2.1. Le concept genre
2.2. Conférences internationales et genre
2.3. Illustration des disparités liées au genre
2.4. Politiques de développement et limites relatives au genre
2.5. Plan daction de la FAO pour traiter les questions de genre
Lapproche genre suppose de considérer les différentes opportunités offertes aux hommes et aux femmes, les rôles qui leur sont assignés socialement et les relations qui existent entre eux. Il sagit de composantes fondamentales qui influent sur le processus de développement de la société et sur laboutissement des politiques, des programmes et des projets des organismes internationaux et nationaux. Le genre est intimement lié à tous les aspects de la vie économique et sociale, quotidienne et privée des individus et à ceux de la société qui a assigné à chacun (hommes et femmes) des rôles spécifiques.
Les spécialistes des sciences sociales et ceux du
développement utilisent deux termes distincts pour marquer, entre hommes
et femmes, les différences déterminées biologiquement et
celles construites socialement: il sagit dans le premier cas du mot
sexe, dans le second cas du vocable genre. Même si
les deux termes sont liés aux différences entre les hommes et les
femmes, les notions de sexe et de genre ont des
connotations distinctes. |
Les relations de genre sont alors définies comme les mécanismes, particuliers à chaque culture, qui déterminent les fonctions et les responsabilités assignées aux uns et aux autres. Par effet, elles déterminent laccès aux ressources matérielles (terre, crédit, formation, etc.) et immatérielles telles que le pouvoir. Les implications dans la vie quotidienne sont multiples: répartition du travail domestique et extra-domestique et des responsabilités familiales, niveau déducation et opportunités de promotion professionnelle, insertion dans les instances du pouvoir et capacité de négociation et de décision, etc.
Cela fait plusieurs années que les gouvernements et les organisations de développement accordent une priorité importante à la problématique de genre lorsquils arrêtent conjointement leurs orientations stratégiques et conçoivent les politiques. En effet, les dernières conférences internationales ont toutes inscrit à lordre du jour le principe de la parité entre hommes et femmes en ce qui concerne laccès et lallocation des ressources et les opportunités de promotion économique et sociale. Elles se sont entendues sur la relation fondamentale qui existe entre développement durable et égalité de genre.
La Conférence des Nations Unies sur lenvironnement et le développement (CNUED), à Rio, en 1992, a explicitement abordé les aspects de genre dans la plate-forme du Sommet de la terre: Action 21. De même, à la Conférence mondiale sur les droits de lHomme, à Vienne, en 1993, les droits des femmes ont été mis en exergue. Il a été réaffirmé que les droits fondamentaux des femmes et des filles font partie de façon inaliénable, intégrale et indissociable des droits humains universels. Ce principe a été repris par la Conférence internationale sur la population et le développement, au Caire, en 1994. La problématique de genre a été au centre des débats et la promotion du pouvoir des femmes pour un développement égalitaire a été soulignée: ... lobjectif est de promouvoir légalité entre les sexes dans tous les aspects de la vie de lêtre humain, (...), et dencourager les hommes à faire preuve du sens des responsabilités dans leur vie sexuelle et leur comportement procréateur et dans leur vie familiale et sociale.... Au Sommet mondial sur le développement social à Copenhague, en 1995, la parité a été laxe des stratégies retenues pour le développement social, économique et pour la protection de lenvironnement. Enfin, la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Pékin, en 1995, a insisté sur ces nouvelles options. Elle a fixé un ordre du jour pour le renforcement du statut des femmes et a adopté une déclaration, accompagnée dune plate-forme daction, visant à éliminer les obstacles à légalité entre hommes et femmes et à garantir la participation active des femmes à toutes les sphères de la vie. Les gouvernements, la communauté internationale et la société civile, y compris les organisations non gouvernementales et le secteur privé, ont été sollicités pour trouver des solutions aux questions critiques identifiées3:
3 Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, Pékin, 4-15 septembre 1995, chapitre III: Domaines critiques, point 44, page 23, Nations Unies, A/CONF.177/20.· la persistance de la pauvreté qui pèse de plus en plus sur les femmes;
· laccès inégal à léducation, la formation et les disparités et insuffisances dans ce domaine;
· laccès inégal aux soins de santé, aux services sanitaires et les disparités et insuffisances;
· la violence à légard des femmes;
· les effets des conflits armés et autres sur les femmes;
· linégalité face aux structures et politiques économiques, à toutes formes dactivité de production et à laccès aux ressources;
· le partage inégal du pouvoir et des responsabilités de décision à tous les niveaux;
· linsuffisance des mécanismes de promotion de la femme à tous les niveaux;
· le non-respect des droits fondamentaux des femmes et les carences pour la promotion et la protection de ces droits;
· les images stéréotypées des femmes et linégalité daccès et de participation à tous les systèmes de communication, en particulier les médias;
· les disparités entre les hommes et les femmes dans le domaine de la gestion des ressources naturelles et de la préservation de lenvironnement;
· la persistance de la discrimination à légard des petites filles et des violations de leurs droits fondamentaux.
La planification et lévaluation des programmes de développement ont été débattus et gouvernements et organismes internationaux ont été priés de promouvoir de façon urgente:
· la recherche et la diffusion dinformations sur les différents domaines dintérêt relatifs à la problématique hommes-femmes;· la production et la vulgarisation de statistiques sensibles aux questions de genre.
A cet égard, des recommandations spécifiques en matière de travail statistique ont été formulées dans la Plate-forme daction:
· revoir ladéquation des systèmes statistiques nationaux pour couvrir les sexospécificités;· collecter, compiler, analyser et présenter les statistiques ventilées par sexe et par âge et de façon à refléter la problématique hommes-femmes dans la société;
· publier régulièrement un bulletin statistique sur ces éléments qui soit compréhensible par un large éventail dutilisateurs non spécialisés;
· utiliser les données sexospécifiques pour la formulation des politiques et la mise en uvre des programmes et des projets.
Les actions suivantes ont été proposées (annexe 1: objectif stratégique H34):
4 Objectif stratégique H3: Produire et diffuser des données et des informations ventilées par sexe aux fins de planification et dévaluation, op. cit. page 106.
