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Chapitre 5 - Les arbres et les forets, sources et puits de g es et de carbone


24. Quelle partie de la surface de la terre est actuellement couverte de forets ou d'autres formes de végétation ligneuse?
25. Quels sont les mécanismes au niveau des arbres et des forets qui contribuent aux variations des niveaux de GES dans l'atmosphère terrestre?
26. Combien de carbone est libère et combien de carbone est absorbe annuellement par les forets?
27. Des écosystèmes forestiers différents ont-ils la même capacité d'absorber et de stocker le carbone?
28. Les arbres et les forets absorbent-ils le carbone de l'atmosphère terrestre selon des taux différents durant les différantes phases de leur vie?
29. Quelles sont les activités humaines dans les forets et les terres boisées qui contribuent a l'augmentation des niveaux de gaza effet de serre?
30. Quels sont les taux actuels de déforestation dans le monde?
31. Comment les sols forestiers sont-ils affectes par la déforestation?

24. Quelle partie de la surface de la terre est actuellement couverte de forets ou d'autres formes de végétation ligneuse?

Selon la définition de la FAO, le terme "forêt" désigne toute communauté végétale dont les arbres couvrent avec leurs cimes au moins 10 à 20 % de la surface du sol. Cela représente à peu près 3 459 millions d'hectares, soit environ 27% des terres émergées (FAO, données non publiées).

Par "autres terres boisées", on entend les communautés végétales dont les arbres couvrent moins de 10 à 20% de la surface du sol avec leurs cimes et constituées principalement d'arbustes ou d'arbrisseaux et de fourrés de plantes ligneuses de 0,5 à 7 mètres de haut. Cette végétation comprend le chaparral, les savanes arbustives et les fourrés tropicaux, occupant 13% des terres émergées. Au total, plus de 40% de la surface terrestre est couverte de forêts ou d'autres formations boisées (Tableau 5.1). Plus de la moitié de ces terres sont situées dans les régions tropicales.

Les estimations ci-dessus ne comprennent pas les terres agricoles où arbres et arbustes constituent des haies ou des brise-vent, ni les plantations d'arbres non forestiers tels que les vergers, les plantations de caféiers, cacaoyers, hévéas et palmiers à huile (Lanly, 1989).

TABLEAU 5.1

SUPERFICIE COUVERTE DE FORETS ET AUTRES TERRES BOISEES PAR REGION (1980)
(Source: Lanly, 1989, FAO, données non publiées)

Région

Forêts (%)

Autres terres boisées (%)

Total (%)

Afrique

18,0

21,3

39,3

Amériques

37,0

15,2

55,2

Asie-Pacifique

19,0

7,0

26,0

Europe*

27,0

8,6

35,6

MONDE

27,0

13,0

40,0

* Russie incluse.

25. Quels sont les mécanismes au niveau des arbres et des forets qui contribuent aux variations des niveaux de GES dans l'atmosphère terrestre?

Les plantes vertes absorbent le CO2 présent dans l'atmosphère par photosynthèse. Le carbone est stocké dans le feuillage, les tiges, les systèmes racinaires et, surtout, dans le tissu ligneux des tiges principales des arbres. En raison de la longue durée de vie de la plupart des arbres et de leurs dimensions relativement importantes, arbres et forêts sont de véritables réserves de carbone. Dans l'ensemble, les forêts emmagasinent de 20 à 100 fois plus de carbone par unité de surface que les terres cultivées et jouent un rôle déterminant dans la régulation du niveau du carbone atmosphérique.

On a estimé que les forêts du monde contiennent jusqu'à 80% de l'ensemble du carbone présent au-dessus de la surface du sol et environ 40% du carbone terrestre souterrain (sol, litière et racines). Cela représente à peu près 1 146 Gt de carbone, dont environ 37% est stocké dans les forêts (tropicales) de basse latitude, 14% dans les forêts (tempérées) de latitude moyenne et 49% dans les forêts de latitude élevée (Dixon et al, 1994).

Quand les arbres meurent ou sont exploités, le carbone emmagasiné est libéré. Une partie du carbone intègre une partie de la matière organique des sols forestiers où, selon les conditions climatiques, il peut subsister pendant de longues périodes. Le reste est libéré dans l'atmosphère, en grande partie sous forme de CO2, mais aussi de CH4 ou d'autres GES. Le taux de libération du carbone peut être lent, par exemple lorsqu'un arbre meurt et subit pendant des années une dégradation et une décomposition dues aux champignons, aux insectes, aux bactéries et à d'autres organismes. D'autre part, une perturbation soudaine, comme un feu incontrôlé ou le défrichement et le brûlage des forêts pour l'agriculture ou la colonisation humaine, peut causer une libération rapide de volumes importants de GES dans l'atmosphère.

