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La British Forestry commission, 1919-1969

DENNIS HEALEY

DENNIS HEALEY, depuis peu à la retraite, était chef des services d'information de la British Forestry Commission.

LA BRITISH FORESTRY COMMISSION célèbre cette année son jubilé, cela nous semble une bonne occasion pour rappeler ses réalisations.

En cinquante ans, la commission s'est constitué un domaine forestier de quelque 1 120 000 hectares dont 660 000 hectares de peuplements jeunes. Bien qu'une grande partie de ces forêts ne soient pas encore arrivées à maturité, elles produisent déjà un volume important, et qui augmente d'année en année, pour approvisionner en bois le marché traditionnel ainsi que les importantes industries nouvelles. Ce domaine est exigu si on le compare aux forêts de la plupart des pays d'Europe; il aidera néanmoins à corriger le déséquilibre actuel: en effet, la Grande-Bretagne ne produisant guère que 10 pour cent de sa consommation totale est le plus gros importateur net de bois et produits dérivés.

Il faut mettre les réalisations de la commission en regard des difficultés auxquelles se heurte nécessairement une entreprise forestière d'importance dans un pays peu étendu où les usagers de la terre sont très nombreux et divers. Il ne faut pas oublier non plus qu'au départ il n'y avait pratiquement pas de traditions forestières et fort peu de forestiers qualifiés en Grande-Bretagne pour soutenir l'ambitieux programme de boisement de la commission.

Un impératif de sécurité

L'histoire de la commission remonte plus loin que 1919, date de sa création. A la veille de la première guerre mondiale, la Grande-Bretagne importait pratiquement tout son bois. Lorsque le blocus sous-marin s'intensifia, on décida de réduire les importations en s'efforçant de produire plus de bois dans les forêts du pays, en majeure partie de propriété privée. En conséquence, la surexploitation devint inévitable et 182 000 hectares furent coupés à ras. Une telle perte eût été mineure pour certains pays: en Grande-Bretagne c'était une brèche considérable, car le pays, avec l'Irlande qui lui était alors rattachée, possédait sans doute moins de 1200 000 hectares de forêts, dont beaucoup n'étaient pas aménagées.

Il apparaissait désormais indispensable de considérer sous un jour nouveau la foresterie, reléguée jusqu'alors au dernier rang des activités rurales. On créa donc un comité qui, dans un rapport présenté vers la fin de 1918, demanda à l'Etat d'entreprendre d'urgence en coopération avec la foresterie privée un programme de boisement de 716 000 hectares pour permettre au Royaume-Uni de se passer d'importations de bois pendant trois ans en cas de nouvelle crise. Une administration forestière fut créée peu après sans être habilitée à posséder des terres; l'Interim Forest Authority s'attaqua énergiquement à ses tâches: fourniture de plants, fonction de prospection des terrains appropriés pour les plantations.

Le 19 août 1919 entrait en vigueur la loi qui donnait naissance à la British Forestry Commission. La partie était engagée et l'on pouvait entreprendre sérieusement de réaliser les suggestions formulées par le comité dans l'intérêt de la sécurité nationale.

La commission est entrée en fonctions en novembre 1919 avec le budget dérisoire par rapport aux normes actuelles de 3,5 millions de livres pour les dix premières années. Sous l'égide de l'Australien Roy Lester Robinson, forestier éminent et inspecteur au Ministère de l'agriculture, mais surtout homme véritablement inspiré, la commission aborda sa tâche avec enthousiasme et détermination. Mais ses efforts risquèrent de rester vains: en effet, trois ans après sa création, un comité des dépenses nationales recommandait des économies draconiennes, et même l'abolition de la commission. Le gouvernement ne suivit pas cette suggestion mais les crédits n'en furent pas moins réduits, le programme de plantation fut amputé et la commission invitée à se consacrer plutôt à donner du travail aux chômeurs. Deux ans s'écoulèrent avant que n'eût été approuvé le retour au programme primitif.

Dans une atmosphère plus stable, la commission agissait: elle achetait et louait des terres; l'industrie tendant manifestement à utiliser plus de résineux, ces essences étaient largement utilisées au cours des années suivantes, outre une certaine quantité de feuillus. En 1939, la commission avait acheté 260 000 hectares, 150 000 hectares étaient déjà plantés, et l'on pouvait se féliciter d'avoir presque réalisé les plans.