· amélioration de la collecte de données sur la totalité des apports économiques des femmes et des hommes, notamment par leur participation aux secteurs informels et au travail non rémunéré (dans lagriculture, en particulier celle de subsistance et pour les productions non marchandes) déjà pris en considération dans le système de comptabilité nationale de lONU; · élaboration, dans les instances appropriées, de méthodes dévaluation quantitative du travail non rémunéré et non quantifié par les comptabilités nationales (garde des personnes dépendantes, préparation de la nourriture, etc.) afin de lintégrer dans les comptes accessoires ou autres comptes officiels séparés des comptabilités nationales; · élaboration dune classification internationale des activités pour établir des statistiques budget-temps, et pour prendre en compte les différences entre les femmes et les hommes en matière de travail rémunéré et non-rémunéré, et rassembler des données ventilées par sexe; · amélioration des évaluations qui, à lheure actuelle, sous-estiment le chômage et le sous-emploi des femmes sur le marché du travail; · amélioration des principes et méthodes de collecte de données concernant lévaluation de la pauvreté chez les femmes et les hommes, et leur accès aux ressources; · appui aux systèmes statistiques de létat civil et introduction danalyses sexospécifiques; · production de données sur la morbidité et laccès aux soins et aux services de santé; · établissement de meilleures statistiques, ventilées par sexe et par tranche dâge sur les victimes et les auteurs de toutes les formes de violence contre les femmes; · amélioration des
principes et méthodes de collecte de données sur la participation
des femmes et des hommes handicapés, y compris leur accès aux
ressources. |
2.3.1. Dans le domaine du travail
2.3.2. Dans le domaine de la pauvreté
2.3.3. Dans le domaine de la vie familiale
2.3.4. Dans le domaine de la santé et de la nutrition
2.3.5. Dans le domaine de léducation
2.3.6. Dans le domaine de lenvironnement
2.3.7. Dans le domaine de la vie publique et des instances de décision
Les fonctions assumées par les femmes et les hommes ainsi que les besoins spécifiques qui en découlent sont des aspects relevant du concept de genre. Connaître et tenir compte de ces éléments sont indispensables pour formuler des politiques et des programmes de développement durable.
Dans toutes les sociétés, les hommes et les femmes ont des activités distinctes et ils assument des responsabilités différentes au sein du ménage. Pour les femmes, production et reproduction sont deux domaines étroitement imbriqués. Une grande partie de leur travail nest pas rétribué même sil est productif. Les hommes ont toujours eu un rôle mineur dans les tâches domestiques: ils sont supposés avoir un travail rémunéré à lextérieur (tout au moins la société le conçoit ainsi).
Les disparités daccès aux ressources entre hommes et femmes ont un effet direct sur les potentialités dautonomie économique assurant aux femmes et aux personnes qui en dépendent une meilleure qualité de vie5. De plus, laccès restreint des femmes aux facteurs de production agricole, en particulier pour les cultures vivrières, confère de sérieuses limitations à la productivité de leur travail.
5 Dans les sections A et B de la plate-forme daction de Pékin, laccès limité des femmes aux ressources productives et leur pouvoir restreint dans la prise de décision économique ont été largement admis comme causes principales de la pauvreté. Le faible accès à la terre et aux autres intrants agricoles est un des obstacles fondamentaux à une productivité efficace. Cet aspect a été repris par le Plan daction pour les femmes dans le développement de la FAO, 1995.
Dans les secteurs non-agricoles, lemploi est le plus souvent discriminatoire à légard des femmes, que ce soit par la nature des travaux, la catégorie professionnelle ou les potentialités davancement professionnel. Depuis plus de vingt ans et dans toutes les régions du monde, les femmes ont de plus en plus investi le marché du travail. Pourtant, elles continuent à occuper des fonctions moindres, à percevoir des salaires plus bas et à avoir moins dopportunités de promotion6.
6 Nations Unies, The Worlds Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995
En plus des a priori sexistes, les femmes sont également obligées de concilier leur rôle de femme au foyer avec celui dagent économique productif. La durée et lorganisation de leur journée de travail, lévolution de leur carrière professionnelle7 et le niveau de leur salaire sen ressentent. En résumé, les possibilités et le champ du travail sont plus limités pour les femmes que pour les hommes, auxquels sajoute une rémunération inférieure à fonction égale.
7 Lorganisation internationale du travail (OIT ou bureau international du travail BIT) a adopté en 1993 lappellation situation dans le travail à la classification qui, en anglais, est dénommée status. En français, langlicisme statut sutilise parfois ou les expressions occupation, catégorie de travail, etc.
La pauvreté se caractérise par la précarité des revenus, voire même labsence de revenus, associée à un accès très restreint aux ressources productives indispensables pour garantir des conditions de vie durables. Elle est synonyme de faim, de malnutrition, de mauvaise santé, de mortalité et de morbidité élevées, dinstruction insuffisante, dhabitat précaire et malsain.
Les études ont démontré que la pauvreté se féminise: au cours de la décennie 1970-1980, le nombre de femmes qui vivaient au-dessous du seuil de pauvreté a augmenté davantage que celui des hommes. En 1988, il était estimé que 60% des pauvres étaient des femmes8. En plus des discriminations sexistes dans le secteur de lemploi, dautres facteurs sont à lorigine de ce phénomène: restructuration économique mise en oeuvre dans les pays en développement, réductions budgétaires effectuées par les gouvernements et autres mesures liées à ladoption des modèles économiques néo-libéraux. Les femmes ont subi, beaucoup plus cruellement que les hommes, la réduction des postes de travail de la fonction publique et des services et avantages sociaux. La désintégration des systèmes dassistance a accru la charge de travail des femmes. Les soins aux enfants, aux anciens, aux malades et aux handicapés, assurés auparavant en partie par les services sociaux, ont alors échu totalement aux femmes. Elles doivent, non seulement parer à cette défaillance, mais gérer leurs faibles ressources. Cette féminisation de la pauvreté est encore plus tangible pour les femmes chefs de famille. Dans un ménage dirigé par un homme, les apports se complètent: lhomme participe au bien-être de la famille par des revenus et la femme, tout en fournissant des biens et services à la famille, peut sadonner à une activité rémunératrice9.
8 BIT, Gender, poverty and employment: turning capabilities into entitlements, OIT, Turin, 1995.9 Des études, même limitées, prouvent par des indices que la situation des femmes chefs de famille, avec des enfants dépendants, et celles des veuves dun certain âge vivant seules, est similaire: elles sont souvent plus pauvres que les hommes. Voir L. Haddad et C. Peña, Gender and poverty: review and new evidence, IFPRI, Washington D.C., 1994.
La pauvreté est plus aiguë dans les zones rurales où la disponibilité des services et les opportunités de travail sont plus restreintes quen milieu urbain. Elle est plus probable chez les femmes que chez les hommes étant donné le moindre accès de celles-ci aux ressources et aux facteurs de production et leur plus grand isolement. Le crédit, la terre, lhéritage, linstruction, la formation, linformation, la vulgarisation, la technologie, les intrants agricoles sont plus aléatoires pour elles, sans compter leur pouvoir inégalitaire de décision sur leur propre production et celle du ménage. Les incitations gouvernementales à la production favorisent le plus souvent les cultures de rente alors que les femmes sont davantage engagées dans les cultures vivrières.
En outre, la vulnérabilité des femmes prend certaines de ses racines au sein même de la famille: par exemple, pour linscription des enfants à lécole, dans les ménages pauvres, les parents préféreront investir sur les garçons et garderont les filles à la maison où elles assureront une partie du travail domestique et de production.
