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Modernisation institutions dans l'intérêt du développement forestier

SECRÉTARIAT DE LA FAO

Cet article a déja été publié dans la Situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1969 dont il constitue un des chapitres spéciaux. Il a été écrit par M. K.F. King, de la Sous-Division de la politique forestière, avec la collaboration d'autres fonctionnaires de la Division des forêts et des industries forestières.

GRÂCE A UN CERTAIN NOMBRE de caractéristiques économiques et techniques, le secteur des forêts et des industries forestières est un important élément potentiel de développement et joue un rôle décisif dans la lutte contre le sous-développement. Cependant, alors que les pays en voie de développement possèdent plus de la moitié des forêts du monde, il semble bien que ce secteur soit loin d'apporter à leur progrès économique la contribution qui pourrait être la sienne.

Il n'en est pas moins indéniable que la foresterie et les industries forestières jouent depuis quelques années un rôle de plus en plus marquant dans la croissance économique de certains de ces pays. De 1962 à 1967, en effet, les exportations de bois et de produits du bois des pays en voie de développement ont progressé plus rapidement que leurs exportations globales. Il faut cependant remarquer d'abord que ces pays sont partis d'un niveau très bas; ensuite qu'une faible proportion des articles exportés par eux ont fait l'objet sur place d'une transformation mécanique quelconque. En outre, nombre de pays en voie de développement, y compris certains qui disposent d'abondantes ressources forestières, restent des importateurs nets de produits forestiers, notamment d'articles ayant subi une transformation très poussée.

Du fait que le bois rond, et le bois d'œuvre légère ment transformé comme les sciages, prédominent dans les exportations de produits forestiers desdits pays le bénéfice de la valeur ajoutée par la transformation va presque entièrement aux pays industrialisés. Cela tend à réduire la possibilité pour les pays en voie de développement d'accroître leurs recettes d'exportation et de comprimer leurs dépenses d'importation, à retarder la diversification de leur économie et la formation de leur main-d'œuvre à l'emploi de certains types de procédés technologiques, bref à ralentir leur croissance économique.

Cette situation est d'autant plus décevante que les produits forestiers sont l'un des rares groupes dont la demande augmente rapidement tant dans les pays en voie de développement que dans les régions industrialisées. On estime qu'en Afrique, en Asie et en Amérique latine, la demande annuelle de panneaux dérivés du bois passera entre 1962 et 1975 de 3,64 à 12,8 millions de mètres cubes, celle de papier et de carton de 13,76 à 39,9 millions de tonnes et celle de bois rond de 65,9 a 90,4 millions de mètres cubes. Dans les pays développés, la demande de papier et de carton devrait, au cours de la même période, passer de 63,71 à 122 millions de mètres cubes et celle de panneaux dérivés du bois de 26,9 à 63 millions de mètres cubes ¹. Ainsi, le secteur des forêts et des industries forestières offre des possibilités considérables sous le rapport des recettes d'exportation et des économies à l'importation. Il faut dès lors se demander pourquoi les ressources forestières des pays en voie de développement n'exercent pas sur l'économie de ces pays l'influence qu'elles devraient avoir.

(¹ FAO. Le bois: évolution et perspectives mondiales Unasylva, Vol. 20 (1-2), 1966. Egalement Campagne mondiale contre la faim, Etude de base N° 16, 1967.)

Incontestablement la valorisation du secteur se heurte à de nombreux obstacles. Naguère, l'état de la science et de la technologie forestières limitait étroitement l'expansion de la production forestière locale, mais il n'en est plus ainsi du fait des progrès réalisés ces dernières années. L'insuffisance des investissements reste une difficulté évidente. Cependant, comme on le verra, ce phénomène n'est pas une cause, mais bien l'effet de divers autres facteurs qui rendent les investissements en foresterie moins attrayants que ceux consacrés à certains autres secteurs. Il existe également des insuffisances d'infrastructure, telle la pénurie de routes pour l'évacuation des produits forestiers ou d'énergie électrique pour les industries. En outre, les efforts consentis par les pays en voie de développement pour accroître leurs exportations butent contre les barrières instituées par les pays développés, qui tendent à protéger leurs propres industries de transformation et préfèrent importer des grumes.

Nul doute que tous ces éléments constituent un sérieux handicap. L'expérience a toutefois prouvé que les plus graves obstacles au développement rapide de la foresterie et des industries forestières dans les pays en voie de développement étaient d'ordre institutionnel et c'est donc sur ces obstacles que portera essentiellement la présente étude.

Pour définir le cadre, on examinera d'abord les caractéristiques qui font du secteur de la foresterie et des industries forestières un puissant catalyseur du développement économique. Vient ensuite un tableau succinct des progrès récents de la science et de la technologie forestières, afin de montrer que ce n'est plus l'insuffisance des connaissances scientifiques et techniques qui empêche la foresterie des pays en voie de développement de devenir un secteur moderne, orienté vers le progrès. Enfin, le reste de l'étude est consacré surtout à l'examen de trois obstacles institutionnels majeurs. On montrera que la structure et l'organisation des services forestiers dans la plupart des pays en voie de développement ne se prêtent pas à un aménagement des ressources forestières qui réponde aux exigences de l'expansion économique. Après quoi, on étudie diverses lacunes dans les domaines de l'éducation, de la recherche et de la vulgarisation forestières. En outre, on démontre que la législation forestière des pays en voie de développement n'a pas été spécialement conçue pour accélérer l'utilisation rationnelle des ressources. De plus, elle contient souvent des dispositions contradictoires qui dans bien des cas retardent l'application d'une politique de mise en valeur conséquente. L'étude formule des suggestions tendant à améliorer les institutions visées et à les mieux adapter aux besoins modernes. Enfin, la question de l'évaluation des ressources est également traitée.

Rôle de la foresterie et des industries forestières dans le développement

L'un des principaux problèmes sociaux qui se posent à bien des pays en voie de développement est l'accroissement du chômage urbain, séquelle de l'exode rural, étant donné que l'industrialisation urbaine n'entraîne pas la création d'un nombre d'emplois suffisant pour absorber tous les nouveaux arrivants. C'est pourquoi, toute action permettant d'accroître sensiblement le niveau de l'emploi dans les zones rurales contribuerait beaucoup à la stabilisation des populations rurales et au développement économique général 2.

(2 On trouvera une analyse plus complète de la question au chapitre intitulé Le rôle des industries forestières dans la lutte contre le sous-développement économique, dans: FAO, La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1962, Rome, 1962, p. 101-145. A signaler également: C. A. D'Adamo. Financiamento de las plantaciones forestales en América del Sur. Document, Colloque international de la FAO sur les peuplements forestiers artificiels et leur importance industrielle. Canberra, 14-24 avril 1967. Rome, FAO, 1967.-G. R. Gregory. Forests and economic development in Latin America. Journal of Forestry, 63 (2), 1965, p. 8388.-K. F. S. King. The formulation of forest policies in developing countries. Document, Ninth Commonwealth Forestry Conférence, New Delhi, 1968. -J. A. Zivnusha. Intégration des plans de mise en valeur des forêts dans les plans de développement national. Document, Sixième Congrès forestier mondial, Madrid, 1966.)

La plupart des activités forestières productives reposent sur le bois. Volumineux et encombrant, c'est un produit difficile à transporter et sa valeur, rapportée à son poids, est souvent faible. En outre, la plupart des traitements industriels qu'il subit s'accompagnent d'une perte de poids importante et la matière première représente généralement une part considérable des coûts de production des industries forestières. En conséquence, même si certaines d'entre elles, notamment les industries à faible densité de capital comme les scieries, jouissent d'une certaine liberté quant à leur emplacement, la plupart, par exemple les usines de papier, doivent plus ou moins s'implanter à proximité des zones forestières. Au point de vue de la rentabilité, il y a donc tout intérêt à installer les industries forestières près des sources d'approvisionnement. C'est pourquoi la foresterie et les industries forestières peuvent créer d'importantes possibilités d'emploi dans les zones rurales mêmes et ainsi contribuer beaucoup à résoudre les problèmes du sous-développement et du chômage.

Les forêts se caractérisent également par leur aptitude à fournir une foule de produits très différents, à la fois par leurs propriétés et par leurs utilisations possibles. Cette variété résulte de la multiplicité des espèces végétales qui composent les forêts, du grand nombre de produits que l'on peut tirer d'un seul arbre et du fait que, de par sa composition, le bois peut servir de matière première à toute une catégorie d'industries apparentées, mais fort diverses. En outre, le bois se prête lui-même à de nombreux usages. Il est relativement facile à travailler, résistant par rapport à son poids, souvent beau à voir, élastique et isolant. C'est pourquoi la gamme des produits va de produits rustiques comme le bois de feu et les grumes à des produits complexes comme la pâte et le papier, ou encore de sous-produits tels que la résine, le latex et les huiles essentielles à des articles comme les panneaux de particules et les contre-plaqués.

Cette multiplicité des utilisations finales explique en grande partie l'importance que revêt le secteur de la foresterie et des industries forestières dans la lutte contre le sous-développement. Les produits de la forêt et les procédés utilisés pour les transformer sont tels qu'il existe, semble-t-il, un type d'industrie forestière convenant pratiquement à chaque stade de développement économique.

On peut illustrer ce propos en considérant quelques industries primaires. A une extrémité de l'échelle figure le sciage, activité dans laquelle la valeur ajoutée par la transformation est souvent très faible. Cette industrie ne nécessite pas l'utilisation d'un très gros capital et, comme les économies d'échelle ne sont pas en l'occurrence d'une importance décisive, la dimension de l'usine peut varier considérablement, de sorte que l'on trouve aussi bien de minuscules unités de production très sommairement équipées que de grandes entreprises intensément mécanisées. Rien de surprenant donc si l'industrie du sciage est généralement la première à s'implanter, étant donné qu'elle n'exige pas un personnel très hautement qualifié, ni de gros investissements en devises.

A l'autre extrémité, l'industrie de la pâte et du papier se caractérise par une intense utilisation de capital. Les besoins d'investissement y sont élevés, mais la valeur ajoutée l'est également. Autre aspect non moins important pour les investisseurs, le coefficient de capital (investissement total divisé par le produit annuel brut) est faible: il faut de 18 mois à 3 ans pour retrouver le capital investi. Plus de la moitié du coût d'investissement va à l'équipement et aux études d'installation, qui entraînent souvent de fortes dépenses en devises. En revanche, l'industrie de la pâte et du papier peut être l'occasion de recettes ou d'économies considérables en devises. La structure des coûts de production varie beaucoup selon les procédés utilisés, la dimension et l'emplacement de l'usine et aussi selon que la production de pâte est ou non intégrée avec celle de papier. Une forte proportion de la main-d'œuvre doit être qualifiée, mais dans certains pays en voie de développement comme la Birmanie, la Colombie, l'Inde et le Swaziland, des travailleurs non qualifiés ont appris sans difficulté les techniques de production.

L'industrie du contre-plaqué se situe à peu près à mi-chemin entre celle du sciage et celle de la pâte et du papier sous le rapport des exigences technologiques et des coûts de production. Les investissements sont plus élevés que dans le cas des scieries, mais bien moindres que clans celui des usines à pâte et à papier; quant aux économies d'échelle elles sont inférieures à celles qui peuvent être réalisées dans la production de pâte et de papier. On a cru longtemps que l'industrie du contre-plaqué était commandée par la disponibilité de grumes de grand diamètre, mais cette contrainte a été levée.

Cet échantillonnage mais représentatif, illustre suffisamment la grande diversité des industries forestières au point de vue des dimensions possibles dans les pays en voie de développement, de l'intensité d'utilisation de la main-d'œuvre et du capital et du degré de qualification que doit avoir le personnel, donc les possibilités de croissance progressive liées à cette diversité. En outre, cette catégorie d'industrie possède une caractéristique qui en fait un instrument extrêmement efficace dans la lutte contre le sous-développement économique. Non seulement les industries forestières s'insèrent facilement dans la structure économique actuelle des pays en voie de développement, mais elles offrent également la base de départ pour les étapes ultérieures d'une modernisation économique. Une grande partie de la demande de produits dérivés du bois est le fait d'autres industries; réciproquement, de nombreuses industries forestières achètent à d'autres industries leurs facteurs de production. Grâce à ces liaisons amont et aval³, l'expansion de la foresterie et des industries forestières peut donc stimuler d'autres activités économiques.

(3 Voir par exemple: II. B. Chenery et T. Watanabe. International comparisons of the structure of production. Document présenté à la réunion de Cleveland de la Economic Society, 1966 (cité par A. O. Hirschmann, The strategy of economic development, New Haven, Conn. Yale University Press, 1968). Les auteurs ont classé 29 industries en Italie, au Japon et aux Etats-Unis d'après le nombre global de leurs liaisons amont et aval. Ils ont jugé qu'il fallait accorder un poids plus élevé aux liaisons amont en ce qui concerne le potentiel de développement et classer le papier et ses produits au troisième rang (57 liaisons amont/78 aval), le bois au douzième rang (61/30) et les forêts, avec l'agriculture, au vingt-troisième rang. L'indice des liaisons amont est supérieur à la moyenne pour le papier et le bois d'œuvre.)

Le secteur des forêts et des industries forestières peut également apporter une contribution particulière au développement, sous forme de recettes et d'économies de devises. A cet égard, deux caractéristiques du bois et de ses produits sont particulièrement intéressantes. D'abord, contrairement à celle de la plupart des autres produits tropicaux, l'élasticité-revenu de la demande de produits forestiers dans les pays développés est en général relativement élevée. Ensuite, les pays développés des régions tempérées ne possèdent guère de ressources forestières pour la fabrication de certaines qualités de sciages, de contre-plaqués et de placages qui sont très demandées. Leurs industries sont donc de plus en plus tributaires des forêts tropicales qui, semble-t-il, seront appelées à assurer le développement ultérieur de la consommation des feuillus de haute qualité.

Enfin, si les pays développés ont sans conteste divers atouts pour la production et la transformation du bois, (par exemple capital meilleur marché, personnel qualifié plus nombreux et meilleure infrastructure), certains facteurs qui jouent en faveur des pays en voie de développement semblent annuler largement cet avantage: la croissance des forêts est généralement plus rapide dans ces derniers pays; les coûts de main-dœuvre par unité de produit forestier y sont moindres4; il est moins coûteux de transporter des produits forestiers transformés provenant de ces pays que d'acheminer du bois brut jusqu'aux industries à transformation des pays développés5; enfin, les forêts des pays développés devant de plus en plus satisfaire des exigences autres que la production de bois, par exemple sur le plan des loisirs, les coûts de production par unité de surface augmentent très fortement. Il s'écoulera probablement un certain temps avant que les pays en voie de développement aient à faire face à des exigences comparables.

(4 R. Eklund, R. A. de Rosayro, H. Luhr et L. Nagoda. Forest industries development in West Africa, Addis-Abéba, Conseil économique et social des Nations Unies. Commission économique pour l'Afrique, 1966.

(5 R. Eklund et al. Op. cit.)

Progrès récents des sciences forestières

L'évolution récente des divers secteurs de la science et de la technologie forestières a atténué les contraintes biologiques et technologiques qui pesaient sur la foresterie en tant qu'activité économique. L'étude détaillée des progrès dans ce domaine déborderait le cadre de la présente étude et on se contentera d'attirer l'attention sur les innovations jugées les plus intéressantes pour les pays en voie de développement.