L'année tragique de 1939, comme on pouvait s'y attendre, porta un coup très grave à la commission. l'histoire se répétait au bout d'un quart de siècle; de nouveau, les sous-marins prélevaient une lourde dîme sur les vaisseaux britanniques et alliés et leur cargaison; de nouveau, devant l'interruption des approvisionnements étrangers, il fallut sacrifier les peuplements relativement anciens de propriété privée pour produire un matériau indispensable à la guerre. Un Home Timber Production Department fut créé et la commission arrêta pratiquement ses grandes plantations et toutes ses autres réalisations; il restait toutefois nécessaire d'entretenir l'aménagement des plantations jeunes et encore en grande partie improductives. La création, à des fins stratégiques, d'une réserve suffisante de bois dans les pays recevait un coup d'arrêt, mais de façon tout à fait provisoire.

En 1943 parut un autre document aussi important, sinon plus, que le rapport primitif du comité. Il s'agit d'un document du Parlement qui esquissait une politique forestière pour l'après-guerre. Si l'on pense que, lors de la publication, la guerre n'était pas terminée et que son issue n'était même pas prévisible, il s'agit d'une publication audacieuse et innovatrice. C'était un rapport de la commission des forêts, mais très inspiré par Roy Lister Robinson (plus tard Sir Roy et, finalement Lord Robinson of Kielder Forest and Adelaide) qui après avoir été commissaire technique de 1919 à 1932 présida la commission pendant 20 ans jusqu'à sa mort soudaine intervenue au Canada au cours d'une conférence forestière du Commonwealth. Le document analysait tous les éléments à prendre en considération dans la promotion d'une industrie forestière efficace en Grande-Bretagne du point de vue non seulement de la foresterie d'Etat, mais aussi de la foresterie privée, dont il eût été difficile d'ignorer l'importance et de négliger les intérêts après l'effort remarquable qu'elle avait fourni à l'occasion des deux guerres mondiales. Il contenait certaines propositions ambitieuses quant à l'avenir de la foresterie en Grande-Bretagne, mais s'étayait sur un réalisme et une autorité résultant de plus de vingt ans d'expérience pratique à l'échelon national. Une recommandation importante bien qu'assortie de réserves était de fixer à 2 millions d'hectares la superficie effective des forêts (c'est-à-dire des forêts bien aménagées et productives) d'ici la fin du siècle. On pensait pouvoir obtenir 800 000 hectares en restaurant les forêts existantes et 1 200 000 hectares en reboisant des terres dénudées on estimait que les 2 000 000 d'hectares pourraient produire, en définitive, l'équivalent de 35 pour cent des besoins en bois du pays, tout en constituant une réserve pour toute crise majeure.

FIGURE 1. La plus grande forêt de la commission est celle de Kielder, Northumberland, qui couvre 29 000 hectares. C'est peut-être le plus grand peuplement artificiel d'Europe.

Pour obtenir 800 000 hectares productifs dans les peuplements existants, il fallait évidemment replanter des arbres dans les forêts privées. A cet effet, on a conçu un programme de « consécration des forêts » (Dedication of Woodlands scheme), titre choisi pour inspirer aux propriétaires la conscience de l'intérêt national des forêts, en temps de paix comme en temps de guerre. Les propriétaires forestiers participant au programme s'engageaient à consacrer leurs terres essentiellement à la production de bois, à se conformer à un plan d'exploitation approuvé par la commission et définissant les principales opérations à entreprendre, à assurer un encadrement qualifié et à tenir une comptabilité en ordre. En échange, l'Etat devait fournir une aide financière (qui prit la forme soit d'une prime fixe pour la plantation, soit d'un remboursement de 25 pour cent des dépenses nettes annuelles du propriétaire pour les opérations forestières). Dans certains cas, des crédits pouvaient être obtenus et, en outre, les agents de la commission donnaient gratuitement des avis techniques.

Ce programme constamment renforcé est, à quelques amendements près, resté pratiquement le même depuis 25 ans. En 1967, il y avait environ 350 000 hectares aménagés dans 3 000 forêts « consacrées» la plupart des propriétaires ayant choisi la prime fixe de plantation complétée, et c'est là une innovation relativement récente, par des primes d'aménagement. Un nouveau programme de « forêts approuvées » ajoute aux dispositions primitives. Il ne comprend qu'une prime de plantation et il s'adresse surtout aux propriétaires privés qui, pour une raison ou pour une autre, ne souhaitent pas « consacrer » leurs forêts.