Dans toutes les sociétés, les femmes assument la majeure partie du travail domestique et sont les principales responsables de léducation des enfants et des soins aux personnes âgées et aux malades10. La vie des femmes est énormément marquée par la reproduction qui a une influence directe et évidente sur leur état de santé et sur les opportunités daccès à linstruction, à lemploi, aux revenus. Dans les sociétés où les femmes se marient très jeunes, et beaucoup plus précocement que les hommes, la subordination au mari sera plus forte et conditionnera les possibilités dinstruction, de travail, etc.
10 Par exemple, dans les pays en développement, il est estimé que les femmes réalisent entre deux tiers et trois quarts des tâches domestiques. Nations Unies, The Worlds Women 1995: Trends and statistics, Sales numéro E.95.XVII.2., New York, 1995, page 106. Au Mexique où a été conduite une étude dans trois villes, il a été démontré que les femmes consacrent au travail domestique 52 heures en moyenne par semaine et les hommes 7 heures. En outre, les tâches auxquelles se dédient les uns et les autres sont bien distinctes: les hommes font principalement les courses et emmènent les enfants à lécole; les femmes assument le reste des activités ménagères. Mercedes Pedrero Organización Familiar; Familias con Futuro, GEM, México, 1996.
Lémigration masculine croissante due au chômage et linstabilité des relations conjugales ont accru le nombre de ménages dirigés par des femmes. La série de recensements de 1990 révèle quen Amérique latine 21% des ménages sont dirigés par une femme. La proportion atteint 35% aux Caraïbes. Cest le taux le plus élevé de toutes les régions du monde11. En général, les différences entre familles dirigées par une femme et celles par un homme se font sentir à tous niveaux: composition, envergure des affaires familiales et mode de gestion, nutrition, éducation des enfants et disponibilité des revenus12. Une femme seule a une responsabilité double car, dune part, elle sengage économiquement pour obtenir des revenus et, dautre part, elle assume son rôle de femme au foyer. Autre phénomène, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Par conséquent, le nombre de veuves est plus important que celui des veufs. Un homme divorcé, séparé ou veuf se remarie ou se réinstalle en ménage plus aisément et plus fréquemment que ne le font les femmes restées seules.
11 Nations Unies, The Worlds Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995, page 6.12 Généralement, on enregistre comme chef de famille celui qui donne le nom à la famille. Les stéréotypes font quun homme majeur est automatiquement considéré comme chef de famille, même si les responsabilités économiques et autres sont à la charge de la femme. Ainsi, la majorité des ménages dirigés par une femme sont monoparentales. Dans létude de M. Pedrero, citée précédemment, il est démontré que seulement 1,4% des femmes chefs de famille avaient un conjoint.
Les femmes et les hommes ont des demandes de santé distinctes, à cause des différences biologiques, mais aussi à cause de leur mode de vie lié aux rôles spécifiques que la société leur a assignés. La santé masculine est plus fragilisée par les maladies professionnelles, les accidents du travail et de la route et le tabagisme, lalcoolisme, la toxicomanie, etc. Lincidence du cancer, des maladies et lésions cardio-vasculaires, principales causes de la mortalité, est plus élevée chez les hommes. Le style de vie (comportements culturels et sociaux) et les caractéristiques biologiques en sont les principales causes13. Les risques de maladies encourus par les femmes sont souvent liés à la reproduction. Leur santé est plus fragile au cours des grossesses: risques danémie, de malnutrition, dhépatite, de malaria, de diabète, etc.
13 Pour une analyse plus détaillée des causes de mortalité et de morbidité, voir C.J.L. Murray and A.D. López, Global and regional cause-of-death patterns in 1990, WHO Bulletin, vol. 72, numéro 3, 1994, pages 447-480.
Toutefois, les femmes ont une espérance de vie supérieure à celle des hommes. Dans les pays européens, nord-américains et quelques pays dAmérique latine, la différence oscille entre 5 et 12 ans. Les hypothèses expliquant ce phénomène sont nombreuses: causes génético-biologiques, environnementales, sociales, etc. Toutefois, aucun consensus ne sest encore établi définitivement14. Dans certains pays asiatiques, lespérance de vie des femmes ne suit pas ce schéma: les règles religieuses et les normes culturelles imposent aux femmes certaines interdictions pour les soins médicaux et la fréquentation des services de santé.
14 Idem, pages 65-66.
Parallèlement, le manque de ressources, les contraintes sociales et les coutumes induisent des disparités entre filles et garçons en terme de nutrition, de morbidité et de mortalité. Dans certains pays, la valeur accordée aux enfants de sexe masculin est supérieure à celle des enfants de sexe féminin. Les parents recourront alors plus facilement aux services sanitaires pour les garçons et leur fourniront une nourriture plus abondante et de meilleure qualité.
Dans certaines sociétés, la répartition
des aliments au sein du ménage peut être également
inéquitable entre adultes (les femmes servent dabord la famille et
ne mangent que ce quil reste). Elles peuvent aussi avoir une alimentation
déséquilibrée, avec les séquelles que cela implique,
spécialement lors des périodes de grossesse et dallaitement.
Dans la mesure où les femmes sont les plus pauvres des pauvres, en
particulier lorsquelles sont chefs de ménage, elles souffrent
souvent de dénutrition dautant quelles se privent pour
assurer à leurs enfants un minimum alimentaire. |
Des services nationaux et des ONG de planification familiale et de santé publique se sont ouverts aux questions de protection maternelle et infantile, permettant ainsi à certains groupes exclus de la santé de bénéficier dun minimum de soins.
15 Dans ce texte le vocable éducation doit être entendu dans le sens instruction scolaire. Cette précision paraît nécessaire car léducation recouvre des domaines qui vont bien au-delà de la scolarité et de linstruction proprement dite.
Le marché du travail, de plus en plus concurrentiel, exige, chaque jour davantage, un niveau dinstruction de plus en plus élevé. Les personnes sans bagage éducatif se retrouvent incontestablement dans une position de désavantage. Par ailleurs, il est reconnu que dans un processus de changement, linstruction permet de passer de lexclusion (marginalisation) à une insertion active. Pourtant, dans beaucoup de sociétés subsistent encore des barrières et des préjugés qui restreignent laccès des femmes à linstruction.
Les femmes analphabètes sont plus nombreuses que les hommes et plus le taux dalphabétisation dun pays est faible, plus les disparités sont en défaveur des femmes. LUNESCO estime que dans les pays en développement, 41% des femmes sont analphabètes contre 20% dhommes. Dans les zones rurales de certains pays, le taux danalphabétisme des femmes, âgées de 15 à 24 ans, est deux à trois fois supérieur à celui des zones urbaines16. Les filles abandonnent plus tôt lécole, particulièrement en milieu rural où leur aide est requise pour les tâches domestiques et productives. Labsence de services scolaires, comme le transport de proximité, creuse cet écart en ayant un effet direct sur le taux de fréquentation scolaire des filles. Lorsque la distance à parcourir pour se rendre à lécole est longue, les parents craignent que leurs filles soient enlevées en chemin. Cette attitude est plus de mise dans les sociétés où les us et coutumes réglementent les déplacements des femmes.
