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Importance de la conservation du bois en pays tropical

J. SWIDERSKI

Parmi les domaines d'action prioritaires désignés par le Directeur général de la FAO, la lutte contre le gaspillage est l'un des plus importants.

Le gaspillage - c'est-à-dire la perte de produits qui pourraient être utilisés de façon rentable ou leur mauvais emploi - est en effet un luxe que même les pays les plus riches ne pourront plus se permettre longtemps; dans les pays jeunes, il freine le développement et compromet le progrès. Dans la foresterie, le gaspillage intervient à tous les stades, depuis la plantation et l'aménagement de la forêt jusqu'à la transformation industrielle du bois et l'utilisation du produit fini, en passant par l'abattage, le débardage et le transport.

A cet égard, les champignons et les insectes qui abîment le bois sont particulièrement redoutables. Il existe des techniques de préservation du bois qui permettraient souvent d'éviter ces pertes: encore faudrait-il pour cela que la gravité du problème soit reconnue.

La Division des forêts et des industries forestières a toujours insisté sur l'importance de la préservation du bois. Le texte ci-après est celui de la conférence prononcée par le Chef de la Sous-division des industries forestières et de l'utilisation devant le Séminaire international sur la préservation du bois dans les pays tropicaux, organisé en septembre/octobre 1967 sous les auspices conjoints de la FAO, de l'IUFRO et de la Deutsche Stiftung fur Entwicklungslander, à Feldafing près de Munich.

Si la préservation du bois revêt tant d'importance dans les pays tropicaux cela tient non seulement au volume considérable en jeu mais aussi au fait qu'entre 1961 et 1975 la consommation de bois de ces pays s'accroîtra trois fois plus vite que celle du reste du monde.

En outre, sous les tropiques, des facteurs climatiques et biologiques confèrent à la préservation du bois une importance particulière. En effet:

1. Il existe, dans ces pays particulièrement, un grand nombre d'espèces d'insectes et de champignons ennemis du bois.

2. La chaleur et l'humidité facilitent et accélèrent la décomposition du bois.

3. Parmi la grande diversité des essences tropicales, seul un nombre limité sont naturellement durables. (Aux Philippines par exemple, sur 3 500 espèces forestières moins de 10 pour cent seraient durables sans traitement.)

4. Les circuits de distribution, depuis la forêt tropicale jusqu'à l'utilisateur du bois, s'étendent généralement sur des distances relativement grandes et le bois est constamment menacé par les insectes et les champignons, même une fois mis en place.

Ces quatre considérations font que des traitements de préservation du bois sont indispensables à un développement approprié de l'utilisation du bois sous les tropiques. Cependant, dans la plupart des pays tropicaux le volume de bois effectivement traité est limité. Dans certains cas, il n'existe pratiquement pas d'installations pour le traitement; lorsqu'elles existent, elles se développent trop lentement par rapport aux besoins.

Consommation de bois et économies possibles

On trouvera au tableau 1 une estimation de la consommation de bois rond (poteaux, pilotis et pieux) et de sciages dans les pays tropicaux en 1966.

TABLEAU 1. - ESTIMATION DE LA CONSOMMATION DE BOIS ROND (POTEAUX, PILOTIS ET PIEUX) ET DE SCIAGES DANS LES PAYS TROPICAUX EN 1966

 

Quantité

Estimation de la valeur

Millions de m3 (s)

Millions de m3 ®1

Millions de dollars

Bois rond

40

40

480

Sciages

30

54

1 650

TOTAL

70

94

2 130

1 Equivalent en bois rond (estimation).

Dans ces chiffres n'est pas compris le bois utilisé pour la fabrication de panneaux tels que les placages, contre-plaqués, panneaux de fibres et panneaux de particules. On estime que la consommation annuelle de panneaux dérivés du bois dans les pays tropicaux s'élève actuellement à 1,6 million de m3 et qu'elle doublera d'ici 1975. Là aussi des traitements de préservation seraient très importants; mais la question n'est pas traitée ici parce que les conditions techniques et économiques ne sont pas les mêmes que pour le bois plein.