Pour diverses raisons valables, les objectifs décennaux de plantation assignés pour l'après-guerre à la commission et au secteur privé n'ont pu être atteints. Cependant, depuis 23 ans, on note une accélération considérable de progrès dans les deux secteurs. La commission a réalisé près des trois cinquièmes des plantations totales prévues au plan depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En dépit de fluctuations résultant des problèmes d'acquisition de terre dans certaines régions de Grande-Bretagne, la superficie des plantations annuelles dépasse nettement, depuis quelques années, 20 000 hectares.

En 1967, la commission possédait, en dehors des forêts quelque 320 000 hectares impropres au reboisement (constitués surtout par les sommets d'Ecosse et du pays de Galles, compris dans les grands achats de terres). La commission possédait en outre 124 000 hectares boisables mais non encore plantés, réserve essentielle pour la continuité des opérations, qui est renouvelée à mesure que sont réalisées les plantations annuelles.

Une grande partie des plantations de la commission sont situées dans des zones montagneuses du nord de l'Angleterre, dans les Highlands d'Ecosse et dans les collines galloises, c'est-à-dire sur les terres les moins propres aux pâturages. Ces terres peu propices à l'agriculture portent maintenant divers résineux vigoureux. Une fois de plus, il faut rappeler ici l'œuvre de Roy Lister Robinson, son pouvoir d'innovation et sa prévoyance: c'est lui qui a introduit la pratique consistant à labourer et à drainer en profondeur préalablement à la plantation en terrain de colline. La première charrue utilisée à cet effet était d'ailleurs sa création et, si aujourd'hui elle semble une fragile caricature des machines modernes, quand, lors des débuts de la commission, elle est apparue tirée par des chevaux, sur les pentes balayées par le vent, elle marquait un progrès historique. Elle était assez efficace pour prouver que le labour ferait prospérer des arbres sur des terrains autrefois stériles ou presque.

Aujourd'hui, des socs géants actionnés par des tracteurs puissants ont remplacé l'outil modeste d'hier. Les plants sont mis en place dans le billon qui se forme à mesure que le soc creuse de profonds fossés de drainage en terrain marécageux. Ainsi, non seulement les arbres sont plantés dans des terrains bien aérés, mais leurs racines, en se développant, bénéficient de l'humus frais formé par la végétation qui se décompose au centre du a sandwich ». On applique presque toujours des engrais phosphatés pour faciliter le début de la croissance.

On a pu dire que, pour cette technique de plantation intensive en colline, c'est l'Angleterre qui a montré la voie au monde, bien que le procédé soit issu des essais de la méthode belge de drainage associé à la plantation sur terre retournée pendant les années 1930.

Nouvelles forêts de Grande-Bretagne

Les quelque 400 forêts de la commission sont bien réparties dans l'Angleterre, l'Ecosse et le pays de Galles. Chaque a comté » rural en possède au moins une, mais les forêts ou groupes de forêts les plus importants se trouvent dans la région des collines où de vastes zones ont pu être acquises en un seul achat, ou en plusieurs achats dans la même localité. C'est au nord de l'Angleterre que se trouve la forêt de Kielder qui couvre 29 000 hectares, y compris les enclaves agricoles et les superficies impropres à la plantation; la superficie plantée est de 19 000 hectares. C'est la plus grande des forêts de la commission, bien connue de nombreux forestiers étrangers. C'est sans doute le plus grand peuplement artificiel d'Europe, encore que d'autres forêts puissent rivaliser pour le titre.

En Angleterre orientale, se trouve la forêt a modernisée » de Sherwood bien connue par les exploits romanesques du célèbre Robin des Bois. Il faut citer aussi Thetford Chase, avec presque 19 000 hectares plantés dans les terres basses de Breckland (ce terme désigne les sols sablonneux de la région). On a également créé de grands peuplements au pays de Galles; l'un, qui porte le nom gallois de Goed Morgannwg, est assez important pour perpétuer le nom du comté où il se trouve, le comté de Glamorgan.

En Ecosse, c'est dans les Highlands qui dominent le Great Glen, d'Inverness à Fort William, que sont concentrées les plus grandes superficies de forêts de la commission. Ainsi, les touristes de toutes nationalités qui traversent le Glen pour rejoindre la côte occidentale admirent en passant les grands peuplements nouveaux, ornements du paysage au même titre que le Loch Ness, pays du a monstre » légendaire, ou peut-être réel.