Dans le passé, la production forestière de ces pays dépendait essentiellement des forêts naturelles. Etant donné que les forêts naturelles tropicales sont très vastes et contiennent de belles essences de feuillus, recherchées à la fois dans les pays en voie de développement et dans les régions développées pour la fabrication de nombreuses qualités de sciages, de contre-plaqués et de placages et compte tenu des progrès récents de la technologie forestière, ces peuplements joueront un rôle important dans la foresterie mondiale. Toutefois, on reconnaît de plus en plus dans les pays en voie de développement qu'il faut souvent créer des plantations forestières pour compléter les ressources naturelles ou pour remplacer celles qui ont été surexploitées. Les peuplements artificiels présentent des avantages nombreux et considérables. Ils permettent d'utiliser plus efficacement le temps et l'espace et fournissent une matière première de dimensions et de qualité relative ment uniformes. Les produits qu'ils fournissent peuvent être plus ou moins adaptés technologiques particulières. Leur aménagement est relativement simple et à la différence des forêts naturelles, on peut décider rationnellement de leur emplacement. En outre, ils se prêtent mieux que les forêts naturelles à l'application du progrès scientifique.

Fertilisation des forêts

Il y a assez peu de temps que la fertilisation des forêts a réalisé des progrès vraiment notables. Naguère, on pensait en général qu'une grande partie des engrais appliqués sur les sols forestiers serait perdue par lessivage. Même quand les engrais avaient une action manifeste sur la croissance et la survie des arbres jeunes et récemment plantés, la durée de leur action paraissait douteuse. On connaissait mal la nature et l'importance de la réaction des arbres aux engrais appliqués aux stades du perchis, du gaulis et de la semi-maturité et l'on ne savait pas quelle serait la qualité du bois produit par les arbres fertilisés.

La situation s'est modifiée. Les rapports parvenus du monde entier montrent que la crainte d'assister au lessivage des éléments fertilisants était exagérée dans de nombreux sites forestiers. Même dans des sols graveleux, on a constaté, cinq ans après des applications d'engrais azotés, que l'azote avait été lessivé dans quelques centimètres seulement de l'horizon superficiel6. Cela s'explique par certaines caractéristiques de l'écosystème forestier qui lui permettent de retenir pendant très longtemps les engrais appliqués. Ceux-ci sont absorbés par les racines des arbres, finissent par être incorporés au tissu végétal et sont restitués au sol quand tombent les feuilles, les rameaux, les fruits et les branches. Ce cycle a absorption, restitution et réabsorption» influe manifestement sur la durée de l'effet des applications d'engrais, et les observations donnent à penser que cette action peut se prolonger jusqu'à quarante ans après l'application, selon le type et la quantité des engrais appliqués, la nature du sol, le climat, les conditions de drainage et l'efficacité du cycle nutritif 7.

(6 S. P. Gessel et T. N. Stote. L'usage des fertilisants azotés sur le sapin de Douglas. Document, Sixième Congrès forestier mondial, Madrid, 1966.)

(7 H. S. D. Swan. La fertilisation des peuplements forestiers artificiels. Document, Colloque international FAO sur les peuplements forestiers artificiels et leur importance industrielle, Canberra, 14-24 avril l967. Rome, FAO, 1967.)

Ces effets peuvent être étonnamment marqués. On a enregistré des gains de croissance dépassant de 15 à 200 pour cent ceux qui ont été notés dans des zones non fertilisées peuplées d'espèces analogues dans des sites comparables, et l'expérience de la Scandinavie montre qu'il est facile d'obtenir des gains de 30 à 50 pour cent de l'accroissement périodique moyen. Ce type de réponse a été observé à tous les stades de la croissance d'une plantation forestière et il a été établi que les engrais avaient été bénéfiques sur la productivité des plantations forestières même après que les cimes ont formé un couvert ininterrompu 8.

(8 S. O. Heiberg et D. P. White. Potash deficiency of reforested pine and spruce stands in northern New York. Proceedings of the Soil Science Society of America, 1950, 15, 1951, p. 369-376.)

Les gains de croissance ne représentent d'ailleurs pas le seul avantage potentiel. En Zambie par exemple, à la suite d'applications de bore en quantités supérieures à celles qui sont normalement utilisées pour les oligo-éléments9, on a constaté que des eucalyptus avaient pu être acclimatés avec succès dans des zones où des tentatives précédentes avaient échoué. Dans d'autres parties du monde, on a pu stimuler la croissance dans les plantations dont le développement était extrêmement lent, voire stoppé.

(9 L. Nwoboshi. A case for fertilizers in Nigerian forestry. Obeche, 1 (4), 1968.)

Ces gains remarquables de productivité n'ont pas compromis la qualité de la matière première et le bois des arbres fertilisés s'est montré parfaitement adapté à la plupart des utilisations finales.

Sélection des arbres forestiers

Les progrès récents dans ce domaine n'ont pas été moins spectaculaires. Depuis que la foresterie tropicale a étendu son champ d'activité à l'établissement de plantations dans lesquelles l'aménagement est obligatoirement plus intensif, il est devenu possible et même nécessaire de choisir lés espèces, les provenances et les génotypes qui peuvent tirer le parti maximal du milieu ambiant. Il est aussi devenu évident que, lorsque des essences par ailleurs intéressantes ne possèdent pas certaines caractéristiques et lorsque les caractéristiques souhaitables sont réparties entre plusieurs espèces, il convient de chercher à obtenir ces caractéristiques par la sélection.

C'est pourquoi dans toutes les régions tropicales, des sélectionneurs récoltent des semences de diverses origines, exécutent des essais de provenance sur la base desquels ils ont choisi des individus pour la sélection, établissent des vergers à graines, contrôlent la descendance et réalisent des tentatives de croisement interspécifique et de multiplication végétative. Ils ont aussi étudié la qualité du bois produit par les arbres, la taxonomie des provenances, la phénologie de la croissance et de la floraison, la dissémination du pollen, etc.

Si l'on considère le peu de temps qui a été consacré à ce genre d'activité, le degré d'avancement des recherches dans certains pays et les résultats obtenus jusqu'à présent sont encourageants. En Afrique orientale, l'impulsion principale est venue de la section de sélection des arbres de l'East African Agriculture and Forest Research Organization. La sélection de peuplements de semenciers est déjà avancée en Tanzanie par exemple, pays où a été entreprise une série d'essais de descendance, dont les plus importants sans doute, ceux qui portent sur Pinus patula, ont été répétés au Kenya et en Ouganda. De nombreux essais de provenance et de descendance sont en cours, il y a beaucoup de vergers à graines et de «banques d'arbres» et un programme bien conçu a été mis en route pour les années à venir. Le Kenya et l'Ouganda vont aussi de l'avant. On a appris ainsi à connaître les espèces à cultiver pour la forme et la vigueur, ainsi que les zones auxquelles elles sont le mieux adaptées 10

(10 E. Vaclav. Tree breeding in Tanzania. Document Colloque international FAO sur les peuplements forestiers artificiels et leur importance industrielle, Canberra, 1424 avril 1967. Rome, FAO, 1967.)

Les essais de provenance sont considérés comme un aspect essentiel de l'amélioration génétique et la Zambie, par exemple, a exécuté des essais avec répétition portant sur des espèces que Pinus khasya et Eucalyptus maculata ainsi que certains pins du Mexique et des Caraïbes. Ayant découvert la vigueur et la forme de la génération F1 résultant de l'hybridation naturelle d'Eucalyptus grandis et de E. tereticornis, ces sélectionneurs ont entrepris la pollinisation contrôlée et l'exploration systématique des hybrides dans des schémas d'hybridation diallèles. Un verger à graines a été créé avec des plants issus de semences pour utiliser les graines de phénotypes supérieurs de Pinus khasya qui avaient été récoltées aux Philippines et des vergers de clones de pins et d'eucalyptus ont été constitués. Ces vergers a graines sont destinés à fournir de bonnes souches phénotypiques d'espèces dont les graines ne sont, pas disponibles en quantités suffisantes et du matériel pour les expériences d'hybridation diallèle.11

(11 E. N. Cooling. L'amélioration des graines d'arbres forestiers exotiques en vue de leur utilisation en Zambie. Colloque international FAO sur les peuplements forestiers artificiels et leur importance industrielle, Canberra, 14 - 24 avril 1967. Rome, FAO, 1967.)

Le Nigeria conduit des essais assez étendus avec diverses espèces de pins et d'eucalyptus et avec le teck, et il porte une attention croissante aux essais de provenance. En ce qui concerne le teck, certains des résultats obtenus ont déjà reçu des applications dans des plantations de vastes dimensions. A la Trinité, une technique efficace a été mise au point pour greffer le teck, et des recherches très actives ont aussi été faites sur le greffage de Pinus caribaea, mais les résultats, bien que prometteurs, n'ont pas été aussi satisfaisants que pour le teck. Des jardins de clones de teck et de pin ont été installés avec succès.

En Corée, des semences génétiquement améliorées ont été obtenues par croisement interspécifique de Pinus taeda avec P. rigida, et l'on déploie dans ce domaine une activité considérable dans d'autres régions d'Asie, spécialement au Thai/Danish Teak Improvement Centre.

Ces exemples nullement exhaustifs montrent qu'une masse considérable de recherches fructueuses sont faites sur les aspects biologiques de la production du bois brut et qu'il n'existe pas à cet égard de lacunes graves qui puissent entraver sérieusement le développement de la foresterie. Cela ne veut pas dire toutefois qu'il ne reste pas beaucoup à faire. Il faut manifestement pousser la recherche fondamentale sur la fertilisation. Par exemple, il faut apprendre à connaître encore mieux la nature des lois régissant l'assimilation des éléments nutritifs par les arbres, les doses optimales d'engrais à appliquer pour créer des conditions de sol satisfaisantes, l'effet des engrais à action lente sur la croissance des arbres et les techniques les plus efficaces d'application des engrais. Il est également urgent de contrôler dans un éventail plus large de milieux tropicaux, les techniques mises au point et les résultats obtenus dans certains pays, tempérés pour la plupart. En matière de sélection il faut adopter les méthodes de la génétique quantitative, spécialement du fait que, certains caractères tels que la vigueur et la forme par exemple dépendant sans doute de polygènes, leurs modalités de transmission héréditaire seront certainement complexes. En outre, il existe encore de nombreux goulets d'étranglement dans le secteur de l'obtention et de la distribution des semences, et la logistique de toute cette opération doit gagner en efficacité. De façon générale, la masse actuelle des connaissances en biologie forestière est toutefois fort appréciable et le développement de la foresterie ne devrait pas buter sur des obstacles sérieux dans ce domaine. Le problème réside plutôt dans l'application de ces connaissances au service du développement.

Pâte à papier

L'influence de la technologie se fait plus ou moins sentir à tous les stades de la foresterie et des industries forestières, qu'il s'agisse d'opérations relativement simples telles que la préparation de mélanges de sols pour les pépinières forestières ou de processus plus compliqués tels que la fabrication du papier. De tonte évidence, bien que des progrès sensibles aient été réalisés dans de nombreux secteurs, spécialement aux stades de la transformation qui assurent une utilisation mieux intégrée de la production forestière, on ne saurait les passer tous en revue ici. Trois sujets ont été retenus, en partie à cause de leur importance pour les industries forestières employant des techniques plus perfectionnées et en partie parce qu'ils intéressent plus directement les forêts naturelles, qui n'ont pas été prises en considération dans l'examen des progrès récents de la biologie forestière. Il s'agit de la nature de la matière première requise pour la fabrication de pâte à papier, de la dimension des grumes pour la fabrication de contre-plaqué et du transport du bois et des autres produits forestiers.

Dans le passé, les feuillus tropicaux étaient généralement jugés impropres à la transformation en pâte, leurs fibres étant trop courtes. Il importe donc de comprendre que les exigences relatives à la matière utilisable pour la transformation en pâte ont bien changé, parallèlement à l'évolution de la technologie papetière. En partie sous la pression de la demande croissante de papier et de produits assimilés et en partie à cause de l'amenuisement des disponibilités en matériaux traditionnellement utilisés pour la réduction en pâte, on a mis au point petit à petit des procédés nouveaux permettant d'employer une matière première existant en plus grande abondance. Ces techniques ont tendu non seulement à corriger les imperfections des anciens procédés, mais aussi, ce faisant, a élargir l'éventail des espèces utilisables pour la transformation en pâte. Il est plus que probable que s'il v avait eu des feuillus tropicaux en abondance près des principaux centres de consommation du papier, ils auraient servi plus tôt de matière première pour la fabrication de pâte et de papier.

Quoi qu'il en soit, étant donné l'abondance relative des feuillus et la différence de prix en leur faveur par rapport aux conifères dans de nombreuses parties du monde, l'utilisation des procédés semi-chimiques et chimico-mécaniques, auxquels ces bois se prêtent particulièrement, prend une importance croissante. Il est déjà bien établi que la combinaison des procédés chimiques et mécaniques de conversion en pâte permet d'employer une série de matières premières très inusitées. De nombreuses recherches ont révélé que les feuillus tropicaux pouvaient fournir de la pâte à papier et, dans toutes les parties du monde, des sociétés sont en train de mettre en pratique avec profit les résultats des recherches sur la technologie de la pâte et du papier. Le facteur important semble être le procédé et l'équipement utilisés, que la structure du bois.

Cela ne signifie pas que, dans l'état actuel de la technique, les feuillus tropicaux peuvent être utilisés en mélange pour produire tous les types de papier. Il semble y avoir une certaine corrélation entre les caractères morphologiques des fibres de bois et certaines propriétés de la pâte et du papier obtenus12. Il apparaît donc évident que les pays en voie de développement possédant de vastes étendues de futaies tropicales devraient se concentrer sur la fabrication des types de papier qu'ils sont relativement mieux placés pour produire avec les matières premières dont ils disposent, et qu'ils ne devraient pas laisser des idées périmées sur la qualité de leurs ressources en bois entraver leurs possibilités de développer cette industrie. Avant tout, ils ne devraient pas considérer les feuillus à fibre courte comme de simples substituts des résineux à fibre longue. Ces feuillus constituent par eux-mêmes une matière première intéressante.

(12 On a effectué récemment une expérience dans laquelle douze espèces de feuillus africains, de densité très différente, ont été traitées par le procédé Kraft. De nombreuses cuissons ont été faites et elles ont révélé des corrélations entre l'indice de flexibilité et les caractéristiques suivantes: densité du bois, taux d'imprégnation du bois par les réacteurs alcalins, variations dos propriétés de la pâte on fonction de la durée du raffinage, teneur on eau de la pâte égouttée, résistance du papier à la traction, à l'éclatement et au pliage, bouffant et porosité. Voir: D. Normand et C. Petroff. The correlation between the physical and mechanical properties of paper and dimensional characteristics of fibre from tropical hardwoods. Document, Conference on pulp and paper development in Africa and Near East, Le Caire, 8-20 mars 1965.)

Dimension des grumes de placage

Avec les anciennes techniques, il fallait des grumes de grande dimension pour fabriquer des contre-plaqués et ce facteur figure parmi ceux qui ont parfois limité l'essor de cette industrie dans les pays en voie de développement. En effet, alors que nombre d'entre eux possédaient des bois qui présentaient toutes les caractéristiques physiques facilitant le déroulage, la prédominance des petits formats signifiait souvent qu'on ne, pouvait extraire qu'un nombre restreint de grumes assez grandes par unité de superficie, de sorte que les coûts d'extraction étaient relativement élevés. En outre, beaucoup des anciens procédés donnaient lieu à de fortes pertes à la conversion dues principalement aux dimensions souvent considérables des noyaux de déroulage que laissaient immanquablement subsister les machines utilisées.

