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Les essences à croissance rapide à utiliser en plantations industrielles ans les pays en voie de développement


SECRÉTARIAT DE LA FAO

Cet article est une version abrégée d'un document préparé par la FAO pour une réunion du Comité consultatif des Nations Unies sur l'application de la science et de la technique au développement (Paris, mars 1965), lequel est un organisme constitué par le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC).

Nous examinerons tout d'abord les possibilités qu'offriraient des plantations d'essences forestières à croissance rapide dans les pays en voie de développement, en vue de répondre aux besoins futurs en bois ronds d'industrie, aussi bien pour la consommation locale que pour l'exportation; ensuite, les réalisations acquises jusqu'à présent dans ce domaine et enfin les principaux problèmes que posent encore l'établissement et l'aménagement de telles plantations.

Dans cette perspective, sont considérées comme essences forestières à croissance rapide celles qui peuvent produire un accroissement annuel minimum de 10 mètres cubes par hectare dans des conditions de milieu convenables et en appliquant les techniques appropriées pour la préparation préalable du sol et les soins à donner au cours des premières années. Les pays en voie de développement sont ceux qui ont été considérés comme tels lors de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement.

Seul l'ensemble de cette question des plantations d'essences forestières à croissance rapide a été en général abordé, en prenant pour cadre celui de l'économie mondiale et en y situant la position générale des pays en voie de développement. Une telle approche masque, par contrecoup, de trop nombreux détails et des études mieux localisées seraient, par conséquent, indispensables.

Malgré le peu de données précises dont on dispose, on n'a pas hésité à fournir quelques indications concernant l'ordre de grandeur de taux de placement que l'on peut attendre du financement des plantations d'essences à croissance rapide. Toutefois, une telle méthode ne justifie que très imparfaitement et incomplètement le point de vue des reboiseurs, dans la mesure où il est impossible de quantifier exactement les bénéfices indirects du reboisement non plus que la valeur sociale des projets forestiers correspondants. Beaucoup de pays ont pris la décision d'inclure dans leurs plans de développement d'importants boisements d'essences à croissance rapide (tableau 1).

La création de ces plantations peut être viable tant du point de vue économique que du point de vue social, à condition d'être conçue et exécutée non pas isolément, mais en tant que partie intégrante d'un plan général de développement, local ou national, de préférence dans le cadre d'un groupe de pays (sous-région) et en dernier ressort dans le cadre régional.

Besoins futurs en bois

BESOINS INTÉRIEURS DES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT

Depuis quelques années¹, les pays en voie de développement consomment environ 110 millions de mètres cubes de bois industriels par an, auxquels s'ajoutent près de 600 millions de mètres cubes de bois de feu. Le tableau 2 montre l'importance des diverses utilisations du bois dans chacune des régions. Il contient aussi des estimations du développement probable de cette consommation d'ici 1975. Les estimations sont rapportées à des niveaux déterminés de population, d'activité économique, etc.; ces niveaux sont ceux que l'on estime être les plus probables d'ici 1975. Mais c'est seulement dans la mesure où les hypothèses concernant ces variables fondamentales se révéleront exactes que les niveaux effectifs de consommation correspondront à ces estimations. En fait, on s'est basé sur un accroissement démographique d'environ 1,5 à 2,5 pour cent par an dans les différentes régions, et sur une augmentation du revenu réel par habitant. d'environ 2 à 2,5 pour cent par an en moyenne. Même en se fondant sur des hypothèses aussi prudentes concernant l'activité économique, on s'attend que la consommation annuelle de bois augmentera des deux tiers entre 1959-61 et 1975; cela veut dire que d'ici 1975 cette augmentation équivaudrait à un accroissement de 75 millions de mètres cubes par an de la consommation de bois rond. Calculé aux prix de 1959-61, un tel accroissement signifierait que, d'ici 1975, les pays en voie de développement auraient besoin chaque année d'environ 3 milliards de dollars U.S. de plus de produits à base de bois. Cependant, les estimations reposent aussi sur l'hypothèse qu'en ce qui concerne les prix la situation du bois et des produits du bois ne changera pas par rapport à celle d'autres matériaux. Avant d'en venir à la question qui forme l'objet principal de cet article à savoir s'il sera possible de fournir cette quantité supplémentaire de bois, nous examinerons si le prix de revient des produits à base de bois disponibles permettra de les utiliser dans les pays en voie de développement.

¹ Sauf indication contraire, les chiffres utilisés dans la présente étude pour la période de base concernent la moyenne annuelle des années 1959-1961.

TABLEAU 1. - SUPERFICIE ACTUELLE DES PLANTATIONS A CROISSANCE RAPIDE DANS LES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT, PAR RÉGIONS, ET TAUX APPROXIMATIF DE PLANTATION ACTUEL

Région

Superficie des plantations

Taux actuel de plantation

Résineux

Feuillus

Total

En pourcentage

En milliers d'ha/an

Milliers d'hectares

Amérique latine

500

1 100

1 600

37

150

Asie-Pacifique

150

1 500

1 650

38

120

Proche-Orient

15

135

150

3

15

Afrique

240

736

915

22

50

TOTAL

905

3 470

4 376

100

335

La multiplicité des utilisations des produits à base de bois montre l'importance essentielle du bois pour des populations plus nombreuses, mieux logées, mieux instruites et dont le revenu augmente. Si son prix de revient devait être élevé, non seulement cela entraînerait une augmentation du coût du logement, etc., mais encore on devrait souvent avoir recours à d'autres matériaux qu'il faudrait importer. Dans certaines utilisations - par exemple l'imprimerie et le papier d'écriture - il est impossible de recourir à d'autres matières premières; or, entre 1959 et 1961, les pays en voie de développement ont importé déjà pour plus de 600 millions de dollars par an de produits à base de bois, surtout du papier et du carton.

