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2. QUELQUES DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LA BIOLOGIE DU POULPE


2.1 Croissance
2.2 Relation taille-poids
2.3 Relation entre la taille du manteau et la taille totale
2.4 Sélectivité
2.5 La pêcherie
2.6 Discussion et conclusions

Le poulpe est une espèce benthonique qui se caractérise par un développement direct, un cycle biologique court, une grande intelligence motrice et une forte acuité visuelle.

Les oeufs sont benthoniques et ont un développement direct; les oeufs sont déposés en groupes. La femelle couvre la ponte de son corps et de temps en temps renouvelle l’eau autour des oeufs par des contractions du manteau; elle les nettoie avec ses bras. On peut trouver des oeufs de poulpe à n’importe quel point de la plate-forme continentale ou réside cette espèce.

La figure 1 résume la relation entre la durée de la période embryonnaire jusqu’à l’éclosion et l’a température de l’eau (Mangold et Boletzky, 1973; Itami et al., 1963), d’après des expériences réalisées en aquarium. On a estime que cette durée est de 20-25 jours à une température de 25°C, et de 125 jours à 13°C.

Les larves sont pélagiques et atteignent la morphologie de l’adulte quand leur longueur totale est de quelque 7-8 mm (Rees, 1950). Les larves pélagiques semblent se nourrir principalement de larves de crustacés (Guerra, 1978).

L’acquisition des habitudes benthoniques de la part des larves semble avoir lieu 30 ou 40 jours après l’éclosion, si la température moyenne est de 24,7 C. Leur poids à ce moment là semble compris entre 0,1 et 0,25 g (Itami et al., 1963). Ce même auteur affirme que, trois mois après l’éclosion, le poids de l’individu se situe entre 11 et 69 g, avec un poids moyen de 39 g. La longueur moyenne du manteau à quatre mois et demi de l’éclosion est de quelque 5 mm. A cinq-six mois de l’éclosion, le manteau du poulpe atteindrait une taille de 5 ou 6 cm; toutes ces données proviennent d’expériences de culture.

Mangold et Boletzky (1963) affirment que les femelles atteignent environ 2 kg au bout de 15 mois, tandis que les mâles arriveraient à 2,5 kg “ou plus” au même âge; ces affirmations portent sur des poulpes capturés en Méditerranée et maintenus vivants au laboratoire. Nixon (1969) pense qu’ils atteindraient ce poids en douze mois. Mangold et Boletzky, dans l’ouvrage cité, finissent par affirmer qu’il n’existe de toute façon aucune relation précise entre la taille et l’âge pour cette espèce.

L’alimentation du poulpe morphologiquement adulte a été, pour la première fois, étudiée de façon rigoureuse par Nigmatullin et Ostapenko (1976). Ces chercheurs ont constaté que 53,6 pour cent des proies du poulpe - ils ont examiné les estomacs de quelque 2 000 exemplaires étaient constituées de crustacés et 44,8 pour cent de brachyures (Portunus, Dromia, Calappa et Pagurus principalement). Environ 25,5 pour cent étaient des poissons, en général des exemplaires jeunes des genres Pagellus, Dentex, Boops et, moins fréquemment, grondins, soles etc.; 9,54 pour cent des proies étaient des mollusques non céphalopodes, dont en particulier des exemplaires de Cymbium. Enfin, 7,51 pour cent étaient des céphalopodes, notamment des exemplaires jeunes de la même espèce; on connaissait déjà cette caractéristique de cannibalisme chez cette espèce, qui fait supposer l’existence d’une concurrence intercohortes. Le poulpe est donc un prédateur benthonique, consommateur de deuxième à quatrième ordre.

Ses ennemis naturels les plus importants semblent se répartir en deux grands groupes: (a) ceux qui se nourrissent des larves pélagiques, ce groupe se composerait principalement des méduses, calmars et poissons macrophages (Trachurus, Pomatomus et sparidés); et (b) ceux qui se nourrissent d’individus déjà benthoniques, en général des jeunes; parmi ce groupe, se détachent tout particulièrement les Pomatomus, serranidés de grande taille, congres, etc.

