates. Une forte teneur en azote nitrique peut signifier qu’il suffit d’apporter un peu d’azote, voire qu’il est possible de s’en passer. La teneur du sol en azote est faible si elle est inférieure à 0,1 pour cent et élevée si elle dépasse 0,3 pour cent du sol séché dans un four.

L’analyse du tissu foliaire des plantes fait apparaître une teneur totale en azote comprise entre environ 1,5 pour cent (faible teneur) et 3,5 pour cent (teneur élevée) selon la culture considérée, l’âge de la feuille, etc. (Chapman, 1973).

A.7.2 Phosphore

La mise au point de méthodes chimiques permettant de doser la quantité de phosphore assimilable présente dans le sol a fait l’objet d’un vif intérêt. Le phosphore assimilable est défini comme étant la quantité qu’une culture peut prélever dans le sol; cette notion peut aussi représenter une mesure de l’aptitude du sol à fournir les quantités nécessaires à un rendement maximum avec le système agronomique pratiqué (Russel 1973). Les analyses pédologiques permettent généralement de déceler une carence manifeste. Elles sont cependant peu utiles pour prévoir les besoins d’engrais phosphores correspondant à différents niveaux de rendement, à moins que l’on en ait déjà démontré l’efficacité dans une zone déterminée. L’absorption du phosphore assimilable du sol par les cultures est régie par de nombreux facteurs, parmi lesquels:

i. vitesse de transformation du phosphore présent sous des formes non assimilables en formes échangeables et inversement;

ii. vitesse à laquelle le phosphore assimilable et échangeable se libère dans la solution de sol;

iii. teneur en eau du sol et concentration de la solution pendant la période de croissance;

iv. besoins des cultures en phosphore;

v. efficacité avec laquelle le système radiculaire explore le volume de sol, absorbe et utilise le phosphore qui s’y trouve.

C’est le plus souvent sur les sols tropicaux fortement altérés, les sols calcaires, la tourbe et les sols fangeux que l’on constate des carences en phosphore. Mais les sols les plus variés réagissent au phosphore des engrais.

Parmi les sols tropicaux acides très altérés, certains absorbent si fortement le phosphate que la concentration de la solution de sol en phosphate reste trop basse pour que les cultures en profitent sans des applications massives. Certaines cultures (comme le manioc) sont capables d’utiliser le phosphate de tels sols. Il est particulièrement important, quand on évalue des terres, d’identifier les sols qui absorbent fortement le phosphore. Sous les tropiques, ce sont souvent des oxysols ou des ultisols. Russel (1973) pense qu’il est possible de les identifier en dosant au laboratoire la quantité de phosphore qu’un échantillon de sol doit absorber pour être en équilibre avec une solution de phosphore dont la concentration est celle qu’exige la plupart des plantes pour pouvoir absorber activement le phosphore (10-5 M, concentration variable selon les cultures).

Les sols acides demandent normalement davantage de phosphore que les sols neutres et calcaires, le phosphate naturel est efficace sur les sols acides. Sur des sols calcaires, un excédent de phosphore dans des espèces sensibles au phosphore, comme les agrumes, peut provoquer des symptômes de carence tant en cuivre qu’en zinc.

Dans les sols tropicaux, le phosphore se minéralisé généralement à partir de la matière organique, dès que les pluies ou l’irrigation reprennent, après une période de sécheresse. L’assimilabilité du phosphore, qu’on l’évalue par des méthodes chimiques ou d’après l’absorption par les plantes, augmente quand on inonde le sol. L’accroissement de l’assimilabilité du phosphore et d’autres éléments est souvent cité comme l’un des avantages que l’on attribue à l’inondation des rizières (Ponnamperuma 1976). Toutefois, dans les ultisols et les oxysols, la submersion n’accroît que faiblement la solubilité du phosphore.

En général, le riz exige moins d’engrais ou de fumures phosphores que d’autres céréales. Les graminées et les céréales sont à leur tour moins exigeantes que des cultures comme la pomme de terre, la betterave à sucre et les légumes à feuilles, qui peuvent avoir des besoins deux à trois fois supérieurs (Bingham 1973). Il faut, dans la mesure du possible vérifier ces généralisations par des expériences, portant également sur les sources et doses optimales d’engrais phosphores: phosphate naturel, superphosphate, superphosphate triple, etc.

Il existe de nombreuses techniques de dosage chimique du phosphore assimilable par les plantes. Elles sont résumées au Tableau 35, avec une indication des réponses probables selon la zone d’utilisation (Bingham 1973).

La teneur totale en phosphore des tissus végétaux varie de 0,05 à 0,5 pour cent selon l’état nutritionnel, l’espèce végétale, la saison et le tissu échantillonné. Les valeurs foliaires rencontrées en arboriculture sont généralement inférieures à celles de la plupart des plantes annuelles et vont de 0,05 à 0,1 pour cent de phosphore total lorsqu’il y a carence, et de 0,2 à 0,4 pour cent dans les teneurs normales. L’analyse des tissus ne permet pas de déceler un excédent; si, toutefois, on trouve dans des arbres des valeurs supérieures à 0,5 pour cent, il peut être bon d’effectuer un examen plus approfondi (Bingham 1973).

Tableau 35 SOLVANTS UTILISES POUR ESTIMER LE PHOSPHORE DU SOL “ASSIMILABLE PAR LES VEGETAUX”

SOLVANT, TECHNIQUE

SOLS

mg P/1 de sol sec

Réponse prévisible

Réponse probable

Réponse peu probable

1. Acétate-acide acétique
(Morgan) 1/
0,0125 pour le sodium, 0,16 N pour l’acétat, pH 4,8 à 5.

Sols acides

< 5

6-15

> 15

2. Méthode du phosphore soluble à l’acide hydrochlorique sulfurique (Mehlich)
5g de sol agité pendant 5 minutes avec 20 ml d’une solution de 0.05N HCl-0.25N H2SO4 Filtrer.

Sols acides non calcaires n’ayant pas été traités récemment au phosphate naturel

< 10

11-31

> 31

3. Essai du phosphore soluble à l’acide hydrochlorique-fluorure d’ammonium (Bray N° 1)
Agiter 1 part de sol et 7 parts de 0.025N HCl-0.03N fluorure d’ammonium pendant 1 minute, filtrer.

Sols non calcaires

< 7

7-20

> 20

4. Essai du phosphore soluble au bicarbonate de sodium (Olsen)
Ajouter à 5 g de sol 100 ml de bicarbonate de sodium 0,5M ajusté pour avoir pH = 8,5. Ajouter une cuillerée à café de noir de carbone sans phosphore; agiter pendant 30 minutes. Filtrer et doser P sur 5 ml pour chaque tranche de 25 ml du volume final.

Sols neutres, acides et calcaires. Pas pour les sols sodiques à forte teneur en matière organique

< 5

6-10

> 11

5. Acide carbonique (McGeorge)
Placer 50 g de sol dans un cylindre avec 250 ml d’eau distillée. Faire passer du CO2 à travers la suspension pendant 15 minutes avant de filtrer.

Sols calcaires
Essai normalisé rapide, pas toujours possible

< 3

6-10

> 10

6. Phosphore soluble à l’eau (Bingham)
Agiter 10 g de sol pendant 15 minutes avec 100 ml d’eau distillée, puis filtrer.

Tous les sols

< 1
ou
< 0,13 dans extrait aqueux

1-2

> 2 ou
> 0,13 dans extrait aqueux

1/ Dans le test de Morgan, les proportions et temps d’extraction sont très variables. Exemple: sol 1/2: agitation pour extraction 1 minute; alors que pour un rapport 1/5 la durée d’agitation est de 30 minutes.

A.7.3 Potassium

La carence en potassium, qui se traduit par une faible teneur en potassium échangeable (Ulrich et Ohki 1973), est fréquente dans les cas suivants:

i. sols sableux à lessivage excessif;
ii. sols sableux acides;
iii. sols organiques;
iv. sols intensivement cultivés, lessivés ou érodés;
v. ferralsols fortement lessivés.
Par contre, les sols de beaucoup de régions arides et semi-arides contiennent plus de potassium assimilable qu’il n’en faut pour satisfaire les besoins nutritionnels des cultures irriguées. Cela tient au fait que les sols des régions sèches sont relativement peu exposés à l’altération et au lessivage. Sur ces sols, il est aisé de détecter les exceptions en dosant le potassium échangeable par extraction à l’acétate d’ammonium normal ou au bicarbonate de sodium normal à 0,5.