Il convient aussi de limiter dès maintenant notre étude aux matériaux qui pourraient être obtenus à partir de plantations d'essences à croissance rapide. Ces plantations ne sauraient en fait fournir les bois de grandes dimensions et aux qualités particulières qui servent à fabriquer les contre-plaqués, les placages et les sciages de qualité, et qui proviennent, eux, des arbres des forêts tropicales humides et des bonnes forêts de résineux de la zone tempérée nord. (Elles pourraient fournir, et fournissent d'ailleurs, certains sciages et contre-plaqués, mais seulement dans une gamme limitée du point de vue de la qualité et des dimensions.) Cependant, les diverses essences à croissance rapide dont on dispose peuvent fournir de la matière première convenant tout à fait pour toutes les variétés nécessaires de produits de pâte, ainsi que pour la fabrication de panneaux de fibres et de panneaux de particules. Ces produits sont d'ailleurs ceux dont la consommation se développe le plus vite. Ainsi qu'il ressort du tableau 2, la consommation du papier et du carton devrait augmenter en moyenne de près de 7 pour cent par an, et celle des panneaux de fibres et de particules d'environ 12 pour cent, entre 1959-61 et 1975. Par contre, la consommation des sciages ne devrait augmenter que d'environ 3 pour cent et celle des contre-plaqués de 5,5 pour cent. Si l'on se borne à étudier les matériaux qui pourraient être obtenus à partir de plantations d'essences à croissance rapide du fait de leurs propriétés techniques - à savoir pâte, certains panneaux et bois ronds (poteaux, pieux, etc.) - on voit que les besoins annuels augmenteront au total d'environ 35 millions de mètres cubes d'ici 1975. Mais la pâte et les panneaux, produits transformés de prix élevé, représentent 2 milliards de dollars sur les 3 milliards de dollars par quoi se soldera, en valeur totale, l'augmentation des besoins supplémentaires des pays en voie de développement pour tous les produits à base de bois.

Pour que les pays en voie de développement puissent satisfaire leurs besoins intérieurs croissants, il ne leur suffira évidemment pas de disposer des quantités voulues de bois. Dans les industries de transformation, et plus particulièrement celles de la pâte et du papier, les économies dimensionnelles revêtent en effet une grande importance. Aussi les usines ne peuvent-elles produire pour le marché intérieur que si celui-ci présente une certaine importance. Il faut donc, pour donner aux évaluations globales préliminaires présentées ici un caractère plus concret, examiner notamment l'importance et la situation de chaque pays et groupe de pays, ainsi que leurs besoins et leurs possibilités.

TABLEAU 2. - CONSOMMATION DE BOIS DANS LES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT EN 1959-61¹ ET BESOINS

Source: FAO/Nations Unies. Etudes régionales sur les tendances du bois (y compris données inédites et données revisées).
¹ Consommation annuelle moyenne.

POSSIBILITÉS DE DÉBOUCHÉS EXTÉRIEURS

Pour qu'une telle évaluation soit complète, il faut examiner non seulement les besoins intérieurs des pays en voie de développement, mais aussi les besoins extérieurs qu'ils pourraient éventuellement satisfaire. Des études récentes appellent l'attention sur le déficit probable en bois dans deux grandes régions développées: l'Europe occidentale et le Japon. Depuis toujours, ces deux régions importent de l'Amérique du Nord et de l'U.R.S.S. les quantités qui leur sont nécessaires. Les perspectives qui s'offrent aux pays en voie de développement pour satisfaire une partie de cette demande sont très encourageantes et si les pays développés prêtent l'assistance nécessaire (en ouvrant davantage leurs marchés, en fournissant des capitaux et des moyens de formation, etc.) et s'ils prennent eux-mêmes les mesures nécessaires (développement des infrastructures usines, main-d'œuvre qualifiée, etc.), les pays en voie de développement pourraient peut-être, d'ici 1975, exporter jusqu'à 600 000 tonnes par an de pâte et de produits à base de pâte (équivalant à environ 2 millions de mètres cubes de bois ronds) dont la valeur atteindrait 175 millions de dollars U. S. (aux prix de 1959-61)².

² Il n'est pas tenu compte dans ces estimations de la situation de la Chine continentale. Selon des projections qui ont été publiées la consommation devrait, d'ici à 1972 atteindre 118,5 millions de mètres cubes, dont 80 millions de mètres cubes seulement proviendraient des forêts nationales. Un programme massif de plantations est en cours d'exécution pour accroître la production de bois, mais il est possible que la Chine continentale soit obligée d'importer pour satisfaire une partie au moins de ses besoins.

BESOINS GLOBAUX

Il faut évidemment, dans ce qui précède, faire la part de l'hypothèse. Beaucoup de marchés ne pourront s'élargir suffisamment et beaucoup de produits très spécialisés pourront venir à des conditions plus avantageuses d'autres régions du monde. Il n'est toutefois pas exclu que les pays du tiers monde finissent par produire intérieurement une partie des 600 millions de dollars de produits de bois qu'ils importent déjà chaque année du reste du monde. L'élément constitué dans ces échanges par la pâte et le papier (environ les trois quarts de la valeur totale) équivaut à lui seul à au moins 6 millions de mètres cubes de bois ronds par an.

D'ici 1975, le tiers monde pourrait légitimement espérer produire - et doit viser à le faire - en plus de ce qu'il a produit en 1959-61, une partie importante des 24 millions de mètres cubes de bois par an qui lui sont nécessaires sur les marchés intérieurs pour obtenir le surcroît de pâte et de produits à base de panneaux dont il a besoin, une partie des 6 millions de mètres cubes qui remplaceraient les importations actuelles de produits de pâte, et peut-être encore 2 millions de mètres cubes de bois pour les exportations de produits de pâte, sans parler de la totalité des 11,5 millions de mètres cubes supplémentaires de bois qui seront utilisés sous forme de bois ronds chaque année. Il s'agit maintenant, pour voir comment faire face à cette consommation toujours croissante, d'examiner l'état actuel des ressources forestières, du point de vue tant de leur potentiel réel que de leur potentiel économique.

Les forêts naturelles, leur potentiel et leurs limites

Les principales sources naturelles de bois ronds industriels des pays en voie de développement sont les forêts tropicales humides et les forêts de feuillus des zones, humides, ainsi que les forêts tropicales de résineux (forêts tropicales productives); la contribution des autres types de forêts n'est guère plus que marginale.