La fécondation relative est faible. Il semble qu’une femelle dépose chaque année - et probablement pas plus de deux années dans la totalité de son cycle biologique - entre 130 et 250 x 103 oeufs (Guerra, 1975; 1978), et exceptionnellement jusqu’à 400 x 103, ce qui fait que la fécondité du poulpe par unité de biomasse serait sensiblement inférieure à celle de la majorité des clupéidés, lesquels présentent à leur tour, parmi les téléostéens, une basse fécondité. Ce fait pourrait être compensé, du moins en partie, par une survie élevée des oeufs jusqu’au moment de l’éclosion, vu le comportement complexe des femelles de cette espèce à l’égard de la ponte (voir par exemple Mangold et Boletzky, 1973). Dans le cas qui la concerne et étant donné ses habitudes territoriales, on pourrait penser que la concurrence intracohorte joue un rôle moins important que la concurrence intercohorte, contrairement à ce qui se passe avec d’autres groupes taxonomiques (Iles, 1973; 1978).

L’époque de la ponte paraît aller de mai à octobre principalement - du moins dans la zone qui nous intéresse (Guerra, 1978; Hatanaka, 1978). Hatanaka (1978) croit avoir découvert deux maximums de pondaison, au printemps et à l’automne, dans la zone du cap Blanc. Il s’appuie pour cela sur: (1) le régime de l’exploitation halieutique (une diminution de la vulnérabilité à l’époque de la ponte diviserait l’exploitation en deux périodes interpondaison), et (2) l’examen des variations mensuelles des conditions de maturité des femelles. Les maximums de ponte auraient donc lieu en mai et en septembre pour la zone du cap Blanc, mais on pourrait rencontrer des femelles mûres pendant toute cette période.

Si le premier argument ne semble pas valable pour toutes les zones de pêche, le second par contre pourrait l’être. De toute manière, le fait que la femelle puisse garder à l’intérieur du manteau les oeufs vivants avant fécondation pendant un maximum d’au moins 5 mois, fait penser à l’éventualité de pontes massives quand les conditions sont favorables.

Dans cette région, la zone de ponte correspondrait au minimum à la superficie de la plate-forme continentale entre le cap Blanc et le cap Garnett. Mangold et Boletzky (1973) signalent qu’en Méditerranée occidentale, les femelles ont l’habitude de déposer leurs oeufs dans des “abris rocheux”, ou du moins dans des objets jetés à la mer par l’homme et qui peuvent servir d’abris pour les oeufs, ce qui fait que ces derniers seraient les seuls que l’on puisse se procurer par captures au chalut.

En ce qui concerne la taille à la première maturité (COPACE, 1978), elle est de quelque 8 cm de longueur de manteau pour les mâles et de quelque 12-13 cm pour les femelles.

La proportion entre les sexes est approximativement de 50 pour cent chez les exemplaires dont la longueur de manteau ne dépasse pas 20 cm, d’après Guerra (1978), ou 16 cm d’après Hatanaka (1978). A partir de 25 cm (Guerra) ou 22 cm (Hatanaka), 100 pour cent des exemplaires échantillonnés seraient des mâles. Cort et Pérez-Gándaras (1973) ont trouvé des femelles ayant jusqu’à 24 cm de longueur de manteau. Ces différences pourraient tenir au fait que les exemplaires examinés proviendraient de stocks soumis à des taux d’exploitation différents.

Quoi qu’il en soit, des expériences de laboratoire ont permis d’observer une forte mortalité des femelles après la ponte. La “stratégie” de l’espèce semblerait consister à profiter au maximum des premières périodes de ponte, en minimisant la mortalité de la descendance, puis a disparaître. Cet élément pourrait indiquer une structure complexe du paramètre de mortalité naturelle pour ces stocks. Les mâles, au contraire, ne semblent pas être soumis à ce processus; ils restent dans la pêcherie et on arrive à en capturer des exemplaires ayant une longueur de manteau supérieure à 30 cm.