16 PNUD, Rapport sur le développement humain, 1995, Economica, Paris, 1995, et Nations Unies, The Worlds Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995.
Au niveau des études supérieures, dans certaines régions, le nombre de filles augmente et est parfois même supérieur (cas des Caraïbes et en Asie occidentale) à celui des garçons. Mais, de réelles différences existent quant à la nature des études embrassées. Les préjugés, les réticences des familles, les habitudes sociales donnent la part belle aux garçons dans les domaines scientifiques et techniques. Les filles, celles qui peuvent accéder à léducation supérieure, sont quant à elles incitées à opter pour des carrières dites féminines, qui ont le plus souvent peu de débouchés et mal rétribuées. Les processus éducationnels portent en eux une logique de ségrégation des femmes par rapport à lemploi.
Les risques encourus par la dégradation de lenvironnement touchent la qualité de vie et la charge de travail avec des effets différents pour les hommes et les femmes. Les femmes sont les premières touchées par lépuisement des ressources naturelles. Dans les zones rurales de bien des pays en voie de développement, elles sont responsables de lutilisation et de la gestion quotidiennes des ressources naturelles. Elles subviennent également aux besoins de la famille par les cultures vivrières, la collecte des produits forestiers, la corvée de bois et deau. La déforestation galopante et lassèchement des sources deau conduisent les femmes à parcourir des distances de plus en plus grandes, les obligeant à passer beaucoup plus de temps et à dépenser plus dénergie pour produire et trouver les denrées indispensables. Leur charge de travail est décuplée et leur marge de temps libre considérablement réduite. Se consacrer à des activités productives17 plus rentables devient alors problématique.
17 Le FNUAP a réalisé une série détudes de cas pour évaluer limpact de la dégradation de lenvironnement sur les femmes. Ces études sont arrivées à la conclusion que la recherche de combustible et deau est de plus en plus complexe. Voir FNUAP, Etat de la population mondiale, 1995, New York, 1995. Pour des données relatives à la question Femmes et limitation de leau et du combustible voir également Nations Unies, The Worlds Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995.
La détérioration de lenvironnement due à une mauvaise gestion et utilisation des déchets et des agents polluants peut avoir un impact démesuré sur la santé des femmes qui sont, apparemment, plus sensibles aux effets toxiques des substances chimiques. Les risques pathologiques sont plus élevés dans les couches de population à faible revenu qui vivent dans les zones défavorisées. Généralement, les industries et les usines sont implantées au voisinage de ces quartiers pauvres qui se retrouvent alors noyés dans des fumées polluantes.
Dans les pays industrialisés, où les modèles de consommation et de production vont souvent à lencontre du développement durable, les ressources naturelles et les êtres humains subissent des préjudices énormes. Le réchauffement de la planète, lamincissement de la couche dozone et la diminution de la diversité biologique sont des résultats de ces phénomènes de dégradation. Parallèlement, dans les pays pauvres, autant les hommes que les femmes surexploitent les ressources naturelles pour survivre, ce qui conduit à la dégradation des sols, la destruction de la flore, de la faune, des ressources marines et halieutiques, la baisse de qualité de leau, etc.
Dans beaucoup de pays, la vie de la population rurale dépend totalement des ressources naturelles. La dégradation du milieu touche surtout les personnes les plus vulnérables et celles vivant en étroite dépendance avec lenvironnement. Par conséquent, il est important de comprendre les disparités liées au genre dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, de la responsabilité de la dégradation de lenvironnement et de la participation aux prises de décision relatives à cette question.
Linégalité entre hommes et femmes persiste dans la vie publique et dans les instances décisionnelles. Les femmes sont toujours sous-représentées dans les gouvernements, les assemblées législatives et dans beaucoup dautres secteurs cruciaux influant sur lopinion publique tels que lart, la culture, les médias, la religion. Dans seulement 16 pays, les femmes occupent plus de 15% des charges ministérielles et dans 59 autres, elles ne sont titulaires daucun poste ministériel18. Pratiquement dans tous les pays, les femmes ont acquis le droit de vote. Pourtant, leur nombre dans les parlements est toujours très faible: en 1994, dans le monde entier, les femmes parlementaires ne représentaient que 10% des députés19.
18 Nations Unies, The Worlds Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 199519 PNUD, Rapport sur le développement humain, 1995, Economica, Paris, 1995.
Les inégalités dans la vie publique trouvent
leur premier ancrage dans la vie quotidienne familiale: la distribution
inégalitaire des responsabilités et de la division sexuelle du
travail qui circonscrit fortement lespace des femmes et entrave leur
participation à la vie publique. A cela sajoutent les images
stéréotypées et les a priori sociaux et culturels qui
constituent pour elles un obstacle à leur entrée dans des hautes
fonctions liées au pouvoir politique et économique. |
20 FNUAP, Etat de la population mondiale 1995, New York, 1995, pages 25 et 26, et Nations Unies, The Worlds Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995
2.4.1. Le foncier
2.4.2. Leau
2.4.3. La recherche
2.4.4. La vulgarisation
2.4.5. La technologie moderne
2.4.6. Les ressources financières
On trouve à travers le monde une pléthore de politiques régissant laccès aux ressources productives pour lagriculture et lélevage (terre, eau, technologie, recherche, formation, finances). Les études conduites par la FAO et dautres institutions démontrent que ces politiques nont pas toujours réussi à réduire la pauvreté rurale ni à augmenter les disponibilités alimentaires. Pour des millions de personnes dépendant de lagriculture de subsistance, les résultats ont souvent été néfastes. En examiner les causes est fondamental pour combattre vraiment la pauvreté, garantir la sécurité alimentaire et obtenir un développement durable. Deux de ces causes émergent: la première a été dignorer les femmes en tant que productrices et la seconde de ne pas avoir basé les politiques et les programmes de développement sur des informations ouvertes aux questions de genre.
Il est fort probable que lun des obstacles à la reconnaissance effective des responsabilités réelles des femmes dans lagriculture a été le manque de données ventilées par sexe. Ces données auraient facilité, dune part, la pleine participation des femmes aux stratégies de développement rural et de sécurité alimentaire et, dautre part, la compréhension des impacts différenciés selon le sexe dans les processus de production des cultures vivrières et de rente, de ceux de la gestion et du contrôle financier, du stockage et de la commercialisation des produits agricoles.
Les recherches de la FAO ont démontré que la précarité du droit foncier, en terme dusufruit ou de propriété, est une des causes à lorigine des difficultés rencontrées par les femmes pour améliorer la productivité agricole et leurs revenus. La sécurité des droits sur la terre ne se limite pas à la propriété privée, elle sétend aussi aux formes de location des terres publiques ou au droit dutilisation des propriétés communautaires. Il est très probable que si les femmes avaient une garantie sur les terres (propriété, usage, usufruit), elles les valoriseraient différemment et, au mieux, pourraient décider à court et à long terme des investissements utiles et de la gestion appropriée des ressources, obtenant ainsi des rendements plus performants.