Certes, il n'est guère douteux que la fabrication des contre-plaqués pourrait parfois devenir plus rentable si l'on disposait de grumes de plus grande dimension, mais, grâce aux progrès récents des méthodes de fabrication, on peut utiliser maintenant des formats beaucoup plus réduits13. D'où la possibilité d'employer aujourd'hui non seulement des spécimens plus petits des espèces qui sont déjà utilisées mais aussi toute une série d'espèces qui, à maturité, ont un faible diamètre.

(13 Cela est dû en partie au fait qu'on utilise une espèce de broche télescopique pour maintenir la grume on place pendant qu'elle tourne. A mesure que la grume est déroulée et qu'elle rapetisse on n'a plus besoin de la grosso broche pour supporter le poids de la grume initialement de grande dimension. On enlève alors les éléments extérieurs pour no laisser subsister qu'une petite broche dont le diamètre no dépasse parfois pas 5 centimètres.)

Si la nature de la matière première servant à la fabrication des contre-plaqués a changé, c'est aussi parce que la structure du marché des contre-plaqués destinés à la construction a évolué et que des progrès sont intervenus en conséquence dans les techniques de déroulage.

Comme la qualité du bois servant de matière première n'a pas une grande importance quand les contre-plaqués sont utilisés pour la construction, l'industrie moderne peut employer du bois dont la qualité et les dimensions se situent entre celles qui sont requises pour le sciage, d'une part et pour la réduction en pâte, d'autre part. De nouvelles dérouleuses à chargement automatique sont en mesure de dérouler des grumes de qualité parfois quelconque à très grande vitesse, ce qui peut conduire à l'utilisation d'un plus grand nombre d'espèces. Si ces progrès techniques reçoivent des applications dans les usines des pays en voie de développement, l'industrie du contre-plaqué ne peut que s'en trouver mieux armée dans ces pays pour soutenir la concurrence.

Transport du bois et autres produits forestiers

Jusqu'à une époque récente, on recourait essentiellement aux tracteurs agricoles et aux engins motorises usuels pour récolter le bois. A l'heure actuelle, ces moyens de transport traditionnels sont toutefois en voie d'abandon dans de nombreux pays développés. Pour les remplacer, on met au point des engins fortement mécanisés à usages multiples dont l'élément nouveau le plus important est le tracteur articulé. De nombreux systèmes sont à l'essai et il est encore trop tôt pour évaluer toutes les répercussions des diverses méthodes sur le déroulement des opérations. Toutefois, la gamme des machines utilisées pour la récolte du bois est aujourd'hui extrêmement étendue, de sorte que les pays en voie de développement peuvent choisir et adapter les types qui ont été convenablement expérimentés, qui conviennent le mieux à leur situation et surtout qui répondent à leurs besoins socio-économiques. Il convient de souligner cependant que même s'il apparaît souhaitable du point de vue socio-économique de mécaniser complètement la récolte du bois, l'utilisation efficace de ces machines exige des plans d'opérations circonstanciés. En l'absence de recherches sur la logistique des opérations forestières, les innovations mécaniques de ce genre sont en grande partie inutiles.

Des progrès remarquables ont aussi été réalisés dans le transport du bois en vrac, principalement parce qu'on développe de plus en plus la réduction en copeaux à l'intérieur des forêts. Le transport pneumatique de la pâte se répand aussi. Beaucoup de pays en voie de développement pourraient également utiliser avec profit des plateaux pour transporter des charges unitaires de produits forestiers. Cette innovation permet d'emballer et de manipuler les charges à relativement bon compte. Elle donc rendre plus concurrentielles les exportations de certains produits forestiers en provenance des pays en voie de développement. Encore une fois, il convient toutefois de souligner que ces améliorations n'auront leur plein effet que si des perfectionnements parallèles sont apportés aux méthodes de transformation en usage.

Il y a donc des signes de progrès notables dans ces secteurs importants de la technologie forestière qui ont été choisis pour leur valeur d'exemple. Il reste naturellement beaucoup à faire, même dans ces domaines particuliers. La technologie de la production de pâte avec des mélanges de feuillus en est encore à ses débuts et constitue un vaste domaine encore relativement inexploré. Il nous reste beaucoup à apprendre sur les proportions optimales des espèces à employer dans des mélanges donnés ainsi que sur les méthodes à utiliser pour améliorer la récupération des produits chimiques ou l'aspect du produit fini et, partant, ses possibilités de commercialisation. Jusqu'à présent, le papier fabriqué avec des pâtes d'essences tropicales a été vendu en grande partie sur les marchés locaux. Cela a permis d'économiser des devises. Mais on doit perfectionner constamment les procédés actuels si l'on veut affronter avec succès l'âpre concurrence sur les marchés internationaux.

Les pays en voie de développement produisent souvent des contre-plaqués d'aussi bonne qualité que les pays plus industrialisés. Toutefois, ils peuvent accroître encore la rentabilité de la production en améliorant la qualité des colles employées et en les fabriquant en plus grande quantité sur place. De meilleurs traitements superficiels donneront aussi un aspect plus attrayant au produit et celui-ci se vendra mieux. En outre, il faudrait faire des recherches plus approfondies sur les facteurs techniques et commerciaux dont dépend la production des nouveaux types de contre-plaqué.

Inévitablement, la liste des lacunes dans les connaissances, des secteurs à explorer et des domaines où les techniques doivent être perfectionnées est longue, mais, à la lumière des renseignements disponibles, on est sans doute fondé à prétendre que les ressources forestières des pays en voie de développement constituent l'une de leurs plus grandes richesses.

Réformes nécessaires

Compte tenu de ce qui précède, il devrait être évident que le secteur de la foresterie et des industries forestières dans les pays en voie de développement, étant donné ses caractéristiques particulières et la demande croissante de bois et de produits forestiers dans le monde entier, peut apporter une contribution notable et peut-être unique à l'essor économique. En outre,. le monde possède maintenant assez de connaissances scientifiques pour concrétiser cette possibilité, en accroissant la productivité des plantations forestières, en utilisant plus complètement les forêts naturelles, en récoltant plus efficacement les produits forestiers et en convertissant le bois brut en produits finals utilisables. Pourtant, dans les pays en voie de développement, à cause de certaines lacunes institutionnelles graves qu'il leur appartient d'éliminer, le secteur de la foresterie et des industries forestières ne joue pas le rôle moteur qui devrait être le sien.

Etant donné les stades d'avancement différents des pays en voie de développement, même à l'intérieur du secteur de la foresterie et des industries forestières, l'importance des obstacles à surmonter variera naturellement d'un pays à l'autre. Certains sont riches en forêts productives et possèdent des industries forestières viables. D'autres, tout en disposant de bonnes ressources forestières n'ont pas ou guère d'industries du bois. Certains ont réussi à implanter des industries forestières utilisant des matières premières importées, bien que leurs forêts soient peu étendues ou de composition médiocre. Dans d'autres qui ne possèdent pratiquement pas de forêts productives et d'industries forestières, les forêts de protection occupent une place importante.

Cette classification n'est aucunement exhaustive et diverses permutations des situations sont possibles. Il existe toutefois certains obstacles dont l'expérience a montré qu'ils sont présents sous une forme ou une autre dans tous les pays en voie de développement. La thèse principale de cette étude est qu'il s'agit d'obstacles essentiellement institutionnels et que leur élimination ouvrirait la voie à l'accélération souhaitable du développement dans ce secteur.

L'administration des forêts

FONCTIONS ET CONNAISSANCES TECHNIQUES REQUISES DES SERVICES FORESTIERS

Dans les pays en voie de développement, les services forestiers ont axé traditionnellement leurs activités vers l'identification de la flore forestière indigène et l'étude de l'écologie des forêts. Quand il n'existait pas de forêts autochtones ou quand les forêts existantes étaient jugées impropres à la protection et à la production, leurs efforts ont été orientés vers l'établissement de plantations, avec toutes les opérations que cela comporte. Convaincus qu'il fallait disposer d'un patrimoine forestier permanent, occupant souvent une proportion déterminée du territoire national, pour assurer une administration rationnelle des forêts, les services forestiers ont accordé une grande attention à la mise en réserve et à la délimitation des forêts; ils ont également contrôlé l'octroi de concessions et, généralement, le bois brut produit dans les zones ainsi concédées était soit exporté sous forme de grumes soit soumis simplement à une transformation extrêmement rudimentaire. Les services forestiers se sont beaucoup intéressés à la contribution que les forêts pouvaient apporter aux recettes de l'Etat et leur activité administrative consistait en grande partie à mesurer le bois en vue de la répartition et de la perception des redevances et des droits.

Les recherches sur la technologie du bois étaient limitées essentiellement à l'étude de la résistance du destiné à la construction et de l'aptitude des bois à diverses utilisations finales simples. Quelques tentatives de planification ont été faites mais, en fait, elles ont été réalisées en vase clos, car elles portaient uniquement sur l'aménagement des forêts dans des zones particulières. Très peu d'efforts ont été entrepris pour planifier le rôle de la foresterie dans l'ensemble de l'économie nationale et la contribution qu'elle pouvait lui apporter. La mise en valeur industrielle des forêts a été à peu près ignorée, ce qui est peut-être particulièrement important à noter.

Il ne s'agit pas de critiquer ces activités. Nombre d'entre elles étaient et restent absolument indispensables. L'absence de planification à l'échelle nationale reflétait simplement les défauts de l'époque ou bien résultait des idées qui guidaient les proconsuls gouvernant en ce temps nombre de ces territoires. En fait, les conceptions étaient bien souvent plus avancées en foresterie que dans les autres secteurs d'activité, car les forestiers. confrontés à une production qui met des années à atteindre la maturité et dans laquelle les notions de capital et d'intérêt sont inextricablement liées, élaboraient des techniques de planification admirables dans les limites de leur propre secteur et de leurs objectifs restreints.

Les fonctions des services forestiers dans les pays en voie de développement se sont toutefois modifiées et diversifiées. Le forestier moderne doit maintenant allier à l'approche traditionnellement conservatrice des conceptions plus dynamiques orientées vers le développement. Il faut donc adapter et élargir l'assise administrative de la foresterie. C'est vrai de la plupart des activités entreprises dans les pays en voie de développement, mais c'est particulièrement nécessaire en foresterie car, à l'inverse des services officiels agricoles, géologiques et vétérinaires par exemple, le service forestier ne se borne pas à effectuer des recherches, à faire de la vulgarisation et à donner des avis, mais il pourvoit aussi directement à l'aménagement d'une ressource qui couvre souvent de vastes superficies.

Il doit s'occuper de tout ce qui concerne la régénération et l'entretien des forêts, la récolte, la transformation et la commercialisation des produits forestiers, la conservation et l'amélioration des ressources en terres et en eaux, et l'aménagement et la préservation des zones de loisirs. Les connaissances techniques requises sont donc fort vastes, et les services forestiers doivent désormais se préparer à recruter du personnel qualifié dans des domaines très divers. Les aspects biologiques de la foresterie, qui conservent toute leur importance, sont traités de façon assez satisfaisante clans les pays en voie de développement où la formation de la plupart des forestiers a été fortement orientée vers cette discipline. Dans les observations qui suivent on se bornera donc à examiner les plus graves lacunes qui existent dans les autres branches importantes de la foresterie et des industries forestières.

Economie forestière

Les services d'économistes sont nécessaires dans presque toutes les activités relevant de la foresterie et des industries forestières. Et pourtant, plus de 90 pour cent des pays en voie de développement ne possèdent pas d'économistes forestiers. Comme dans presque toutes les industries la production est entreprise en vue de la demande, la prévision de la demande devrait être une condition préalable de la production. Tel est particulièrement le cas en foresterie où le processus de la production primaire s'étend souvent sur une période considérable.

La chose a une importance particulière dans la foresterie moderne où, étant donné la diversité des produits forestiers, la prévision de la demande n'est pas un simple exercice portant sur un produit final particulier, mais une opération complexe mettant en jeu une foule d'utilisations finales et de produits connexes.

Certains pays en voie de développement entreprennent toutefois des programmes de plantation sans avoir la moindre idée de l'ampleur et de la nature des débouchés futurs pour les produits envisagés. D'autres laissent échapper la possibilité d'établir des plantations parce que les recherches nécessaires n'ont pas été exécutées et que les décisions continuent a être fondées sur des conjonctures plutôt que sur un examen attentif des faits. Il faut donc des économistes pour aider à évaluer l'importance et la structure des débouchés futurs pour les divers produits.

Il faut des économistes forestiers non seulement pour étudier les besoins en bois et les marchés du bois et des produits dérivés, mais aussi pour entreprendre des analyses coût/profit, des études de marché, des enquêtes sur les transports et des études touchant la viabilité des industries forestières; ils doivent donner leur avis sur le choix des emplacements, et leurs services sont nécessaires pour combiner les résultats de toutes ces études avec les évaluations des ressources et pour établir sur cette base des plans d'ensemble conformes aux objectifs de la planification nationale et régionale, en vue du développement de la foresterie et des industries forestières. Cette dernière tâche est importante. En effet, les plans de développement forestier ne peuvent plus être établis en vase clos mais doivent s'inscrire dans le cadre de la planification économique générale.

L'influence de l'économie s'étend même au domaine de la sylviculture. Définie brièvement, la sylviculture peut être considérée comme un effort visant à contrôler et à régler la croissance des forêts et des plantations en vue d'obtenir en fin de compte le type de forêt ou de plantation qui fournira le plus efficacement les produits et les services requis. De nombreuses techniques sylvicoles seront employées pour essayer d'atteindre l'objectif de l'aménagement. Bien souvent toutefois, les pratiques utilisées en définitive le sont uniquement à cause de leurs avantages sylvicoles et non en raison de leur intérêt économique. Les outputs physiques ne sont pas exprimés en argent et les inputs ne sont pas évalués en fonction des outputs monétaires. Il arrive parfois que les intérêts physiques et financiers coïncident, peut-être par hasard, mais quand il y a conflit entre eux, l'économie peut en pâtir. On doit donc toujours essayer les pratiques sylvicoles pour en déterminer la rentabilité, car il ne faut pas oublier que les considérations financières deviennent plus importantes quand les forêts sont utilisées pour la production. En pareil cas, les forêts sont seulement le moyen d'obtenir un gain pécuniaire.

Industries forestières

Le deuxième grand domaine où les connaissances techniques font défaut dans les pays en voie de développement est celui des industries forestières. Très rares sont les administrations forestières qui disposent du personnel possédant les connaissances nécessaires pour donner des avis sur la gamme complexe des industries forestières qui commencent à jouer un rôle si important dans la foresterie moderne, et à plus forte raison pour diriger ces industries. Nous ne demandons pas que chaque service forestier possède des experts dans tous les secteurs de ce complexe que constituent les industries forestières, qu'il emploie des spécialistes des panneaux de particules, du contre-plaqué, de la pâte et du papier ou qu'il puisse disposer des services quotidiens de chimistes et d'ingénieurs, par exemple. Ce qu'il faut, ce que nous préconisons ici avec force, c'est que les forestiers dans les pays en voie de développement, étant donné spécialement la pénurie générale de tels spécialistes dans ces pays, soient en mesure de déterminer, au moins aux stades préliminaires des études, les exigences des diverses industries forestières et la mesure dans laquelle les ressources en bois se prêtent à un certain nombre d'usages.