2.1 Croissance

Les études de croissance concernant le poulpe se heurtent à la difficulté qu’il n’est pas possible d’utiliser de pièces du squelette comportant des anneaux de croissance. Pour plus de détails on peut se référer aux travaux de Guerra (thèse de doctorat, non publiée). Les méthodes utilisables se réduisent donc a des expériences de culture, à la succession des classes modales sur les distributions de fréquences de tailles, et a des expéditions de marquage; ces trois méthodes ont été utilisées et décrites dans des travaux antérieurs, que nous allons maintenant passer en revue.

En ce qui concerne les expériences de culture, il semble que celles-ci portent sur les premiers mois de la vie du poulpe, sauf dans le cas de deux travaux (Nixon, 1966; 1969). D’après Nixon, le poulpe méditerranéen gardé en aquarium à température ambiante atteindrait le poids déjà mentionné de 2 kg pour les femelles et de 2,5 kg pour les mâles dans la première année d’existence. Pour Mangold et Boletzky (1963), ces poids seraient atteints au bout de 15 mois, pour tenir compte d’une durée plus longue de la période larvaire dans le milieu naturel. Mangold-Wirz (1963) affirme que les exemplaires de cette espèce capturés dans les eaux de la Méditerranée nord-occidentale mesureraient 11-12 cm à l’âge de 11 ou 12 mois. Toutes les données qui précèdent se réfèrent 5 la Méditerranée comme nous l’avons dit et comme nous le verrons plus loin.

Wells et Wells (1959) ont recueilli en été des exemplaires ayant une longueur de manteau de 10 cm; d’après les auteurs, ces exemplaires étaient âgés d’à peu près un an.

Pour Mangold-Wirz (1963), des exemplaires recueillis en novembre, avec un manteau d’une longueur de 5 cm, auraient environ 6 mois. Ces mêmes exemplaires, en mars, mesureraient 9,5-10 cm de longueur et auraient de 9 à 10 mois.

D’autre part, des exemplaires recueillis en décembre, compte tenu d’une éclosion calculée en août-septembre, mesureraient en avril, à l’âge de 8 mois, 6,5-7 cm et 11-12 cm à l’âge de 1 an; au bout de 18 mois, ils auraient une taille de 14,5-15 cm et en juin, c’est-à-dire à 22 mois, les femelles atteindraient 17 cm et les mâles 19 cm. Mangold-Wirz, dans l’ouvrage cité, signale que jusqu’au moment ou les individus atteignent une longueur de manteau de quelque 14 cm, la croissance des exemplaires de sexes différents ne diffère pas de façon appréciable. Ensuite, les mâles grandissent beaucoup plus rapidement que les femelles.

En ce qui concerne le ou les stocks qui nous intéressent, Guerra (1978) et Hatanaka (1978) ont étudié la croissance du poulpe en analysant les distributions de tailles et, de là, la succession des classes modales. La plupart des données de base que manipulent ces auteurs ne sont pas publiées, et c’est pourquoi nous nous limiterons à présenter leurs résultats et quelques détails communiques à titre personnel concernant la méthologie employée pour ce travail.

Guerra (thèse de doctorat) s’est appuyé sur des distributions de tailles provenant de campagnes océanographiques. La succession des modes figure dans un ouvrage publié (COPACE, 1978), L’attribution des âges se fonde sur l’attribution temporelle d’une période de ponte, en l’occurrence de mars a octobre, nous supposons que l’auteur a pris comme hypothèse un maximum de ponte vers la moitié de cette longue période, en supposant une période larvaire semblable à celle qui a été décrite par Itami et al. (1963). L’élaboration des données par la méthode de Beverton a exigé l’emploi d’une valeur d’essai de L¥. La valeur choisie a été de 59,67 cm de longueur de manteau équivalent, d’après sa propre relation taille-poids, à un poids de W¥ de 58,6 kg. Le résultat trouvé est une équation de von Bertalanffy sur une base annuelle de:

lt = 59,67 (1 - e - 0,36 (t - 0,34))
qui prédit une taille de 12,6 cm pour les exemplaires d’un an, de 26,8 cm pour les exemplaires de deux ans et de 36,8 cm pour les exemplaires de 3 ans.