Depuis toujours et pratiquement partout, laccès
des femmes à la terre a été et reste limité. Dans
les programmes de réforme agraire ou les programmes
dinstallation, cette restriction persiste et, parfois même,
saggrave. En effet, les terres sont le plus souvent allouées sur le
critère de chef de famille qui, tout naturellement,
désigne lhomme. Aucune question ne se pose au regard du
véritable responsable de lunité productive ou du
ménage. |
En résumé, laccès limité à la terre reste un obstacle fondamental à la pleine participation des femmes au développement rural. La plate-forme daction de Pékin a souligné cet aspect comme cause directe de la pauvreté des femmes. Aussi, parmi les options pour éradiquer la misère, il a été demandé la mise en oeuvre de politiques ouvrant aux femmes laccès à la terre, à son contrôle et la révision des législations spoliant les femmes de lhéritage et du foncier21.
21 Déclaration de la Plate forme de Pékin, paragraphes 53, 60(n), 60(p), 63 (b).
Dans la plupart des cas, les politiques et les programmes relatifs à leau ont réduit les droits des femmes sur cette ressource en matière daccès, dusage et de gestion. Pourtant, dans ce domaine, les femmes jouent un rôle important et ont acquis au fil du temps des connaissances approfondies. Dans les zones rurales, les femmes assurent lapprovisionnement en eau à lunité familiale et y consacrent parfois des journées entières. Elles ne sautorisent donc aucun gaspillage. Elles lutilisent pour la nourriture, la boisson, lhygiène, larrosage du jardin, labreuvement des animaux, etc. Les femmes savent localiser les sources locales deau potable et de qualité. Elles la recueillent, la stockent et contrôlent son utilisation et sa propreté en la protégeant des pollutions. Elles recyclent leau et en font une utilisation optimale. En bref, ce sont les femmes qui gèrent leau et qui connaissent ses propriétés, ses risques et les méthodes de conservation. La reconnaissance et la valorisation de ce savoir seraient une des clés du succès des politiques et des programmes visant la conservation des sources deau. Pourtant, les besoins des paysans et des paysannes et leur expérience de gestion de leau sont le plus souvent ignorés lors du choix des systèmes hydrauliques.
Dans le secteur agricole, la tendance est de privilégier la monoculture de rente au détriment des cultures diversifiées, indispensables à lalimentation, et donc les systèmes adéquats dapprovisionnement en eau sont négligés. Dans de nombreux cas, les systèmes darrosage ou dirrigation industrielle accaparent leau et changent les cours originaires des fleuves et des rivières. Ils privent deau les villages et les petites cultures et déversent des eaux chargées de pesticides ou autres polluants sans se préoccuper ni de leur recyclage ni des dégâts. Les productions commerciales sont prioritaires bien quelles ne bénéficient quà une minorité puissante économiquement et politiquement. En parallèle, sur les périmètres irrigués, les tours deau sont souvent organisés sans considérer les activités agricoles et domestiques des femmes. Lexclusion des femmes des projets dapprovisionnement en eau, dassainissement et dirrigation a été reconnue comme une des causes principales de lindice élevé déchecs des projets dans ce domaine et par extension, des projets qui, à terme, visent à réduire la pauvreté.
Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, de lobtention de la sécurité alimentaire et du développement durable, les objectifs de la recherche sont daugmenter les disponibilités alimentaires, de créer des opportunités demploi, de réduire la dégradation de lenvironnement et daméliorer la gestion des ressources. Toutefois, la recherche agricole sest surtout concentrée sur les cultures de rente à haut profit les cultures vivrières de base (céréales, légumineuses, fruits, légumes) nayant pas retenu son attention. Dans les pays en développement, pour une production agricole durable, les programmes de recherche devraient accorder la priorité aux cultures vivrières et au petit élevage, généralement à la charge des femmes, et valoriser le bagage de connaissances et les opinions des femmes sur les variétés et les systèmes culturaux.
Des études de la FAO confirment que les femmes jouent un rôle important dans la petite agriculture, le travail agricole et la subsistance quotidienne des familles. Les femmes produisent entre 60 et 80% des denrées alimentaires des pays en développement et 50% de celles du monde entier. Cependant, elles sont beaucoup moins informées que les hommes et bien moins soutenues par les services dappui agricole. De plus, lintroduction de certaines technologies a fait perdre aux femmes une partie de linfluence et du contrôle quelles exerçaient sur certaines productions et a diminué leur accès aux ressources. Des études micro-économiques en Amérique latine et en Afrique sub-saharienne ont également révélé que les femmes jouent un rôle décisif dans certaines opérations des cultures de rente. En outre, dans beaucoup de pays, elles sont responsables de la pêche côtière et continentale (lagunes, fleuves), de la production des récoltes secondaires, de la collecte des produits forestiers, du bois de feu et de leau et de la transformation et de la conservation des produits alimentaires.
Ignorer les femmes comme productrices agricoles et comme gestionnaires des ressources éloigne la technologie moderne des pratiques traditionnelles. En effet, leurs connaissances spécialisées sur la valeur et lutilisation des variétés sauvages et des espèces domestiquées sappliquent à lalimentation, la santé, les revenus et également à la conservation des ressources phytogénétiques. Aujourdhui, de nouvelles approches naissent pour impliquer davantage les femmes dans la recherche agricole pour quelles puissent en tirer profit et que la société tienne compte de leur savoir sur la diversité biologique.
Les hommes et les femmes ont acquis des connaissances et une
expérience différentes sur lenvironnement, les
espèces végétales et animales, ainsi que sur lusage
de ces dernières. Ce bagage différencié de connaissances
locales est capital pour la conservation in situ
(habitat/écosystème naturel) et pour la gestion et
lamélioration des ressources génétiques. Les
décisions relatives à la conservation de ces ressources
dépend du savoir acquis et de la façon dont est perçue
lutilisation des ressources. |
La recherche a aussi sous-estimé la capacité dinnovation et damélioration des communautés en matière de variétés culturales. Avec les modèles patriarcaux mis en place durant la colonisation ont introduit des cultures et des techniques au profit des intérêts commerciaux et au détriment de ceux des populations et des exigences de conservation de lenvironnement. Le manque de respect envers le patrimoine biologique et les valeurs culturelles a été manifeste. Cette attitude continue à être dactualité dans certaines régions du monde. Il faut souligner que le savoir local est très sophistiqué et traditionnellement aux mains des paysans les plus âgés. Son transfert aux jeunes générations est vital au risque de perdre cet héritage précieux. Sa valorisation, sa promotion et son enrichissement sont prioritaires pour diffuser des pratiques durables de protection des sols, des ressources en eau, de la végétation naturelle et de la diversité biologique.
