Plateforme des Connaissances Pastorales

Conversations pastorales | Les éleveurs de dromadaires en Mauritanie ont leur mot à dire

Etre éleveur, c’est d’abord un mode de vie.


19/04/2023 -

La Plateforme des Connaissances Pastorales est une initiative qui cherche à apporter la voix des éleveurs pastoraux à l’agenda global. Cette nouvelle section, « Conversations Pastorales » contient des éléments de discussion avec des pasteurs de différentes régions. Elle vise à mettre en lumière les spécificités des systèmes de production pastoraux, la transhumance, les défis qu’ils expérimentent et ainsi apporter des informations fiables aux décideurs quant aux solutions pour mieux soutenir le pastoralisme.

Nous avons rencontré Dah Ould Dahi au marché des dromadaires, à Nouakchott, en février 2023. Celui-ci vient ici vendre son bétail, lorsque ses autres activités d’éleveurs le lui permettent. 

Quel est votre nom et où vivez-vous?

Je m’appelle Dah Ould Dahi et je vis à Egla, au Nord d’Aioun, en Mauritanie.

Quel type d’animaux gardez-vous? Appartiennent-ils à vous et votre famille, ou bien les gardez-vous pour d’autres personnes?

Je possède des dromadaires et des bovins. Je garde également environ 200 têtes, des dromadaires et des bovins également, pour d’autres personnes.

Depuis combien de temps êtes-vous éleveur?

Je suis éleveur depuis ma naissance, je suis né dans le pastoralisme.

Comment décririez-vous la transhumance dans votre région?

Nous transhumons de manière régulière dans les 200 km autour de notre territoire d’attache. Sinon, en dehors de ce territoire d’attache, nous descendons vers le Mali en avril-mai et revenons au mois d’août. Mais cela dépend de la disponibilité des pâturages et aussi de l’aliment de bétail. Ainsi, moins il y a de pâturages, plus nous descendons loin, et meilleurs sont les pâturages, plus nous restons proche de notre territoire d’attache. Ce n’est pas toute la famille qui se déplace, ce sont seulement les éleveurs ou les bergers.

Avez-vous constaté des changements durant la dernière décennie lors de votre transhumance?

Ce qui a changé ces dernières années, c’est l’utilisation et la disponibilité de l’aliment de bétail. Elle a beaucoup réduit la durée de la transhumance hors du territoire d’attache. La transhumance vers le Mali engendre beaucoup de frais comme les frais de santé animale, ou bien les frais liés à la prise en charge des bergers. Donc maintenant, l’éleveur fait une évaluation selon ce qui est plus avantageux pour lui : faire partir le bétail en transhumance, avec les coûts que cela engendre, etc. ou bien le garder plus longtemps autour du territoire d’attache et acheter de l’aliment de bétail. Avant, les éleveurs partaient au Mali dès janvier donc ça a raccourci cette période de transhumance. Ce qui a changé aussi, c’est l’insécurité vers la frontière avec le Mali. Certains couloirs de transhumance ne sont plus accessibles comme avant.

 

Dah Ould Dahi et ses animaux au marché des dromadaires à Nouakchott, Mauritanie, 2023. @IvanaMardesic/FAO

 

Comment décririez-vous le fait d’être éleveur aujourd’hui?

Etre éleveur, c’est d’abord un mode de vie. Si on compare avec l’agriculture, celle-ci est plus rentable mais elle demande beaucoup de moyens dont on ne dispose pas. Toutes les autres activités demandent d’avoir un certain capital et de faire des investissements, mais moi j’ai déjà le savoir-faire qu’il faut dans l’élevage. Heureusement, ces dernières années, les animaux ont pris de la valeur.

Quels sont les principales difficultés pour les éleveurs pastoraux dans votre région?

Les principales difficultés aujourd’hui sont liées à la santé animale et aussi parfois à des défauts d’approvisionnement en aliments de bétail. Les bergers sont également devenus chers car beaucoup d’entre eux se tournent vers l’orpaillage, au Nord du pays.

Les jeunes sont-ils intéressés pour devenir éleveurs pastoraux?

La plupart des jeunes qui ont eu accès à l’éducation choisissent d’autres métiers et ma perception est que peu décident de rester dans l’élevage.

Comment les politiques et interventions publiques pourraient-elles mieux aider les éleveurs pastoraux?

 Les politiques publiques devraient nous appuyer sur les points que j’ai soulevés : rendre plus disponibles les soins vétérinaires, créer des usines locales d’aliments de bétail pour le rendre plus accessible et trouver des solutions au manque de point d'eau.