Un problème supplémentaire qui fait qu’il est plus difficile d’apprécier la validité de ces résultats tient au fait que les distributions de tailles mensuelles utilisées provenaient d’échantillons recueillis au cours d’années différentes. D’autre part, les données n’ont pas été corrigées pour tenir compte de la sélectivité.

Periero (COPACE 1978) a modifié la valeur d’entrée de L¥, la ramenant à 40 cm de longueur de manteau. L’équation de von Bertalanffy ainsi trouvée fut la suivante:

lt = 40 (1 - e - 0,72 (t - 0,34))
qui annonçait des tailles de 15,1 27,9 et 34,1 cm pour un, deux et trois ans.

Hatanaka de son côté (communication personnelle; données recueillies dans COPACE, 1978) a étudié la croissance en utilisant les distributions de tailles des captures japonaises sur une base trimestrielle. Si cette espèce a réellement une croissance rapide, le fait que les distributions aient été établies sur une base trimestrielle pourrait être dangereux et donner lieu à des distributions platycurtiques dues au déplacement modal à l’intérieur du trimestre.

Le résultat, exprimé en tant que taille du manteau en fonction de l’âge, donnerait des tailles de 12,2, 17,1 et 20,3 cm pour un, deux et trois ans; tailles équivalentes à 59,24, 83,71 et 99,74 cm de longueur totale, ce qui correspond à celles que donne l’équation de von Bertalanffy pour la zone du cap Garnett. L’équation correspondante, se rapportant comme nous l’avons dit à la longueur totale, serait la suivante:

lt = 130,19 (l - e -0,423 (t + 0,435))
La valeur de L¥ se rapportant à la taille du manteau est de 26,91 cm, qui équivaut à une valeur fréquemment rencontrée dans les captures. De toute façon, nous avons toujours l’avantage que L¥ n’est pas ici une donnée d’entrée, mais le résultat d’un ajustement.

Bravo de Laguna et al. (communication personnelle, donnée incluse dans le document COPACE, 1978) ont effectué des expériences de marquage en 1976, 1977 et 1978. Parmi les poulpes recapturés, deux avaient passé dans la mer plus de 100 jours après leur remise en liberté. Un d’entre eux avait grandi de 10 cm en 243 jours (du 27 septembre 1977 au 30 mai 1978), passant de 8 à 18 cm; l’autre était passé, en 149 jours, de 210 g à 600 g, équivalent à une croissance de 6,7 à 10 cm entre le 5 mai 1977 et le 3 octobre 1977. Les données sont de toute évidence si rares et si dissemblables que nous ne pouvons en tirer aucune conclusion. Bravo de Laguna (communication personnelle) affirme que le premier de ces exemplaires a pu être examiné en laboratoire, mais non le second; la première donnée serait donc plus fiable que la seconde; il n’en demeure pas moins que ce fait ne permet pas de savoir exactement lequel de ces deux types de croissance correspond le mieux à l’évolution réelle des individus de ces stocks (figure 2).

L’unique donnée sur laquelle les auteurs cités concordent en ce qui concerne cette zone est que les exemplaires ayant plus d’un an atteindraient une taille moyenne de quelque 12 cm.

2.2 Relation taille-poids

Dans la majeure partie des questions traitées dans la présente étude, on perçoit une grande confusion quand on relit les données de référence, mais cette confusion atteint son sommet avec la question de la relation taille-poids, comme on peut le voir d’après les figures 3 et 4, où apparaissent différentes relations décrites dans des travaux antérieurs.

L’un des facteurs qui probablement a dû contribuer le plus à créer ce chaos tient à ce que l’on ne nous dit pas comment on est arrivé à ces relations. Beaucoup de travaux ne décrivent pas la gamme de tailles utilisée ou ne montrent pas le nuage de points ayant servi à l’ajustement. Les campagnes ne couvrent généralement qu’une période très brève et se réfèrent d’habitude à des zones très circonscrites. Dans d’autres cas, nous ne savons pas si les données se réfèrent au poids frais, éviscéré ou non, congelé, etc.