Selon les estimations, la consommation totale de bois rond et de sciages dans les pays tropicaux s'élevait à environ 94 millions de m3 (équivalent bois rond) en 1955; la valeur des produits finis était d'environ 2100 millions de dollars. Ce dernier chiffre indique bien l'ordre de grandeur de l'enjeu. Quelle part aurait pu en être économisée si le bois avait été convenablement traité et préservé? La réponse varie selon les catégories de bois, selon les espèces et selon les pays, ainsi que selon les techniques de préservation adoptées et les applications finales du bois. S'il est difficile de répondre avec quelque précision, il faut tenter du moins une approximation pour évaluer l'ordre de grandeur du problème et donner une réponse quantitative à la question suivante: quelle est l'importance réelle de la préservation du bois dans les pays en voie de développement des régions tropicales.

Selon des calculs approximatifs, chaque fois que un pour cent du bois utilisé dans les pays tropicaux est traité sous pression on économise 75 millions de dollars en le rendant plus durable, prolongeant ainsi son utilité. En face de ce chiffre, le coût de la préservation (environ 7 millions de dollars) est dérisoire: tout dollar dépensé pour la préservation permet d'économiser plus de 10 dollars en prolongeant la période d'utilisation du bois.

On trouvera au tableau 2 certaines estimations illustrant l'importance économique de la préservation du bois dans les régions tropicales.

TABLEAU 2. - INDICES DE L'IMPORTANCE ÉCONOMIQUE DE LA PRÉSERVATION DU BOIS DANS LES RÉGIONS TROPICALES

Bois en contact avec le sol

Pourcentage

Coût moyen du bois sans traitement 1

100

Coût moyen du traitement sous pression 2

25-35

Coût des investissements pour le traitement sous pression 3

0,8-1,2

Estimation de l'économie résultant de la prolongation de l'utilisation du bois traité 4

66-72

1 Essences secondaires non exportables ou qualités non exportables de feuillus mélangés, en Malaisie et au Nigeria. - 2 Traitement d'un pieu de clôture; dose retenue de produits de préservation appliquée sous pression 12 g/dm3. - 3 On admet que l'installation pour le traitement sous pression (longueur 40 m, diamètre 1,24 m) nécessite environ 17 000 dollars d'investissements pour une capacité de 18 m3/jour; la période d'amortissement est évaluée à 10 ans. - 4 On admet que le pieu dure environ 2 ans sans traitement et environ 10 ans avec traitement.

En raison de l'évolution prévue de la consommation de bois la préservation est plus importante encore dans les pays tropicaux que dans le reste du monde. Selon l'étude de la FAO Le bois, tendances et perspectives mondiales1, la consommation des catégories de bois utilisés comme bois rond et pour les sciages (tableau 3) dans les régions tropicales augmentera de 70 pour cent entre 1961 et 1975, tandis que pour le reste du monde le taux correspondant ne dépasse pas 22 pour cent.

[1 Unasylva, Vol. 20 (1-2), Nos 80-81, 1966.]

FIGURE 1. - Installation typique d'imprégnation par le vide et sous pression conçue pour les conditions tropicales.

FIGURE 2. - Amélioration de l'habitat dans le cadre du, programme de logement à bon marché de Kampong Selut.

· Les maisons, en bois imprégné, ont été construites par le City Council de George Town, Malaisie.

· Baraques rudimentaires.

TABLEAU 3. - ESTIMATION DE LA CONSOMMATION DE BOIS ROND (POTEAUX, PIEUX ET PILOTIS) ET DE SCIAGES DANS LES PAYS TROPICAUX EN 1960-62 ET EN 1975

 

Total mondial

Pays tropicaux

1960-62

1975

1960-62

1975

(s)

®

(s)

®

(s)

®

(s)

®

Millions de m3

Bois rond

188

188

185

185

33

33

54

54

Sciages

346

623

427

769

18

45

43

79

Total

534

811

612

954

51

78

97

133

Comme l'indique le tableau 3, la consommation de bois rond et de sciages passera probablement; de plus de 800 millions de m3 (équivalent bois rond) en 1961 à plus de 900 millions de m3 en 1975 tandis que dans les pays tropicaux elle passera de 78 à 133 millions de m3.