Les sols contenant moins de 100 kg/ha de potassium échangeable dans la zone radiculaire réagissent souvent bien aux engrais potassiques. Avec un sol contenant plus de 300 kg/ha de potassium échangeable, rares sont les cultures qui réagiront (Ulrich et Ohki 1973).

La teneur en potassium des feuilles utilisées pour l’analyse des tissus va, pour la plupart des plantes, de 0,7 à 1,5 pour cent du poids sec. Certaines espèces (comme la pomme de terre) nécessitent des concentrations tissulaires bien plus élevées pour croître normalement. Pour les cultures précoces et intensives des zones tempérées, il peut être utile d’avoir jusqu’à 5 pour cent de potassium.

A.7.4 Le facteur de classification “nutrition en NPK”

Pour choisir les coefficients de classement appropriés pour la “nutrition en NPK”, il faut apprécier les courbes des réponses probables (rendement) de cultures pratiquées sur les unités de terre à évaluer. Ainsi la Figure 14 montre toute une série de courbes montrant l’effet d’engrais azotés sur le rendement (pour différents niveaux d’évapotranspiration). La réponse physique à différentes quantités d’engrais peut être traduite en rapports avantages/coûts financiers. On peut utiliser les coefficients de classement du facteur “nutrition NPK” pour estimer le rapport avantages/coûts. Par exemple, si une unité de terre a donné d’excellents rendements sans aucun engrais, elle doit recevoir un coefficient de classement s1. Si le rapport avantages/coûts est inférieur à un, ce qui implique que le coût des engrais excède la valeur financière du gain de rendement, le coefficient de classement doit être n1 ou n2. On peut évaluer séparément l’azote, le phosphore et le potassium, puis les combiner pour obtenir un coefficient de classement global pour le facteur NPK (voir l’exemple du Tableau 36). Il est ensuite possible de juger de l’importance de ce coefficient de classement par rapport aux autres éléments du Formulaire 3.

Tableau 36

COEFFICIENT DE CLASSEMENT DU FACTEUR “NUTRITION NPK” DU POINT DE VUE DES BESOINS D’ENGRAIS D’UNE UNITE DE TERRE ET D’UN TYPE D’UTILISATION DONNES

TUT
Culture(s)
Unité(s) de terre:


Coefficient de classement

Coefficient retenu


s1

s2

s3

n1

n2




Azote
Phosphore
Potassium

Indice avantage/coût 1/


> 3

2 à 3

1 à 2

0,5 à 1

< 0.5


Ö


Ö



s3

Ö





s1

Ö





s1


Coefficient de classement du facteur “nutrition NPK” s3 (des rendements acceptables ne sont possibles qu’au prix d’applications relativement coûteuses d’engrais azotés)

s3

Conclusion:

Inscrire s3 sur le formulaire 3 pour le facteur “Nutrition NPK”


1/ Les avantages/coûts sont donnés à titre d’exemple.

A.8 Qualité de l’eau

Le Bulletin d’irrigation et de drainage N° 29 de la FAO (FAO 1976e, révision 1) contient des directives permettant d’évaluer l’aptitude de l’eau à l’irrigation. Le présent bulletin propose des valeurs (Tableau 37) en rapport avec les problèmes généraux de l’irrigation: salinité, infiltration, toxicité d’ions particuliers. La qualité de l’eau dépend (i) de sa gestion, (ii) de la nature du sol, (iii) de la tolérance des cultures à la salinité de divers types d’eau d’irrigation. Il convient d’interpréter les critères de qualité de l’eau dans le contexte de l’équilibre salin global des toxicités et des effets sur le sol. Les problèmes découlant de l’emploi d’une eau de qualité médiocre sont de nature et d’importance variables. Les plus courants sont les suivants:

i. Salinité: la salinité peut poser un problème lorsque la quantité locale de sels contenue dans l’eau d’irrigation est suffisamment élevée pour que leur accumulation dans la zone radiculaire affecte les rendements. Un excès de sels solubles dans la zone radiculaire entrave l’absorption de l’eau par les plantes. Les plantes souffrent d’une sécheresse due au sel. Les plantes sont plus sensibles à la salinité de la partie supérieure du profil qu’au taux de salinité présent en profondeur. Il peut donc être tout aussi important de maîtriser la salinité dans cette zone critique pour les racines que d’assurer un lessivage suffisant pour empêcher l’accumulation du sel dans la totalité de la zone radiculaire.

ii. Infiltration: l’infiltration est un problème lié à la qualité de l’eau quand la vitesse d’infiltration dans et à travers le sol diminue (en raison de la qualité même de l’eau) au point que la culture manque d’eau et que le rendement baisse. Une mauvaise infiltration ne facilite pas l’arrosage des cultures; elle peut aussi susciter des problèmes de culture supplémentaires: formation d’une croûte sur les planches à semis; saturation en eau du sol superficiel avec les maladies que cela entraîne; problèmes de salinité, de mauvaises herbes, de carence en oxygène et de nutrition. Pour évaluer les conditions d’infiltration, il faut commencer par établir la teneur totale en sels de l’eau; en effet, une eau peu saline peut être cause d’une mauvaise infiltration en raison de la capacité extraordinaire qu’a l’eau pure de dissoudre et d’éliminer le calcium et autres substances solubles du sol. Il faut ensuite comparer la teneur relative en sodium de l’eau par rapport à sa teneur en calcium et en magnésium (taux d’adsorption du sodium, SAe). Enfin, il faut évaluer les carbonates et bicarbonates car ils peuvent également influer sur l’infiltration. L’interaction de ces trois facteurs détermine l’influence à long terme que l’eau peut avoir sur le taux d’infiltration du sol.

iii. Toxicités: Un problème de toxicité se pose lorsque certains constituants sont absorbés par les cultures et s’accumulent en quantités telles que les rendements diminuent. Dans les zones arides et semi-arides, ce problème est habituellement imputable à un ou plusieurs ions spécifiques présents dans l’eau, à savoir le bore, le chlorure et le sodium.

iv. Divers: divers autres problèmes peuvent se présenter: excès d’azote dans l’eau d’irrigation, dépôts blancs sur les fruits dus à une forte teneur en bicarbonate de l’eau appliquée au moyen d’asperseurs; et anomalies imputables à un pH inhabituel de l’eau.

Tableau 37 CRITERES D’INTERPRETATION DE LA QUALITE DE L’EAU POUR L’IRRIGATION 1/

Problèmes d’irrigation potentiels

Restrictions à l’utilisation

Unité

Aucune

Légère à modérée

Sérieuse

Salinité (influe sur la disponibilité de l’eau pour les cultures) 2/





ECw

dS/m

< 0,7

0,7 - 3,0

> 3,0

(ou)





TDS

mg/l

< 450

450-2 000

> 2 000

Infiltration (influe sur la vitesse d’infiltration de l’eau dans le sol)





A évaluer en utilisant ECw et TAR conjointement 3/





SAR = 0-3 et ECw =


> 0,7

0,7 - 0,2

< 0,2


= 3 - 6 =


> 1,2

1,2 - 0,3

< 0,3


= 6 - 12 =


> 1,9

1,9 - 0,5

< 0,5


= 12 - 20 =


> 2,9

2,9 - 1,3

< 1,3


= 20 - 40 =


> 5,0

5,0 - 2,9

< 2,9

Toxicité d’ions particuliers
(affecte les cultures sensibles)





Sodium (Na) 4/






irrigation de surface

SAR

< 3

3 - 9

> 9


irrigation par aspersion

me/l

< 3

> 3


Chlorure (Cl) 4/






irrigation de surface

me/l

< 4

4 - 10

> 10


irrigation par aspersion

me/l

< 3

> 3


Bore (B) 5/

mg/l

< 0,7

0,7 - 3,0

> 3,0

Oligo-éléments (voir FAO 1985)*





Effets divers





(cultures sensibles)






Azote (NO3 - N) 6/

mg/l

< 5

5 - 30

> 30


Bicarbonate (HCO3)





(irrigation sur frondaison uniquement)

me/l

< 1,5

1,5 - 8,5

> 8,5

pH

(gamme normale 6,5 - 8,4)

(notes du tableau précédent)

1/ D’après University of California Committee of Consultants, 1974.

2/ ECw est la conductivité électrique (moyen de mesurer la salinité de l’eau) exprimée en décisiemens par mètre à 25°C (dS/m) ou, comme cela a été indiqué précédemment, en millimhos par centimètre à 25°C (mmho/an); ces unités sont numériquement équivalentes. TDS est la quantité totale de particules dissoutes exprimée en milligrammes par litre (mg/l).