Plus précisément, ils devraient être capables de donner au gouvernement, aux planificateurs et parfois aux autorités financières des avis sur l'aptitude technique des principales matières premières à l'usage final envisagé, savoir si l'industrie considérée à besoin d'énergie, d'eau et de matières premières secondaires et, dans l'affirmative, quelles sont les quantités nécessaires, si elles sont déjà disponibles ou s'il est possible de se les procurer, connaître les exigences techniques des différents procédés de transformation, de manière à pouvoir indiquer au gouvernement et aux personnes et organismes intéressés les méthodes les plus appropriées, et enfin être en mesure d'évaluer les besoins en main-d'œuvre de l'industrie, le degré de compétence technique requis et les possibilités de trouver sur place du personnel qualifié.

En l'absence de telles connaissances, l'industrialisation des forêts indigènes reste entièrement subordonnée aux conseils extérieurs. Des avis dans ce domaine peuvent être fournis par les organisations internationales et dans le cadre de l'aide bilatérale, et ils sont généralement objectifs, mais il serait évidemment avantageux que les administrations forestières nationales soient à même d'apprécier la valeur du travail qui a été fait pour elles - sinon d'assurer elles-mêmes les services considérés - et de présenter en connaissance de cause des demandes de conseil dans ce secteur.

Utilisation des terres

L'utilisation générale des terres est un autre secteur sur lequel il faut mettre un accent nouveau. Les services forestiers modernes doivent posséder des hommes qui soient capables, non seulement d'évaluer qualitativement l'influence des forêts sur les sols et les eaux, ainsi que la contribution potentielle d'un aménagement efficace de l'habitat forestier à la production de la faune sauvage, aux loisirs, au tourisme et à tout l'environnement social, mais aussi d'exprimer ces effets quantitativement et de les traduire en termes pécuniaires. Ils devraient être en mesure de déterminer les priorités en matière d'utilisation des terres, d'indiquer si l'aménagement doit poursuivre des buts multiples et, dans l'affirmative, quelle devrait être l'utilisation dominante dans la combinaison. Pour bien s'acquitter de cette tâche, ils doivent connaître les combinaisons possibles et les interactions des diverses utilisations, mais aussi être capables d'évaluer les besoins de la société en biens et services, ainsi que les coûts et les profits dérivant de ces utilisations. Les arguments vagues et souvent dépourvus de fondement réel qui étaient employés dans le passé doivent être remplacés et étayés par des données de fait.

Gestion commerciale et administration

L'insuffisance des connaissances dans ce domaine est peut-être la plus grave et la plus fréquente des lacunes dont souffrent les services forestiers des pays en voie de développement. Cette insuffisance ne concerne pas uniquement les aspects non techniques de la foresterie, mais s'observe même dans le secteur restreint de l'aménagement où les forestiers travaillent depuis longtemps. Comme les pays moins développés mettent traditionnellement l'accent sur la conservation des forêts, il n'y a peut-être rien d'étonnant à cela. Dans le contexte socio-économique actuel, les forêts devraient toutefois être essentiellement considérées comme des ressources à mettre en valeur selon des critères commerciaux. On a donc grand besoin de personnel formé aux techniques de gestion commerciale.

Dans le passé, la préservation de la nature semblait l'emporter sur toute autre considération dans la pratique de la foresterie. Certes, on jugeait que le bois tiré des arbres avait une certaine valeur, mais ceux qui cherchaient à s'enrichir aux dépens des forêts étaient souvent jugés sévèrement. Les forestiers n'ignoraient pas les interactions entre la forêt, l'eau et le sol. Ils avaient noté que la destruction du patrimoine forestier favorisait souvent l'érosion, la sédimentation, les inondations et la sécheresse. En outre, ils se préoccupaient de l'approvisionnement des collectivités qui tiraient leur bois des forêts locales. Etant donné les moyens de transport limités, ils craignaient que cet approvisionnement ne soit perturbé, et leur pensée, leurs pleins et leurs méthodes d'aménagement s'inspiraient de ces considérations.

Aussi ont-ils élaboré certains préceptes soulignant la nécessité de ne pas altérer exagérément les ressources forestières, sinon de les maintenir intactes. Ils ont aussi insisté sur la nécessité d'un rendement matériel soutenu en bois et autres produits forestiers, afin d'obtenir une production régulière. Ces principes directeurs et les considérations profondes qui les inspiraient, si admirables qu'ils puissent avoir été aux époques et dans les lieux où ils ont été formulés, ont pris par la suite l'allure de dogmes universels et sont encore appliqués aveuglément dans de nombreux pays en voie de développement dans des circonstances où ils ne se justifient guère.

Il devient de plus en plus urgent d'élargir la conception de la foresterie pour y introduire sans fausse honte la notion de profit économique. Les capitaux sont rares, de même que les terres dans de nombreux pays. La foresterie doit donc lutter pour avoir sa part de ces ressources et, pour pouvoir le faire avec succès, elle doit organiser efficacement ses opérations. En outre, c'est seulement ainsi que le secteur de la foresterie et des industries forestières pourra apporter sa pleine contribution au progrès économique. Les administrations forestières doivent gérer les ressources disponibles en utilisant les moyens et les méthodes qui leur permettent d'en tirer le meilleur parti. Le forestier doit être capable d'opérer des choix sur l'analyse des données et des informations dont il dispose; il doit savoir comment élaborer des solutions de rechange, fixer des objectifs, contrôler les opérations et évaluer les résultats. En d'autres termes, la tâche du forestier moderne consiste à déterminer quels objectifs devraient et pourraient être atteints; où, quand et comment agir, et quelles sont les personnes les mieux qualifiées pour s'acquitter des tâches nécessaires. Il doit aussi être capable de justifier son action et ses décisions.

Il est facile et tentant de suggérer que les pays en voie de développement devraient tous employer les méthodes modernes relevant de ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui génériquement la «recherche opérationnelle». En fait, nombre de ces méthodes, telles que la programmation linéaire, la programmation dynamique, la théorie des jeux et la théorie des probabilités, trouvent place dans la gestion et l'administration des forêts et peuvent être utilisées pour de nombreuses opérations ressortissant à la foresterie et aux industries forestières. En règle générale toutefois, le moment n'est pas encore venu pour ces pays d'appliquer ces méthodes à grande échelle, ne serait-ce que parce que les données requises pour évaluer les paramètres nécessaires ne sont pas toujours disponibles.

Il existe toutefois un groupe de techniques de planification et de contrôle dont on peut recommander l'utilisation générale en foresterie et dans les industries forestières par les pays en voie de développement. Il s'agit de ce qu'on appelle la «technique de l'évaluation et de l'étude des programmes» (Programme evaluation and review technique) (PERT) et la «méthode du chemin critique» (Critical path method) (CPM). Ces deux méthodes sont généralement désignées par l'expression «analyse de réseaux» (Network Analyses). Dans ce système, on construit un réseau, ou modèle graphique, pour illustrer un projet ou un programme. La technique utilisée pour construire ce modèle consiste à dresser la liste des principales activités à exécuter pour réaliser le projet ou le programme, et à établir un graphique illustrant la logistique de ces activités: leur succession, le temps nécessaire pour mener à bien chacune d'elles et les ressources (main-d'œuvre, capitaux, matières premières, etc.) à leur affecter. Le réseau montre donc les interrelations entre ces activités: le moment où chacune commence, le moment où chacune se termine et leur influence réciproque.

Il n'y a pas lieu d'examiner ici ce système en détail14. Il peut être appliqué dans plusieurs circonstances à des opérations de planification et de gestion en foresterie et dans les industries forestières, il offre la possibilité de mieux contrôler de nombreux aspects du développement et de la production, et il permet de présenter de grandes quantités de données sous une forme concise et ordonnée. Il offre des solutions aux difficultés rencontrées lorsqu'il s'agit par exemple de déterminer le temps nécessaire à l'exécution d'un projet et les dépenses qu'il entraînera, il permet aux autorités responsables de savoir si le personnel disponible est suffisant pour l'exécution de tâches déterminées, il montre où et quand de nouveaux contrôles doivent être pratiqués, il peut être utilisé pour déterminer les besoins en matériel et en capitaux, et il permet aux administrateurs forestiers de remédier aux incertitudes inhérentes aux projets et programmes quand il n'existe pas de données types sur les dépenses et les délais.

(14 Pour de plus amples renseignements, voir: J. J. Moder et C. R. Phillips, Project management with CPM and PERT. New York, Reinhold, 1964.)

Avantage peut-être particulièrement important pour les pays en voie de développement, il s'agit d'une technique manuelle qui n'exige pas de machines coûteuses et compliquées mais qui nécessite, pour évaluer les différentes opérations et arrêter la succession des activités, un esprit rigoureux et logique. En outre, il n'est pas très difficile d'acquérir les connaissances pratiques nécessaires à l'emploi de cette technique.

Quelles que soient les techniques modernes utilisées au service de l'administration et de la gestion, c'est surtout l'état d'esprit qui compte. L'ancienne optique qui prévalait chez les forestiers dans les pays en voie de développement doit céder la place à une nouvelle, conception de leur profession plaçant au premier rang des préoccupations l'efficacité de la gestion et la qualité de la planification.

En résumé, un service forestier moderne dans un pays en voie de développement doit donc avoir à sa disposition, outre les biologistes forestiers qui constituent traditionnellement le gros de ses cadres, des spécialistes de l'économie forestière, des industries forestières, et de l'aménagement des terres ainsi que des administrateurs compétents. Nous ne demandons pas que chaque forestier possède toutes les compétences ou connaissances requises pour utiliser les techniques qui ont été décrites; en revanche, ce que nous préconisons vivement, c'est non seulement que les services forestiers puissent disposer et faire usage de ces compétences et connaissances, mais aussi que tous leurs membres aient conscience que les diverses disciplines sont interdépendantes et qu'ils possèdent eux-mêmes des notions au moins sommaires à leur sujet.

ORGANISATION DES ADMINISTRATIONS FORESTIÈRES

Même si le service forestier comprend des spécialistes dans les domaines précités, cela ne suffit toutefois pas à garantir qu'il soit fondamentalement capable d'organiser le développement forestier. L'efficacité avec laquelle un service forestier peut amorcer et promouvoir le développement de la foresterie et des industries forestières dépend pour une large part de sa place dans la structure administrative générale de l'Etat et de sa propre structure organisationnelle. Comme son type d'organisation doit dépendre des objectifs qui lui sont assignés et du cadre socio-économique, il n'y a évidemment pas de formule unique qui soit applicable à tous les services forestiers des pays en voie de développement. Toutefois, plusieurs des défauts que nous allons examiner sont communs à nombre de pays non industrialisés, et l'on espère que les considérations exposées ci-après fourniront aux gouvernements des orientations pour procéder à la réorganisation de leurs services forestiers.

Il convient de souligner que la foresterie de production est une activité commerciale et que l'organisation des services forestiers doit donc s'écarter, sur certains points importants, de celle des autres départements gouvernementaux qui se bornent à fournir des services. Il y a également lieu de relever que l'administration n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'atteindre efficacement les objectifs poursuivis. Il s'ensuit que la structure administrative doit évoluer à mesure que les connaissances s'enrichissent, que le cadre socio-économique se modifie et que les objectifs changent. C'est là un fait que l'on oublie féquemment, non seulement dans les pays en voie de développement mais aussi dans les pays développés, et l'on a souvent bien du mal a modifier les attitudes et les structures administratives. Il n'est donc pas surprenant que, dans beaucoup de pays en voie de développement, les services forestiers aient la, même structure que les services gouvernementaux qui s'adonnent à des activités non commerciales et; soient encore régis par une organisation qui avait été conçue à une époque où les objectifs étaient sensiblement différents de ceux de la foresterie moderne.

Pour incorporer les administrations forestières dans le cadre des services de l'Etat, on peut:

1. Intégrer la foresterie et les industries forestières dans un ministère qui coiffe d'autres départements, par exemple agriculture, ressources naturelles, industrie, planification, etc.;

2. Eriger en un ministère distinct l'administration de la foresterie et des industries forestières;

3. Donner à l'administration de la foresterie et des industries forestières un caractère relativement extra-étatique et plus commercial, en faisant une société d'intérêt public, et

4. Tout en maintenant la foresterie et les industries forestières dans le cadre des services de l'Etat, accorder à ce secteur une certaine autonomie en le plaçant sous le contrôle d'une commission des forêts.

Toutes ces solutions présentent des avantages et des inconvénients. En rattachant la foresterie et les industries forestières à des ministères qui s'occupent de problèmes en gros analogues à ceux des forêts, il devrait être possible de promouvoir des échanges d'idées, d'influencer par des contacts quotidiens les responsables des domaines d'activités connexes et d'assurer que les problèmes de la nation seront envisagés dans une optique intégrée, comme il est extrêmement souhaitable. Pourtant, il arrive parfois non seulement que ces objectifs ne soient pas atteints, mais aussi que l'existence même de départements différents au sein d'un seul et même ministère accroisse la concurrence entre eux au détriment des intérêts du pays. En outre, quand les ministres ont la responsabilité de plusieurs secteurs, ils attribuent presque inévitablement plus d'importance à certains d'entre eux, et les projets et programmes proposés dans des domaines qui ne sont manifestement pas «payants» du point de vue électoral ne seront pas défendus au Conseil des ministres avec la conviction nécessaire.

C'est pourquoi on préconise parfois la création d'un ministère distinct pour la foresterie et les industries forestières. Avec cette solution toutefois, les problèmes du pays en matière d'utilisation des terres et les problèmes d'industrialisation qui s'y rattachent ne peuvent plus être abordes sous plusieurs angles à la fois, ce qui est regrettable. Il est probable que les intérêts de la foresterie et des industries forestières seront défendus avec plus d'ardeur, mais il est assez logique de se demander si cet avantage sectoriel compense ceux de l'approche plus intégrée dont nous avons parlé plus haut. En outre, dans la gestion commerciale (par opposition à l'administration publique), il semble y avoir une tendance à constituer des équipes pluridisciplinaires pour préparer et exécuter des programmes déterminés, tendance qui influera sans doute sur l'organisation des services publics dans l'avenir.

Beaucoup de gouvernements ont créé des sociétés d'intérêt public pour administrer et gérer les secteurs d'activité qui sont jugés essentiellement commerciaux. Dans le domaine de la foresterie et des industries forestières, la création de sociétés de ce genre pourrait être préconisée à cause de certaines caractéristiques de la fonction publique qui ne permettent guère à des fonctionnaires de s'occuper efficacement des aspects commerciaux de l'administration des forêts. Dans certaines circonstances, nombre des facteurs qui font traditionnellement la force de la fonction publique peuvent être au contraire des handicaps. La sécurité d'emploi dont jouit le fonctionnaire et le fait qu'il n'ait pas à lutter pour son avancement sont censés assurer une objectivité, une sérénité d'esprit qu'il peut être difficile d'atteindre dans le climat des affaires. Toutefois, ces mêmes conditions d'emploi sont parfois génératrices d'inertie, de méfiance à l'égard des idées nouvelles, de peur du risque et de répugnance à modifier les pratiques traditionnelles et à s'aventurer dans des domaines nouveaux.

Au contraire, comme l'avancement se fait au mérite dans les sociétés d'intérêt public, il y a un esprit de compétition dans le personnel, d'où une augmentation fréquente de la productivité et une tendance aux innovations. En outre, comme la sécurité d'emploi est moins grande, le personnel est constamment aiguillonné par le sentiment qu'il lui faut se perfectionner. Enfin - et c'est peut-être là leur principal avantage-les sociétés d'intérêt public ne sont pas soumises au contrôle budgétaire annuel du Ministère des finances et du trésor, de sorte qu'elles peuvent planifier et mettre en œuvre l'aménagement forestier en ayant une vue suffisamment claire de l'avenir.