On n'ignore pas que, sans les résineux exotiques, la Grande-Bretagne aurait pratiquement épuisé ses ressources en résineux de production nationale. Il est donc indispensable de mentionner les principales espèces plantées par la commission, dont la liste doit s'ouvrir, paradoxalement, par le seul résineux indigène qui donne du bois, le pin sylvestre (Pinus sylvestris L.), très utilisé parce qu'il tolère des conditions très variées de sol et de station, et réussit mieux que la plupart des autres résineux dans les landes de bruyère peu fertiles. Sa vitesse de croissance est modérée, mais les éclaircies de toutes dimensions sont vendables.

Parmi les arbres qui ont été introduits en Grande-Bretagne a un moment ou a un autre, le pin laricio de

FIGURE 2. - La commission a réussi à boiser les sables côtiers dans plusieurs régions notamment à Culbin, sur lé Moray Firth, région connue depuis longtemps comme le désert d'Ecosse. La principale espèce utilisée est le pin de Corse (Pinus nigra var. maritima Melville).

FIGURE 3. - Le seul résineux indigène exploité pour le bois que plante la commission est le pin d'Ecosse (Pinus sylvestris L.). Ce bel arbre a été photographié dans le Black Wood, Rannoch (Perthshire).

Corse (Pinus nigra var. maritima Melville) prospère dans les milieux chauds et secs que l'on trouve dans la partie orientale du pays. Il vient bien dans les plaines à faible pluviométrie et à été chaud et produit plus de bois à l'hectare que le pin sylvestre indigène.

Il convient particulièrement au boisement des dunes, et la forêt de Culbin, sur le Moray Firth en Ecosse, que l'on a réussi à établir sur du sable pur, est composée exclusivement de pins de Corse. Les plantations de la commission dans cette zone intéressent les pays où se posent des problèmes particuliers de stabilisation des sables. Au début du dix-septième siècle, cette partie de la côte du Moray Firth était une riche terre agricole qui comptait quelque seize exploitations. Mais l'histoire rapporte que toute la localité a été recouverte en une seule nuit de masses de sable apportées par le vent au cours d'une violente tempête. Il semble que la catastrophe ait été due à l'habitude millénaire des paysans d'arracher l'herbe marram qui retenait le sable pour en recouvrir leurs maisons. Quelle qu'en soit la cause, depuis cette nuit fatale on n'a plus vu ni les maisons ni la terre sur laquelle elles étaient construites. En 1926, la commission a acquis les dunes, connues alors sous le nom de « désert d'Ecosse », et s'est occupée de les boiser après avoir fixé le sable avec de grandes quantités de broussailles coupées dans les campagnes avoisinantes, retenues par des fils de fer. Protégés des forts vents dominants par ces broussailles au milieu desquelles ils ont été plantés, les jeunes arbres ont prospéré et aujourd'hui la forêt de Culbin produit du bois de mine qu'utilisent certaines des mines de charbon d'Ecosse.

Les services de recherche de la commission ont fait des essais intensifs sur la croissance du pin Lodgepole (Pinus contorta Douglas) qui est utilisé beaucoup plus largement qu'au début des programmes de boisement (quelque 6 000 hectares par an). Les lignées cultivées sur la côte résistent étonnamment bien à des exploitations rigoureuses difficiles et à une pluviométrie élevée sur des sols tourbeux dans le nord et l'ouest de la Grande-Bretagne, où aucun autre arbre ne résiste. Certains indices permettent de penser que ce bois n'aura rien à envier au pin d'Ecosse.

Les principales espèces d'épicéas sont l'épicéa de Norvège (Picea abies Karsten) et l'épicéa de Sitka (Picea sitchensis Carr. ). La première ne prospère pas sur les landes acides de bruyère pure ni sur la tourbe très acide, et ne résiste pas non plus aux expositions rigoureuses. Toutefois, ailleurs, cet arbre produit rapidement des bois utilisables et les produits d'éclaircie conviennent très bien à la fabrication de pâte et de panneaux de particules.