3/ SAR est le taux d’adsorption du sodium. Il est parfois représenté par le symbole de RNa. Se reporter au glossaire pour le calcul du SAR. Lorsque SAR atteint un niveau donné, la vitesse d’infiltration augmente à mesure que la salinité de l’eau augmente. On évalue le problème d’infiltration potentiel d’après SAR corrigé par ECw. D’après Rhoades 1977; Oster et Schroer 1979.

4/ Valeurs du sodium et du chlorure applicables aux arbres et aux plantes ligneuses sensibles arrosées par une méthode de surface; beaucoup de cultures annuelles sont moins sensibles à ces spécifications. En cas d’irrigation sur frondaison et par faible humidité (< 30 pour cent) le sodium et le chlorure absorbés par les feuilles de cultures sensibles peuvent être dommageables.

5/ Pour les tolérances au bore, se reporter au Tableau 42.

6/ NO3-H est l’azote nitrique exprimé en azote élémentaire (NH4-N et N-organique doivent être inclus dans l’analyse des eaux résiduaires).

* Se reporter au Bulletin d’irrigation et de drainage N° 29 de la FAO (1985) pour les oligo-éléments et pour la nouvelle méthode de calcul du SAR ajusté (Rna ajusté).

Les critères présentés dans le Tableau 37 doivent permettre d’établir si une eau d’une salinité, d’un taux d’adsorption du sodium et d’une composition ionique déterminés aura ou non un effet limitatif sur la production agricole. S’ils indiquent des limitations, l’eau peut malgré tout servir à condition que certains aménagements soient pratiqués pour atténuer le problème. Les critères du Tableau 37 reposent sur l’hypothèse que la zone considérée est une zone semi-aride ou aride, recevant peu de précipitations, bien drainée, ne comportant pas de plan phréatique non maîtrisé à faible profondeur, et que 15 pour cent de l’eau, appliquée par des méthodes de surface ou par aspersion, percolent à travers la zone radiculaire. Il est possible que ces critères soient trop rigoureux pour l’irrigation au goutte-à-goutte sur des sols très perméables; dans les autres cas, l’utilisateur devra se garder de tirer des conclusions hâtives de résultats de laboratoire uniquement. On trouvera dans la Section A.9 un complément d’information sur les limitations de salinité.

Dans le cas des techniques d’irrigation localisée, la qualité de l’eau est un critère important qu’il peut être intéressant de présenter ici. Bucks et Nakayama (voir Howell, Bucks et Chesness 1980) ont proposé à ce sujet des limites critiques, qui sont présentées dans le Tableau 38.

Tableau 38

LIMITES CRITIQUES APPLICABLES A LA CLASSIFICATION DES RISQUES D’OBTURATION DES INSTALLATIONS D’IRRIGATION DU GOUTTE-A-GOUTTE EN FONCTION DE L’EAU UTILISEE

Facteurs

Risque d’obturation

Léger

Modéré

Sérieux

Facteurs physiques





Particules en suspension
(ppm maximum) 1/

< 50

50-100

> 10

Facteurs chimiques





pH

< 0,7

7,0-8,0

> 8,0


Particules dissoutes totales
(ppm maximum) 1/

< 500

500-2000

> 2000


Manganèse
(ppm maximum) 1/

< 0,1

0,1-1,5

> 1,5


Fer
(ppm maximum) 1/

< 0,1

0,1-1,5

> 1,5


Acide sulfhydrique
(ppm maximum) 1/

< 0,5

0,5-2,0

> 2,0

Facteurs biologiques





Bactéries
(nombre maximum/ml) 2/

< 10 000

10 000-50 000

> 50 000

1/ Concentration maximale mesurée sur un nombre représentatif d’échantillons d’eau à l’aide de protocoles d’analyse normalisés.

2/ Le nombre maximal de bactéries par millilitre peut être obtenu à l’aide d’échantillonneurs portatifs et d’une analyse en laboratoire.

Source: Bucks et Nakayama, d’après Howell et al. 1980.

A.9 Salinité

Les effets de la salinité du sol sur la croissance végétale varient selon les cultures. La salinité de la solution de sol, qu’elle soit due au sel naturellement présent dans le sol ou au sel apporté par l’eau d’irrigation, retarde la croissance (i) en réduisant la quantité d’eau disponible pour la culture (osmose) et (ii) en augmentant la concentration de certains ions qui ont un effet toxique sur le métabolisme végétal (effet ionique spécifique). La tolérance au sel des plantes cultivées peut aller de 1 à 10. Le choix des cultures étant très vaste, il est donc possible d’utiliser des eaux de salinité très variable; ce qui montre bien que la qualité de l’eau et la salinité au sol doivent être spécifiquement considérées du point de vue de l’utilisation envisagée. Beaucoup de plantes, comme l’orge, le blé et le maïs, sont sensibles à l’effet d’osmose aux stades de la germination et de la levée mais deviennent plus tolérantes aux stades ultérieurs (USDA 1954). Les dommages causés par le sel sont plus graves en régime chaud et sec; ils le sont moins sous les climats froids et humides. Les tolérances au sel fournies pour les différentes cultures ne sont pas des valeurs immuables et ne sont que des indications.

Figure 15: Tolérance de diverses cultures à la salinité, mesurée dans l’extrait saturé ECe.

CULTURES LEGUMIERES - ECe en mmhos/cm à 25 C

CULTURES DE PLEIN CHAMP - ECe en mmhos/cm à 25 C

CULTURES FRUITIERES - ECe en mmhos/cm à 25 C

CULTURES FOURRAGERES - ECe en mmhos/cm à 25 C

Source: Maas et Hoofman 1977; James et al 1982
Maas et Hoffman (1977) ont évalué les données disponibles concernant la tolérance des plantes au sel et considèrent qu’il existe, pour chaque culture, un certain seuil au-delà duquel les rendements diminuent linéairement quand la salinité augmente. Quand la valeur de l’extrait de sol saturé est inférieure à un seuil déterminé, les rendements des cultures ne sont pas touchés et correspondent à 100 pour cent du rendement relatif. La Figure 15 illustre la tolérance de diverses cultures à la salinité. Elle montre également dans quelle mesure approximative le rendement diminue quand la salinité de l’extrait de sol saturé ECe augmente.

Pour obtenir une approximation de la relation entre la conductivité de l’extrait saturé ECe et celle de l’eau d’irrigation, ECw, on peut prendre comme hypothèse que l’eau d’irrigation devient trois fois plus concentrée en passant dans le sol et que la salinité de l’extrait de saturation est la moitié de celle de l’eau du sol (ECe = 3/2 ECw). A titre d’exemple, le rendement de la betterave à sucre tombe de 10 pour cent quand ECw atteint 8,6 dS/m (à 25°C). Cela donne ECw = 5,7, qui représente la conductivité ECw de l’eau d’irrigation qui entraînera, si les hypothèses sont correctes, une baisse de rendement de 10 pour cent. Dans cette hypothèse, toute la salinité est attribuée à l’eau d’irrigation, et aucune au sol. Toutefois, il faut souvent tenir compte aussi de la salinité du sol.

La formule graphique de la Figure 16 permet de calculer facilement les besoins de lessivage quand on utilise des eaux d’irrigation de salinités différentes et que les cultures n’ont pas la même tolérance au sel. Par exemple, si la conductivité de l’eau d’irrigation est 2 dS/m et si la culture a un seuil de tolérance de 4, le besoin de lessivage est d’environ 0,10, ce qui signifie que 10 pour cent de l’eau appliquée doit lessiver le sol en le traversant.

Figure 16: Formule graphique permettant de calculer le bassin de lessivage (lr) (proportion minimale de lessivage qui permet d’éviter une baisse de rendement) en fonction de la salinité et du seuil de tolérance au sel de la culture.

Source: Hoffmann et van Genuchten 1980
Un supplément d’eau sera nécessaire s’il faut ramener une teneur saline initialement élevée à un niveau acceptable (voir Section C.24, Dessalement des terres).

A.10 Sodicité

L’accumulation du sodium dans le sol provoque deux types de dommages: (i) une détérioration des conditions physiques du sol, (ii) une toxicité.

i. Effets physiques de la sodicité

La présence de quantités excessives de sodium échangeable dans le sol favorise la dispersion et le gonflement des minéraux argileux. Le sol devient alors imperméable à l’air et à l’eau. L’infiltration et la conductivité hydraulique décroissent dans des proportions telles que l’eau ne circule pratiquement plus ou pas du tout. A l’état humide, le sol est plastique: en séchant, il devient dur comme une brique. Il devient difficile de le travailler et une croûte se forme à la surface. Des recherches récentes (Frenkel et al. 1978) ont montré que la dispersion bouche les pores du sol et que le gonflement en diminue la taille. L’effet est plus marqué sur des sols qui contiennent des argiles sujettes à gonflement et retrait. Les sols qui contiennent des argiles non expansibles, comme la kaolinite et les sesquioxydes, sont relativement insensibles aux effets physiques du sodium échangeable. Cependant, les argiles sujettes à se fissurer fortement peuvent devenir si imperméables à l’état humide que la perte de perméabilité due à une forte teneur en sodium n’a plus d’importance.