Le principal danger que pourrait entraîner la création de telles sociétés dans le domaine de la foresterie, spécialement dans les pays en voie de développement, semble résider dans une accélération de la cadence de renouvellement du personnel, une fois que la sécurité d'emploi et l'avancement ne seront plus garantis. Ce serait très regrettable, non seulement parce que la foresterie exige la continuité dans la planification et dans l'effort, mais aussi parce que, dans ces pays, les forestiers qualifiés sont peu nombreux. En outre, l'autonomie partielle dont jouiraient ces sociétés d'intérêt public empêcherait dans certains cas d'envisager les problèmes du pays dans une optique intégrée.

La création de commissions forestières représente une autre solution possible. Ces commissions auraient directement accès au ministre responsable, donneraient des avis sur l'élaboration des politiques et exerceraient un contrôle exécutif sur le personnel du département des forêts. Si leurs membres sont bien choisis, la création de ces commissions permettrait d'infuser des idées nouvelles à l'administration forestière et d'assurer la liaison nécessaire avec l'industrie et les propriétaires de forêts. Toutefois, comme les membres des commissions forestières ne sont généralement pas choisis parmi les fonctionnaires, beaucoup de gouvernements répugnent à leur déléguer des pouvoirs si grands.

Cette brève étude de certains moyens d'intégrer les administrations forestières dans le cadre des services de l'Etat montre qu'il existe plusieurs formules possibles. En fin de compte, le choix sera donc sans doute dicté par les conceptions qui inspirent l'action gouvernementale. Toutefois, quelle que soit la méthode choisie, de puissantes raisons semblent conseiller d'accorder aux services forestiers plus d'autonomie que n'en ont normalement les services de l'administration. Le fait que la foresterie soit une activité de longue haleine, le caractère unitaire du processus de production et la corrélation indispensable entre la croissance des arbres et la transformation du bois, la nécessité de contacts continus entre producteurs et consommateurs et le besoin de prévoir les modifications de la demande et de réformer en conséquence les méthodes et les structures donnent à penser que les services forestiers doivent être régis par des arrangements administratifs assez souples. De ce point de vue, la solution de l'organisation autonome semble la meilleure. L'intégration des activités d'une telle organisation dans celles des autres secteurs de l'économie qui jouent un rôle dans le développement de la foresterie et des industries forestières revêtirait alors une importance capitale.

INTÉGRATION

La structure organisationnelle des services forestiers devrait non seulement assurer la souplesse qui résulte de l'autonomie mais répondre aussi à une triple exigence:

1. Faciliter l'intégration de la planification du développement forestier dans la planification nationale et régionale car, comme on l'a montré, il existe une influence réciproque entre la foresterie et les industries forestières, d'une part, et de nombreux autres secteurs de l'économie nationale, d'autre part.

2. Permettre de coordonner la foresterie et les industries forestières non seulement avec les services matériels et récréatifs que fournit la forêt, mais aussi avec d'autres formes d'utilisation des terres qui sont influencées par la foresterie.

3. Assurer des échanges d'idées entre les responsables de la foresterie et ceux qui s'occupent principalement des industries forestières. Il faut bien comprendre - et cela doit se refléter dans la structure organisationnelle - que la foresterie et les industries forestières sont étroitement imbriquées, que ce qu'on fabrique dépend de ce qu'on fait pousser et que le choix de ce qu'on fait pousser doit être dicté par la demande des consommateurs. Tous ces éléments sont interdépendants. La foresterie de production est un processus intégral et ne consiste pas en une série d'activités distinctes sans lien entre elles.

Pour intégrer la planification du développement forestier dans la planification nationale et régionale et pour coordonner la foresterie avec les autres formes d'utilisation des terres, on peut affecter des forestiers aux services nationaux ou régionaux de planification ou aux ministères du développement. Ceux qui sont chargés de donner des avis sur la planification de la foresterie et des industries forestières doivent évidemment connaître les disciplines pertinentes. On se demande fréquemment quel genre de formation ces personnes devraient posséder. Il y a, semble-t-il, trois possibilités: il peut s'agir d'une personne qui a repu soit une formation en règle portant à la fois sur la foresterie et sur les aspects économiques du développement, soit une formation portant principalement sur la foresterie mais qui a acquis une expérience économique en travaillant avec les instruments des économistes, en suivant des colloques, des stages de perfectionnement en cours d'emploi, etc., soit encore une formation économique mais qui a appris les rudiments de la foresterie. Le premier de ces types de formation est probablement le mieux adapté pour les tâches envisagées, mais il est rarement possible de trouver un expert de ce genre, même dans les pays développés. Les services forestiers des pays en voie de développement doivent donc choisir parmi le personnel disponible. De toute manière, une formation en règle n'est pas le seul critère. Ce qui est peut-être encore plus nécessaire, c'est une personne capable de considérer les situations objectivement, d'assurer que les problèmes de la foresterie sont envisagés dans leur juste perspective et, tout en accordant une attention spéciale au secteur dont elle est responsable, d'avoir une vue d'ensemble de l'économie nationale.

Les fonctionnaires qui sont chargés d'aider à coordonner la foresterie et les autres formes d'utilisation des terres, en tenant particulièrement compte des rapports de cause à effet entre la pratique de la foresterie et la présence de forêts d'une part, et la lutte contre l'érosion et la régularisation des eaux d'autre part, doivent de toute évidence être des spécialistes de ces questions. Ils doivent être constamment disponibles pour donner des avis concernant aussi bien l'influence physique de la foresterie sur le milieu général que les effets, à court et à long terme, des formes d'utilisation des terres qui impliquent le défrichement des forêts, qui perturbent la faune et qui influent sur les fonctions récréatives. Les voies de communication entre les services forestiers et les autres fonctionnaires gouvernementaux qui s'occupent des terres sont souvent tortueuses et mal déblayées, d'où la nécessité impérieuse que les fonctionnaires en question soient aussi rattachés à un organe coordonnateur tel qu'un service de planification ou un ministère du développement. Même si les fonctionnaires des deux catégories qui viennent d'être distinguées sont matériellement affectés au département responsable de la planification, ils doivent continuer à appartenir au service forestier, relever de son chef et être responsables devant lui en dernier ressort, car il faut maintenir les liens indispensables entre le service forestier et les autorités centrales ou régionales dans ces domaines.

Assurer un courant fécond d'idées et de renseignements (sur les politiques, les techniques, les marchés, les disponibilités et les tendances futures dans le secteur de la foresterie et des industries forestières) entre les responsables de la production du bois brut et ceux qui s'occupent de le transformer en un produit semi-fini et fini pose un sérieux problème, que vient compliquer le fait qu'il existe dans de nombreux pays une distinction ancienne entre foresterie, d'une part, et industrie forestière, d'autre part. Cette distinction est artificielle et indéfendable, mais elle est ancrée si profondément dans certains pays où l'Etat produit le bois et les entrepreneurs privés contrôlent la transformation et la fabrication, que de nombreux aspects de l'économie nationale - ou la conception du comportement du secteur public ou privé -devraient être radicalement modifiés pour assurer vraiment l'élaboration et la mise en œuvre de plans intégrés concernant la foresterie et les industries forestières.

En faisant appel à des mesures fiscales et réglementaires, l'Etat peut naturellement orienter l'industrialisation dans le sens qu'il désire. Toutefois, ces mesures ne garantissent pas que des investissements seront réalisés dans les industries et dans les secteurs qu'il juge appropriés. Elles créent simplement des contraintes et des stimulants qu'il n'est pas toujours possible de rendre assez puissants pour atteindre les objectifs recherché s.

Un autre moyen d'assurer l'intégration et la coopération souhaitables consiste à créer des comités consultatifs des forêts et des industries forestières. Il devrait s'agir d'organismes officiels, composés de manière à refléter les opinions d'un vaste éventail d'utilisateurs industriels des forêts et la manière de voir de ceux qui s'occupent de faire pousser les arbres. On créerait ainsi un lieu de rencontre de nature à favoriser une coopération très étroite entre ces deux catégories d'intérêts essentielles, sans modifier trop radicalement les structures existantes.

Quelques pays en voie de développement s'orientent déjà dans cette voie. Au Nigeria occidental par exemple, une commission forestière a été constituée à la suite du rapport 15 d'un comité chargé d'enquêter sur la politique forestière et l'aménagement des forêts. Les points qui nous intéressent ici sont que la composition de cette commission doit obligatoirement refléter les divers intérêts forestiers, à savoir production, utilisation, commercialisation et propriété, et que deux au moins de ses sept membres doivent représenter les industries forestières. Selon les propres termes du rapport, l'un des principaux objectifs de la commission est «d'élaborer et d'administrer un système planifié à long terme d'aménagement forestier et de régulation des industries forestières».

(15A. L. Mabogounje et al. Forest policy and management in Western State of Nigeria: report of thé committee set up by His Excellency the Military Governor of Nigeria. Ibadan, 1967)

Toutefois, le moyen le plus efficace d'assurer l'intégration de la, foresterie et des industries forestières consiste peut-être à ce que l'Etat participe activement-pour cette raison et pour d'autres - à la transformation du bois et à la production de la matière brute. A Ceylan, par exemple, il existe depuis 1957 une «State Timber Corporation». Cette société d'Etat dirige et contrôle l'extraction du bois, la transformation primaire du bois ainsi que la fabrication et la commercialisation des produits tirés du bois. Une formule assez semblable existe au Soudan et dans certains Etats indiens. Au Malawi, l'Etat possède et exploite une chaîne de scieries. En Tanzanie, une fabrique de panneaux de particules récemment créée appartient entièrement à l'Etat qui possède aussi des parts dans une usine de contre-plaqué. Au Paraguay, l'Etat possède au moins une scierie. Au Honduras, des plans de participation de l'Etat à une fabrique de pâte et de papier en sont déjà à un stade avancé. Les intérêts financiers du gouvernement hondurien seront fort appréciables, mais la majorité des actions appartiendront à des bailleurs de fonds privés.

Le degré de participation de l'Etat à l'aménagement et au contrôle des industries forestières peut donc varier entre des limites très larges. Comme ces industries, de par leur nature, peuvent manifestement favoriser le développement économique et social, en plus des gains financiers qu'elles procurent incontestablement, un plus grand nombre de pays en voie de développement seraient peut-être bien inspirés d'entreprendre des investissements de ce genre.

RÉGLEMENTATION

En dehors de ces défauts d'organisation, il existe dans beaucoup de pays en voie de développement des obstacles à l'efficacité, qui tiennent aux procédures suivies et qui ne semblent pas liés à la structure même des services publics. Dans ces pays, la plupart des gouvernements n'ont pas modifié le fonctionnement des services administratifs dont ils avaient hérité lors de l'accession à l'indépendance, et les règles et procédures régissant les activités administratives quotidiennes restent dans une large mesure identiques à ce qu'elles étaient avant l'indépendance. Nous n'avons pas à nous occuper ici des répercussions de cet état de choses sur les administrations nationales en général. Ce qui nous intéresse dans le présent contexte, ce sont leurs effets sur la foresterie.

Le fonctionnement actuel de la plupart des services forestiers repose sur un principe essentiel: les fonctionnaires doivent observer strictement une série d'ordonnances gouvernementales ou un ensemble de prescriptions officielles et s'inspirer des précédents pour donner des avis et résoudre les problèmes. De toute évidence, il y a de nombreux avantages à ce qu'un ensemble de règles et de procédures guident l'action des fonctionnaires, car elles assurent une certaine uniformité de conception et tendent à limiter le népotisme et la corruption. Toutefois, la foresterie a besoin d'un cadre et non d'un carcan. En outre, nombre des règles en vigueur dans les pays en voie de développement ont été élaborées dans des circonstances qui n'ont guère de rapport avec les exigences du développement de la foresterie moderne et doivent donc être révisées. Quant à l'utilisation des précédents comme règle d'administration, elle peut être souhaitable dans certaines circonstances mais, dans le secteur des industries forestières, rares sont les précédents reposant sur des décisions prises en régime d'indépendance politique quand il s'agit de pays en voie de développement. Il est donc manifestement nécessaire d'élaborer une série de règles expressément conçues pour les services forestiers. Cela ne signifie pas obligatoirement que lesdits services doivent être placés hors du cadre général de l'administration nationale. Dans bien des cas, certains services publics, la police par exemple, sont régis par des règles et emploient des méthodes spécialement conçues en vue de leurs fonctions particulières mais n'en relèvent pas moins du pouvoir législatif par l'intermédiaire d'un ministre, tout en restant dans le cadre général des services publics.

DÉPLOIEMENT DU PERSONNEL LE TERRAIN

La distribution dans l'espace du personnel des services forestiers est un autre héritage du passé. Dans une étude 16 faite dans trois pays en voie de développement d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud, afin de déterminer la raison de la distribution particulière des cadres forestiers sur le terrain, on a utilisé certains paramètres 17 reposant sur les activités des services forestiers. Même quand des facteurs tels que la facilité des communications à l'intérieur de la région ont été pris en considération, la répartition du personnel a paru de prime abord irrationnelle et anarchique. C'est seulement après avoir étudié la situation historique dans les pays en question qu'on s'est aperçu que les fonctionnaires forestiers étaient affectés dans certains endroits uniquement parce que c'était là qu'ils avaient été traditionnellement envoyés de tout temps. Il ne s'agit pas d'exemples isolés, et il en résulte que, dans beaucoup de pays en voie de développement, les forestiers sont déployés sur le terrain de telle manière que certaines zones manquent de personnel tandis que d'autres en ont trop.

(16 K. F. S. King Some aspects of forest administration in developing countries, Obeche, 1 (1), 1965.)

[17 Comme les fonctionnaires forestiers dans ces pays s'occupaient exclusivement de surveiller l'exploitation du bois, d'inspecter les forêts données en concession, les soieries et les autres usines de transformation et de promouvoir la régénération naturelle ou artificielle des forêts, on a utilisé comme paramètres la superficie dont ils avaient la charge et le nombre des concessions dans cette zone le volume du bois qui y était produit, le nombre des usines de transformation qu'ils inspectaient et l'activité sylvicole (calculée sur la base de la superficie régénérée, éclaircie, etc.]

D'autres pays souffrent d'une centralisation excessive. Les cadres forestiers sont concentrés dans l'une ou l'autre des grandes villes; en effet, l'Etat ne leur accorde pas les avantages qui pourraient les inciter à vivre sur le terrain, dans des conditions souvent difficiles, et ils ne reçoivent pas d'indemnités de déplacement suffisantes. Cette carence de l'Etat qui se refuse à assurer le cadre matériel nécessaire a plusieurs conséquences fâcheuses: le personnel de terrain subalterne est mal encadré, les possibilités de corruption augmentent, et il arrive souvent que des cultivateurs nomades et des utilisateurs illégaux empiètent sur le domaine forestier, avec pour résultat inévitable la destruction des forêts, le gaspillage de ressources précieuses et des pertes de revenus.

Il faut donc bien comprendre que l'articulation du personnel sur le terrain est un aspect important de l'administration forestière. Le déploiement de ce personnel doit être dicté par le volume et la complexité des tâches à exécuter et par les moyens de communication disponibles - notamment routes, cours d'eau et véhicules - pour les déplacements jusqu'aux zones de travail. Dans ce domaine comme dans presque tous les autres, il s'agit surtout d'évaluer les dépenses et les avantages qui résulteraient des divers modes de distribution possibles et de déterminer les formules qui assureraient le rendement net maximal dans le contexte social du pays.