En attendant la publication d'une étude réalisée par la FAO en 1963, les meilleurs chiffres dont on dispose sur le matériel sur pied et l'accroissement des forêts tropicales productives de la région se trouvent dans l'Inventaire forestier mondial, 1958 de la FAO. On estimait alors la superficie totale des terres boisées dans les pays en voie de développement à environ 2 250 millions d'hectares, dont un milliard peut-être sont constitués par des forêts tropicales productives. Cependant, 320 millions d'hectares seulement sont classés comme forêts permanentes, c'est-à-dire réservés pour la culture permanente des arbres.

Il ressort des estimations les plus sûres dont on dispose sur la production des forêts qu'environ 700 millions de mètres cubes de bois rond par an sont enlevés des forêts des pays en voie de développement (la plus grande partie sert de bois de feu). En fait, une grande partie de ce bois provient d'abattages non contrôlés, et souvent destructeurs, des forêts non réservées. Il est peu probable que ces forêts soient en mesure de supporter pendant longtemps de tels prélèvements.

Etant donné la situation et la nature des forêts naturelles dans la plupart des pays en voie de développement, leur exploitation comme source de bois d'œuvre et d'industrie est sujette à de fortes limitations. Même si l'on estime le volume de bois avec une ample marge d'erreur, cette marge se trouve très réduite du fait des quantités énormes de bois inutilisables pour des raisons techniques ou parce que le coût en serait prohibitif. Voici brièvement les principales causes de ces limitations:

1. La récolte est en général de composition très mélangée. Cette diversité pose de nombreux problèmes lors de la transformation industrielle. Elle rend une récolte globale extrêmement difficile, sinon impossible, et, même lorsque l'utilisation prévue n'interdit pas ce mode de récolte, l'hétérogénéité des essences entraîne parfois un premier tri coûteux des grumes avant transformation.

2. Les conditions actuelles de la technique et de l'économie sont telles que le nombre des essences normalement utilisables à des fins industrielles est relativement peu élevé (généralement le quart ou seulement le dixième). Aussi les opérations de récolte ne sont-elles pas menées de façon intensive, ce qui rend l'extraction coûteuse et bien souvent peu rentable.

3. Beaucoup des essences ne sont pas utilisées parce que le bois a des défauts auxquels il n'est pas facile de remédier. Peut-être finira-t-on par les éliminer, grâce à des traitements sylvicoles, mais cela prendra beaucoup de temps.

4. L'accès difficile. des régions principales de forêts productives reste un problème important. Des systèmes de transport du bois beaucoup moins coûteux (par exemple au moyen de pipelines) seront probablement mis au point, mais, au cours de la période qui nous occupe, de telles réalisations se feront vraisemblablement surtout dans les pays développés.

5. Enfin, les forêts tropicales de feuillus n'ont en général qu'un accroissement de volume lent. On a peu de données sur la question, mais il semble bien qu'en l'absence d'un traitement sylvicole intensif, l'accroissement annuel moyen de la plupart des forêts de feuillus de la zone tropicale humide ne dépasse guère 1 à 2 mètres cubes par hectare et par an. L'expérience montre qu'il est possible, avec des traitements sylvicoles appropriés, d'augmenter considérablement le taux d'accroissement, mais il reste à déterminer dans quelle mesure; en outre, cela nécessitera pas mal de temps. Même si l'accroissement devait quintupler, on serait bien loin encore de celui que l'on peut obtenir avec la plupart des essences de plantation à croissance rapide.

Avantages des plantations à croissance rapide

Les essences à croissance rapide présentent des avantages importants pour l'approvisionnement en bois ronds industriels.

1. Par un choix approprié des essences on peut obtenir une récolte homogène de bois convenant mieux, dans les limites des conditions de la station, pour les fabrications désirées. Les plantations permettent d'exercer un contrôle étroit sur la nature et la qualité du bois en tant que matière première, et de récolter tous les arbres cultivés. Ce sont là des avantages extrêmement importants, le premier surtout, si les procédés de transformation sont complexes, alors que le caractère hétérogène de la forêt tropicale naturelle de la zone humide est toujours une cause de difficultés et de dépenses supplémentaires.

2. Pour ce qui est de l'accroissement, certaines plantations d'eucalyptus (bois de feu) d'Afrique, en rotations courtes (6 à 8 ans), auraient un accroissement annuel moyen de plus de 50 mètres cubes à l'hectare et par an, que l'on peut comparer avec les chiffres indiqués précédemment pour la forêt tropicale de feuillus. Mais seule une station extrêmement favorable permet un tel accroissement et, la plupart du temps, les chiffres sont nettement inférieurs. Pour des plantations d'eucalyptus (bois de pâte et pieux), on peut se baser sur les chiffres suivants: 20 à 30 mètres cubes par hectare et par an en Amérique du Sud, et 15 à 23 mètres cubes par hectare et par an en Afrique tropicale; dans des sites arides, l'accroissement serait plus faible encore et pourrait tomber à moins de 10 mètres cubes par hectare et par an. Pour les essences de pins et de Cupressus à croissance rapide, cultivées pour le bois d'œuvre, un chiffre compris entre 12 et 17 mètres cubes par hectare et par an représenterait une moyenne raisonnable. Pour les feuillus (bois d'œuvre) comme le teck, il est rare que l'accroissement dépasse 10 mètres cubes par hectare et par an, sauf dans des stations vraiment excellentes. Dans ces conditions, les plantations d'essences à croissance rapide appropriées permettent d'obtenir en quantités substantielles des grumes de sciage de dimensions acceptables à partir de 20 ans, et du bois à pâte à partir de 10 à 12 ans.

3. Le caractère homogène de la récolte et le taux élevé d'accroissement que permettent d'obtenir les essences à croissance rapide en plantations font que le rendement à l'hectare en bois récoltable est extrêmement élevé. Cela peut être très intéressant pour des pays qui n'ont guère de terres pour la production alimentaire ou pour la colonisation, ou n'ont que peu de bonnes terres susceptibles d'être plantées. En outre, le coût de la protection et du contrôle s'en trouve diminué. A la récolte, le rendement élevé à l'hectare et l'uniformité du bois permettent aussi d'abaisser le coût unitaire du bois extrait.

4. A condition de disposer de terres convenables, les plantations donnent, du point de vue de l'aménagement, la possibilité de situer la source de matières premières et l'usine de transformation par rapport aux marchés et par rapport l'une à l'autre, dans des conditions optimales de rentabilité.