26. Combien de carbone est libère et combien de carbone est absorbe annuellement par les forets?

Des estimations pour l'année 1990 indiquent que les forêts de basse latitude ont rejeté 1,6 ± 0,4 GtC par an dans l'atmosphère, surtout dû à la déforestation. Cela équivaut à environ 23% des émissions totales de carbone y compris l'utilisation des combustibles fossiles. Cette perte a été compensée par le piégeage de 0,7 ± 0,2 GtC par an dû à l'extension et à la croissance des forêts en zones de latitudes moyennes et élevées (Tableau 5.2). Il y a donc actuellement une libération nette de carbone dans l'atmosphère par les écosystèmes forestiers du monde de 0,9 ± 0,4 GtC par an (Dixon et al, 1994). Ceci est dû sans aucun doute à l'intensification de la déforestation dans les régions tropicales durant les années 80 (voir question 25). Au début de la décennie, l'accumulation de carbone dans les paysages tropicaux en cours de régénération après des perturbations était, selon les estimations, pratiquement égale aux émissions nettes de carbone dues à la déforestation et aux feux associés dans les zones tropicales (Lugo et Brown, 1992).

27. Des écosystèmes forestiers différents ont-ils la même capacité d'absorber et de stocker le carbone?

Les capacités d'absorption et de stockage du carbone des forêts varient considérablement. Les facteurs contrôlant les taux d'absorption de carbone comprennent la température, les précipitations, le peuplement, le sol, la pente, l'altitude, les conditions de site, les taux de croissance et l'âge. En général, les forêts fermées ont une plus grande capacité de stocker le carbone que les forêts ouvertes ou les formations boisées claires. Les forêts non perturbées emmagasinent plus de carbone que les forêts dégradées. Les forêts très humides ou humides stockent davantage de carbone que les forêts sèches ou semi-arides et les peuplements mûrs stockent de plus grandes quantités de carbone que les jeunes formations.

De nombreuses études ont été effectuées pour estimer la biomasse des écosystèmes forestiers. Elles peuvent être utilisées pour estimer le carbone stocké. Le rapport de la biomasse totale sèche au carbone est à peu près de 2:1. La teneur en carbone d'une forêt tropicale humide intacte peut atteindre 250 tC/ha de biomasse aérienne sur pied. La teneur en carbone des forêts sèches tropicales avec canopées ouvertes et discontinues, d'autre part, est en général inférieure à 40 tC/ha en moyenne (Brown et Lugo, 1984) (Tableau 5.3).

TABLEAU 5.2
TAUX ANNUELS ESTIMES DES ECHANGES DE CARBONE ENTRE LES FORETS DU MONDE ET L'ATMOSPHERE

Latitude

Echange de carbone (Gt/an) ***

Elevée


Russie

+ 0,30 à + 0,50


Canada

+0,08


Sous-total

+ 0,48 ± 0,1

Moyenne


Etats-Unis *

+0,10 à +0,25


Europe **

+0,09 à +0,12


Chine

-0,02


Australie

trace


Sous-total

+ 0,26 à ± 0,09

Basse


Asie

-0,50 à -0,90


Afrique

-0,25 à -0,45


Amériques

-0.50 à -0.70


Sous-total

-1,65 ± 0,40

Total

-0,9 ± 0,4

* Comprend le continent et l'Alaska.
** Pays nordiques inclus
*** + indique un transfert de l'atmosphère à la forêt
- indique un transfert de la foret à l'atmosphère

Source: Dixon et al, 1994.

Les sols forestiers emmagasinent aussi du carbone. Une étude récente indique que 84,3% de la teneur totale en carbone des forêts de latitude élevée sont emmagasinés dans le sol. Pour les forêts de latitude moyenne, le pourcentage est de 63% et pour les forêts de basse latitude, de 50,4% (Dixon et al, 1994) (Tableau 5.4).

28. Les arbres et les forets absorbent-ils le carbone de l'atmosphère terrestre selon des taux différents durant les différantes phases de leur vie?

Le taux d'absorption du carbone par les arbres et les forêts est fonction des taux de croissance et de l'âge. En général, arbres et forêts absorbent des taux élevés de carbone atmosphérique quand ils sont jeunes et à croissance rapide. A mesure que les peuplements approchent de la maturité et que les taux de croissance diminuent, l'absorption nette de carbone diminue aussi. En théorie, les peuplements mûrs atteignent un point d'équilibre pour l'absorption de carbone. La quantité de carbone libérée par la décomposition d'arbres morts ou malades est pratiquement égale à celle qui est absorbée. Toutefois, cela se produit rarement dans les forêts naturelles. Les peuplements mûrs, s'ils restent intacts, comme dans le cas des réserves ou des forêts protégées, sont des réservoirs de carbone mais pas nécessairement des puits nets de carbone.