Cette carence organisationnelle est souvent aggravée par le manque d'information et l'absence des qualités qui sont tellement nécessaires au maniement des hommes. Ce point est particulièrement important en foresterie

Où l'efficacité administrative exige que les cadres fassent des tournées en forêt et parfois y vivent, alors que la population locale interprète souvent de telles affectations comme le signe d'un rang subalterne, s'imaginant que les hommes les plus qualifiés restent au siège central.

Avant de terminer ce recensement des différentes lacunes des administrations forestières dans les pays en voie de développement, il convient peut-être de souligner que, si les structures officielles, les réglementations spéciales et le déploiement plus rationnel du personnel influent incontestablement sur l'efficacité des services forestiers, ce qui compte surtout en définitive, c'est encore une fois l'attitude à l'égard de la foresterie et du développement économique. Pour que ce secteur apporte au progrès économique la contribution dont il est capable, il faut que les gouvernements, les forestiers et le public aient l'esprit orienté vers le développement. Les gouvernements doivent non seulement se rendre compte de la contribution potentielle de la foresterie et des industries forestières, mais aussi reconnaître ses caractéristiques propres et la nécessité d'établir les liens dont nous venons de parler. Ils doivent comprendre que, la foresterie étant une tâche de longue haleine, les crédits doivent être accordés non pas année par année mais pour des périodes assez longues, de manière que les forestiers aient l'assurance que leurs plans seront exécutés, que les forêts qu'ils ont plantées seront entretenues et que les industries dont ils ont préconisé la création seront bien approvisionnées en matière première. Sinon, on risque d'assister à un émiettement des ressources déjà limitées entre des projets qui resteront inachevés.

Les forestiers doivent aussi bien comprendre que leur profession et leurs activités entrent dans le cadre général de l'économie nationale. Ils doivent donc s'efforcer d'envisager dans une optique intégrée la planification et, le cas échéant, l'exécution des plans qui en dérivent. Dans ces domaines, l'état d'esprit et l'attitude ont souvent plus d'importance que l'organisation formelle, bien que cette dernière puisse naturellement jouer un rôle considérable.

Les suggestions formulées peuvent être récapitulées comme suit:

1. Etant donné les caractéristiques de la foresterie et des industries forestières, il faut donner aux services forestiers plus d'autonomie qu'il n'est normalement possible d'en accorder aux services de l'Etat.

2. Il faut trouver le moyen de combiner l'aspect a production végétale» de la foresterie avec son aspect «utilisation industrielle n. A cet effet, il peut être utile que l'Etat contrôle les industries forestières ou qu'il participe à la propriété et à la gestion des usines.

3. Des spécialistes de la planification du développement forestier et des services autres que la production de bois devraient être affectés aux ministères ou aux autres services qui sont chargés de la planification du développement national ou régional. Ils devraient toutefois continuer à appartenir au service forestier et relever en dernier ressort du chef de ce service.

4. L'administration des départements forestiers devrait être régie non par l'ensemble général des règles applicables à publique, mais par une série spéciale de règles tenant compte des caractéristiques de la foresterie et des industries forestières et de la nature commerciale des activités forestières de l'Etat.

5. Il faut déployer plus rationnellement le personnel sur le terrain en considérant spécialement l'influence des différents modes de distribution sur les rapports input/output.

6. Il importe avant tout que l'état d'esprit national soit orienté vers le développement et que le gouvernement accorde à l'administration forestière les crédits nécessaires a l'exécution de ses tâches multiples, ce qui peut exiger une dérogation au système traditionnel des ouvertures de crédit annuelles.

Enseignement, recherche et vulgarisation

L'exposé des problèmes administratifs qui handicapent les services forestiers dans la plupart des pays en voie de développement met en évidence la nécessité de modifier l'orientation traditionnelle de la formation forestière. Cette tâche est d'autant plus complexe qu'il faut accroître en même temps les effectifs de forestiers qualifiés à tous les niveaux si l'on veut mobiliser utilement le potentiel forestier de ces pays.

On trouvera au tableau 1 une estimation des effectifs et de la répartition géographique des forestiers de formation supérieure dans le monde entier.

On notera que 71000 forestiers, soit 80 pour cent des effectifs mondiaux, travaillent dans les pays industrialisés. En outre, sur un nombre estimé de 17 000 forestiers travaillant dans les pays en voie de développement, 11 000 seraient en Chine continentale et 6 000 seulement, soit moins de 9 pour cent du total mondial, dans les pays peu industrialisés d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine qui, cependant, possèdent plus de 50 pour cent des forêts du monde.

La FAO a d'autre part estimé les effectifs de techniciens et de forestiers de formation supérieure 18 qui seront nécessaires en 1985 dans 57 pays en voie de développement d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine pour que les services forestiers puissent aménager et desservir efficacement les forêts et les industries forestières. Ces estimations figurent au tableau 2. Certes, une telle estimation est aléatoire. Quoi qu'il en soit, l'écart entre les effectifs actuels et les besoins, même dans l'échantillon limité de pays étudiés jusqu'à présent, est si énorme que l'erreur résultant de défauts des critères ou de la méthodologie 19 n'a sans doute qu'une importance mineure.

[18 Dans l'ensemble de ce chapitre, on emploie le terme forestier de formation supérieure pour désigner les titulaires en foresterie ou dans une discipline connexe d'un diplôme délivré par une université ou une institution équivalente. Un technicien est une personne qui, après un minimum de neuf années d'école, a suivi une formation à plein temps dans une institution agréée de niveau sub-universitaire. Le tableau 2 ne contient pas d'estimation du personnel des écoles professionnelles (gardes forestiers, contremaîtres, etc.).]

(19 Dans une étude de cette nature, il eut sans doute été plus approprié de déterminer la main-d'œuvre nécessaire pour chaque activité forestière et d'appliquer des coefficients d'encadrement pour évaluer les besoins de personnel qualifié des divers niveaux. Mais, faute d'estimations locales des besoins de main-d'œuvre, cette méthode était inapplicable. On a donc eu recours à des normes empiriques pour estimer le nombre de techniciens par hectare de forêt et par m³ de bois produit. Pour le personnel de formation supérieure, on a estimé les effectifs nécessaires en appliquant des coefficients d'encadrement empiriques. Les normes et coefficients d'encadrement sont établis essentiellement sur la base de données provenant des diverses régions; si les moyennes ainsi obtenues ont une utilité pratique, elles devront être ajustées pour s'appliquer aux pays individuellement et révisées en fonction des progrès techniques et de l'évolution socio-économique.)

TABLEAU 1. - EFFECTIFS ET RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES FORESTIERS DE FORMATION SUPÉRIEURE EN 1968


Nombre

Europe (y compris l'U.R.S.S.)

32 000

Etats-Unis et Canada

30 000

Japon, Australie, Nouvelle-Zélande et Afrique du Sud

9 000

Total pays développés

71 000

Afrique

500

Asie (sauf Japon et Chine continentale)

4 000

Amérique latine

1 500

Chine continentale

11 000

Total pays en voie de développement

17 000

Total général

88 000

TABLEAU 2. - EFFECTIFS DE PERSONNEL QUALIFIÉ NÉCESSAIRES POUR LES FORÊTS ET LES INDUSTRIES FORESTIÈRES EN 1985


Techniciens

Forestiers de niveau supérieur

Amérique latine (24 pays)

30 600

6 500

Asie et Extrême-Orient (9 pays)

22 800

5 700

Afrique (24 pays)

9 600

1 800

Total

63 000

14 000

Comme on pouvait s'y attendre, les institutions de niveau universitaire qui forment le personnel destiné à la foresterie et aux industries forestières sont tout aussi inégalement réparties dans le monde. D'après les enquêtes de la FAO (tableau 3) 70 pour cent d'entre elles se trouvent dans les pays industrialisés tandis que les pays en voie de développement (Chine continentale non comprise) ne possèdent qu'environ 17 pour cent des écoles forestières du monde.

Certes, cette pauvreté en institutions d'enseignement forestier est une faiblesse des pays en voie de développement mais paradoxalement, c'est peut-être aussi un gage de force pour l'avenir, pourvu que ces pays travaillent immédiatement à y remédier. En effet, ils peuvent créer les institutions qui formeront le personnel dont ils ont besoin, non pas comme on l'a trop souvent fait, au mépris des exigences du développement, mais au contraire en fonction des besoins futurs de l'économie nationale tout entière. Il est beaucoup plus facile d'éduquer et de former un esprit libre des dogmes et préjugés du passé que d'imprimer une forme nouvelle sur des attitudes anciennes et figées. Il faudra toutefois prévoir aussi de poursuivre la formation des forestiers déjà qualifiés.

TABLEAU 3. - NOMBRE ET RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES INSTITUTIONS UNIVERSITAIRES D'ENSEIGNEMENT FORESTIER


Nombre

Europe (y compris l'U.R.S.S.)

56

Etats-Unis et Canada

44

Japon, Australie, Nouvelle-Zélande et Afrique du Sud

34

Total pays développés

134

Afrique

3

Asie (sauf Japon et Chine continentale)

16

Amérique latine

15

Chine continentale

20

Total pays en voie de développement

54

Total général

188

Dans les paragraphes qui suivent, on étudie trois activités qui ont une influence considérable sur l'administration forestière et par conséquent sur le développement des forêts et des industries forestières, a savoir l'enseignement, la recherche et la vulgarisation. Ces activités sont bien évidemment interdépendantes et ne sont étudiées séparément ici que pour simplifier la présentation.

ENSEIGNEMENT

On cherchera ici à répondre à deux questions:

1. Où convient-il de former les nombreux forestiers qualifiés nécessaires aux pays en voie de développement

2. Quel type d'enseignement doivent-ils recevoir ?

On avance parfois que, la formation supérieure d'un forestier étant coûteuse et portant sur bon nombre de techniques dont les pays en voie de développement offrent peu d'exemples, il serait sage de s'en remettre aux institutions déjà établies dans les pays industrialisés. Mais si ce point de vue répond à un louable souci d'économie et à une préoccupation sincère d'utiliser rationnellement les capitaux limités des pays en voie de développement, il ne tient pas suffisamment compte des bénéfices.. On oublie trop souvent toute la gamme d'avantages sociaux et économiques dont bénéficie l'étudiant et, en fin de compte, le pays, si l'enseignement est donné dans un milieu physique, social et économique analogue à celui dans lequel le forestier devra travailler.

Même si au départ la formation supérieure dans un pays en voie de développement coûte plus cher que dans un pays développé 20, son coût diminue avec le temps et elle prépare souvent mieux aux problèmes locaux du fait qu'elle donne l'habitude de les situer dans leur contexte réel. D'un autre côté, s'il est vrai que l'exposé de certains aspects des industries forestières demande souvent plus de capacités didactiques dans des pays relativement peu industrialisés, les auxiliaires visuels peuvent dans une large mesure pallier cette difficulté. En outre, cet inconvénient est plus que compensé par ce que l'on gagne dans les autres secteurs de la foresterie et des industries forestières pour lesquels l'enseignement s'appuie sur des exemples locaux et sur le milieu local: dendrologie, sylviculture, utilisation des terres, influences forestières, aménagement de la faune, place du secteur forestier dans l'économie nationale, aménagement forestier, administration forestière. De plus, l'indépendance intellectuelle, si difficile à acquérir, et qui est indispensable aux pays en voie de développement, jaillit mieux dans un milieu familier. Il est d'autre part souhaitable d'établir d'emblée des liens aussi étroits que possible entre les futurs cadres du secteur forestier, et ceux pour qui ils travailleront; de tels liens se tissent plus facilement lorsque l'élite n'est pas isolée par sa formation a l'étranger.

(20 Ce n'est d'ailleurs pas toujours le cas. La FAO a comparé du point de vue purement financier le coût de la formation des forestiers iraniens dans un pays développé avec celui de leur formation en Iran et a constaté que la formation sur place est plus économique.)

Deux observations s'imposent à cet égard. Premièrement, il est prouvé que le pourcentage d'échecs des élèves provenant des pays en voie de développement étudiant dans les pays développés est plus élevé que lorsque l'enseignement est donné dans un milieu analogue à leur milieu d'origine. Cela ne tient généralement pas à une différence des études mais le plus souvent à la difficulté de vivre et d'étudier dans des sociétés étrangères.

Deuxièmement, dans la plupart des pays en voie de développement on désigne généralement les sujets les plus qualifiés pour étudier à l'étranger. Or, malheureusement, un très fort pourcentage des lauréats (jusqu'à 60 pour cent dans certains pays) 21 généralement parmi les plus doués, ne rentrent pas dans le pays d'origine. Par contre, rares sont les lauréats des institutions locales qui cherchent un emploi permanent à l'étranger. Les études à l'étranger encouragent l'exode intellectuel.

(21 Jahangir Amusegar. Technical assistance in theory and in practice. London, Praeger, 1967.)

C'est pourquoi il semble souhaitable dans l'ensemble d'assurer la formation universitaire dans les pays en voie de développement eux-mêmes. A noter que l'on ne suggère pas ici de créer des institutions d'enseignement forestier dans tous les pays qui souhaitent développer le secteur des forêts et dos industries forestières. Il est très nécessaire d'estimer soigneusement les besoins de personnel dans le secteur forestier sur le plan national et régional; en ce qui concerne les écoles forestières, plans et réalisations devront leur permettre de desservir de vastes territoires relativement homogènes, du point de vue du milieu physique, du développement économique et des problèmes qui se posent.

La solution proposée pour le premier problème évoqué dans ce chapitre appelle une nouvelle question: si l'on opte pour un enseignement universitaire forestier donné dans les pays en voie de développement eux-mêmes, quelle sorte d'institution faut-il préconiser ? Cela dépendra du système d'enseignement existant dans le pays ou les régions envisagés. D'une façon générale, il semble toutefois souhaitable d'intégrer les facultés forestières ou départements forestiers aux universités existantes plutôt que de créer des institutions distinctes 22. En dehors du prestige que confère, dans de nombreux pays en voie de développement, le diplôme d'une institution qui décerne également des diplômes dans d'autres disciplines, la qualité et la gamme des enseignements y gagnent généralement et le coût total par étudiant est moins élevé.

(22 Le Comité consultatif FAO de l'enseignement forestier a souligné à maintes reprises les avantages d'une telle conception.)

Au niveau universitaire, la formation forestière doit être interdisciplinaire: le forestier moderne doit être initié à, une vaste gamme de sujets dont beaucoup appartiennent à d'autres disciplines ou d'autres carrières. Bien évidemment, des économies considérables sont possibles si les futurs forestiers peuvent tirer parti des cours existants dans les disciplines qui ne sont pas proprement forestières. En outre, selon toute probabilité, la qualité de l'enseignement de ces disciplines intéressant plusieurs facultés, qui sont souvent fondamentales, serait meilleure que s'il était laissé à des forestiers spécialisés. Pour lui donner l'orientation forestière voulue, des cours spéciaux à l'intention des élèves forestiers ou des conférences plus spécialisées de la faculté forestière illustrant les notions de base enseignées pourront être nécessaires. Quel que soit le système adopté, les futurs forestiers doivent bien comprendre que la foresterie n'est qu'une des nombreuses activités importantes pour leur pays; l'université, semble-t-il, se prête mieux qu'une institution autonome à donner les perspectives intersectorielles nécessaires.