5. Enfin, les plantations d'essences à croissance rapide peuvent constituer des entreprises financières rémunératrices. Les données publiées jusqu'à présent ne sont pas très nombreuses mais on signale des cas où le rapport du capital investi s'est élevé jusqu'à 12 et 15 pour cent pour les deux premières révolutions, ce qui, sans parler de tous les avantages indirects impondérables, peut être considéré comme intéressant du point de vue strictement financier. En outre, l'Etat y gagne lui aussi: le supplément de recettes fiscales provenant de l'impôt sur les salaires et sur les bénéfices des industries fondées sur les plantations pourrait représenter encore 2 ou 3 pour cent de l'argent investi.

Bien que la raison principale pour laquelle il y a lieu de promouvoir les plantations forestières à croissance rapide soit leur intérêt économique, elles peuvent se justifier aussi du point de vue social car elles permettent d'utiliser la main-d'œuvre inemployée, de diversifier l'économie rurale, d'entraîner la création de coopératives puis l'implantation sur place d'industries utilisatrices du bois. Souvent, les méthodes de plantation sont déjà connues des collectivités rurales et le faible taux des salaires courants dans beaucoup de pays en voie de développement permet d'y produire du bois rond à bien meilleur marché que dans la plupart des pays avancés. Les plantations d'arbres offrent des possibilités de mener de front la recolonisation et la production alimentaire (taungya), et cela est important pour beaucoup de pays.

Pour toutes ces raisons, il est probable que l'on s'attachera de plus en plus aux possibilités offertes par les plantations d'essences à croissance rapide dans les pays en voie de développement. Cependant, malgré leurs avantagés non négligeables, les plantations sont plus exposées que les forêts naturelles à certains risques: maladies, attaques d'insectes, incendies, etc. Lorsqu'il existe des forêts naturelles, il faut les développer dans les limites qu'autorisent les facteurs économiques et l'utilité de la récolte, afin de se garantir contre les risques inhérents aux plantations.

Développement des plantations d'essences à croissance rapide

Rares sont les pays qui avaient, avant le début des années vingt, planté des superficies d'une certaine importance et dans la plupart des pays des plantations en grand n'ont été entreprises qu'au cours des vingt dernières années. Aussi, peu de ces plantations destinées à la production de bois d'œuvre donnent-elles dès maintenant des quantités appréciables de grumes de sciage.

Au début, on avait planté des arbres pour obtenir surtout des poteaux et du bois de feu, mais depuis quelques années on s'attache davantage aux plantations destinées à la production de bois d'œuvre et de bois industriels, bois à pâte par exemple. Aujourd'hui, rares sont les pays en voie de développement qui n'entreprennent ou n'envisagent pas un programme de plantations à ces fins.

Nous allons examiner maintenant les principales réalisations en matière de plantations, du point de vue de la superficie, de la répartition et des essences, et faire le point de la situation par rapport aux besoins futurs.

SUPERFICIE ET RÉPARTITION

D'après les renseignements dont on dispose, à la fin de 1964 la superficie des plantations d'essences à croissance rapide créées dans les pays en voie de développement atteignait en chiffres ronds environ 4,5 millions d'hectares. On trouvera des détails au tableau 1.

COMPOSITION

Le quart à peu près de ces plantations (environ 900 000 ha) est composé de résineux, les trois quarts (environ 3 500 000 ha) de feuillus.

Les principaux résineux sont les suivants, par ordre d'importance (les chiffres indiqués sont approximatifs): Pinus radiata (300 000 ha), Pinus patula (200 000 ha), Pinus merkusii (100 000 ha), Araucaria angustifolia (100 000 ha), Cupressus spp. (40 000 ha). D'autres résineux font l'objet de plantations assez importantes et un grand nombre de ces essences sont à l'essai dans presque toutes les régions.

Les principaux feuillus sont les suivants (par ordre d'importance): Eucalyptus spp. (1 300 000 ha), teck (1 000 000 ha), peupliers et saules (150 000 ha), acacias (150 000 ha).

Comme pour les résineux, beaucoup d'autres essences de feuillus ont été plantées en petites quantités et beaucoup font l'objet d'essais.

RENDEMENT ANNUEL ESTIMÉ

On ne peut guère plus qu'estimer très approximativement ce que pourrait être le rendement annuel total de ces plantations; elles présentent en effet de très grandes différences du point de vue de l'emplacement et du taux d'accroissement. Suivant les chiffres cités dans la section précédente, l'accroissement annuel moyen (jusqu'à l'âge de la récolte) de la totalité des plantations actuelles s'élèverait à environ 45 millions de mètres cubes. En d'autres termes, les plantations actuelles devraient permettre un rendement soutenu d'environ 45 millions de mètres cubes par an. Cela équivaut à près de la moitié des quantités de bois ronds industriels extraites actuellement chaque année des forêts (environ 108 millions de mètres cubes), mais une grande partie - peut-être les deux tiers - de la superficie des plantations de bois d'œuvre n'est pas encore en état d'être récoltée et ne contribue pas à l'approvisionnement actuel.

PROGRÈS ET BESOINS FUTURS

Comme on peut le voir dans le tableau 2, il faudrait, en 1975, environ 85 millions de mètres cubes de bois rond pour la pâte, les panneaux de particules et de fibres et pour les poteaux et autres bois de service. Nous l'avons vu, le bois nécessaire pourrait vraisemblablement être assuré par les plantations, mais il est impossible de faire une analyse valable des sources de matière première (forêts naturelles et plantations) sans déterminer par régions ou par districts le prix de revient net des quantités supplémentaires de bois.