Actuellement, la commission en plante quelque 2 000 hectares par an et l'on en plante aussi beaucoup dans des domaines privés. Mais on utilise beaucoup plus l'épicéa de Sitka, dont la commission plante quelque 10 000 hectares par an. Il résiste mieux aux milieux d'altitude ou marins; il tolère des tourbes beaucoup plus acides ainsi que la végétation de la lande et il produit le bois plus rapidement que l'épicéa de Norvège; ses utilisations sont essentiellement les mêmes. Sa croissance en hauteur est généralement rapide, et il n'est pas rare de voir un arbre de trente ans qui dépasse trente mètres.

Le mélèze européen (Larix decidua Miller), que l'on plantait plus couramment autrefois, ne donne de bons résultats que dans des stations choisies, fertiles et bien arrosées, protégées des expositions les plus rigoureuses. Le mélèze japonais (Larix leptolepis Gord) réussit bien mieux. Il pousse plus vite pendant les premières années, résiste mieux à des conditions rigoureuses et tolère des sols moins fertiles. Il s'est avéré très utile pour les plantations de collines couvertes de fougères arborescentes. Le mélèze hybride (Larix eurolepis Henry) mérite une attention particulière: croisement naturel entre les mélèzes européen et japonais, il a été découvert à Bunkeld, en Ecosse en 1904. La possibilité de le planter est encore limitée par la pénurie de semences, mais maintenant que la commission a établi des vergers à graines pour assurer un approvisionnement suffisant de semences hybrides de première génération, cette situation devrait s'améliorer.

Dans des terrains bien choisis le sapin douglas de l'ouest de l'Amérique du Nord (Pseudotsuga menziesii Franco) donne de bons résultats. Il vient bien sur les pentes fertiles, surtout de sols qui ont autrefois porté des forêts, mais il est exposé au châblis, sauf sur les terrains les plus résistants. Sa vitesse de production de bois est considérable.

Le public britannique compte des amoureux parfois fanatiques des feuillus indigènes, en particulier le chêne et, dans une moindre mesure, le hêtre. On reconnaît que les feuillus ne peuvent jouer aujourd'hui qu'un rôle limité dans la satisfaction des besoins de bois d'œuvre et d'industrie du pays, mais il a fallu longtemps pour faire accepter peu à peu de vastes plantations de résineux. Les nouvelles plantations étaient souvent traitées de « régiments de résineux », incongrus dans le paysage britannique. Il faut reconnaître que les forestiers britanniques ont beaucoup plus de discernement qu'à l'époque où tout était subordonné à la constitution de réserves de bois pour les temps de pénurie forcée. Ils ont pour le paysage un respect qui est devenu une seconde nature et l'attitude de la commission à cet égard est attestée par la nomination récente d'une architecte paysagiste qui est l'une des plus éminentes représentantes de sa profession dans le monde. Dans un ouvrage consacré à la forêt et au paysage, Forestry in the landscape, cette personne, tout en formulant des suggestions et des observations utiles, constate que les forestiers ont fait des progrès, qu'ils se soucient de disposer les arbres en fonction de la conformation des collines, qu'ils pensent à utiliser, chaque fois que cela est économiquement possible, des espèces différentes pour assurer une agréable gamme de nuances, que dans certains cas, des plantations de résineux sont bordées de feuillus d'un bel effet esthétique. On constatera certainement, dans les prochaines années, un respect croissant pour le paysage.

En ce qui concerne l'expansion des plantations, l'objectif actuel est de boiser 200 000 hectares de plus pendant les dix années 1967-76. On continuera à acquérir de préférence des terres à planter dans les régions de montagne où la population diminue et où le développement forestier peut fournir des emplois et des avantages sociaux considérables. La production de bois des forêts de la commission s'est accrue de plus de 8 pour cent en 1967 par rapport à l'année précédente, dépassant nettement un million de tonnes. En 1980, on prévoit que la production de bois de résineux atteindra 2,5 millions de tonnes et que les forêts de la commission produiront en fait près de deux fois plus que les forêts privées. Trois ans plus tard, si l'on considère ensemble les rondins de petites dimensions et les grumes de sciage, produits dans les forêts de la commission, la production atteindra peut-être 3,5 millions de tonnes.