On sait que les pratiques de préservation du bois dans les pays tropicaux sont loin de répondre aux besoins réels. Les objectifs qu'il convient de fixer à l'expansion de cette activité varient bien entendu d'un pays à l'autre. Par exemple, si l'on se fixe pour objectif 5 pour cent en moyenne de la consommation actuelle de l'ensemble des régions tropicales, les économies atteindraient 400 millions de dollars; si l'objectif était de 25 pour cent l'économie pourrait dépasser 2 milliards de dollars pour un coût dix fois moindre: c'est là un chiffre qui fait réfléchir.

Dans ces calculs approximatifs, on n'a pu tenir compte de tous les facteurs en jeu tels que:

Avantages supplémentaires résultant du fait que les éléments en bois doivent être remplacés moins souvent.

Prévention des avaries que peut provoquer l'altération du bois non traité dans des charpentes, installations, etc.

Effet exercé sur la consommation totale de bois par la prolongation de la durée d'utilisation de bois traité.

Incidences des quantités relativement importantes de bois qui n'entrent jamais dans le secteur commercial et n'ont guère de chance d'être traitées.

Mais pour faire intervenir tous ces éléments dans des calculs approximatifs, des études approfondies, basées sur des données beaucoup plus nombreuses que celles dont on dispose actuellement, sont nécessaires. Indubitablement, des études économiques de ce genre, prenant en considération les rapports complexes entre tous les facteurs en jeu, devraient être effectuées à l'avenir par les divers pays, surtout dans les régions tropicales. Pour l'instant toutefois, les approximations citées plus haut suffisent à indiquer l'ordre de grandeur du problème.

Intérêt économique de la préservation du bois; exemples de méthodes de traitement et de capacité des installations

L'intérêt économique de la préservation du bois est démontré de façon convaincante par la prolongation de la durée d'utilisation à la suite de traitement sous pression à la créosote ou aux sels. Pour les traverses de chemin de fer, la durée d'utilisation n'est que de 5 à 6 ans sans traitement, et de 20 à 25 ans avec traitement; pour les poteaux de transmission, elle est de 4 à 6 ans sans traitement et de 30 ans avec une imprégnation adéquate; les bois de mine durent 2 à 3 ans sans traitement et jusqu'à 20 ans ou même plus avec traitement; pour les tours de refroidissement, la durée d'utilisation est d'environ 10 ans sans traitement et de 25 à 30 ans avec un traitement sous pression approprié.

Des renseignements sur le coût et l'efficacité des traitements de préservation dans des cas déterminés se trouvent épars dans la littérature technique. En Inde, par exemple, on signale que pour les poteaux de transmission, les traverses de chemin de fer et les bois de construction le traitement de Pinus roxburghii accroît d'environ 20 pour cent le prix de revient, mais multiplie par 4 à 8 la durée d'utilisation. La dépense annuelle par tonne de bois est de 2,5 à 3,5 fois moindre que pour le bois non traité.

Une autre source indique que, pour les résineux, le coût de la préservation dans une région tempérée représente 1/5 à 1/6 du coût final du bois mais que le traitement triple la durée utile du bois.

Dans l'immédiat un progrès de la préservation du bois dans les pays tropicaux permettrait de réduire les pertes considérables. Rares sont les renseignements et les chiffres sur les économies que permettrait la préservation, mais on a des données sur les pertes en l'absence de traitement.

Aux Etats-Unis, les insectes, la pourriture et les xylophages marins provoqueraient des pertes estimées à 500 millions de dollars par an. Les statistiques indiquent que le traitement des traverses a permis d'économiser sur l'ensemble du réseau ferroviaire des Etats-Unis 129 millions de dollars par an pendant la période de 52 ans qui va de 1898 à 1949. Aux îles Hawaii, les réparations des dégâts causés par les termites coûtent selon les estimations officielles 3 millions de dollars par an. En Norvège, selon une estimation citée lors de la Réunion sur la préservation du bois qui a eu lieu à Rome en 1959, les pertes annuelles de bois en service sont équivalentes au coût du traitement par imprégnation sous pression de l'ensemble de la consommation annuelle de sciages du pays. Le coût des pertes résultant du défaut de préservation est extraordinairement élevé par rapport au coût de la préservation. Comme on l'a indiqué plus haut, le coût moyen de la préservation du bois dans les pays tropicaux pourrait représenter de 20 à 30 pour cent environ du coût du bois et permettrait de quintupler la durée d'utilisation de ce bois.