La sodicité s’exprime sous forme de pourcentage de sodium échangeable (PSE). Quand on attribue un coefficient à la sodicité, il faut tenir compte des modifications de PSE qu’entraînera la mise en irrigation.

La sodicité réelle que l’on peut conserver au sol avec les techniques d’aménagement des sols et de gestion des eaux envisagées doit être notée d’après son incidence globale sur la production agricole. Etant donné que le système radiculaire de la plupart des végétaux se développe surtout dans les 30 premiers centimètres de sol, on prêtera davantage attention au sol superficiel, sauf dans le cas de cultures arboricoles ou quand une sodicité du sous-sol est un facteur important pour le drainage.

La salinité et la sodicité peuvent être évaluées à la fois par des méthodes de laboratoire et par des méthodes de terrain. Les études en laboratoire peuvent servir à établir les limites critiques de l’influence du sodium échangeable sur les caractéristiques physiques (perméabilité, par exemple) des sols.

Dans les anciennes prospections, on identifiait souvent les phases de sodicité du sol d’après le pH mesuré dans le champ. Mais le pH ne dépend pas seulement de la sodicité, mais aussi de la salinité et ne doit pas être utilisé seul pour noter la sodicité. Si le PSE n’est pas calculé, ou ne l’est que pour un nombre limité de profils, il est possible d’estimer la sodicité en utilisant les relations pH-PSE-EC établies pour plusieurs zones. Cette relation peut ne pas être valable, surtout en présence de gypse. Le SAR de l’eau d’irrigation a une incidence sur le pourcentage de sodium échangeable (PSE) du sol mais la relation n’est pas toujours directe car le PSE du sol est conditionné par le SAR de la solution de sol, qui change continuellement. Après un arrosage, la solution de sol devient plus concentrée à mesure que la culture transpire; son SAR augmente donc également. Si la concentration provoque la précipitation de calcium ou de magnésium sous forme de carbonate, le SAR augmentera encore. Plus la teneur totale en sel de l’eau d’irrigation est élevée, plus son SAR doit être faible si l’on veut que le PSE du sol reste au-dessous d’un niveau donné (Tableau 37).

Avant lessivage, les sols alcalino-salins ont souvent un PSE élevé dû à leur forte salinité. Les valeurs obtenues dans ces conditions peuvent donner une fausse idée du risque de sodicité. Les valeurs ESP doivent donc être établies après la réalisation d’essais de lessivage avec une eau de qualité semblable à celle de l’eau d’irrigation.

Certaines argiles (par exemple argiles noires à forte teneur en montmorillonite de la Gezireh au Soudan), qui se craquèlent en séchant, mais sont par ailleurs imperméables donnent de bons rendements malgré un PSE élevé (jusqu’à 40 pour cent) et une structure instable. Ces argiles peuvent contenir des pellicules d’hydroxyde d’aluminium qui favorisent vraisemblablement une certaine’ stabilisation des fissures.

Le Tableau 39, inspiré de travaux réalisés au Soudan (Purnell, communication personnelle), indique, pour la sodicité, des limites critiques basées sur le PSE et le SAR de la solution de sol après lessivage. Les coefficients de classement s1, s2, s3 et n correspondent respectivement à des sois non sodiques, légèrement sodiques, modérément sodiques et fortement sodiques. Seules, ces données peuvent ne pas suffire à une vraie évaluation. D’autres facteurs comme le drainage interne du sol, les propriétés des minéraux argileux, la teneur en calcium et en gypse, la granulométrie des fractions carbonates, la salinité et le SAR de l’eau d’irrigation sont également importants.

ii. Toxicité du sodium

L’aptitude des plantes à tolérer les ions de sodium est extrêmement variable. La plupart des arbres et autres plantes ligneuses vivaces sont particulièrement sensibles à de faibles concentrations de sodium. Les cultures annuelles le sont généralement moins. Toutefois, elles risquent de souffrir de plus fortes concentrations. La toxicité du sodium est souvent modifiée et atténuée par la présence de calcium; on peut donc, en se servant du SAR de l’extrait du sol saturé et de l’eau d’irrigation, évaluer de façon satisfaisante la toxicité potentielle. Les symptômes de toxicité peuvent ne se manifester qu’après un certain temps, pendant lequel des concentrations toxiques s’accumulent dans la plante; les symptômes se présentent sous forme de brûlure ou de dessèchement des tissus du bord externe des feuilles. le Tableau 40 peut être utilisé pour évaluer le risque lié au sodium pour diverses cultures représentatives.

iii. Toxicité du chlorure et du bore

Les Tableaux 41 et 42 présentent les valeurs critiques concernant la tolérance de diverses cultures aux chlorures et au bore.

Tableau 39

LIMITES CRITIQUES DE LA TOLERANCE A LA SODICITE

Coefficient de classement 1/

PSE
(0-30) 2/

PSE
(30-90)

SAR 3/
(0-30)

SAR
(30-90)

s1

< 10

< 20

< 8

< 18

s2

10 à 20

20 à 35

8 à 18

18 à 38

s3

20 à 35

35 à 50

18 à 38

38 à 68

n

> 35

> 50

> 38

> 68

1/ Si la perméabilité dépasse 2 cm/heure (sols limoneux ou sableux, par exemple), le coefficient de classement peut être relevé d’un cran.

2/ Profondeur du sol en cm.

3/ Il est possible d’utiliser les valeurs SAR lorsque celles du PSE ne semblent pas fiables.

A.11 pH, Oligo-éléments et toxicités

Outre le NPK (traité au point A.7) et les toxicités dues à des quantités nécessaires de sodium, de bore et de chlorures (traitées au point A.10), il existe d’autres limitations liées au pH, à des carences en oligo-éléments et à d’autres toxicités. Les trois sections A.11.1, A.11.2 et A.11.3 traitent de ces limitations dans le cas des terres non rizicoles, des terres de riziculture inondée et des terres contenant des sulfates acides.
A.11.1 pH, carences en oligo-éléments et toxicités sur des terres non rizicoles
i. pH (Généralités)

A.11.2 Caractéristiques chimiques des sols de riziculture inondée (d’après Ponnamperuma, 1976)
A.11.3 Sols sulfatés acides

La réponse au pH varie d’une culture à l’autre. Les plantes calcifuges n’aiment pas le calcaire, contrairement aux plantes calciphiles. Rares sont les plantes qui, poussant bien dans des sols calcaires, ne poussent pas aussi bien avec un pH supérieur à 6 dans un sol exempt de calcaire. Beaucoup de cultures, le thé par exemple, ont besoin d’un milieu acide. Beaucoup aussi souffrent de carences en oligo-éléments ou de toxicités à des niveaux de pH déterminés. La Figure 17 illustre le degré de disponibilité des macro-et oligoéléments en fonction du pH; toutefois, cette disponibilité varie d’une culture à l’autre.

Le pH des suspensions pédologiques varie selon que le sol est agité avec de l’eau, ou avec un électrolyte comme le chlorure de potassium. Dans le second cas, le pH peut être inférieur d’une unité à celui que l’on obtient si l’on agite l’échantillon avec de l’eau, mais il est plus proche du pH réel des particules de sol. Il est préférable d’utiliser un électrolyte pour mesurer le pH de sols salins, surtout si l’on veut faire des comparaisons avec le pH de sols non salins.

Tableau 40 TOLERANCE DE DIVERSES CULTURES AU SODIUM ECHANGEABLE (ESP) EN CONDITIONS NON SALINES

Tolérance au ESP
(valeurs extrêmes)

Culture

Croissance en conditions réelles

Cultures extrêmement sensibles
(ESP = 2-10)

Fruits charnus
Noix
Agrumes (Citrus spp.)
Avocat (Persea americana Mill.)

Symptômes de toxicité même à de faibles valeurs ESP

Sensibles
(ESP = 10-20)

Haricots (Phaseolus vulgaris L.)

A ces valeurs ESP, croissance rabougrie même si les conditions physiques du sol sont bonnes

Moyennement tolérantes
(ESP = 20-40)

Trèfle (Trifolium spp.)
Avoine (Avena sativa L.)
Fétuque élevée (Festuca arundinacea)
Riz (Oryza sativa L.)
Dallis grass (Paspalum Dilatum Poir.)