Les publications de la FAO indiquent que les stratégies à long terme en matière de conservation, dutilisation, damélioration et de gestion de la diversité des ressources génétiques pour lalimentation et lagriculture devraient:
· reconnaître et considérer les rôles, responsabilités et contributions des hommes et des femmes des différents groupes socio-économiques;· reconnaître et valoriser les connaissances, les capacités et les pratiques des paysans et des paysannes ainsi que leurs droits en tant quagriculteurs et agricultrices;
· promouvoir des politiques agricoles adéquates et équitables en matière dincitations pour une utilisation durable des ressources, en particulier, par la conservation in situ et ex situ;
· définir une législation nationale appropriée pour protéger les ressources génétiques alimentaires et productives menacées, pour garantir la continuité de leur utilisation et de leur gestion par les communautés locales, les populations indigènes, les hommes et les femmes, et pour assurer une répartition juste et équitable des bienfaits retirés de leur utilisation;
· renforcer laccès des femmes rurales aux ressources foncières et hydrauliques, à léducation, la vulgarisation, la formation, au crédit et à la technologie appropriée;
· promouvoir une participation active des femmes dans les processus de prise de décision afin quelles soient également bénéficiaires du développement agricole.
Il faut ajouter à ces stratégies les besoins en matière de recueil de données pour, en premier lieu, effectuer un diagnostic et, ensuite, assurer le suivi permanent des progrès réalisés.
Les femmes jouent un rôle décisif dans la production vivrière et dans la sécurité alimentaire. Pourtant elles nont que très peu accès aux services dappui aux activités productives, telles que la vulgarisation et la formation. Des études de la FAO ont permis de détecter les faiblesses qui nuisent aux programmes de vulgarisation pour atteindre les femmes rurales. Traditionnellement, la plupart des services de vulgarisation sont orientés vers les paysans propriétaires terriens22 qui, par leur statut, peuvent prétendre à des crédits et les investir dans les intrants et les innovations technologiques. Comme les femmes nont en général pas accès à la terre, les services de vulgarisation ont tendance à les ignorer. Parallèlement, la plupart des services de vulgarisation se consacrent plus aux cultures de rente quaux cultures vivrières et de subsistance, prioritaires pour les femmes afin de subvenir à lalimentation familiale. Pourtant, la clé de la sécurité alimentaire de millions de personnes est entre les mains des agricultrices.
22 Par exemple, le système formation-visite, de la Banque mondiale, adopté par nombre de pays, utilise souvent comme prérequis à lidentification des paysans-contacts le critère de possession de la terre, ce qui exclut la plupart des femmes.
Peu touchées par les services de vulgarisation, les femmes ont, par ricochet, un accès limité aux intrants (semences améliorées, engrais et pesticides). De plus, elles sont rarement membres de coopératives qui sont, le plus souvent, le passage obligé pour obtenir des intrants subventionnés par les gouvernements pour soutenir les petites exploitations. Par ailleurs, les vulgarisateurs ont tendance à ignorer les femmes à cause de croyances erronées, mais bien enracinées. En plus de leur conviction selon laquelle il est complexe détablir un dialogue avec les femmes, ils ont une vision réductrice du rôle et de limportance de celles-ci dans la production agricole. Ils sont souvent persuadés que les femmes contribuent de façon minimale au travail agricole, quelles nont pas voix à certaines décisions culturales, quelles ont une capacité de compréhension moindre des contenus de vulgarisation, quelles sont affligées dune grande timidité, quelles sont réticentes aux innovations, etc.
Dautres facteurs expliquent la difficile intégration des femmes aux activités de vulgarisation: niveau dinstruction plus faible, multiplicité des responsabilités domestiques qui restreint leur disponibilité et leur mobilité. Toutefois, de tout temps, les femmes ont su sorganiser pour y faire face puisquelles ont pu assurer la production agricole tout en élevant leurs enfants. Leur participation aux programmes de vulgarisation est donc possible. Leurs contraintes doivent être analysées lors de la planification des activités, ce qui serait positif pour laugmentation de la production agricole. Le succès des programmes de vulgarisation est tributaire de la capacité de ceux-ci à sadapter aux circonstances.
Les services de vulgarisation ont un rôle crucial dans lamélioration de la productivité, le développement agricole et la réduction de la pauvreté. Laccès égalitaire à ces services est essentiel pour favoriser tout autant les cultures de rente que les cultures vivrières. Un recueil de données, effectué de façon participative et différencié, est impératif pour savoir qui est touché par les services de vulgarisation, pour garantir le retour dinformations, réorienter les programmes de vulgarisation, revoir les activités de vulgarisation et capitaliser les expériences.
Laxe fondamental de la politique de la révolution verte des années 60 et 70 a été lintroduction dun paquet technologique dinnovations basé sur la diffusion de semences améliorées, ladoption de nouvelles techniques culturales et dirrigation et lutilisation dengrais chimiques. La révolution verte a eu globalement un grand succès quant à laugmentation du rendement agricole et des approvisionnements alimentaires, mais elle ne sest pas forcément traduite par une sécurité alimentaire accrue ou de plus grandes opportunités économiques et de bien-être pour les foyers ruraux les plus pauvres. La révolution verte sest concrétisée différemment selon les classes sociales et les individus: les riches en ont bénéficié plus que les pauvres et les hommes plus que les femmes. Par exemple, lintroduction en Asie de variétés de riz et de blé à haut rendement a eu des répercussions négatives sur le travail et lemploi des femmes rurales:
· Elle a amplifié pour les ménages la nécessité de disposer de revenus monétaires pour lachat des intrants technologiques, ce qui a obligé les femmes à sengager comme ouvrières agricoles.· Elle a accru la charge de travail non rétribué des femmes par lintensification des travaux agricoles des petites unités, dans la mesure où celles-ci ne pouvaient pas embaucher de la main-doeuvre à légal des entreprises.
· Elle a contraint les travailleurs salariés à recourir aux membres de leur famille pour remplir les quotas de production exigés; les femmes ont vu leur charge de travail samplifier et elles ont dû parfois délaisser la parcelle familiale, source de sécurité alimentaire.
· Elle a induit une mécanisation qui a compressé les occasions de travail rétribué pour les femmes; outre le fait demployer moins de personnel, les tâches auparavant accomplies manuellement par les femmes ont été confiées aux hommes dès linstant où elles ont été réalisées à laide dengins agricoles.
· Elle ne sest pas automatiquement traduite par une amélioration du niveau de vie même si les emplois ont été plus nombreux.
· Elle na pas provoqué la croissance des rétributions moyennes des ouvriers agricoles bien quelle ait permis une augmentation des rendements des grandes entreprises.
· Elle a été source dinégalité entre les femmes et les hommes; ces premières ont perçu des salaires moindres bien que le travail fût plus intense: sarclage, repiquage, récolte, etc.