En outre, il paraît hors de doute que le facteur de condition doit varier énormément au cours de l’année mais nous ne pouvons décider, d’après ce que nous lisons, si cette variation se produit, comme nous l’avons dit, de préférence tout au long de l’année, ou d’une année à l’autre, ou si les deux facteurs, plus le facteur géographique, influent fortement.

2.3 Relation entre la taille du manteau et la taille totale

Pereiro (COPACE, 1978) a utilisé pour la conversion entre la taille du manteau et la taille totale la relation ci-après:

LM = 0,14 LT 1,03
en supposant que les relations
W = 0,00497 LT 2,9259
et
W=0,976 LM 2,691
prédisaient le même poids pour des longueurs de manteau et totale équivalentes.

Plus exacte est la relation obtenue par Pérez-Gándaras.(communication personnelle);

LM = 0,21 LT - 0,32 pour les mâles et

LM = 0,19 LT + 1,05 pour les femelles,

avec R2 pratiquement égal a 1 dans tous les cas, ce qui rend inutile l’emploi de régressions fonctionnelles.

Les figures 5 et 6 montrent ces relations, y compris celle qui a été utilisée par Pereiro (1978).

2.4 Sélectivité

Nous ne connaissons qu’un seul travail consacré à cette question; il est du a Guerra (1978b).

Les essais de sélectivité ont eu lieu en octobre 1975, on a employé une maille de cul de chalut de 53 mm, avec la méthode de la pêche extérieure. En sept traits de chalut, on a capturé 268 exemplaires, qui ont été utilisés pour estimer la taille de première capture et le coefficient de sélection. La courbe de sélection ainsi obtenue apparaît sur la figure 7; c’est celle que Guerra présente dans le travail susmentionné. Le coefficient de sélection a été estimé á 1,7.

On peut observer des irrégularités marquées dans la courbe, dues probablement au faible nombre d’exemplaires capturés à chaque coup de filet. Ces irrégularités sont plus prononcées pour les petites tailles, Il est indubitable que les études de sélectivité constituent l’un des aspects qui mériteraient a l’avenir une plus grande attention.

Entre temps, nous avons dessiné sur la figure 7 déjà mentionnée les corrections que nous avons apportées dans le but qui nous intéresse, a la courbe de sélection de Guerra et nous avons déduit avec beaucoup de hardiesse des courbes de sélection correspondant à d’autres maillages. On ne saurait souligner assez l’importance de cette recherche dans un proche avenir, I plus forte raison si les flottilles de pêche qui opèrent dans la zone utilisent une maille de 60 mm.

2.5 La pêcherie

La pêcherie de céphalopodes est celle qui a la plus grande valeur commerciale dans la zone nord du COPACE. Elle est apparue comme une conséquence de la surexploitation des sparidés. Ce phénomène a été décrit par divers auteurs (García Cabrera, 1968, 1969, 1970; Bas et al., 1970; Bravo de Laguna, 1978).

La partie de la plate-forme continentale africaine comprise entre les 24° et 25° parallèles nord a constitué jadis l’un des plus importants fonds de pêche de sparidés. C’est ainsi que les fonds situés entre le cap Garnett et Villa Cisneros avaient reçu le nom de “Plage du pagre”, nom qui rappelait à quel point cette espèce y abondait. A partir de la deuxième guerre mondiale et suite au déplacement des flottilles de chalutiers de l’Atlantique nord vers les fonds de pèche africains, on a commencé I noter une diminution des rendements de sparidés dans la zone susmentionnée. La baisse des rendements de ces poissons a coïncidé avec une augmentation progressive de celui des céphalopodes.

Au cours des campagnes de prospection conduites par les navires espagnols ABREGO et CIERZO en 1941 et 1942 (Navarro et al., 1943) les rendements de céphalopodes, et plus précisément de poulpe, furent insignifiants. Vingt ans plus tard, pendant les campagnes du navire océanographique français THALASSA, en 1962, les poulpes représentèrent 3 pour cent de la capture totale de céphalopodes. Lors d’une autre campagne de ce même bâtiment, en 1968, 30 pour cent de la capture commerciale furent constitués de céphalopodes, dont 36 pour cent de poulpe. Enfin, au cours de la campagne 1971, 90 pour cent de la capture commerciale se composaient de céphalopodes, parmi lesquels les poulpes représentaient 75 pour cent. En 1976, la capture commerciale de la flottille de chalutiers espagnols sur le Banc saharien s’est composée de 90 pour cent de céphalopodes, dont 49 pour cent de poulpes (Bravo de Laguna et al., 1976).