Croissance rabougrie due tant à des facteurs nutritionnels qu’aux conditions défavorables du soi

Tolérantes
(ESP = 40-60)

Blé (Triticum aestivum L.)
Coton (Gossypium hirsutum L.)
Luzerne (Medicago sativa L.)
Orge (Hordeum vulgare L.)
Tomate (Lycopersicon esculentum Mill.)
Betterave (Beta vulgaris L.)

Croissance rabougrie, généralement due à des conditions physiques défavorables du sol

Très tolérantes
(ESP = au-delà de 60)

Agropyre à crête, Alpiste tubéreuse (Agropyron spp.)
Agropyre allongé (Agropyron elongatum (Host) Beau)
Herbe de Rhodes (Chloris gayana Kunth)

Croissance rabougrie, généralement due à des conditions physiques défavorables du sol

Note: L’abaque de l’annexe B du Bulletin d’irrigation et de drainage No 29 de la FAO peut être utilisé pour estimer l’ESP d’équilibre d’après l’eau d’irrigation ou, de préférence, d’après le SAR de l’extrait de sol saturé. Cette méthode ne peut être utilisée quand le sol contient du gypse. Il convient de tester sur le terrain l’efficacité de toute intervention corrective avant d’en généraliser l’application. Des sols ayant un ESP égal ou supérieur à 20-40 aurait généralement une structure physique trop mauvaise pour donner une bonne production agricole. Les résultats de recherche indiqués ci-dessus ont été obtenus sur des sols dont la structure avait été stabilisée au Krilium.

Source: Pearson 1960. Pour des informations à jour, voir le Bulletin d’irrigation et de drainage No 29 de la FAO.

Tableau 41 PORTE-GREFFES ET VARIETES DE CULTURES FRUITIERES TOLERANCES MAXIMUMS AUX CHLORURES CONTENUS DANS L’EXTRAIT DE SOL SATURE DE LESIONS FOLIAIRES

Culture

Porte-greffe ou variété

Taux de Cl maximal acceptable dans l’extrait de saturation en me/l


Porte-greffes


Agrumes
(Citrus spp.)



Limettier de Rangpur, mandarinier Cleopatra

25

Citrus de Floride, tangelo, bigaradier

25

Oranger doux, citrange

10

Fruits à noyau
(Prunus spp.)



Marianna

25

Lovell, Shalil

10

Yunnan

7

Avocat
(Persea americana Mill.)


A. des Antilles

8

A. Mexicain


Raisin
(Vitis spp.)



Sait Creek, 1613-3

40

Dog Ridge

30

Variétés


Raisin
(Vitis spp.)


Thompson sans pépins,

25

Perlette
Cardinal, Black rosé

10

Baies 1/
(Rubus spp.)



Ronce-framboise de Californie

10

Mûre Olallie

10

Framboise Indian Summer

5

Fraise

Lassen

8

(Fragaria spp.)

Shasta

5

1/ Données disponibles pour une seule variété de chaque type de culture.

Source: Bernstein 1965. Se reporter au Bulletin d’irrigation et de drainage No 29 (révisé) de la FAO pour des renseignements à jour.

Tableau 42 TOLERANCE RELATIVE DE QUELQUES CULTURES ET PLANTES ORNEMENTALES AU BORE 1/
(Tolérance indiquée par ordre décroissant dans chaque colonne)

Cultures tolérantes

Semi-tolérantes

Sensibles

4,0 mg/l de bore

2,0 mg/l de bore

1,0 mg/l de bore

Athel

Tournesol

Noix de pécan

(Tamarix aphylla)

(Helianthus annuus L.)

(Carya illinoensis)

Asperge

Pomme de terre

(Wang K. Koch)

(Asparagus officinalis L.)

(Solanum tuberosum L.)

Noisette noire, de

Palmier

Coton

Perse ou anglaise

(Phoenix canariensis)

(Gossypium sp.)

(Juglans spp.)

Palmier dattier

Tomate

Topinambour

(P. dactylifera L.)

(Lycopersicon)

(Helianthus tuberosus L.)

Betterave sucrière

Pois de senteur

Haricot blanc

(Beta vulgaris L.)

(Lathyrus odoratus L.)

(Phaseolus vulgaris L.)

Betterave fourragère

Radis

Orme d’Amérique

(Beta vulgaris L.)

(Raphanus sativus L.)

(Ulmus americana L.)

Betterave

Pois des champs

Prunier

(Beta vulgaris L.)

(Pisum sativum L.)

(Prunus domestica L.)

Luzerne

Rosier

Poirier

(Medicago sativa L.)

(Rosa sp.)

(Pyrus communis L.)

Glaïeul

Olivier

Pommier

(Gladiolus sp.)

(Olea europaea L.)

(Malus sylvestris Mill.)

Fèverole

Orge

Raisin (Sultanina et

(Vicia faba L.)

(Hordeum vulgare L.)

Malaga) (Vitis sp.)

Oignon

Blé

Kaki

(Allium cepa L.)

(Triticum aestivum L.)

(Ficus carica)

Navet

Maïs

Plaquemine

(Brassica rapa L.)

(Zea mays L.)

(Diospyros virginiana L.)

Choux

Sorgho à grains jaunes

Cerisier

(Brassica olearacea)

(Sorghum bicolor L. Moench)

(Prunus sp.)

Laitue

Avoine

Abricotier

(Lactuca sativa L.)

(Avena sativa L.)

(Prunus armeniaca L.)

Carotte

Zinnia

Mûrier sans épines

(Daucus carota L.)

(Zinnia elegans Jacq.)

(Rubus sp.)


Potiron

Oranger


(Cucurbita spp.)

(Citrus sinensis (L.)


Piment cloche

Osbeck)


(Capsicum annuum L.)

Avocatier


Patate douce

(Persea americana Mill.)


(Ipomea batatas (L.)

Pamplemoussier


Lam.)

(Citrus paradisi Macfad.)


Haricot de Lima

Citronnier


(Phaseolus lunatus L.)

(Citrus Limon L.)



Burm. f.)

2,0 mf/l de bore

1,0 mg/l de bore

0,3 mg/l de bore


1/ La tolérance relative correspond à la teneur en bore de l’eau d’irrigation à laquelle se manifestent des symptômes de toxicité sur des plantes cultivées en milieux sableux. N’indique pas nécessairement une baisse de rendement. Source: Wilcox 1960.

Dans les suspensions sol/eau, le pH varie selon la proportion sol/eau. Dans le champ, à mesure que le sol devient sec, la concentration saline de la solution de sol augmente parfois, ce qui provoque une chute du pH. Si le sol contient des substances sujettes à l’oxydation ou à la réduction, le pH s’achève ou s’abaisse en conséquence. Ainsi, le pH de sols engorgés contenant des sulfures tombera de 7 à moins de 4 si on draine et aère le sol (voir A.11.3). Le pH du sol est également influencé par la teneur en gaz carbonique de l’air du sol. Plus la concentration est forte, plus le pH est faible. L’effet est d’autant plus marqué que le pH du sol est plus élevé. Etant donné que le pH des échantillons de soi dépend des conditions de mesure, il faut utiliser un système normalisé de collecte et de mesure.
Figure 17: Tendance générale de l’influence du pH sur la disponibilité des éléments nutritifs des plantes (la partie la plus large de la bande représente la disponibilité maximale).

1. Disponibilité relative d’éléments courants dans les sols minéraux selon le pH (d’après Truog 1948)

2. Sols organiques (d’après Lucas et Davis 1961)

ii. Besoins de calcium et de chaux

La quantité de chaux nécessaire pour neutraliser l’acidité du sol et le pH définitif que l’on souhaite obtenir, doit généralement être établie dans le milieu ambiant, par des essais en champ. Au laboratoire, on peut déterminer la quantité de chaux nécessaire pour amener le sol au pH choisi, soit en titrant le sol avec de la chaux, soit méthode plus commode, en agitant le sol avec une solution de calcium tamponnée au pH voulu.

Sur de nombreux sols tropicaux acides, le chaulage a pour but de neutraliser l’aluminium échangeable et non d’atteindre un pH donné. Cela semble avoir pour effet de résoudre les problèmes du surchaulage. Sur certains sols acides, le surchaulage peut provoquer des carences en oligo-éléments. La chaux doit donc être appliquée par des traitements fréquents et à faible dose, en contrôlant le pH et le comportement des cultures après chaque apport supplémentaire de chaux.