En Suède, le coût du traitement s'élève selon les estimations à 25 pour cent environ du coût du bois et la prolongation de la durée est de l'ordre de 300 à 500 pour cent. Il y a dans le pays 4,5 millions de poteaux, dont le traitement sous pression à la créosote permet d'économiser chaque année 6 millions de dollars en prolongeant de 15 à 45 ans leur durée d'utilisation.

Pour les chemins de fer suédois, le traitement des traverses permet d'économiser 10 millions de dollars au moins par an. En outre, on économise sur les réparations; comme l'a observé un expert suédois c'est surtout du point de vue du consommateur que le traitement du bois est une bonne affaire.

Malgré les avantages considérables qu'apporte la préservation du bois, la quantité traitée dans la plupart des pays tropicaux reste extrêmement faible.

Aux Philippines, moins d'un pour cent du bois consommé est traité. Il en va de même en Thaïlande, où 16 000 m3 de bois seulement ont été traités en 1966 avant d'être utilisés pour la construction et pour les traverses de chemin de fer.

Dans bien des pays, la capacité de traitement est sous-utilisée. Ainsi, en Argentine, 250 000 m3 seulement ont été traités en 1966 (soit environ 4 pour cent de la consommation nationale de bois d'œuvre et d'industrie) alors que la capacité des installations est 2 fois et demie plus élevée. En Malaisie occidentale, les industries pourraient traiter 240 000 m3 de bois, mais la quantité traitée ne représente qu'une fraction de ce volume. En Indonésie, avec une capacité de 90 000 m3 par an, la production effective de bois traité est tombée, de 24 000 m3 en 1956 au volume négligeable et à peine plus de 1 000 m3 en 1964.

Dans les pays développés par contre, des volumes beaucoup plus importants sont traités. Par exemple, en Australie, on estime que sont traités chaque année 2 millions de m3, soit 50 pour cent de la consommation.

En Nouvelle-Zélande, 750 000 m3 de sciages ont été traités en 1966, soit 40 pour cent de la consommation, ainsi que 250 000 m3 de poteaux et bois de clôture, etc. Aux Etats-Unis, environ 7,2 millions de m3 de bois ont été traités avec des produits de préservation et des produits retardant la propagation du feu, soit 8 pour cent de plus qu'en 1964. Vingt-cinq pour cent de la consommation totale de bois de cette catégorie étaient des bois ronds. En Suède, 10 pour cent environ de la consommation actuelle de sciages et de bois rond sont traités. Selon certains experts suédois, 20 pour cent seraient un objectif raisonnable. Au Royaume-Uni, 10 pour cent de la consommation totale de sciages de résineux sont traités.

Ces exemples montrent que dans les pays tropicaux la proportion des bois d'œuvre et d'industrie traitée est bien inférieure à ce qu'elle est dans les pays développés, alors que ce devrait être le contraire.

Il faut aussi mentionner le bambou, matière première importante, largement utilisé pour la construction de logements. En Asie et en Extrême-Orient, on estime que la production pourrait atteindre 30 à 40 millions de m3 par an, mais la consommation actuelle n'atteint pas le quart de ce volume. Le bambou est normalement considéré comme un matériau non durable, utilisable pendant 3 à 5 ans tout au plus, mais des essais ont démontré qu'avec une imprégnation appropriée, dont le coût représente environ 30 pour cent de la valeur du bambou, celui-ci peut durer au moins 15 ans.

Effets de la préservation du bois dans certains domaines de l'économie nationale

AMÉNAGEMENT FORESTIER

La préservation du bois constitue un facteur important de la conservation des forêts. La prolongation de la durée d'utilisation du bois, notamment, réduit considérablement les prélèvements dans les forêts. En outre, la préservation rend plus rentables les opérations forestières en permettant de commercialiser les bois d'éclaircie ainsi que des essences pour lesquelles il n'y aurait pas de demande. L'utilisation de nombreuses essences indigènes après traitement approprié est un facteur essentiel pour assurer la rentabilité de zones forestières jusqu'à présent inexploitées. C'est pourquoi la promotion de la préservation du bois doit intéresser non seulement les industriels mais aussi les services forestiers.