Ce n'est pas un hasard si l'augmentation de la production de bois dans les forêts de la commission et les domaines privés s'est accompagnée de la création de nouvelles industries consommatrices de bois dans diverses régions du pays. Il y a plus de dix ans, la commission a fait appel à des experts-conseils canadiens à qui elle a demandé d'étudier les perspectives de la création de fabriques de pâte en Grande-Bretagne et, malgré certains problèmes, la commission n'en entretient pas moins la plus étroite coopération avec les intérêts commerciaux, à telle enseigne que la demande de bois national équivaut à peu près à la production. Les nouvelles entreprises comprennent une grande fabrique de pâte et de papier à Fort William, dans l'ouest des Highlands d'Ecosse, région jadis en voie de dépeuplement. Cette fabrique, qui a été construite avec une subvention du gouvernement et pour laquelle l'investissement s'élève au total à quelque 20 millions de livres, consomme chaque année près de 270 000 tonnes provenant des forêts d'Ecosse (privées ou appartenant à la commission). Le bois de production nationale approvisionne aussi des fabriques produisant divers types de panneaux de particules et de panneaux de fibres et, quoique dans une proportion moindre, de la laine de bois. Il faut aussi approvisionner divers marchés traditionnels: bien que le bois de mine ait été en grande mesure supplanté par l'acier, les mines de charbon de Grande-Bretagne sont encore le principal débouché pour le bois de production nationale.

FIGURE 4.- Fabrique de pâte récemment construite par la Scotish Pulp and Paper Mills Ltd. à Corpach près de Fort William (Inverness). L'usine est située au confluent du Loch Eil avec le Loch Linnhe. A l'arrièreplan, le Ben Nevis.

Recherche

La station de recherche de la commission, Alice Holt Lodge, est située à quelque 60 kilomètres de Londres et a très rapidement su gagner une réputation internationale. Elle poursuit des expériences et des essais sur le terrain dans de nombreuses forêts et pépinières. Le principal sujet de la recherche est la sylviculture mais il y a aussi des sections qui étudient des questions d'économie et de plans d'exploitation, de génétique, de pathologie, d'entomologie, de mécanisation, d'utilisation du bois, de mensuration, d'accroissement et de rendement, et d'évaluation du volume sur pied. Jusqu'à présent, on a surtout étudié la production de jeunes arbres dans les pépinières et leur plantation et leur établissement en forêt: ce sont là des questions primordiales pour la réussite des grands boisements. A noter que l'on a pu ainsi réduire à deux ans la période nécessaire pour produire des plants à mettre en place dans la forêt, contre trois ou quatre ans précédemment. On a constamment étudié les labours de préparation du sol, de telle sorte que l'on peut maintenant boiser des terres qui, il y a dix ans encore, étaient considérées comme impropres à la plantation. De plus en plus - il n'y a pas lieu de s'en étonner - la recherche porte sur des questions d'aménagement et d'utilisation et la station est équipée d'ordinateurs permettant d'étudier ces problèmes le plus rapidement possible. Sans doute la station d'Alice Holt Lodge est-elle un des premiers établissements de son genre à s'être équipé de ces auxiliaires modernes. Si l'on considère les résultats acquis par la recherche, il vaut la peine de noter qu'à la fin de son premier demi-siècle, la commission doit développer ses activités dans un nouveau centre de recherche en construction près d'Edimbourg, capitale de l'Ecosse.

Des forêts pour la population

Une forte proportion des forêts de la commission sont sujettes aux incendies et ce risque peut être très élevé pendant les premiers mois de l'année au cours desquels le vent peut assécher complètement en quelques heures la végétation morte, même après une pluie assez abondante. Il a fallu tenir compte de ce danger, en étudiant l'ouverture des forêts au public. Cependant, en principe, le public est admis dans la plupart des forêts, pourvu qu'il respecte le code. On s'intéresse beaucoup aux forêts aujourd'hui, à tel point qu'il semble apparaître un a sens forestier » qui, s'il n'est pas aussi développé que dans certains autres pays, n'en est pas moins très valable. Depuis quelques années, la commission a fait beaucoup pour développer l'équipement des loisirs et l'une des actions importantes à cet égard est l'installation un peu partout de terrains de pique-nique et de parcs de stationnement, car la circulation des véhicules privés n'est pas autorisée sur les routes forestières. Beaucoup de sentiers de randonnée et d'observation ont été établis.