Le chaulage se fait à l’aide d’oxyde de calcium (chaux calcinée ou chaux vive), d’hydroxyde de calcium (chaux hydratée ou éteinte), de calcaire finement moulu et de craie. Sous les climats humides, le bicarbonate de calcium fait l’objet d’un lessivage continu; au Royaume-Uni, par exemple, ce lessivage enlève de 200 à 400 kg de carbonate de calcium par hectare et par an (Russell 1973).

Sur certains sols acides, les cultures, fruitières et maraîchères en particulier, peuvent se ressentir d’une carence en calcium encore que, sur ce type de sols, les dommages soient plus généralement imputables à des toxicités dues à l’aluminium, au fer, au manganèse ou au soufre.

iii. Magnésium

La carence en magnésium est fréquente sur les sols acides et sableux des zones où les précipitations sont modérées à fortes. Une carence en magnésium peut être provoquée par un excès d’engrais potassique ou même, occasionnellement, par un paillage avec des herbes riches en potassium. L’application d’azote tend à favoriser l’absorption du magnésium. A teneur égale en magnésium, des sols sableux soumis à lessivage risquent davantage de donner lieu à une carence en magnésium si leur pH est faible (Chapman 1973).

Il existe, dans les zones arides et semi-arides de l’ouest du Canada, des Etats-Unis d’Amérique et du Moyen-Orient, des sols riches en magnésium échangeable et présentant la morphologie et les problèmes de sols sodiques. Sur ces sols, le manque de perméabilité et les difficiles conditions de travail sont plus gênants que l’excès de magnésium.

iv. Zinc

La carence en zinc est un phénomène très répandu dans les sols neutres à alcalins. Une teneur excessive en phosphore aggrave encore ce phénomène. Certaines cultures y sont plus sensibles que d’autres. Les haricots, le maïs, la pomme de terre, l’oignon, les agrumes, les cerisiers et les pêchers sont vulnérables. En revanche, la luzerne, le blé, l’orge et les graminées sont rarement touchés. Il est possible de prévoir correctement une éventuelle carence en zinc en dosant le zinc extractible au DTPA. Si la teneur est inférieure à 0,8 ppm pour un sol sec, un apport de zinc sera nécessaire pour des cultures sensibles autres que le riz (voir A.11.2 concernant le riz). Pour les cultures de plein champ des zones arides et semi-arides, il est possible de combattre cette carence pendant trois ou quatre ans en épandant et en incorporant au sol 10 kg de zinc par hectare. Des applications foliaires de 1-2 kg de zinc par hectare et par an sont très efficaces dans le cas de cultures arboricoles.

v. Fer

La carence en fer, ou chlorose, sur les sols calcaires est un problème fort complexe dans lequel interviennent de nombreux facteurs physiques, chimiques et biologiques. Le fer est absorbé par les végétaux sous forme de Fe (II), qui est relativement soluble, mais dans la gamme de pH qui va des sols neutres aux sols alcalins, Fe (II) est rapidement converti en Fe (III) qui est très insoluble. Les symptômes foliaires de cette carence sont très caractéristiques. Les tests diagnostics utilisés pour évaluer le fer assimilable contenu dans le sol n’ont généralement pas donné de résultats satisfaisants et, souvent, n’ont pas beaucoup d’utilité car il est difficile de corriger cette carence. Toutefois, Lindsay et Norvell (1978) aux Etats-Unis et Stewart-Jones (1979) en Arabie Saoudite ont utilisé l’extraction au DTPA avec certains résultats. L’apport de sulfate de fer à des sols nettement déficitaires en fer entraîne parfois une forte augmentation des rendements. Cette réponse est due à une activité microbienne et à la présence de matière organique. A l’intérieur des unités de terre, la chlorose due à la chaux est en général très variable et imprévisible; beaucoup de sols donnent une production globale satisfaisante même si, dans certains endroits affectés par cette carence en fer, les rendements sont faibles. Certaines cultures ont des cultivars qui utilisent difficilement le fer et d’autres non. Quant aux arbres, la chlorose est très inégale d’un sujet à l’autre. L’analyse tissulaire ne permet pas de déceler le problème de façon satisfaisante mais il est parfaitement visible aux feuilles chlorosées.

vi. Soufre

La carence en soufre se manifeste sur des terres anciennes et profondément altérées dont le sol a été fortement lessivé pendant des périodes prolongées. Elle est rare dans les zones arides. On peut estimer l’aptitude d’un sol à fournir du soufre d’après la quantité de sulfate soluble à l’eau et absorbé présente dans la zone radiculaire. En effet, le sulfate absorbé est directement utilisable par les cultures. On a pu établir une bonne corrélation entre, d’une part, une teneur de SO4-S inférieure à 3 ppm dans une solution de sol extraite avec du chlorure de lithium et, d’autre part, le rendement en luzerne sur les sols manquant de soufre du sud de l’Idaho. Il est facile de corriger une carence en soufre au moyen d’engrais sulfatés (superphosphate ou sulfate d’ammonium, par exemple) ou de gypse.

La toxicité due au soufre se rencontre sur des sols contenant des sulfates acides (Voir A.11.3).

vii. Bore

La carence en bore n’est pas fréquente sur les terres arides et semi-arides où comme on l’a vu dans la Section A.10 et le Tableau 42, une toxicité due au bore est beaucoup plus probable. On rencontre fréquemment une carence en bore sur des sols calcaires ou sur des sols acides qui ont été chaulés, surtout quand des plantes comme la betterave sucrière manquent d’eau en période sèche. La carence se manifeste souvent quand le sol contient moins de 0,3 à 1 ppm de bore soluble à l’eau chaude; toutefois, ce test ne permet pas toujours une prévision satisfaisante. L’analyse du tissu foliaire est un moyen très sûr de vérifier une carence en bore dans les végétaux. On notera que si la carence en bore est habituellement déterminée par extraction à l’eau chaude, la toxicité due au bore est, elle, généralement décelée d’après la quantité de bore présente dans l’extrait de sol saturé.

viii. Cuivre

La carence en cuivre se manifeste sur beaucoup de sols anciens fortement altérés (en Australie, par exemple) pauvres en cuivre et sur certains sols sableux (sables calcaires et tourbes principalement).

ix. Manganèse

Sur des sols neutres à alcalins, une carence en manganèse est souvent associée à une carence en zinc ou en fer mais rarement voire jamais, aux deux en même temps. Qu’elle soit isolée ou combinée à d’autres carences, la carence en manganèse est beaucoup moins fréquente que la carence en zinc et en fer. Elle est rare dans les cultures de plein champ ou les cultures maraîchères des zones irriguées, mais on la rencontre couramment dans les cultures d’agrumes et d’arbres décidus.

x. Molybdène

C’est en général uniquement sur les sols acides que l’on rencontre une carence en molybdène. Il est souvent possible d’y remédier par un chaulage ou, solution plus économique, par des applications de sodium ou de molybdate d’ammonium au sol, à la culture ou aux semences. Une mauvaise fixation de l’azote par les cultures légumineuses va de pair avec une carence en molybdène.

xi. Aluminium

La toxicité due à l’aluminium, accompagnée d’une toxicité due au manganèse et au fer, est souvent présente sur les sols acides de vastes zones à oxysols et à ultisols des régions tropicales humides soumises à une alternance saisonnière d’humidité et de sécheresse. La toxicité due à l’aluminium quand le pH tombe au-dessous de 5 est une des principales causes qui empêchent les racines des cultures annuelles (coton, par exemple) de pénétrer au-delà de certaines profondeurs (Pearson 1974) (Pour les sols à des sulfates acides, voir Section A.11.3).

Le Tableau 43 présente les valeurs internationales résultant d’analyses de sols et de plantes; les données utilisées ont été réunies par Sillanpää et publiées dans le Bulletin pédologique No 48. Sillanpää a rassemblé environ 2 000 échantillons de sols et de plantes prélevés sur des sols représentatifs de 25 pays différents. Les deux tiers environ des échantillons entrent dans la gamme des valeurs moyennes, plus ou moins l’écart-type. Le tableau présente également les valeurs minima et maxima de cette population d’échantillons. Les valeurs figurant dans ce tableau peuvent être utilisées à titre indicatif; pour plus de détails sur les méthodes d’analyse, le lecteur pourra se reporter au Bulletin pédologique No 48.

A.11.2 Caractéristiques chimiques des sols de riziculture inondée (d’après Ponnamperuma, 1976)

Les sols de riziculture inondée subissent des modifications chimiques différentes de celles que l’on observe en milieu aride. Dans beaucoup de régions du globe, les variétés nouvelles de riz ont donné des résultats décevants imputables à des problèmes pédologiques, passés jusque-là inaperçus car les variétés traditionnelles toléraient mieux ces mauvaises conditions. Pour évaluer les effets de la submersion appliquée en riziculture, il faut identifier un certain nombre de problèmes: toxicité du fer sur les sols acides, carence en phosphore sur les ultisols, les oxysols, les vertisols et les andepts, carence en zinc sur les sols sodiques, calcaires et tourbeux, carence en fer sur les sols à pH élevé. La présence de sulfates acides est également potentiellement importante pour le riz si le sol est périodiquement asséché.