La hausse des rendements agricoles nest pas le seul critère des agricultrices pour sinvestir dans telle ou telle spéculation; elles soupèsent également la potentialité de valorisation de la biomasse, des composantes de la plante et de la récolte. Pour un petit producteur, le riz est plus quune céréale, cest aussi de la paille pour les toits et les nattes, du fourrage pour les animaux et de la nourriture pour la pisciculture. Les déchets sont source de combustible. Ces produits, indispensables à léconomie familiale, constituent des intrants cruciaux pour dautres activités rémunératrices, indispensables à maintes familles rurales pauvres et particulièrement aux femmes.
En général, la révolution verte a favorisé laccumulation de capital par les agriculteurs les plus riches. Pour satisfaire à un objectif de développement plus équitable et plus durable, il serait nécessaire de concevoir des technologies convenant aux réalités de la majorité des producteurs pauvres des zones non irriguées et dont lenvironnement est fragile.
Les bienfaits de la technologie, tels que la diminution de la pénibilité du travail et la croissance de la productivité, sont certes indiscutables. Cependant, la modernisation de lagriculture peut engendrer des conséquences dramatiques comme la perte, par les femmes rurales pauvres, dopportunités demploi rétribué. La mécanisation a progressivement rayé certains travaux traditionnellement effectués par les femmes. Cest lexemple des produits traités et transformés à la maison qui apportaient un revenu par leur valeur ajoutée. La mécanisation a conduit les acheteurs à acquérir les produits à létat brut, économisant ainsi la main-duvre, même si elle est bon marché, ce qui a fait chuter les revenus des ménages agricoles.
La plupart des effets négatifs de la modernisation agricole sont dus à lintroduction de technologies qui nont pas été conçues pour résoudre les problèmes des agriculteurs, et plus particulièrement des agricultrices, mais pour satisfaire les producteurs.
Pourtant, le développement de la technologie pourrait permettre de relever certains défis. Les femmes seules, chefs dexploitation, ne comptent que sur elles-mêmes pour les travaux exigeant une grande force physique, tâches traditionnellement réservées aux hommes. Des technologies diminuant linvestissement physique et énergétique acquerraient alors une valeur inestimable. Malheureusement, force est de constater que les technologies facilitant le travail sont le plus souvent déniées aux femmes.
Il faut également noter que linnovation technologique pour la collecte deau et du combustible, les tâches post-récolte (entreposage et transformation) na pas beaucoup éveillé lattention de la recherche. La valeur accordée aux activités des femmes et la reconnaissance du volume de travail requis sont négligeables, ce qui explique pourquoi il est rarement fait appel aux femmes pour participer aux choix des thèmes de recherche, à lexpérimentation, la production et la diffusion de technologies. Tout en découvrant des réponses à la réduction de la charge de travail, la recherche devrait veiller aux risques de pertes demploi que cela peut entraîner pour les femmes, ce qui améliorerait grandement les conditions de vie des hommes et des femmes.
En général, les prérogatives des femmes sur les ressources locales et les bénéfices des politiques nationales vont rarement de pair avec laccumulation des responsabilités quelles ont en matière de production vivrière et de gestion des ressources naturelles. Dans bien des régions du monde, une majorité de femmes parmi les paysans pauvres, faute dargent, ne peuvent pas parer au coût des intrants, même subventionnés (engrais, pesticides, produits vétérinaires, aliments pour le bétail, combustible, etc.).
Dans la plupart des pays, la situation juridique des femmes ne les autorise pas à jouir conjointement avec leur mari des droits de propriété. Les garanties exigées par les systèmes financiers et bancaires leur sont ainsi niées les écartant de léligibilité au crédit. Les femmes en charge de famille sont les plus frappées, car tout en ayant les responsabilités, le statut de chef de ménage leur est refusé. Sans garantie à offrir (entre autres, la terre), les femmes, exclues des mécanismes de prêts, le sont également des organisations agricoles dont celles chargées de la transformation et de la commercialisation des produits. Si les femmes pouvaient se prévaloir de la terre, elles investiraient sur ce facteur de production au lieu de se borner à lexploiter et seraient stimulées pour adopter des pratiques culturales durables.
Les femmes ne sont pas une clientèle cible des institutions financières car leur capacité de remboursement nest pas reconnu. Elles doivent alors recourir au système de crédit informel dont les taux dintérêt prohibitifs maintiennent, sinon renforcent, létat de pauvreté. Elles font aussi appel aux emprunts familiaux ou informels. Les montants obtenus sont réduits puisque ces structures solidaires vivent elles-mêmes la précarité.
Le défi des années à venir est lobtention de la parité pour laccès aux ressources et la garantie de lusufruit de la terre afin que les femmes puissent augmenter la production et leur pouvoir dachat pour lacquisition de denrées complémentaires et ainsi poser les fondements de la sécurité alimentaire. En outre, des mécanismes de crédit adaptés aux besoins des paysans sans terre ou des petites exploitations doivent être établis.
Dans certains pays, des systèmes de crédit fructueux, accompagnés de conseils techniques à la production et à la gestion, ont été expérimentés. Ils facilitent lautosuffisance des bénéficiaires sans entrer dans un processus dassistanat. Parmi les expériences positives, il faut citer le Banco Solidario en Bolivie et la Grameen Bank au Bangladesh. Elles ont proposé des alternatives aux garanties traditionnelles et prêtent de largent aux femmes rurales pauvres et sans terre. Ces micro-entreprises de crédit, privilégiant les femmes dont le revenu est faible, ont enregistré un remboursement régulier des prêts et constaté un réinvestissement des revenus générés par laugmentation de la production dans lamélioration de la nutrition, de la santé et de léducation. Il est crucial que les femmes arrivent à lautosuffisance grâce à un appui initial et non pas par le biais de laumône. Des informations détaillées sur les succès obtenus doivent être recueillies pour les analyser et les systématiser afin de promouvoir des programmes porteurs de réussites.
2.5.1. Le contexte
2.5.2. Le plan daction de la FAO
Après avoir vu comment les disparités selon le genre se concrétisent, où elles sont le plus marquées, et comment elles se manifestent dans les programmes de développement, les pages suivantes en font une synthèse au travers de lesquisse du contexte de développement dans lequel hommes et femmes sinscrivent. Les grandes lignes du plan daction de la FAO pour répondre à la problématique de genre sont ensuite exposées23.
23 Plan daction de la FAO pour lintégration des femmes dans le développement, 28ème session de la conférence, 20 octobre - 2 novembre 1995, C95/14/SUP.1-REV.1.
24 Ibid
Sécurité alimentaire et nutrition
Un nombre important et croissant de travaux de recherche prouve que la responsabilité directe de nourrir la famille incombe en grande partie aux femmes. Pourtant, malgré tout cela, les femmes qui travaillent dans lagriculture sont désavantagées: souvent, elles nont pas accès à la terre, ce qui les prive des crédits officiels et les exclut des organisations rurales, de la formation et des services de vulgarisation. Leur énorme charge de travail et la carence dintrants agricoles pour lamélioration de leurs systèmes de production sont autant de limitations qui contribuent à linsécurité alimentaire et à la malnutrition dans des millions de foyers, en particulier dans ceux ayant une femme à leur tête.