D'après des études des taux d'absorption du carbone dans les plantations forestières tropicales, la croissance et l'absorption de carbone atteignent un maximum dans les classes d'âge 0-5 et 6-10 ans (62%). L'absorption de carbone diminue d'environ 50% durant les 5 années suivantes et encore plus après 16 ans (Brown et al, 1986).

TABLEAU 5.3
VALEURS ESTIMEES DE LA QUANTITE MOYENNE DE CARBONE/HA STOCKEE AU-DESSUS DU SOL PAR DIVERSES COMMUNAUTES VEGETALES (basées sur les valeurs de biomasse de Olsen et al, 1983)

"Zones bioclimatiques" de Holdridge

tC/ha

Forestière


Tropicale très humide

100


Tropicale humide

70


Tropicale sèche

50


Subtropicale très humide

65


Subtropicale humide

35


Tempérée chaude

50


Tempérée chaude et sèche

25


Tempérée froide

50


Boréale très humide

55


Boréale humide

40

Non forestière


Terres boisées tropicales à épineux

15


Steppe tempérée à épineux

8


Steppe tempérée froide

5


Brousse désertique tropicale

2


Brousse désertique tempérée

3


Désert boréal

5


Toundra

2,5

TABLEAU 5.4
DENSITES ESTIMEES DE CARBONE DANS LA VEGETATION ET LES SOLS DES FORETS DU MONDE PAR UNITE DE SURFACE FORESTIERE

Latitude

Densités de carbone (tC/ha)

Végétation

Sols

Elevée


Russie

83

281


Canada

28

484


Alaska

39

212


Moyenne

64 (15,7%)

343 (84,3%)

Moyenne


Etats-Unis

62

108


Europe *

32

90


Chine

114

136


Australie

45

83


Moyenne

57 (37%)

96 (63%)

Basse


Asie

132-174

139


Afrique

99

120


Amériques

130

120


Moyenne

121 (49,6%)

123 (50,4%)

* Pays nordiques inclus. Source: Dixon et al, 1994.

Encadré 5.1 Le rôle des plantations forestières dans le bilan du carbone en Nouvelle-Zélande.

Selon les estimations d'une équipe de chercheurs en Nouvelle-Zélande, les 1,24 million d'hectares de plantations forestières du pays ont absorbé 4,5 ± 0,8 million de tonnes de carbone du 1er avril 1988 au 1er avril 1989. te carbone total stocké au-dessus du sol dans les plantations forestières de Nouvelle-Zélande est d'environ 88 millions de tonnes.

L'absorption de carbone par les plantations forestières de Nouvelle-Zélande pendant la période étudiée correspondait à peu près à 70% des émissions de combustibles fossiles dans le pays, mais était inférieure à 0.1% des émissions totales de combustibles fossiles dans le monde.

Le taux annuel élevé d'absorption du carbone par ces plantations est une conséquence de la vaste superficie des nouvelles plantations établies durant les années 70 et 80. En l'absence de nouvelles plantations continues, le taux annuel net d'absorption du carbone de ces plantations approchera rapidement de zéro (Hollinger et al, 1993).

29. Quelles sont les activités humaines dans les forets et les terres boisées qui contribuent a l'augmentation des niveaux de gaza effet de serre?

LA DEFORESTATION - L'abattage et le brûlage des forêts pour la conversion des terres à l'agriculture ou au pâturage représentent la principale contribution du secteur forestier à l'augmentation des niveaux de GES et la deuxième source anthropique de GES.

L'abattage des forêts existe depuis des millénaires. Jusqu'au début du siècle, la déforestation touchait surtout les forêts tempérées. Plus récemment, elle s'est concentrée dans les régions tropicales. La déforestation, et le brûlage qui y est associé, entraînent une libération massive et rapide de carbone dans l'atmosphère, principalement sous forme de CO2. De plus faibles quantités de CH4 et de CO sont également dégagées. Les forêts tropicales jouent un rôle important dans le cycle global du carbone car elles emmagasinent environ 50% du carbone terrestre vivant dans le monde (Dixon et al, 1994). Sous les tropiques, les taux élevés de déforestation expliquent pourquoi les forêts présentent actuellement une contribution nette au carbone atmosphérique, bien qu'elles soient capables d'en stocker de grandes quantités.

La déforestation peut également modifier le climat directement, en augmentant la réflectivité (albédo) et en diminuant l'évapo-transpiration. Des expériences effectuées avec des modèles climatiques prévoient que le remplacement de toutes les forêts du bassin amazonien par des herbages réduirait les précipitations sur le bassin d'environ 20% et ferait monter de plusieurs degrés la température moyenne dans la région (Maunder, 1990).