Tableau 43 VALEURS MOYENNES ET VALEURS EXTREMES RESULTANT D’ANALYSES D’ECHANTILLONS INTERNATIONAUX DE SOLS ET DE PLANTES (MAIS) 1/
(Nombre d’échantillons = 1976 provenant de 25 pays, profondeur d’échantillonnage: 0 - 20 cm)


Unité

Moyenne

± Ecart-Type

Minimum

Maximum

Propriétés générales du sol






Granulométrie







< 0,002

%

28

18

1

87


0,002 - 0,06

%

36

20

1

87


0,06 - 2

%

35

26

0

97


> 2 mm

%

1

5

0

56

Indice de texture


42

17

9

91

Capacité d’échange des cations
(CEC sol non tamponné)

meq/100 g

27,0

15,4

2

99,7

pH (H20)


6,92

1,05

4,00

8,95

pH (CaCl2)


6,40

1,11

3,62

8,55

Conductivité électrique







(1: 2,5 sol: eau)

dS/m

2,1

3,2

0,1

73,0

CaCO3 équivalent

%

2,8

7,1

0

67,1

C organique

%

1,3

1,3

0,1

39,1

N (total)

%

0,135

0,088

0,008

1,657

Densité apparente (sol perturbé, séché à l’air)

g/cm3

1,2

0,14

0,47

1,77

Macroéléments du sol 2/






N (total)

mg/l

1 547

793

97

14 729

P (0,5 M Na bicarbonate, pH 8,5, Olsen)

mg/l

22,5

33,0

0,1

656,0

K extractible







(1 M acétate d’ammonium, pH 7) 3/

mg/l

330

356

18

5 598

Ca extractible (idem)

mg/l

3 450

2 815

10

17 995

Mg extractible (idem)

mg/l

446

462

2

6 490

Na extractible (idem)

mg/l

86

260

0

4 058

Oligo-éléments du sol 2/






B (extraction à l’eau chaude) 4/

mg/l

0,65

0,71

0,05

10,02

Cu (extraction à l’AAAc-EDTA) 5/

mg/l

6,0

7,9

0,1

99,7

Fe (AAAc-EDTA)

mg/l

160

139

14

2 275

Mn (extraction au DTPA) 6/

mg/l

43,2

38,4

0,9

378,4

Mo (extraction à l’AO-OA) 6/

mg/l

0,212

0,273

0,010

3,560

Zn (extraction au DTPA)

mg/l

2,14

6,49

0,09

185,20

Teneur en éléments nutritifs du maïs 7/






(cultivé sur les sols susmentionnés)






N

%

3,14

0,87

0,88

6,51

P

%

0,330

0,104

0,050

1,038

K

%

3,13

0,96

0,58

6,71

Ca

%

0,470

0,205

0,091

1,880

Mg

%

0,251

0,119

0,036

1,125

B

ppm

9,24

8,00

1,88

100,04

Cu

ppm

11,6

4,2

2,0

99,6

Fe 8/






Mn

ppm

77,6

47,8

8,3

517,1

Mo

ppm

0,86

1,35

0,01

21,03

Zn

ppm

35,7

47,2

6,2

915,6

Notes

1/ Source: Sillanpää, Bulletin pédologique de la FAO N° 48, p. 433. Cette publication décrit en détail les méthodes et résultats d’analyse réalisées dans le cadre d’une étude pour laquelle des échantillons de sols et de plantes avaient été réunis de 25 pays. Les deux tiers environ des échantillons entrent dans la gamme des valeurs moyennes, plus ou moins l’écart-type. (Voir à la page 441 du Bulletin N° 48 une ventilation des résultats entre les unités de sol FAO-Unesco).

2/ Les résultats exprimés ici en mg/l se rapportent à des volumes. Il est possible de les convertir pour les rapporter aux poids. Ainsi, pour obtenir les cations extractibles en unités traditionnelles (milli-équivalents par 100 grammes de sol sec) on divise la valeur en mg/l par le produit: poids équivalent x densité apparente x 10.

3/ “Extractible” peut être similaire mais non identique à “échangeable”; si l’on veut exprimer les résultats sous forme de valeurs “échangeables”, il faut tenir compte de (i) l’intensité du lessivage avec le solvant (ii) la présence de cations solubles non absorbés sur le complexe d’échange et (iii) le pH, et en apprécier l’importance.

4/ En tant qu’indice d’assimilabilité par les végétaux, les valeurs de B peuvent être corrigées d’après la CEC (voir Sillanpää p.49).

5/ Solvant EDTA - acétate d’ammonium acide (Sillanpää p.10). Eh tant qu’indice d’assimilabilité par les végétaux, les valeurs du Cu du sol peuvent être corrigées d’après la teneur en C organique (Sillanpää p.56).

6/ La teneur en Mn des plantes diminue quand le pH augmente. Eh tant qu’indice d’assimilabilité par les végétaux, les valeurs de Mn peuvent être corrigées d’après le pH (Sillanpää p.67). Il est également possible d’appliquer un facteur de correction du pH au Mo extrait du sol avec une solution d’acide oxalique-oxalate d’ammonium.

7/ Les teneurs en éléments nutritifs des végétaux s’appliquent à la matière sèche (105°C). Les résultats indiqués portent sur des échantillons de maïs cultivés en champ, fournis avec les échantillons de sol. Sillanpää (Annexe 4) présente également des analyses de blé cultivé en pot.

8/ Résultats non fiables, le sol a pu être contaminé.

Dans les huit paragraphes ci-après, on parlera des modifications chimiques importantes (Ponnamperuma 1976) dont il faut tenir compte dans l’évaluation des terres destinées à la riziculture aquatique.
i. Modification du pH: au cours des quelques semaines qui suivent la submersion, le pH des sols acides augmente, tandis que celui des sols sodiques et calcaires diminue. La submersion a donc pour effet de faire converger le pH de la plupart des sols acides et alcalins vers des valeurs comprises entre 6 et 7. La vitesse et l’ampleur des modifications du pH sont fonction des propriétés et de la température du sol. Dans les sols qui contiennent suffisamment de matière organique (> 2 pour cent) et de fer actif (> 1 pour cent) et par de faibles réserves acides, le pH atteint environ 6,5 dans les quelques semaines qui suivent la submersion. Cependant, les sols pauvres en matière organique ou en fer actif, ou qui contiennent des réserves acides importantes, mettront des mois, à atteindre un pH supérieur à 5. Il se peut, donc, quand on évaluera des terres pour la riziculture, que le pH du sol avant submersion soit moins important que les facteurs qui influent sur l’évolution du pH après submersion.

ii. Modification de la salinité: La conductivité électrique de la solution de sol augmente après submersion, atteint une valeur maximum, puis diminue. La plupart des sols submergés, quelle que soit leur conductivité initiale, donnent des valeurs supérieures à 2 dS/m pendant une bonne partie de la période végétative. La conductivité est particulièrement forte dans les sols salins; elle est la plus faible dans les ultisols et les oxysols lessivés. La marge de variation est très différente d’un sol à l’autre. Les modifications de la conductivité sont en étroite corrélation avec la concentration de fer et de manganèse dans la solution sol dans le cas des sols acides et avec la concentration de bicarbonate de magnésium et de calcium dans les sols alcalins.

Le risque de salinisation des sols inondés est parfois plus grand que ne l’indiquent les valeurs ECe du sol aussitôt après la submersion. La réduction du sol et l’effet solvant du gaz carbonique libèrent de grandes quantités d’ions dans la solution de sol mais, par suite de la dilution, le risque peut être inférieur à ce que suggèrent les valeurs ECe.

iii. Réduction du Fe (III) en Fe (II): La modification la plus spectaculaire qui se produit quand un sol est submergé et subit un phénomène de réduction est la réduction des hydroxydes de Fe (III) en composés de Fe (II). La couleur du sol passe du brun au gris et de fortes quantités de Fe (II) passent à la phase soluble. La concentration en fer hydrosoluble, qui dépasse rarement 0,1 mg/l au moment de la submersion, peut en quelques semaines atteindre 600 mg/l, après quoi elle diminue ou se stabilise. Dans les sols à sulfates acides, elle peut atteindre des pointes de 5 000 ppm.