EXPORTATION DE PRODUITS FORESTIERS

Un autre domaine dans lequel la préservation du bois peut avoir une importance particulière est celui des exportations de produits forestiers. Les efforts devront viser surtout à réserver aux marchés d'exportation les essences les plus durables et les plus précieuses, et à les remplacer sur le marché local par des essences moins durables mais ayant subi un traitement approprié.

Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Ainsi, en Indonésie, on utilise dans le pays même pour les traverses du teck non traité au lieu de bois moins durable traité. Diverses raisons particulières expliquent évidemment cette situation, mais il n'en reste pas moins que, dans la conjoncture indonésienne, il y aurait lieu de remplacer sur le marché intérieur le teck, qui est un important produit exportable, par des essences moins précieuses, moins durables, mais traitées de façon appropriée.

La préservation des produits du bois peut dans de nombreux cas être indispensable à la promotion des exportations. Ainsi depuis plusieurs années les bois de Malaisie sont immunisés avant d'être exportés vers les Etats australiens de la Nouvelle-Galles du Sud et du Queensland. Dans ces deux Etats en effet la loi exige que les bois d'importation soient immunisés contre les xylophages. Ce règlement n'est pas appliqué en Australie-méridionale ni dans le Victoria; mais le nombre croissant de réclamations concernant les bois infestés de xylophages imposera de traiter le bois pour conserver ce marché d'exportation. Trop souvent des échauffures qui auraient pu être évitées par un traitement de préservation réduisent la valeur des bois exportés bien que leurs propriétés de résistance ne soient pas affectées.

UTILISATION DES ESSENCES SECONDAIRES

On a souligné plus haut l'importance qui s'attache à conserver les essences durables pour l'exportation et à les remplacer par des essences moins durables mais traitées. Dans de nombreux pays, c'est absolument indispensable car les ressources de bois durables naturellement diminuent très vite. Par exemple aux Philippines les chemins de fer nationaux utilisent pour les traverses des espèces durables telles que ipil, molave et yakal, mais les réserves de bois de ces essences s'amenuisent la seule solution semble être de les remplacer par des essences secondaires traitées, si ce n'est par des matériaux autres que le bois.

En Malaisie, la situation est analogue: la réduction des disponibilités de bois durs, lourds et exempts de sève pour les traverses et la construction impose de les remplacer par des bois durs de densité moyenne ayant subi un traitement de préservation.

En Thaïlande, l'amenuisement des ressources fait monter les prix des essences durables ce qui stimulera la préservation des essences secondaires.

LOGEMENT

Un autre domaine important de l'économie nationale où la préservation du bois pourrait et devrait jouer un rôle de premier plan est le logement. Dans de nombreux pays tropicaux, on le sait, la crise du logement confère un intérêt spécial aux maisons préfabriquées. La pénurie de bois traité dans ces régions freine la diffusion de l'utilisation du bois pour le logement sous les tropiques.

Au Nigeria par exemple, où le bois coûte beaucoup moins cher qu'en Europe, les constructeurs préféreraient, dit-on, utiliser l'acier et le ciment parce qu'il n'y a pas de bois convenablement traités (c'est là une des raisons qui explique la consommation très faible de sciages dans ce pays: 6 m3 par millier d'habitants contre 180 m3 en Europe.)

FIGURE: 3. - Le toit de ces logements économiques de Dar es-Salaam, Tanzanie, est en bois imprégné au «Tanalith C».

FIGURE 4. - Pont en bois construit en 1936 par institut de la recherche forestière de Dehra Dun, Inde, pour essayer la durabilité du bois rond traité sous pression.

Si l'on considère qu'en moyenne 60 à 70 pour cent des sciages, des bois ronds et des panneaux dérivés du bois trouvent leur utilisation finale dans le logement et la construction et que dans les tropiques presque tout le bois utilisé à ces usages devrait être traité, l'importance cruciale de la préservation du bois devient manifeste.

Il convient de mentionner à cet égard le fait que la FAO en collaboration avec l'IUFRO et le Centre des Nations Unies de l'habitation, de la construction et de la planification, prépare une consultation mondiale sur le bois dans le logement et la construction et en particulier sur les logements à bon marché. Une part importante des travaux de cette consultation sera consacrée aux problèmes touchant la conservation du bois.

Conclusions

En résumé, les considérations suivantes mettent en évidence l'importance de la préservation du bois dans les pays tropicaux:

1. La grande variété d'insectes et de champignons nuisibles pour le bois dans les pays tropicaux constitue un danger beaucoup plus grave pour les bois utilisés dans ces régions que dans le reste du monde.