Sur le Banc saharien, la pêche industrielle du poulpe a commencé au début des années soixante. Les pays qui la lancèrent furent l’Espagne et le Japon. En 1963, le navire-usine AWAZU MARU a commencé à opérer dans la zone du cap Garnett-Villa Cisneros. Ce navire travaillait en collaboration avec les chalutiers espagnols, dont beaucoup manoeuvraient par deux. Les principales captures consistaient en sparidés et sciaenidés, celles de céphalopodes étant encore relativement restreintes. Quatre ans plus tard, en 1967, la majeure partie de la flottille se composait de chalutiers péchant individuellement, en coopération avec deux navires-usines qui étaient l’AWAZU MARU et le GALICA. Le nombre d’unités qui les fournissaient en captures était d’environ 70. A l’époque, la flottille de pêche japonaise était en plein essor; c’est cette année-là et l’année suivante qu’elle a réalisé les captures maximums dans cette zone - 51 000 t en 1967 et 72 460 t en 1968. Ces mêmes années, les navires de nombreux autres pays participent à la pêcherie, en particulier ceux de Grèce et d’Italie.

Au début des années soixante-dix, on voit apparaître dans cette zone une grande quantité de chalutiers-congélateurs espagnols. Ceux-ci pèchent les céphalopodes, notamment entre le cap Garnett et le cap Blanc en Mauritanie. C’est ainsi que la flottille espagnole passe de 30 700 t de captures en 1969 à 67 300 t en 1970. Cette augmentation des navires congélateurs coïncide avec une expansion des fonds de pêche qui jusqu’alors étaient restés assez limités au nord du 23 parallèle nord. D’autre part, les pêcheurs japonais étendent également leurs activités vers le sud, surtout dans la zone du cap Timiris et de Nouakchott. A la même époque, les chalutiers coréens rejoignent la pêcherie et, plus tard, remplaceront progressivement les japonais au nord du cap Blanc.

Le rapport du Groupe de travail ad hoc du COPACE sur l’évaluation des stocks de céphalopodes (COPACE, 1979) donne la description la plus à jour de cette pêcherie.

Actuellement, et bien que le poulpe soit présent sur toute la plate-forme de l’Afrique occidentale, on peut distinguer quatre zones de pêche importantes. La première se trouve entre le cap Garnett et le cap Barbas. On y capture les poulpes entre 0 et 110 m de profondeur, toute l’année, les plus grosses captures étant réalisées au printemps et surtout à l’automne et au début de l’hiver. Les principaux pays opérant dans cette zone sont l’Espagne, la République de Corée, l’Italie, le Maroc et le Portugal, La production de poulpe de cette zone représente à peu près 75 pour cent de la production totale.

La deuxième zone de pêche se trouve aux environs immédiats du cap Blanc en Mauritanie, On y capture aussi des poulpes toute l’année, entre 0 et 170 m de profondeur, les meilleures saisons de pèche étant les mêmes que pour la zone précédente. Ces fonds viennent en second par ordre d’importance et apportent 20 pour cent à la production totale. Les pays qui y pèchent sont essentiellement l’Espagne, le Japon, la Corée et la Mauritanie.

La troisième zone de pèche se situe aux environs immédiats de Nouakchott et plus précisément entre les 18° et 19° parallèles nord. On y trouve une pêcherie d’été, où le poulpe se répartit entre 0 et 110 m de profondeur. Les principaux pays qui y opèrent sont la Grèce, le Japon, la Mauritanie et l’Espagne. La contribution de cette zone aux captures totales est a peu près de 1 pour cent.