LA COMBUSTION DE LA BIOMASSE - L'expression "combustion de la biomasse" couvre toutes les activités humaines intentionnelles associées au défrichement de la forêt, au brûlage de la végétation de savane dans le but de stimuler la régénération des herbages pour le bétail, au brûlage du bois de feu et du charbon de bois et à l'élimination des résidus agricoles. On estime que 750 millions d'ha de savane sont brûlés chaque année, dont près de la moitié en Afrique (Fig. 5.1). La culture itinérante, pratique consistant à défricher les surfaces couvertes de végétation naturelle, à les cultiver pendant 2 à 5 ans et à les laisser ensuite en jachère et se recouvrir de végétation naturelle pendant 7 à 12 ans avant de défricher à nouveau, est pratiquée par 200 millions de personnes dans le monde entier, sur 300 à 500 millions d'hectares. Environ 87% de la combustion de la biomasse a lieu sous les tropiques.

LES FEUX INCONTROLES - On entend par "feu incontrôlé" un feu se déclarant sur des terres en friche (non exploitées), exception faite des feux dirigés (feux allumés intentionnellement) (FAO, 1986). Selon des estimations récentes, 12 à 13 millions d'ha de forêts et autres terres boisées sont brûlés chaque année (Calabri et Ciesla, 1992). A l'exception des zones forestières isolées de certaines régions de l'Amérique du Nord et de la Sibérie, la plupart des feux survenant en forêts et autres espaces naturels sont dûs à l'homme. Les causes anthropiques de ces feux incontrôlés sont les feux dirigés subspontanés, la négligence et les incendies volontaires. Les causes naturelles des feux incontrôlés sont les orages de foudre, l'activité volcanique et la combustion de dépôts souterrains de tourbe et de charbon.

AUTRES ACTIVITES - D'autres activités humaines liées à la forêt et aux produits forestiers et contribuant à l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre comprennent la dégradation des forêts et l'élimination des produits ligneux, notamment des produits papetiers après utilisation.

Figure 5.1 - Vue aérienne d'un feu de brousse au Soudan. Environ 750 millions d'ha de savane sont brûlés chaque année, donnant lieu à une libération massive de gaz à effet de serre.

30. Quels sont les taux actuels de déforestation dans le monde?

Le taux annuel moyen de déforestation dans les régions tropicales durant la décennie 1981-90 a été de 15,4 millions d'ha (FAO, 1993). Ces taux de déforestation équivalent plus ou moins à la superficie totale du Népal, du Nicaragua ou de la Grèce et ont entraîné une diminution de la superficie des forêts tropicales, qui est passée de 1 910 millions d'ha à la fin de 1980 à 1 756 millions d'ha à la fin de 1990. A l'échelon régional, la perte annuelle de couvert forestier a été la suivante: Amérique latine et Caraïbes, 7,4 millions d'ha (0,8 % de la superficie totale des forêts), Asie et Pacifique, 3,9 millions d'ha (1,2 %) et Afrique, 4,1 millions d'ha (0,7 %). Durant la même période, la superficie forestière des zones tempérées et boréales n'a pas changé sensiblement.

Les taux annuels de déforestation sous les tropiques ont augmenté par rapport à la décennie précédente. Durant les années 80, le taux annuel de déforestation dans ces régions a été de 11,3 millions d'ha (Lanly, 1982).

Dans les régions tempérées développées, les forêts occupent aujourd'hui des superficies beaucoup moins vastes qu'autrefois. Ces forêts ont contribué de façon importante aux émissions globales de carbone au fur et à mesure que les forêts d'Europe et d'Amérique du Nord étaient remplacées par des terres agricoles. Toutefois, la superficie de ces forêts s'est stabilisée et a même légèrement augmenté au cours des 100 dernières années car des terres agricoles ont été abandonnées et reconquises par la forêt. En France, par exemple, les forêts n'occupaient que 14% de la superficie du pays en 1798. Aujourd'hui, elles en occupent 27%. Dans l'Etat du Vermont, aux Etats-Unis, la déforestation et le développement agricole avaient réduit la superficie du couvert forestier à environ 15% de la superficie totale il y a environ 100 ans. Aujourd'hui, 85% de l'Etat est couvert de forêts.

31. Comment les sols forestiers sont-ils affectes par la déforestation?

Outre qu'il accroît la vulnérabilité des sols à l'érosion par le vent et l'eau, le défrichement des forêts et des terres boisées en faveur de l'agriculture sous les tropiques peut entraîner une perte de 20 à 50% du carbone présent dans la couche arable. Selon certaines estimations, la déforestation dans les régions tropicales a provoqué une libération nette de 0,1 à 0,3 Gt de carbone du sol vers 1990 contre 0,3 et 1,3 Gt dûs au brûlage et à la décomposition de la végétation respectivement (Sombroek et al, 1993).


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