2. Dans les régions tropicales, la chaleur et la forte humidité atmosphérique font que le bois est particulièrement sujet à se décomposer - outre que de très nombreuses essences ne sont pas durables.

3. On prévoit que la consommation de sciages et de bois rond s'accroîtra considérablement dans les pays tropicaux entre 1961 et 1975. Le taux d'accroissement prévu - 70 pour cent - est plus de trois fois plus élevé que dans le reste du monde.

4. La valeur du bois consommé dans les pays tropicaux sous forme de sciages ou de bois rond représentait environ 2 100 millions de dollars en 1966. Une part considérable de ce montant pourrait être économisée chaque année si on développait le traitement du bois.

5. Le coût moyen des traitements de préservation peut représenter de 25 à 35 pour cent de la valeur initiale du bois; mais ces traitements permettent au moins de tripler à quintupler la durée d'utilisation.

L'investissement moyen nécessaire pour établir une installation de traitement du bois n'est pas très élevé (5 dollars par m3/an), de sorte que la capacité de traitement nécessaire peut être mise en place avec relativement peu de capitaux et dans des délais assez brefs.

6. Chaque fois que l'on dépense un dollar pour la préservation du bois, on en économise plus de dix en prolongeant la durabilité et, par conséquent, l'utilisation du bois.

7. La préservation du bois permet de réserver pour l'exportation les essences précieuses naturellement durables et de les remplacer, pour les utilisations intérieures, par des essences moins durables et ayant subi un traitement approprié. La préservation est indispensable pour les exportations de bois sujets à être endommagés par les champignons et les insectes.

8. Dans de nombreux pays où les ressources en essences naturellement durables s'épuisent, l'utilisation des essences secondaires ayant subi un traitement approprié est la seule façon de continuer à utiliser le bois pour la plupart de ses applications.

9. L'utilisation des essences secondaires grâce aux traitements de préservation permet d'intensifier et, par conséquent, de rendre plus rentables les opérations forestières. Elle est également un facteur important de la conservation des forêts et de l'expansion des opérations forestières dans des zones non encore accessibles économiquement.

10. De 60 à 70 pour cent du bois d'œuvre et d'industrie dans le monde trouvent leur utilisation finale dans le logement et la construction. Cela confère une importance particulière à la conservation du bois dans les pays tropicaux où les bois semi-durables et non durables utilisés à cet effet devraient être traités.

En définitive, il n'est pas possible d'étudier l'importance de la préservation du bois sans mentionner la nécessité de maintenir et d'affermir la confiance que suscitent les traitements de préservation du bois.

On peut citer de nombreux exemples de déboires dus à un traitement défectueux du bois dans les pays tropicaux; ces déboires sont l'un des principaux obstacles qui freinent l'expansion de l'industrie de la préservation. Il est très simple de dire que l'efficacité du traitement dépend de la profondeur de pénétration et de la rétention du produit de préservation, mais en pratique, on le sait, il n'existe pas deux essences ayant les mêmes propriétés ni même deux morceaux de bois de la même essence exactement identiques. Par conséquent la réponse du bois au traitement peut varier considérablement. Il incombera à l'industrie d'assurer l'efficacité maximale des opérations de traitement. Mais il incombe d'autre part au service forestier et aux autres autorités responsables de contrôler les activités dans le domaine de la préservation, de façon à éviter les échecs et à maintenir ou restaurer la confiance. C'est seulement de la sorte qu'il sera possible de prendre des mesures en vue de l'expansion de l'industrie de la préservation du bois.

A cet égard, on peut affirmer qu'une des tâches les plus urgentes doit être de convaincre les autorités compétentes dans chaque pays des nombreux avantages de la préservation du bois, en faisant appel à des faits et des chiffres d'ordre économique. Les chiffres cités dans le présent article sont par définition des approximations très grossières. Il faudra élaborer sur place à partir de l'expérience pratique des chiffres concrets concernant des pays déterminés. C'est là le seul moyen de convaincre les industries et les autorités gouvernementales de l'importance réelle et de la véritable utilité de la préservation du bois, ainsi que de la nécessité urgente de développer cette activité.


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