Comme on l'a fait déjà remarquer, les plantations d'arbres à croissance rapide présentent un certain nombre d'avantages importants qui contrastent fortement avec les inconvénients de la forêt naturelle. Dans le tableau 3 on compare les besoins supplémentaires (par rapport à la consommation de 1959-61) et la production estimée des plantations existantes pour l'année 1975, ainsi que la production et les besoins en l'an 2000 dans l'hypothèse où se maintiendrait le rythme de plantation actuel,

Un premier coup d'œil aux colonnes 4 et 6 est encourageant. Mais peut-être n'y a-t-il pas lieu d'être aussi´ optimiste qu'on pourrait le croire à première vue. Tout d'abord, sur les 1,65 million d'hectares créés dans la région Asie-Pacifique (col. 6), plus d'un million consistent en plantations de teck, dont la production sera presque certainement transformée en sciages et contre-plaqués. Deuxièmement un pourcentage non négligeable - le tiers peut-être - des plantations actuelles est en âge de produire et contribue déjà à la consommation, et beaucoup d'autres plantations ont été créées sans qu'il soit tenu compte de leur emplacement par rapport aux marchés et aux usines de transformation; on peut donc se demander si elles sont accessibles dans des conditions économiques. Troisièmement, les essences choisies ne répondent pas toujours aux caractéristiques de la station, d'où réduction de leur taux d'accroissement; en outre, comme on n'a pas toujours tenu compte des propriétés de leur bois, les possibilités de les utiliser s'en trouvent diminuées. Quatrièmement, il n'est tenu compte, dans les estimations des besoins, ni de la possibilité de remplacer, en partie au moins, les 6 millions de mètres cubes de bois destinés aux produits de la pâte que les pays en voie de développement importent actuellement, ni des 2 millions de mètres cubes de bois qui pourraient servir pour les exportations de produits de la pâte, ni de la possibilité que la Chine continentale devra peut-être importer une partie du bois dont elle a besoin. D'autre part, il n'est pas possible de produire dans les pays en voie de développement toutes les quantités supplémentaires de bois qui sont nécessaires pour les produits spécialisés - et en particulier pour ceux dans la fabrication desquels les économies dimensionnelles sont fort importantes; en outre, tous les papiers et cartons ne sont pas fabriqués à partir du bois. On semble donc fondé à conclure que les plantations actuelles du tiers monde seront, dans la meilleure des hypothèses, tout juste suffisantes pour faire face aux besoins intérieurs probables en 1975 en ce qui concerne les papiers et cartons, les bois ronds et les panneaux de fibres et de particules. Il y a plus de chances pour que la production soit inférieure aux besoins, en particulier si l'on tient compte des marchés d'exportation et de la nécessité d'économiser les devises.

Si, voyant plus loin encore, on veut envisager la situation jusqu'à la fin du siècle, la comparaison des totaux des colonnes 8 et 9 du tableau 3 permet de conclure qu'à supposer un taux de plantation constant, ces boisements ne suffiront même pas à couvrir l'augmentation estimée de la consommation intérieure de papiers et de cartons. Cette conclusion se fonde sur l'hypothèse que toutes les quantités de papiers et cartons nécessaires seront fabriquées à partir de bois dans les pays en voie de développement, ce qui est d'ailleurs improbable. Mais on ne doit pas oublier d'autre part que, s'il est impossible d'estimer à l'heure actuelle les besoins supplémentaires pour l'an 2000 en ce qui concerne les autres produits qui ont le plus de chances d'être obtenus à partir des plantations d'essences à croissance rapide (par exemple bois ronds et bois destiné à la fabrication de panneaux de fibres et de particules), ces produits n'en constituent pas moins, ainsi qu'il apparaît au tableau 3, 40 pour cent environ des besoins supplémentaires pour 1975. Si l'on suppose que, d'ici l'an 2000, toute augmentation nouvelle des besoins en bois ronds et en bois destiné à la fabrication de panneaux de fibres et de particules sera compensée par un accroissement de la production des forêts naturelles et par une certaine utilisation d'autres matières premières, il ne suffit pas, semble-t-il, que l'ensemble du tiers monde maintienne le taux actuel de plantation pendant le prochain quart de siècle. Rien que pour maintenir le taux actuel de plantation, pendant le prochain quart de siècle, il faudrait encore que le tiers monde exécute un programme de plantation de l'ordre de plus de 8 millions d'hectares, dont 7 millions environ se répartiraient à peu près également entre l'Amérique latine et la région Asie-Pacifique, et plus de 1 million en Afrique. Pour atteindre de tels objectifs, il faudra utiliser beaucoup de terres qui ne sont pas jusqu'à présent considérées comme propres à être plantées, recourir à des essences nouvelles ou améliorées, mettre au point des techniques nouvelles ou en améliorer d'anciennes, approfondir énormément les connaissances sur le coût et les bénéfices de la production de bois et disposer de ressources importantes en techniciens et en crédits. Nous allons essayer maintenant d'examiner les problèmes qui peuvent se poser et la contribution qui pourrait être apportée en vue de les résoudre.

TABLEAU 3. - ESTIMATION DES BESOINS SUPPLÉMENTAIRES¹ EN BOIS BONDS EN 1975 ET POUR L'AN 2000 DANS LES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT EN VVE DE LA FABRICATION DE PAPIER ET DE CARTON, DE PANNEAUX DE FIBRES ET DE PARTICULES, DE L'UTILISATION COMME BOIS RONDS, DE LA SUPERFICIE ACTUELLE (1964) DES PLANTATIONS D'ESSENCES A CROISSANCE RAPIDE, DU RENDEMENT EN 1975, DU TAUX ACTUEL DE PLANTATION, ET DU RENDEMENT EN L'AN 2000

¹ Par rapport à la consommation annuelle moyenne 1959-61. - ² A noter que cette estimation a été limitée au groupe papier-carton, le seul pour lequel on puisse raisonnablement on faire pour un avenir aussi lointain. Elle repose sur l'hypothèse d'un accroissement moyen annuel de 2,6 pour cent pour la population et de 2 pour cent pour le revenu par habitant dans chaque région, et sur celle d'une consommation moyenne de 2,75 mètres cubes de bois rond par tonne de papier et de carton dans chaque région.

Importants progrès récents des connaissances et des techniques

Nous allons maintenant passer brièvement en revue les principaux progrès réalisés ces dernières années en ce qui concerne les connaissances relatives aux essences à croissance rapide ainsi que les techniques de création et d'aménagement des plantations.

Dans les pays en voie de développement, beaucoup d'autorités forestières étant maintenant mieux en mesure, grâce aux inventaires, études des tendances en matière de bois d'œuvre, etc., d'apprécier les besoins, elles peuvent aussi se rendre mieux compte de ce qu'il faudra demander, quantitativement et qualitativement, à la foresterie de plantation.