Parmi les 780 millions de personnes touchées par la malnutrition, une grande partie sont des femmes en âge de reproduction, en période de grossesse ou dallaitement ou faisant partie des ménages à faible revenu dont une importante proportion est dirigée par des femmes25. Des études ont cependant démontré que dans les foyers les plus pauvres dont le chef de famille est une femme, les ressources sont destinées en premier lieu à lalimentation et à léducation des enfants, ce qui nest pas le cas dans les ménages tout aussi pauvres mais dirigés par des hommes. Cela ne fait que renforcer lidée selon laquelle il est important de mieux comprendre la façon dont les femmes gèrent leurs ressources.
25 Ibid.
Pour les familles, un lien direct existe entre, dune part, laccès des femmes au revenu et au contrôle des ressources et, dautre part, lamélioration de létat nutritionnel et de la sécurité alimentaire. Ce lien, combiné à laccroissement de la productivité des activités agricoles des femmes et donc de leur contribution aux systèmes alimentaires, doit être au cur des politiques et des programmes de sécurité alimentaire. Le recueil dinformations et de données sur laccès, le contrôle et la gestion des ressources et des facteurs de production sont donc primordiaux.
Environnement
La relation femmes-environnement est conditionnée par lutilisation et la gestion des ressources naturelles (en particulier du bois et de leau pour la préparation des aliments). La dégradation de lenvironnement a un effet direct sur la charge de travail des femmes. En même temps, laccès limité aux ressources et aux moyens de production, contraignent très souvent les femmes à surexploiter les ressources naturelles.
Pourtant, les femmes rurales sont à la fois les mieux et les moins bien équipées pour gérer lenvironnement et assurer la conservation du milieu naturel. Les mieux dotées parce quelles possèdent le savoir et lexpérience accumulés au fil du temps et les plus mal loties parce que, sans pouvoir de décision, elles en sont écartées, sans possibilité de voir leurs besoins et connaissances pris en compte dans les politiques et programmes de développement. Il est important, dune part, de valoriser et dincorporer les connaissances des femmes en matière de conservation des espèces sauvages de la flore et de la faune, et, dautre part, de garantir la participation de celles-ci aux processus de formulation des politiques.
Population
Avoir un grand nombre denfants reste très probablement un atout majeur pour la sécurité économique et alimentaire des ménages pauvres, pour preuve la haute valeur attachée au travail des enfants. Il est fondamental darriver, par la production et le recueil de données ventilées par sexe, à une meilleure compréhension des tendances démographiques afin de dessiner des politiques agricoles visant lamélioration des conditions de vie des populations rurales, y compris des femmes.
Pauvreté
En plus des nombreuses activités liées directement à la production et la sécurité alimentaire, les femmes rurales sont également responsables de tous les travaux domestiques. Dans les zones rurales, les femmes travaillent jusquà 16 heures par jour, mais la majorité dentre elles nest pas rémunérée et leur contribution économique est totalement sous-estimée dans les statistiques officielles.
Selon le rapport mondial du PNUD sur le développement humain, sur 1,3 milliard de personnes vivant dans des conditions de pauvreté absolue, plus de 70% sont des femmes. La crise économique, les programmes dajustement structurel, les conflits armés, la sécheresse, etc. ont féminisé la pauvreté. Lexode masculin, les migrations forcées, léclatement des structures familiales ont accru de façon spectaculaire le nombre de femmes chefs de ménages (16% au Proche Orient, jusquà 60% dans certains pays africains) et ont contribué certaines régions à augmenter la présence des femmes dans lagriculture. Il est rare que les politiques et les programmes de développement fixent leur attention sur ces nouveaux phénomènes, le plus souvent faute dinformations et de données pertinentes.
Les causes fondamentales de la persistance de la pauvreté et de linsécurité alimentaire chez les femmes rurales et, par extension pour leur famille, sont interdépendantes. Il sagit de:
· leur manque daccès aux ressources et aux facteurs de production, aux services sociaux, agricoles et commerciaux et labsence de leur contrôle;· leur sur ou sous-emploi et linégalité en matière demploi et de rémunération;
· leur exclusion des processus de décision et de formulation des politiques, principalement en ce qui concerne lamélioration de la productivité et la gestion des ressources naturelles;
· la législation défavorable et/ou discriminatoire à leur égard.
Pour la FAO, sattaquer à ces problèmes est fondamental afin daméliorer les conditions de vie des femmes rurales et atteindre les objectifs relatifs à la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et le développement durable. Aussi trois objectifs stratégiques prioritaires ont été arrêtés et des orientations daction définies pour chacun dentre eux.
Objectif stratégique 1 - Promouvoir
légalité entre hommes et femmes pour laccès et
le contrôle des moyens de production |
· promotion de politiques, de programmes et de projets visant la parité daccès et de contrôle des ressources, des facteurs de production et des services; · mise en uvre de programmes de recherche sur les changements législatifs et politiques à apporter pour une égalité entre hommes et femmes; · réorientation des
politiques et réduction des obstacles institutionnels entravant
laccès des femmes à la terre, au capital, au crédit,
aux services de vulgarisation, à la recherche, à la formation, aux
marchés et aux organisations de producteurs. |
Objectif stratégique 2 - Accroître la
participation des femmes aux Processus de décision et de formulation des
politiques, à tous les niveaux |
· soutien aux approches participatives et association des femmes aux processus de développement local, régional, national afin quelles puissent en retirer plus davantages; · promotion de la participation des femmes aux organisations communautaires, aux groupements dagriculteurs, aux ONG et aux organismes agricoles; · développement de dispositifs de renforcement du statut des femmes rurales dans les mécanismes de décision et dans lélaboration des politiques et des programmes; · établissement de
réseaux déchange dinformations et élargissement
des modes de communication pour garantir la prise en compte des femmes comme
agents de développement et non comme bénéficiaires
passives. |
Objectif stratégique 3 - Réduire la
charge de travail des femmes rurales et offrir davantage de possibilités
demploi rémunéré et de revenu |
· réduction de la charge de travail des femmes rurales et facilitation daccès aux technologies appropriées permettant déconomiser la main-duvre (activités productrices et reproductrices); · amélioration de la productivité de leurs activités et diversification des activités rémunératrices; · développement de chances égales en matière demploi, de revenus, de conditions de travail acceptables et accès à la formation professionnelle; · amélioration de la collecte, de lanalyse et de la diffusion de données et dinformations ventilées en fonction de la contribution de la main-duvre féminine et masculine dans les secteurs de lalimentation, de lagriculture et du développement rural; reconnaissance et valorisation du travail non rémunéré des femmes; · mise au point et diffusion de
méthodes, dindicateurs et de bases de données
appropriés. |