Quel doit être le contenu de l'enseignement donné par ces facultés forestières dans les universités des pays en voie de développement? Dans une large mesure, l'expose ci-dessus des qualifications requises des forestiers modernes permet de répondre à cette question. Il y a toutefois lieu de souligner quelques points. Les représentants des diverses disciplines ont coutume d'établir une liste de sujets, et d'insister sur l'attention particulière que mérite leur propre spécialité. Très souvent,, dans la plupart des régions du monde, aussi bien développées qu'en voie de développement, les programmes forestiers sont en conséquence soit surchargés, soit déséquilibrés, étant conçus en fonction non pas des besoins des étudiants et du pays, mais des idées des professeurs les plus persuasifs ou les plus influents.

Il est impossible de donner une définition universelle de la teneur d'un programme d'enseignement forestier. Toutefois, on peut formuler certaines observations générales: tout d'abord ce programme doit avoir une large assise au niveau universitaire. La principale fonction des forestiers de formation universitaire relève de l'aménagement des ressources; leur formation doit donc les préparer à suggérer, planifier, et contrôler l'utilisation de ces ressources. Ils doivent donc comprendre le fonctionnement économique du secteur des forêts et des industries forestières jusque dans ses dernières ramifications et les modalités de son intégration dans l'économie nationale. Comme les ressources qu'ils aménagent ne se limitent pas aux seules forêts proprement dites mais comprennent aussi les terres utilisables pour la foresterie, pour la récréation, pour la faune et pour d'autres usages relevant de la forêt ou influencés par elle, ils doivent bien comprendre les interactions de toutes ces activités et leurs incidences sociales. Non que les cours doivent être surchargés de détails: le forestier de formation supérieure n'est pas un technicien. Faute de le comprendre, on forme souvent des forestiers dépourvus à la fois de qualifications supérieures et de compétences techniques. La formation universitaire doit porter sur un mélange judicieux de connaissances historiques et d'actualité conçu en fonction de la pratique professionnelle. En particulier, il doit apprendre à réfléchir, à se questionner, à faire des recherches personnelles et à se perfectionner constamment.

Deuxièmement, il faut insister sur les connaissances particulièrement utiles dans le pays ou la région où les forestiers devront travailler; à cet égard, le choix s'inspirera d'études sur l'économie nationale, les plans de développement nationaux et les besoins de personnel. En conséquence, il faudra réviser les programmes pour s'aligner sur le progrès et pour faire face aux nouveaux besoins de la société que le forestier sera appelé à servir.

Troisièmement, l'étudiant en foresterie devra apprendre à manier les outils scientifiques et administratifs de l'aménagement. Cet aspect doit tenir une place importante dans les programmes où que soit située la nouvelle institution. On a déjà étudié l'importance de cette question à propos des tâches quotidiennes d'administration qui incombent aux forestiers de formation supérieure: à cet égard il faut souligner toutefois que, s'ils ne doivent pas faire le travail des techniciens, ils doivent se concentrer plus efficacement sur leurs fonctions d'aménagement en confiant aux cadres techniques du service forestier de nombreuses tâches de routine.

Surtout, il est essentiel que la formation soit orientée vers le développement. On a évoqué ce point à propos de la nécessité de fonder l'enseignement sur une base suffisamment large. Il mérite toutefois d'être traité de façon plus approfondie, car le développement est la raison d'être du forestier.

En bref, l'enseignement universitaire de la foresterie doit produire des aménagistes orientés vers le développement, mais avec une formation de base étendue sur la foresterie et les industries forestières, qui devront diriger un personnel composé de techniciens de niveau sub-universitaire, de gardes forestiers, de contremaîtres, etc. Outre ces généralistes polyvalents, le service forestier a besoin de spécialistes et de techniciens.

Pour choisir le lieu des études post-universitaires, les critères ne sont pas tout à fait les mêmes que pour les études universitaires. Après une formation universitaire de base dans le milieu où il est appelé à travailler, le futur forestier a déjà bénéficié des avantages évoqués plus haut et la spécialisation dans un pays développé l'aidera beaucoup à élargir ses perspectives et approfondir son expérience. Cela a plus ou moins d'importance selon la nature de la spécialisation. Ainsi, la recherche écologique doit souvent de préférence être menée sur place, pourvu que l'on dispose du cadre académique et des moyens nécessaires. Toutefois, en règle générale, généralistes et spécialistes formés dans leur milieu d'origine devraient pouvoir compléter leurs études à l'étranger pour élargir leur expérience et soumettre leurs idées à d'indispensables confrontations.

Le choix de la spécialisation devra toujours être fonction des besoins du pays. Mais, comme on l'a dit, vu le besoin d'économistes forestiers et de spécialistes des industries forestières dans les pays en voie de développement, bon nombre d'entre eux auraient intérêt à se doter le plus tôt possible de moyens de formation dans ces domaines.

Il faut des spécialistes non seulement pour la recherche mais aussi pour certaines tâches spécialisées dans la forêt et les industries forestières aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Par exemple, d'une analyse 23 des diverses fonctions et qualifications demandées dans l'industrie de la pâte à papier, on conclut que 18 disciplines universitaires sont pertinentes. Les fonctions à remplir sont au nombre de 27, depuis celles qui se rapportent à la production de bois (y compris recherche forestière, abattage et débardage, aménagement des forêts) jusqu'à celles qui intéressent la fabrication, la commercialisation, la recherche et la création de nouveaux produits, les sciences de l'ingénieur et l'administration. Comme il est normal' la connaissance des techniques industrielles et de la technologie de la pâte et du papier est considérée comme nécessaire pour la plupart des fonctions. A noter que la formation en matière d'administration commerciale vient tout de suite après ces exigences et que le besoin d'économistes vient presque au même rang. Une formation forestière proprement dite n'est considérée comme utile que pour 7 des 27 fonctions et la biologie dans trois seulement.

(23 American Paper Institute. Of paper and opportunity New York, 1965.)

Certes l'industrie de la pâte et du papier se distingue des autres industries forestières en ce qu'elle exige des compétences techniques, industrielles et de gestion plus complexes que la plupart des autres industries forestières. Quoi qu'il en soit, l'analyse indique que dans tous les cas où l'on prévoit de développer les industries forestières il est extrêmement souhaitable de disposer de spécialistes d'autres disciplines que celles de la foresterie classique ou d'en former.

Il y a deux types de spécialistes, chercheurs et praticiens, dont la formation doit être tout à fait différente. Le chercheur doit savoir innover, adapter des techniques et des idées à ses besoins, et concevoir et analyser des expériences de façon à obtenir des résultats significatifs. La formation doit surtout chercher à lui donner une forme d'esprit qui le prédispose à remettre en question les vieux principes et les idées reçues dans la profession.

Par contre le praticien doit avoir une connaissance approfondie de sa spécialité pour exercer ses fonctions de façon experte et avec aisance. Si les deux types de spécialistes doivent certainement avoir en commun des connaissances théoriques ainsi que des compétences techniques et scientifiques, les qualités personnelles requises de l'un et de l'autre sont souvent bien différentes.

A l'autre extrémité dans la hiérarchie des qualifications se trouvent la formation technique et la formation professionnelle. On ne saurait trop insister sur la grande pénurie dont souffrent les forêts et les industries forestières des pays en voie de développement dans ce domaine. Trop souvent, des forestiers de niveau supérieur formés a grands frais pour des fonctions de gestion en sont réduits à s'acquitter de fonctions qui devraient relever du cadre de niveau sub-universitaire. En outre, si l'on accepte le principe d'une formation aussi vaste et générale que celle qui est suggérée pour les forestiers généralistes, il est indispensable de disposer d'un personnel bien étoffé de techniciens. Les plans en matière d'enseignement forestier ne doivent donc pas être formulés par pièces détachées; il faut au contraire envisager tout l'éventail des personnels nécessaires et établir de façon coordonnée et parallèle les institutions d'enseignement de tous les niveaux.

Etant donné la nature du travail confié à ces forestiers de formation sub-universitaire, il est essentiel que leurs études se situent dans leur pays chaque fois que possible. Ils devront apprendre à connaître tous les aspects de la foresterie et des industries forestières de leur compétence. Là encore il faudra éviter de surcharger les programmes. Par exemple, il ne faut pas insister sur la méthodologie de la formulation des politiques forestières, sur les détails des différents procédés industriels, sur la chimie du bois, sur la physiologie de la végétation forestière, sur certains aspects de la pédogénèse, etc. C'est là le domaine du forestier de formation supérieure qui doit considérer non point une forêt prise isolément mais l'ensemble du domaine forestier, non point le seul secteur de la foresterie et des industries forestières mais l'ensemble de l'économie nationale. Les techniciens et les ouvriers forestiers, eux, sont des praticiens qui doivent apprendre la pratique de leur métier.

On a mentionné plus haut la pénurie de forestiers de tous les niveaux dans les pays en voie de développement et la nécessité d'y remédier en créant des écoles forestières dans ces pays mêmes. Mais de toute évidence, si les services forestiers et les industries forestières ne disposent pas actuellement du personnel qualifié dont ils ont besoin, il leur sera très difficile de trouver le personnel enseignant pour ces nouvelles institutions.

L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture se rend bien compte du problème; elle a donné une assistance pour la création d'institutions d'enseignement forestier de tous les niveaux dans divers pays en voie de développement. De nombreux pays industrialisés s'intéressent aussi à la question et fournissent une aide bilatérale pour améliorer les institutions d'enseignement forestier dans les pays en voie de développement.

La responsabilité des experts étrangers en matière d'enseignement forestier est très lourde: c'est en effet eux qui tracent la voie au développement futur en aidant à choisir le personnel de contrepartie qui sera chargé des écoles après leur départ, en planifiant les cycles d'étude et en formulant les principes de l'enseignement forestier. Il est donc essentiel de les choisir non pas seulement en fonction de leurs connaissances techniques et scientifiques, mais aussi compte tenu de leurs aptitudes didactiques, de l'humilité avec laquelle ils sont capables d'aborder les problèmes d'une société étrangère, de la sincérité de leur engagement au service du développement économique des pays et régions auxquels ils sont affectés et de leur compréhension des cultures et modes de vie souvent très différents des leurs.

Parfois, ils doivent enseigner dans une langue qui n'est pas la leur et qui très souvent, surtout en Afrique, est pour les élèves aussi une deuxième langue: ceux-ci ont beau la connaître couramment, ils sont plus à leur aise dans la langue locale. Ce double handicap accroît considérablement la difficulté de l'enseignement et demande du professeur beaucoup de patience et d'imagination. En outre, il est encore accentué par l'absence presque totale de manuels d'enseignement basés sur les conditions locales et traitant essentiellement du développement de la foresterie et des industries forestières en pays tropical. Il est donc essentiel de choisir soigneusement les professeurs. Il est aussi important de fournir des manuels appropriés et de faire appel constamment aux auxiliaires modernes d'enseignement. Là encore la FAO essaie d'améliorer la situation en réunissant et en collationnant les textes préparés par ses fonctionnaires qui enseignent sur le terrain, dans l'espoir d'obtenir par ce moyen des livres appropriés aux conditions des diverses régions.

RECHERCHE

La nécessité de la recherche dans toutes les activités intéressant la foresterie et les industries forestières n'est pas contestée. Cependant, le niveau et la teneur de la recherche à entreprendre dans les pays en voie de développement font l'objet de beaucoup de controverses. Les arguments évoqués en faveur de telle ou telle opinion sont nombreux, mais l'essence du problème semble être les capitaux considérables qu'exigent certains types de recherche. Il y a donc peut-être intérêt, aux fins de la présente étude, à distinguer deux grands types de recherche: recherche relativement peu coûteuse et recherche coûteuse.

Dans la plupart des pays en voie de développement, les travaux de recherche considérés comme peu coûteux sont généralement entrepris. Par nécessité il s'agit le plus souvent de recherches relativement simples mais même là beaucoup d'améliorations sont possibles. Une bonne part des progrès accomplis par la foresterie dans les pays industrialisés peuvent être adaptés au milieu tropical à relativement peu de frais. Or, les pays en voie de développement sont très en retard sur le niveau théorique et pratique de la foresterie dans les pays développés, même dans les domaines pour lesquels l'adaptation semble possible.

Non que tous les progrès des pays développés puissent être livrés tels quels aux pays en voie de développement. L'application des progrès techniques ne saurait être séparée du contexte social, économique et écologique, non plus que du cadre institutionnel dans lequel se situe le secteur forestier. Si cette réserve est extrêmement importante, il ne s'ensuit toutefois pas qu'il faille rejeter en bloc la technologie des pays développés; il faut simplement faire intervenir, dans les travaux d'adaptation des programmes, des facteurs socio-économiques qui n'ont guère de rapport direct avec l'efficacité de la machine ou de la technique à mettre à l'épreuve.

Dans certains pays il semble que la fonction productive de la forêt absorbe une part démesurée du temps et de l'énergie des chercheurs aux dépens des autres domaines de recherche forestière. Les travaux consacrés à l'utilisation des produits forestiers sont souvent tout à fait insuffisants et l'on ne consacre guère ou pas de recherches à des domaines tels que la commercialisation des produits forestiers et l'ergologie. Il existe aussi un vaste domaine peu étudié de problèmes d'ordre social et économique qui intéressent la foresterie et dont l'étude ne demande pas d'équipement coûteux, mais qui doivent faire l'objet de recherches approfondies pour permettre un progrès de la foresterie sur tous les fronts.

Mais là où la lacune est la plus importante, c'est dans la recherche dite coûteuse; et c'est là que le rôle qui incombe aux pays en voie de développement eux-mêmes est controversé. Il sera donc peut-être utile d'indiquer comment, en se concentrant ainsi sur une recherche apparemment peu coûteuse, on risque de négliger certains problèmes fondamentaux pour le progrès de la foresterie dans certaines zones.

Un des problèmes auxquels les forestiers des pays en voie de développement sont en butte depuis longtemps est la difficulté que présente l'utilisation complète des mélanges d'essences feuillues présents dans de nombreuses forêts tropicales. Bien souvent la proportion des essences considérées comme commercialisables est faible et les autres sont considérées comme indésirables. On a donc consacré beaucoup de recherches à la régénération des essences considérées comme économiquement valables, c'est-à-dire vendables, mais non nécessairement rentables, et à l'élimination des espèces considérées comme non commerciales. Dans certains pays cette recherche se poursuit presque depuis le début du siècle, mais il est rare qu'on ait trouvé des solutions économiques, même sur le plan local.

Au cours des années, divers pays ont dépensé des sommes considérables pour essayer de constituer des peuplements supérieurs par la régénération naturelle. Mais à notre avis ce problème devrait être abordé du point de vue de l'utilisation plutôt que du point de vue de la sylviculture et de l'écologie; bien que les coûts initiaux soient supérieurs à celui des méthodes de régénération classiques, on a des chances d'obtenir des bénéfices plus élevés. Il est permis de penser que si une partie des ressources consacrées à la recherche sur la régénération naturelle avait été affectée à la recherche technologique sur l'utilisation des mélanges de feuillus tropicaux à diverses fins, on aurait obtenu des résultats plus féconds. Le parti choisi, s'il a pu paraître économique à court terme, est presque certainement très coûteux à longue échéance.

Contre l'opportunité d'entreprendre des recherches d'une telle complexité dans les pays en voie de développement on avance que, comme cette recherche exige des experts hautement qualifiés et des dépenses considérables, les nations peu industrialisées ne peuvent en prendre le risque et qu'il n'est pas réaliste de préconiser qu'elles se dotent d'institutions de recherche très avancées. On allègue que les problèmes forestiers des pays en voie de développement ne leur sont pas exclusivement propres et que ces pays devraient donc tirer parti des moyens et de l'expérience existant dans les pays industrialisés. A l'opposé, on peut démontrer que l'autre terme de l'alternative est lui-même très coûteux.