Comme il fallait éviter les dangers inhérents à la monoculture et étendre les plantations à de nouveaux sites, on a été amené à utiliser et à expérimenter un plus large assortiment d'essences. De là, le perfectionnement des méthodes d'essais, un choix plus sévère des essences et l'importance attribuée à la provenance On a mieux compris aussi l'intérêt qu'il y avait à utiliser des graines provenant de semenciers sélectionnés et d'origine connue, et les possibilités d'améliorer le volume et la qualité du bois produit par la sélection génétique.

A mesure que l'on gagnait de l'expérience en fait de plantations et que s'accumulaient les preuves de l'influence de la station sur le comportement de l'arbre. on comprenait mieux l'importance d'un choix attentif du site avant la plantation. C'est pourquoi on s'est occupé beaucoup ces dernières années de l'évolution des méthodes d'évaluation et de classification des sites du point de vue de la productivité, et l'on a acquis une meilleure connaissance des exigences de station des différentes essences. Il faut dire toutefois que, sur ce point, les progrès ont été en général inférieurs à ce qui a été réalisé pour d'autres aspects du choix de la station.

Depuis quelques années on comprend mieux l'intérêt d'une bonne préparation du terrain avant la plantation notamment par un labour profond et un sous-solage, surtout dans les stations arides et lorsque le système taungya est inapplicable, et l'on mécanise de plus en plus les défrichements et les labours d'entretien. Il y a eu aussi des progrès quant à la production des plants et l'on obtient maintenant des sujets plus rustiques et plus vigoureux.

Les recherches en matière d'entretien des plantations (désherbage, éclaircies et élagage) et de travail du sol après la mise en place ont mis en évidence les effets bienfaisants de ces opérations.

Nous avons aussi amélioré utilement nos connaissances sur les ennemis, les maladies et les incendies, qui sont à craindre dans beaucoup de plantations, et sur la manière de les combattre.

Dans le domaine de l'utilisation, des progrès ont été réalisés en ce qui concerne les qualités d'usinage de plusieurs essences, notamment pour la réduction en pâte et, quant aux propriétés mécaniques, la résistance du bois, suivant les classes d'accroissement et d'âge. Les techniques d'usinage des grumes d'essences à développement rapide se sont améliorées, mais il reste encore beaucoup à apprendre sur ce chapitre.

Enfin, on connaît un peu mieux la question du rapport coût/bénéfice pour diverses opérations mais, dans l'ensemble, ces connaissances sont encore plutôt minces. Cela est d'autant plus singulier et regrettable si l'on considère l'importance des investissements engagés dans des plantations ou des projets de plantations.

Besoins et problèmes demeurés sans solution

En dépit de ces progrès sur le plan théorique, les applications pratiques demeurent fort inégales. Il reste beaucoup de lacunes à combler et de problèmes à résoudre, que l'on pourrait grouper en huit rubriques principales: planification, mesures institutionnelles visant à encourager les plantations, extension des plantations à de nouvelles régions, choix d'essences nouvelles et amélioration des essences actuellement utilisées, amélioration des techniques d'entretien, protection, utilisation et enfin économie, qui est loin de mériter le dernier rang pour son importance et dans l'ordre des priorités.

PLANIFICATION

Une condition essentielle de toute planification est la définition, aussi nette et aussi précise que possible, des objectifs de production (définition qualitative et quantitative) et des zones dans lesquelles on se propose de les atteindre. Ces plans devront par conséquent se fonder sur une évaluation aussi exacte que possible:

a) Des besoins futurs en bois ronds et des possibilités de créer des industries;
b) Des ressources forestières actuelles et de leur potentiel;
c) Des terrains qui se prêteraient à la plantation;
d) Des ressources en cadres et en techniciens.

Cependant, pour un certain nombre de pays, on n'est bien renseigné que sur le point d) et pour le moment, les plantations se font par bribes et sans objectif général bien défini. Le plus pressé est donc que les pays en voie de développement examinent quels sont leurs besoins futurs en bois ronds, les possibilités de créer de nouvelles industries forestières et les moyens d'alimenter celles-ci. Un obstacle sera parfois la pénurie de spécialistes capables de rassembler et d'évaluer les données de base et il faudra bien souvent demander l'aide d'organismes étrangers.

MESURES INSTITUTIONNELLES

Même lorsque sont remplies les conditions économiques et qu'existent les solutions techniques permettant de mener à bien un programme de plantation, il faut souvent surmonter des obstacles d'ordre institutionnel et structurel inhérents au régime foncier ou aux droits d'usage. Ainsi, par exemple, les plantations à bois d'œuvre sont souvent dues à l'initiative privée. Deux principaux problèmes doivent alors être réglés par des moyens institutionnels: d'une part, faire parvenir jusqu'au planteur les connaissances appropriées d'ordre économique et technique et d'autre part, lui donner des encouragements suffisants. Parmi les moyens institutionnels permettant de stimuler l'intérêt des particuliers, citons la création de coopératives de plantation ainsi que les contrats de participation aux coûts et aux bénéfices, les exonérations fiscales et les facilités de crédit. C'est en grande partie à des mesures institutionnelles de cet ordre que l'on doit la réussite des programmes de plantation entrepris dans plusieurs pays (Argentine, Chili, Equateur).

EXTENSION DES PLANTATIONS A DES ZONES NOUVELLES

A mesure que les sites les plus favorables au boisement sont occupés par des plantations, le forestier rencontre de plus en plus la concurrence d'autres utilisations du sol - pour la production alimentaire, etc. il doit alors se tourner vers des terrains complètement négligés jusque-là. Mais dans ces nouvelles zones, les risques seront plus grands, les investissements plus importants et les bénéfices moins élevés; à moins que des techniques nouvelles ne soient mises au point afin de résoudre les problèmes posés par le milieu nouveau. Il importe donc d'étendre les recherches sur les problèmes posés par la création de plantations d'essences à croissance rapide dans les zones sèches et généralement de faible altitude (y compris les zones de forêt ombrophile dans les plaines), et, partout où la création de barrages à fins multiples permet l'irrigation, sur les problèmes des plantations d'arbres irrigués. Il faudrait étudier tout particulièrement l'emploi des engrais et l'utilisation forestière des terrains qui, devenus trop salés, ont été abandonnés par l'agriculture. Les recherches en cette matière seront longues et il faudrait les commencer sans attendre.