Leur succès est signe d'un intérêt public croissant à l'égard de l'étude de la flore et de la faune; pour encourager cette tendance, la commission a entrepris d'établir des observatoires nichés dans les arbres, d'où les naturalistes, professionnels ou amateurs, peuvent, à l'aube et au crépuscule, observer les cervidés qui sont les plus grands mammifères de Grande-Bretagne et d'autres animaux sauvages qui descendent vers le lac voisin. L'un de ces postes d'observation a été construit dans des bois situés à quelques kilomètres de l'une des zones les plus peuplées des Midlands industrielles d'Angleterre, et il est fréquenté aussi bien par les citadins que par les habitants des campagnes.

FIGURE 5. - Essais de germination dans le laboratoire de semences d'Alice Holt Lodge, station de recherches de la commission.

Certaines des grandes forêts, ou groupes de forêts, sont depuis longtemps connues sous le nom de parcs forestiers, toujours bien équipées de terrains de camping. Dans notre ère d'exode hebdomadaire et annuel des villes vers la campagne, ces parcs et leur équipement sont appréciés par de plus en plus de personnes. Il en existe huit, qui, joints à la New Forest - au nom impropre s'il en fût, puisqu'elle a été établie en 1079 et qu'on la considère comme une survivance miraculeuse de l'Angleterre prénormande - représentent quelque 240 000 hectares de terrain pour les loisirs et constituent un des paysages les plus pittoresques de la Grande-Bretagne.

Célébrations du jubilé

Ce qui précède doit suffire pour justifier que l'on célèbre en 1969 le jubilé de l'administration forestière britannique. Dans tous les districts forestiers de la commission, en Angleterre, en Ecosse et au pays de Galles, seront préparées des journées ou des semaines «d'ouverture», avec des voyages organisés pour les visiteurs qui pourront se rendre compte de la richesse que représente leur domaine forestier national. Certains districts organiseront des expositions dont l'une au pays de Galles pour célébrer l'apport des boisements locaux au progrès général de la foresterie britannique.

Toutefois, la plus grande manifestation sera celle qui doit se dérouler près d'Edimbourg, sur un terrain de plus de 40 hectares, les 5, 6 et 7 juin. On a tenu compte, en décidant d'organiser cette exposition en Ecosse, du fait que dans ce pays la commission possède quelque 607 000 hectares de terrain dont la moitié ont été boisés; en outre, comme on l'a relevé plus haut, l'Ecosse doit voir une expansion considérable des programmes de plantation à l'avenir. Cette manifestation, organisée à l'occasion du jubilé, constituera pour la commission une tâche d'un genre nouveau, car il n'y a pas eu d'exposition forestière vraiment importante en Ecosse depuis 1884: cette année-là, les forestiers écossais réunis organisèrent une exposition en plein air dans la ville elle-même. La manifestation, placée sous les auspices de la reine Victoria, fut très réussie et attira, en trois mois et demi, plus d'un demi-million de visiteurs. Outre les exemplaires provenant des forêts d'Ecosse, beaucoup avaient été envoyés par les pays de l'Empire britannique et par ceux de Scandinavie; les documents d'époque indiquent que le Japon était également représenté. La Floride aussi était représentée avec de magnifiques échantillons de pitchpin figuré et de bois de cèdre. On pouvait déjà entrevoir, avec un demi-siècle d'avance, l'essor qu'allaient prendre certaines utilisations du bois, car certains pays européens et quelques exposants britanniques avaient envoyé la plus belle collection de matériaux et outillage pour la fabrication du papier qui eût jamais été rassemblée.

La nouvelle exposition de la commission est conçue pour montrer ce qu'est la foresterie britannique; elle est consacrée exclusivement à la Grande-Bretagne, à ses forêts, à son bois, à ses utilisations et aux intérêts connexes; alors que les objets exposés il y a quelque 85 ans étaient en grande partie statiques et assez uniformes, ce ne sera pas le cas en 1969. Tous les aspects de la foresterie et des industries du bois y seront représentés, y compris les techniques modernes et l'utilisation des machines les plus récentes. L'aménagement pour les loisirs ainsi que la conservation de la faune auront également leur place et de nombreux organismes et institutions officiels intéressés de façons diverses à l'utilisation et à la beauté du paysage participeront à l'exposition.

La British Forestry Commission peut utiliser largement les connaissances et l'expérience des pays d'Europe et du reste du monde ayant une longue histoire et une longue tradition forestières. Inversement, on espère que la commission s'est montrée, malgré sa vie relativement brève, capable de fournir un appoint valable à la masse des connaissances sur la foresterie mondiale.


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