La quatrième zone de pêche du poulpe se trouve au sud du Cap-Vert, au Sénégal. Elle donne également lieu à une pêcherie d’été, que pratique exclusivement le Sénégal. Sa contribution aux captures totales est approximativement de 2 pour cent.

Les principaux pays qui pèchent les céphalopodes en Afrique occidentale sont l’Espagne (52 pour cent), la Corée (20 pour cent), le Japon (16 pour cent) et l’Italie (4 pour cent). La majeure partie de la flottille espagnole se compose de quelque 250 chalutiers congélateurs, dont les caractéristiques moyennes en 1978 étaient les suivantes: 245 TJB, 780 ch et 30 m de longueur. C’est une flottille assez homogène quant au tonnage. Les chalutiers japonais ont des caractéristiques plus variables. Leur tonnage oscille entre 300 et 1 500 TJB; en 1978, les plus courants étaient les chalutiers de 550 TJB. On trouve dans cette zone quelque 30 chalutiers congélateurs japonais qui pèchent les céphalopodes. La flottille coréenne se compose d’une centaine de chalutiers congélateurs, d’un tonnage brut moyen de 450 t.

Comme nous l’avons dit plus haut, le poulpe se capture tout au long de l’année. Il existe cependant des saisons pendant lesquelles les rendements sont meilleurs. La figure 8 montre l’évolution mensuelle des captures par unité d’effort (cpue) des chalutiers congélateurs espagnols qui opèrent sur les fonds du cap Garnett/cap Barbas, pour la période 1975/78. Les valeurs portées sur cette figure se réfèrent au pourcentage de chaque cpue mensuelle par rapport à la cpue moyenne de l’ensemble de la période considérée. On peut voir d’après cette figure comment, en règle générale, en 1975, 1976 et 1977, les rendements vont en augmentant a mesure qu’on avance dans l’année. Ils atteignent leur maximum dans la seconde moitié de chaque année, généralement à l’automne. Pour 1978, l’aspect du graphique est complètement différent. Cette année-là, les rendements maximums ont été obtenus au printemps. Cela pourrait s’expliquer par le changement de maille de 40 à 60 mm qui a eu lieu dans la seconde moitié de 1977. Les poulpes libérés par le second de ces maillages ont été ensuite capturés avec cette même maille au printemps de l’année suivante, après avoir grandi.

2.6 Discussion et conclusions

Les données bibliographiques concernant la biologie de cette espèce sont confuses, mais non pas rares. D’une manière générale, les problèmes posés dépassaient les possibilités des programmes disponibles pour les résoudre et c’est particulièrement net en ce qui concerne les problèmes de la croissance.

D’autre part, en raison de problèmes qu’il ne nous appartient pas de traiter ici mais qui sont sans aucun doute très difficiles à résoudre, chaque groupe de chercheurs est resté très isolé des autres, du moins jusqu’au moment où ont commencé à se manifester les efforts d’intégration du COPACE.

Certains éléments offrent de toute façon une base satisfaisante pour des études ultérieures. La connaissance du développement embryonnaire et larvaire des individus de cette espèce, la détermination - pour les stocks qui nous intéressent - de deux époques de ponte, la croissance pendant les douze ou quinze premiers mois de vie du poulpe, le cycle biologique des mâles et des femelles, la place de l’espèce dans la chaîne trophique, la fécondité des femelles et les coutumes cannibales sont par exemple de bonnes données de base, suffisamment précises, et sur lesquelles les chercheurs sont suffisamment d’accord. On peut déjà, sans risque d’erreur, repousser des affirmations telles que celles qui prétendent qu’il n’existe pas de relation stricte entre la taille et l’âge pour cette espèce, ou que la variabilité de la croissance empêche de suivre les classes modales d’une cohorte dans le temps.

Le problème fondamental en ce qui concerne les recherches sur le cycle biologique et la dynamique de cette espèce est l’absence de programmation concernant les valeurs paramétriques qui régissent la dynamique de ces stocks, de façon globale; cette absence de programmation est principalement imputable au désaccord entre les données provenant d’études biologiques effectuées sur des individus et les données provenant de la pêche, qui ont été réunies sans coordination et sans réaliser des programmes garantissant les résultats escomptés.


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