RECHERCHE D'ESSENCES APPROPRIÉES

Deux des principaux groupes auxquels il est probable que l'on s'intéressera beaucoup sont les eucalyptus de la zone sèche et les résineux des terres basses de l'Amérique centrale et du Mexique. Beaucoup de ces essences se trouvent dans des régions éloignées et ne sont pas utilisées commercialement. Il sera souvent assez difficile de s'en procurer des graines, même en petites quantités pour les essais. On pourrait, par exemple, former des équipes régionales pour la récolte des graines, financées en commun ou par un organisme extérieur; on pourrait encore adjoindre aux centres régionaux ou nationaux de recherches sylvicoles une section chargée de la récolte et de la distribution des graines. En dernier ressort, la solution serait que les pays intéressés créent des peuplements des semenciers, dans lesquels seront cultivés les porte-graines d'espèces et de provenances sélectionnées. Un très petit nombre seulement de pays en voie de développement l'ont fait jusqu'à présent, mais certains commencent. Il faudra, dans ce domaine, faire preuve de beaucoup plus de dynamisme.

Un autre aspect de la sélection des essences qui nécessite encore bien d'autres travaux est l'amélioration génétique des arbres pour le comportement et les propriétés. Depuis quelques années, les pays en voie de développement s'intéressent davantage aux possibilités offertes à cet égard par la sélection, mais cet intérêt ne s'est guère concrétisé sous forme de recherches, sauf dans quelques pays. Il serait très souhaitable que les recherches s'intensifient sur cette question de l'amélioration génétique des arbres, mais elles nécessitent du personnel spécialisé que devront fournir dans bien des cas des organismes étrangers.

AMÉLIORATION DES TECHNIQUES D'ENTRETIEN

L'entretien des plantations demande en général beaucoup de main-d'œuvre. Dans les zones arides, les opérations de culture et de désherbage doivent, en général, s'effectuer surtout pendant la période des pluies, qui est relativement brève. Sauf dans quelques pays, la création et l'entretien de plantations, à l'échelle envisagée, poseront probablement de graves problèmes de main-d'œuvre, en particulier dans les parties les plus sèches où la population est en général moins dense. Il faudra donc nécessairement mécaniser le plus grand nombre possible d'opérations: principalement défrichement du terrain, labours et désherbage. L'utilisation des méthodes mécaniques dans les plantations forestières est encore à ses débuts dans les pays en voie de développement et, du fait que des méthodes valables dans un pays ou dans des conditions données ne le sont pas nécessairement dans d'autres, les pays qui envisagent des plantations de quelque importance mais qui n'ont aucune expérience pratique des méthodes mécanisées, doivent entreprendre des recherches aussi vite que possible. Mais certaines opérations exigent du matériel lourd et coûteux (gros tracteurs, débroussailleuses, charrues pour labour profond, etc.), et il ne sera pas aisé de résoudre les difficultés financières qui surgiront.

Il faudra encore beaucoup de recherches sur d'autres techniques relatives à l'entretien des plantations: désherbage, éclaircissage, élagage, application des engrais, irrigation, et tout particulièrement sur le rapport coût/bénéfice.

PROTECTION DES PLANTATIONS

Des recherches incessantes sont nécessaires pour assurer une protection plus efficace des plantations contre les insectes, les maladies, le feu et autres calamités. Le problème fondamental réside dans la nécessité de coordonner les travaux et les programmes de recherche en vue d'un effort de lutte commun, en veillant surtout à ce que les méthodes de lutte soient portées à la connaissance de tous les intéressés et mises en pratique.

MEILLEURE UTILISATION DU PRODUIT

Il est de plus en plus urgent que nous étendions nos connaissances sur les qualités d'usinage de nombreuses essences à croissance rapide afin de mieux en tirer parti, soit en leur trouvant d'autres possibilités d'utilisation, soit en perfectionnant les techniques de transformation.

Quant au premier point, il existe déjà une bonne documentation sur quelques essences actuellement très utilisées en plantations, par contre nos connaissances paraissent assez limitées sur beaucoup d'autres qui pourraient l'être aussi. De même, il faut poursuivre les recherches sur l'influence de la station, de l'âge, des taux de croissance et des pratiques d'entretien sur les propriétés du bois d'œuvre.

Quant à l'amélioration de l'utilisation des bois de plantation, le plus important, étant donné le très grand pourcentage de la superficie totale planté en eucalyptus et l'importance de la demande future de sciages, est probablement la mise au point d'une méthode permettant de convertir en sciages, sans pertes excessives ((dues aux fentes, au gauchissement et au flambage), les grumes de jeunes eucalyptus à croissance rapide. Etant donné la contribution que les eucalyptus, du fait de leur taux d'accroissement très rapide, pourraient apporter à la satisfaction des besoins futurs en bois, il serait extrêmement intéressant de trouver une solution à ce problème.

Un autre problème qui exige d'être résolu dans certains pays est celui des autres utilisations à trouver pour certaines essences de plantation à croissance rapide. Dans un assez grand nombre de cas, des superficies appréciables ont été plantées en vue d'obtenir du bois de feu ou des poteaux, ou de l'écorce d'acacia, produits dont la demande a diminué et ne donne pas de signes de reprise.:

Le troisième problème est celui du traitement en vue de la préservation des essences à croissance rapide dont le bois est utilisé dans les zones tropicales où abondent les termites et autres agents destructeurs du bois.

Pour résoudre ces problèmes, il faudra créer des centres de recherche en matière d'utilisation sur une base nationale, ou, dans certains cas, sur une base régionale.

ECONOMIE

C'est en matière d'économie que nos connaissances sur les essences à croissance rapide présentent les lacunes les plus frappantes. Ces lacunes concernent aussi bien les frais de plantation que l'incidence sur la rentabilité des diverses opérations et des modifications qui leur sont apportées. En règle générale, les plantations à croissance rapide exigent beaucoup de dépenses pendant les premières années pour la préparation du terrain, le désherbage et l'entretien; aussi, au moment de la récolte, le coût accumulé de ces dépenses, y compris les intérêts composés, peut-il être considérable, en particulier pour les récoltes de bois d'œuvre, dont la rotation est plus longue. C'est seulement dans certains pays développés que de nombreuses recherches ont déjà été effectuées dans ces domaines.