Il existe un risque de toxicité due au fer pour le riz aquatique sur des sols dont les principaux inconvénients pour des cultures pluviales, seront des toxicités dues au manganèse et à l’aluminium et une carence en macro-éléments. C’est ainsi que, sous les tropiques, on constate fréquemment une toxicité due au fer dans les ultisols, les oxysols et les sols à sulfates acides submergés. Elle se rencontre également dans le cas de sols sableux acides et de sols tourbeux pauvres en fer actif, les sols Akiochi par exemple. Les basses températures (< 20°C), du fait qu’elles favorisent des concentrations tardives mais élevées et durables en fer hydrosoluble, peuvent provoquer une toxicité due au fer dans des sols où, à des températures de 25 à 30°C, les concentrations élevées sont éphémères. Les caractéristiques qui permettent de prévoir un risque de toxicité due au fer sont les suivantes:

a. pH du sol à l’état sec;
b. réserve d’acidité;
c. réactivité et teneur en hydroxyde de Fe (III);
d. température du sol;
e. salinité;
f. vitesse de percolation;
g. écoulement hypodermique provenant de zones adjacentes.
iv. Augmentation de la quantité et de l’assimilabilité de l’azote (voir A.7.1)

v. Accroissement de l’assimilabilité du phosphore, du silicium et du molybdène: L’assimilabilité du phosphore et du silicium, qu’elle soit déterminée par des méthodes chimiques ou d’après absorption par les plantes, augmente quand on inonde le sol. La concentration de molybdène hydrosoluble s’accroît après submersion, et résulte vraisemblablement de la désorption qui suit la réduction des oxydes ferriques. Elle peut profiter aux algues de surface capables de fixer l’azote, aux bactéries anaérobies du sol réduit et aux bactéries aérobies présentes sur les racines.

vi. Diminution des concentrations en zinc et en cuivre hydrosolubles: C’est l’un des quelques inconvénients de la submersion des sols pour la riziculture. Depuis 1966, on sait que la carence en zinc constitue, sur les sols sodiques et calcaires, un désordre nutritionnel très répandu. Des travaux récents laissent penser que la carence en zinc (et peut-être en cuivre) représente un sérieux obstacle à la croissance du riz sur les sols trempés en permanence et sur les sols tourbeux (Ponnamperuma 1965 et 1972). Ces carences peuvent ne pas être aussi graves pour les cultures pluviales pratiquées sur ces sols après drainage. Il faut donc toujours tenir compte d’éventuelles carences en zinc et en cuivre quand on évalue des terres destinées à la riziculture aquatique.

vii. Production de toxines: Ces toxines sont notamment les produits organiques de la réduction, les acides organiques, l’éthylène et l’hydrogène sulfuré. Ce dernier, dans les sols submergés, résulte de la réduction de sulfates et de la décomposition anaérobie de la matière organique. Dans des sols normaux, l’hydrogène sulfuré est rendu inoffensif par précipitation sous forme de sulfure ferreux, mais dans des sols contenant beaucoup de sulfates et de matière organique et peu de fer, l’hydrogène sulfuré peut être nocif pour les plantules de riz (voir A.11.3).

viii. Conséquences du point de vue de l’évaluation des terres destinées à la riziculture aquatique: Les modifications chimiques entraînées par la submersion du sol peuvent changer radicalement la classification attribuée à un sol sur la base des caractéristiques du sol non irrigué. Certains sols aptes peuvent devenir inaptes, et inversement. Ces modifications chimiques, jointes aux propriétés inhérentes des sols, compliquent énormément l’évaluation des sols à problèmes. Le Tableau 44 donne la liste d’un certain nombre de facteurs limitatifs de la croissance susceptibles d’avoir, sur divers sols, des effets importants.

Tableau 44 LIMITATIONS A LA CROISSANCE DU RIZ SUR DIVERS SOLS SUBMERGES

TYPE DE SOL ET PRINCIPALES LIMITATIONS

AUTRES LIMITATIONS A LA CROISSANCE

Sols salins


Sols salins arides

Alcalinité, carence en Zn, carence en N et P

Sols salins acides des régions côtières

Toxicité due au fer, carence en P, eau profonde

Sols salins neutres et alcalins des régions côtières

Carence en Zn, eau profonde

Sols à sulfates acides de deltas et d’estuaires

Toxicité due au fer, carence en P, eau profonde

Histosols côtiers

Carence en éléments nutritifs, toxicité due à H2S; toxicité due à des substances organiques, eau profonde, toxicité due au Fe

Sols à sulfates acides


Sols côtiers

Salinité, toxicité due au Fe, carence en N et P, eau profonde

Sols continentaux anciens

Carence en N et P

Histosols

Toxicité due au Fe, toxicité due à H2S; toxicité due à des substances organiques, eau profonde, toxicité due au Fe

Sols contenant du fer toxique


Sols à sulfates acides

Salinité, carence en N et P, eau profonde

Oxysols et ultisols acides

Carence en PO, faible teneur en bases, faible teneur en Si

Histosols

Toxicité due à H2S, toxicité due à des substances organiques, carence en macro-éléments, carence en Zn et en Cu, eau profonde

Carence en phosphore en riziculture inondée


Sols à sulfates acides

Forte acidité, toxicité due au Fe, faible teneur en éléments nutritifs, carence en bases, salinité

Oxysols et ultisols acides

Toxicité due au fer, carence en bases

Vertisols

Carence en zinc, carence en fer, salinité, alcalinité

Sols manquant de zinc


Sols salins-sodiques et sodiques

Salinité, carence en N, P et Fe

Vertisols

Carence en P et Fe, salinité, alcalinité

Sols calcaires

Carence en K

Sols humides

Carence en Cu

Histosols

Carence en N, P, K, Si, Cu; toxicité due à H2S, eau profonde

Source: Ponnamperuma 1976.

A.11.3 Sols sulfatés acides

On peut s’attendre à rencontrer des sulfates acides quand on décide de drainer des sols submergés contenant de fortes teneurs en sulfates et en matière organique (mangroves, par exemple). L’aération de ces sols après drainage peut entraîner l’oxydation des composés sulfurés et une acidification qui leur confère un pH très faible. Dans beaucoup de zones côtières soumises à l’influence des marées (eau de mer salée) et surtout dans les marécages à mangroves qu’on se propose de drainer et d’assainir, l’acidification représente un problème potentiel. Il serait possible de mettre en culture des dizaines de milliers d’hectares des zones tropicales humides pour y faire du riz ou du palmier à huile, si l’on pouvait, par une bonne maîtrise de l’eau tout au long de l’année empêcher les sols de s’assécher.

La gravité de l’acidification accompagnant le ressuyage peut être mesurée, sur le terrain ou au laboratoire, d’après les modifications du pH; elle permet de distinguer les sols présentant un risque potentiel des autres sols. Sur le terrain, on peut mesurer le pH en utilisant des suspensions sol/eau de 1/5, et en procédant aussi rapidement que possible après l’échantillonnage. On obtient aussi les valeurs normales en champ du sol non bonifié. Pour déterminer les effets de l’oxydation sur ces sols après ressuyage, on peut exposer les doubles des échantillons à l’air en desserrant l’ouverture des sacs en polyéthylène où ils sont stockés. On procède alors à des mesures à intervalles réguliers, pour suivre les modifications du pH. Si le pH tombe au-dessous de 4 en trente jours, on risque d’avoir une teneur en aluminium soluble proche de 2 mg/l, nocive pour le riz. Avec un pH de 3,6, la teneur en aluminium soluble peut atteindre 43 mg/l. Une teneur en composés ferreux supérieure à 500 mg/l est également nuisible pour le riz et pour d’autres cultures; elle peut même atteindre 5 000 mg/l sur certains sols sulfatés acides.

Si l’on dispose d’un laboratoire, on peut conduire des essais sur des doubles des échantillons de sol non exposés à l’air. On oxyde au peroxyde d’hydrogène une partie des échantillons qui est ensuite analysée; l’autre partie restant intacte. On dose la pyrite (Fe S) totale d’après des différences existant entre les deux groupes analysés. La concentration en pyrite indique si le sol est susceptible de contenir des sulfates acides.

Les sols potentiellement sulfatés acides présentent souvent des horizons dont la consistance molle rappelle le beurre, ce qui rend difficile l’extraction de matériaux à la tarière. Ces sols sont souvent adaptés à une végétation de palétuviers rhizophores et de palmiers Nipah; il se dégage souvent une odeur de bisulfure d’hydrogène des fosses pédologiques ou des trous de tarière; le pH est souvent faible après séchage et la teneur en sulfates élevée.


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