Un autre point sur lequel il faut encore être mieux informé est celui de la rentabilité des plantations d'essences à croissance rapide, d'une part en ce qui concerne le rapport de l'argent investi, et d'autre part du point de vue de l'économie nationale dans son ensemble. Pour arriver à convaincre l'Etat ou d'autres organisations d'investir dans de telles plantations, il faut leur prouver que ces plantations sont profitables, et, dans bien des cas, qu'elles le sont plus que si la terre était utilisée à d'autres fins. Pour ce qui est de l'économie nationale, les plantations peuvent aussi être la source de gains importants, grâce aux économies qu'elles permettent de réaliser sur les importations et le fret, aux recettes en devises et aux nouvelles possibilités d'emploi.

Le manque de connaissances en ces domaines s'explique par deux raisons: dans la plupart des pays en voie de développement, presque toutes les plantations - tout au moins celles qui sont utilisées pour la production de bois d'œuvre - ne sont pas encore parvenues à un âge tel que l'on dispose de chiffres finals sur la récolte et sur les bénéfices; en outre, rares sont les pays en voie de développement qui disposent de spécialistes de l'économie forestière pour entreprendre les recherches nécessaires. Néanmoins, un grand nombre de ces pays effectuent actuellement ou se proposent d'effectuer dans les plantations des investissements si substantiels qu'il est absolument nécessaire d'obtenir d'urgence plus de renseignements dans les domaines généraux mentionnés.

TABLEAU 4. - CLASSIFICATION DE QUELQUES PROJETS FONDS SPÉCIAL DES NATIONS UNIES/FAO (FIN 1964) ET DE QUELQUES MISSIONS FAO D'ASSISTANCE TECHNIQUE (1965/66) INTÉRESSANT LES POINTS DISCUTÉS DANS CET ARTICLE

 

Plantations¹

Aménagement forestier²

Utilisation et industries

Projects relatifs à l'éducation, à la formation, aux institutions

Total

Pourcentage

Interrégional

1

1

-

-

2

Afrique

10

7

6,5

4

27,5

Asie-Pacifique

8

4

4

1

17

Amérique latine

³17

³11

9

³4

41

Proche-Orient.

6, 5

4

-

³2

12, 5

TOTAL

42, 5

27

19,5

11

100

¹ Y compris études sur les possibilités de réalisation des inventaires et sur la commercialisation. - ² Y compris projets relatifs au boisement, à la sylviculture, à l'aménagement des bassins versants et des parcours, à la faune sauvage, a la protection des forêts et au débardage. - ³ Y compris une étude interrégionale.

Assistance technique

Pour conclure, nous examinerons brièvement ce que fait la FAO, par l'intermédiaire de sa Division des forêts et des produits forestiers, pour aider à résoudre ces problèmes et à combler ces lacunes et comment elle propose de développer cette aide par des programmes d'aide multilatérale ou bilatérale.

ASSISTANCE ACTUELLE

Il serait impossible de donner ici une liste complète des divers projets intéressant la question traitée dans cet article, réalisés sur le terrain, en cours de réalisation ou en programme, avec l'assistance de la Division dès forêts et des produits forestiers de la FAO, au titre PEAT, du Fonds spécial ou d'autres sources de financement. On pourra toutefois, en examinant le tableau 4 ci-après, avoir une idée de la portée et de l'importance de ce qui se fait actuellement.

Ainsi, on verra que le plus gros effort d'assistance porte maintenant sur la planification, ce qui est tout à fait normal étant donné que les pays en voie de développement sont sans doute moins à même, faute d'un personnel expérimenté, d'entreprendre ce genre de travail.

Géographiquement parlant, le principal effort est dirigé sur l'Amérique latine, et cela fort heureusement, car c'est dans ce continent plus que partout ailleurs, que la demande future paraît devoir dépasser les disponibilités (voir tableau 3). Mais si l'on considère l'étendue et la situation complexe de la région Asie-Pacifique et de l'Afrique, on peut s'étonner que ces pays n'aient pas demandé plus d'assistance. Il faut dire cependant que le tableau 3 reflète bien la situation générale au moment présent, mais que si certains projets n'y figurent pas, c'est sans doute parce que les problèmes qu'ils seraient appelés à résoudre ne se. sont pas posés dans ces pays ou encore qu'ils sont à l'étude.

En dehors de ses interventions sur le terrain, la FAO donne aussi son assistance par son programme ordinaire, notamment en rassemblant et en disséminant des informations, par des conseils en matière de recherche et sur les problèmes qui lui sont soumis, en aidant les intéressés à se procurer des semences. Par exemple, quant au premier point, on peut citer les diverses monographies publiées sur les essences à croissance rapide à utiliser en peuplements artificiels et sur les méthodes d'établissement de ces plantations, les consultations, conférences, colloques et voyages d'étude organisés par la FAO.

Dernière remarque

Dans cet article, nous avons mis en évidence la demande et l'offre futures, telles qu'on peut les prévoir, dans les pays en voie de développement, nous avons souligné les avantages de la forêt artificielle sur la forêt naturelle pour la production économique de quantités homogènes de bois rond, enfin nous avons indiqué quelques possibilités de développer ces plantations forestières dont le besoin se fait urgent.

Malheureusement, beaucoup de personnes se sont méprises sur ce terme «plantations d'essences à croissance rapide» et s'imaginent qu'à bref délai certaines essences cultivées dans certaines conditions de milieu résoudront les difficultés de leurs pays et leur permettront de réaliser leurs programmes d'exportation. Il faut bien les détromper. La foresterie de plantation existe depuis des siècles, seulement, les techniques modernes et le progrès scientifique ont ouvert une nouvelle sphère à l'activité forestière. Ces plantations peuvent effectivement donner de gros profits, mais elles exigent de grandes connaissances techniques et de forts investissements de capitaux. Une plantation forestière doit être préparée sur un programme précis, réalisée et administrée suivant les principes d'une entreprise moderne commercialement compétitive.


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