Devant une telle controverse, on a souvent avantage à étudier les données empiriques disponibles pour déterminer les possibilités de se prononcer de façon rationnelle. On a indiqué ci-dessus que, depuis quelques années, de nombreux aspects de la foresterie intéressant les pays en voie de développement marquent des progrès. Il est maintenant possible d'utiliser les mélanges de feuillus tropicaux en papeterie et on dispose d'une technologie sûre pour fabriquer du contre-plaqué avec des grumes de petit diamètre; les mélanges d'essences sont utilisés tous les jours pour fabriquer les panneaux de particules. Tous ces progrès sont le résultat de recherches entreprises et appliquées tout d'abord dans les pays développés.

Toutefois, la recherche dans ce domaine a été décidée en raison des pressions qui s'exercent sur les ressources forestières et de l'accroissement rapide du coût de la main-d'œuvre dans les pays industrialisés. D'une façon générale, elle n'a pas été conçue pour aider les pays en voie de développement à résoudre leurs problèmes et tous les avantages obtenus par ceux-ci sont des résultats accessoires de la recherche. Donc, si l'on réserve la recherche coûteuse aux pays industrialisés, on condamne implicitement les autres non seulement à attendre le moment où ceux-ci entreprennent ces recherches, mais à se contenter d'un espoir que les résultats leur seront utiles. Il semble que, à moins d'une évolution des coutumes dans les pays développés, la possibilité d'appliquer aux pays en voie de développement les progrès de la recherche sur la foresterie et les industries forestières au moment où ces pays en ont le plus besoin sera tout à fait aléatoire.

D'un autre côté, toute recherche avancée entreprise sur place aiderait beaucoup les institutions d'enseignement forestier de niveau supérieur dont la création est préconisée. Les universités seraient stimulées par les réalisations des centres de recherche et réciproquement. En outre, l'absence d'organisations s'occupant de recherche complexe retarde souvent l'apparition d'une aptitude à concevoir et résoudre autre chose que les problèmes les plus simples. La présence de ces institutions pourrait également aider à arrêter l'exode de personnel qualifié qui se poursuit inexorablement, véritable hémorragie des pays pauvres au profit des pays riches.

Quoi qu'il en soit, il existe des problèmes réels dus au coût élevé du personnel qualifié et du matériel, et il serait irresponsable de conseiller à tous les pays en voie de développement d'entreprendre des recherches avancées. Une solution pourrait consister à réaliser des recherches déterminées dans les institutions établies dans les pays industrialisés. Mais si une telle solution est souhaitable et doit jouer un rôle croissant dans la recherche forestière ainsi que dans l'aide bilatérale à l'avenir, rien ne garantit que l'on pourra toujours disposer de ces moyens, ni que les projets considérés comme importants dans les pays en voie de développement auront le même rang de priorité dans le monde développé. En outre, beaucoup de chercheurs des pays en voie de développement se verraient ainsi privés de l'expérience précieuse que donne l'habitude de formuler et de résoudre les problèmes.

En définitive, il semble donc souhaitable que les pays en voie de développement établissent des institutions régionales de recherche forestière. Si l'on en juge par les progrès que le secteur des forêts et des industries forestières doit à la recherche dans les pays développés, la création d'instituts de recherche dans les pays en voie de développement, pourvu qu'ils soient bien planifiés, ne serait pas un luxe comme on le prétend souvent.

Il sera presque inévitable, au départ, de confier beaucoup de postes de recherche a des experts des pays développés, qui seront remplacés par un personnel local au fur et à mesure que celui-ci sera formé: cette circonstance risque d'handicaper la carrière des chercheurs étrangers, non seulement dans le domaine forestier, mais dans tous ceux où ce personnel est nécessaire. Il est donc important d'établir un système selon lequel les chercheurs dont les pays en voie de développement ont besoin pour des périodes déterminées seraient mis à disposition pendant le temps nécessaire, mais pourraient être réintégrés dans le cadre national, sans que l'aide qu'ils ont apportée au tiers monde leur porte préjudice.

Quel que soit le type de recherche entreprise, elle doit être conçue en fonction des besoins à court et à long terme du développement national et non pas des préférences des chercheurs, et les priorités doivent être clairement établies. La coopération et, chaque fois que possible, la coordination des programmes entre les divers instituts de recherche sur la foresterie et les industries forestières sont indispensables. Surtout, il faut bien comprendre que les résultats ont plus de chances d'être appliqués si la recherche est conçue en fonction des besoins sociaux, économiques et techniques de ceux qui doivent s'en servir et s'ils sont issus d'un contexte local.

VULGARISATION

Les problèmes de communication qui se posent aux forestiers sont différents de ceux que doit résoudre par exemple un vulgarisateur agricole. Pour ce dernier, le travail consiste en partie à convaincre les agriculteurs d'adopter de nouvelles techniques, d'utiliser des races améliorées, d'appliquer des pratiques modernes, etc. Par contre, comme dans un pays en voie de développement c'est généralement le forestier lui-même qui est producteur de matières premières, il n'a pas à convaincre un autre de la nécessité de moderniser ses méthodes et d'utiliser plus rationnellement la régénération des arbres.

Comme on l'a déjà indiqué, les forestiers sont chargés de l'aménagement d'une ressource. On a également signalé que l'utilisation de cette ressource peut avoir un effet sur les moyens d'existence des populations de la forêt ou voisines de la forêt, aussi bien que de personnes qui vivent loin de la forêt. Une fonction importante des forestiers consiste donc à expliquer les influences qu'exercent les autres pratiques d'utilisation des terres sur la forêt.

Il n'y a peut-être pas lieu de s'étonner que de nombreux agriculteurs des pays en voie de développement ne comprennent pas les rapports de cause à effet qui existent entre les forêts, les eaux et le sol. C'est pourquoi ils pratiquent en forêt des brûlages saisonniers et l'agriculture itinérante, abattent les arbres sur des pentes abruptes pour cultiver la terre, font des cultures qui favorisent l'érosion et, d'une façon générale, dévastent le domaine forestier. Ce qui est très grave, c'est que souvent les gouvernements et les fonctionnaires responsables des autres formes d'utilisation des terres ne comprennent pas les effets de ces pratiques ou bien n'en tiennent pas compte. En conséquence, des ressources forestières précieuses sont perdues, le régime hydrique est parfois détérioré et souvent l'agriculture d'autres régions pâtit.

Les forestiers depuis longtemps le problème que pose le maintien des forêts de production et de protection, et essaient d'empêcher leur mauvaise exploitation, notamment en conseillant aux gouvernements d'appliquer des lois répressives et en organisant des patrouilles dans les forêts ou à proximité. Ces méthodes n'ont qu'une efficacité limitée; il faut démontrer aux populations que, très souvent, elles dissipent leur patrimoine. C'est particulièrement important dans les pays où il existe des enclaves forestières précieuses qui n'appartiennent pas à l'Etat mais à des personnes ou collectivités privées.

Pour une vulgarisation efficace, les méthodes adoptées doivent être fonction des types d'abus les plus courants et des conditions sociales existantes. Il n'y a guère d'intérêt par exemple à produire des programmes de télévision condamnant l'agriculture itinérante si les collectivités auxquelles on s'adresse ne possèdent pas de poste de télévision. Cependant, il peut être souhaitable de donner aux forestiers une formation de vulgarisateurs pour leur permettre d'exposer directement aux populations les dangers des habitudes établies.

Les conseils et les exhortations ne suffisent pas. On ne peut guère attendre que les gens abandonnent leurs pratiques séculaires si on ne leur offre pas d'autres solutions. La meilleure méthode est donc interdisciplinaire. Agronomes et forestiers doivent travailler parallèlement, non seulement pour dire aux agriculteurs ce qui ne va pas ou pourquoi cela ne va pas, mais pour leur montrer ce qu'il faudrait faire. Il faut organiser des démonstrations sur les moyens de prévenir l'érosion, sur le choix des terres à destiner à la production des diverses cultures, sur les lignées à utiliser, sur les engrais à appliquer pour améliorer les rendements sans épuiser prématurément les sols, et s'il faut brûler, sur les modalités et dates de cette opération. La protection des forêts concerne autant l'agriculteur que le forestier.

La nécessité de la vulgarisation ne se limite pas au seul domaine de la conservation. Dans beaucoup de pays en voie de développement, la plupart des équipements simples de transformation du bois appartiennent aux indigènes. Souvent, même lorsque les machines ne sont pas périmées, la conception des usines est peu rationnelle, le travail est mal organisé, l'emplacement de l'usine n'est pas choisi de façon économique et, d'une façon générale, la productivité est faible.

Il y a, donc tout lieu de prévoir des experts pour donner des conseils sur ces questions, pour faire des études de temps et de mouvements, pour identifier les goulets d'étranglement de la production et déterminer les réaffectations de main-d'œuvre nécessaires. Les experts devront participer activement à l'établissement des usines depuis le stade de la conception jusqu'à celui de la construction. Ils devront étudier l'économie du transport, les rapports entre les sites envisagés pour des usines d'une part, les matières premières et les marchés de l'autre, et devront pouvoir donner des conseils sur l'emplacement le plus économique pour les entreprises envisagées.

Les services forestiers devront aussi diffuser les connaissances acquises concernant la quantité et la qualité de bois disponibles et les utilisations que l'on peut en faire. Trop souvent, dans les pays en voie de développement, on n'utilise pas les bois locaux qui constituent une matière première appropriée, et l'on dépense des devises, pourtant rares, pour les remplacer par des produits plus coûteux. Il arrive aussi trop fréquemment que l'on utilise certaines qualités ou types de bois à des fins pour lesquelles ils ne sont appropriés ni du point de vue physique, ni du point de vue économique.

Tels sont les domaines dans lesquels la vulgarisation sera immédiatement utile dans la plupart des pays en voie de développement. Il faudra communiquer à tous les intéressés les résultats des recherches qui peuvent s'appliquer dans l'élément non gouvernemental du secteur des forêts et des industries forestières. A cet effet, il faudra mettre en jeu tous les moyens disponibles. C'est là un point essentiel pour une bonne application des politiques forestières.

Législation forestière

Si, dans beaucoup de pays d'Amérique du Sud, ainsi que dans quelques pays d'Afrique et d'Asie, une part importante des terres forestières appartient à des particuliers ou à des organismes privés, l'essentiel des forêts des pays en voie de développement est de propriété publique ou collective. Les dispositions du système juridique des divers pays qui intéressent les forêts particulières et collectives sont souvent un mélange chaotique de droit coutumier, de lois portant sur l'ensemble des systèmes fonciers et de lois spécifiquement forestières. Dans certains pays, où la majeure partie des forêts appartiennent à les lois forestières ne sont pas encore systématisées et divers statuts contiennent parfois des clauses contradictoires. En conséquence, il n'est pas toujours facile de déterminer de quel système juridique dépend une forêt donnée, non plus que d'en identifier le propriétaire, et, parfois, en raison de l'incertitude générale, les lois ne sont pas appliquées. Même dans les pays où toutes les forêts sont domaniales, et où un code forestier cohérent a été promulgué, les lois concernent généralement surtout la définition et la protection du domaine forestier, les conditions des concessions et la répression des délits.

Les lois forestières ne sont généralement pas conçues comme un facteur actif de développement, mais comme un moyen de prévenir le mauvais usage des forêts. Elles ne sont pas envisagées sous leur aspect constructif, mais plutôt du point de vue des litiges: l'importance donnée aux aspects préventif et répressif du code forestier, jointe aux incertitudes et aux conflits évoqués plus haut, fait souvent du code un obstacle au développement. Il semble donc nécessaire d'examiner le rôle que peut et doit avoir la loi pour donner une forme au développement des forêts et des industries forestières, avant d'examiner certaines carences des législations forestières existantes.

Il faut reconnaître qu'en élaborant des codes fores tiers, on se trouve inévitablement devant certaines antinomies de fond: les droits de l'individu doivent-ils primer l'intérêt de l'Etat ? Faut-il insister sur la stabilité ou sur l'évolution, sur la tradition ou sur le progrès? Ce ne sont là que deux des problèmes que l'on rencontrera; ils suffisent à indiquer la nécessité de situer le code dans le contexte idéologique ou philosophique de la nation à laquelle il est destiné, faute de quoi il risque de ne pouvoir être accepté et son application pourra être impossible ou, au mieux, très impopulaire.

Quoi qu'il en soit, compte tenu de ces réserves, on peut admettre de façon générale que, dans le monde moderne, toutes les lois portant sur la foresterie doivent avoir pour objet la promotion et la réglementation des activités dans le secteur des forêts et des industries forestières, en vue d'assurer l'utilisation du potentiel forestier pour le développement économique d'ensemble d'un pays. Il semble donc que, pour élaborer des lois répondant à ces critères, le plus efficace sera d'appliquer à la législation forestière une méthode analytique, d'autant plus que ce qui est préconisé ici s'écarte, dans une certaine mesure, des pratiques normales. Il faut identifier les incompatibilités entre les lois existantes et les plans économiques de la nation, examiner l'efficacité des mesures juridiques employées pour assurer la réalisation des plans et les chances qu'elles ont d'être acceptées par la société. Il n'est pas du tout certain que le développement soit favorisé par l'adoption et simple de lois forestières conçues à d'autres époques et en d'autres lieux.

Il faut donc réunir et analyser divers types de données avant de procéder à la révision des législations forestières ou à la rédaction de nouveaux codes. Il faut examiner toutes les lois qui intéressent la foresterie. Pour cela, il faut étudier le code et les régimes fonciers, la réglementation du droit de succession, les diverses lois fiscales et industrielles, le code des contrats, et les dispositions juridiques régissant l'emploi, les salaires minimaux, etc. Il faut également étudier attentivement le code pénal, car tout ce qu'on préconisera en matière de peines devra pouvoir s'y insérer. Un point plus important que tout est le droit constitutionnel. Il est souvent très difficile de modifier la constitution, et il est donc essentiel de bien comprendre ses clauses et leurs incidences avant d'élaborer la législation concernant un domaine quelconque d'activité.

Toutefois, la recherche juridique ne suffit pas en elle-même. Pour que les lois intéressant le secteur des forêts et des industries forestières telles qu'elles seront finalement formulées aient l'effet de stimulant souhaité, pour qu'elles puissent servir d'instrument de développement, il est également souhaitable de considérer les études sur la vocation des terres dont on dispose, tous les plans d'aménagement du territoire qui existent dans le pays, et même l'ensemble de la situation socio-économique.

Avec ce bagage, on pourra alors réviser les autres lois du pays qui risquent de handicaper le développement forestier. On sera mieux en mesure de créer un code forestier propre à stimuler le développement, en clarifiant les questions de propriété et en réglementant les transferts de propriété, tant entre vifs que par succession. On disposera des renseignements nécessaires pour légiférer en vue d'une utilisation scientifique du patrimoine foncier, et d'une industrialisation forestière appropriée et bien répartie. On ne saurait aborder la législation forestière dans l'optique étroite du seul secteur des forêts et des industries forestières. Là, comme pour toutes les questions intéressant le développement, une attaque intégrée est souvent celle qui donne les meilleurs résultats.

Certes, il sera difficile d'appliquer une telle législation d'ensemble, englobant d'autres secteurs de l'économie, et visant implicitement la refonte et la modernisation d'un ou de plusieurs secteurs de l'économie. Cette difficulté intrinsèque est plus marquée encore dans le cas de la foresterie, car, dans ce domaine, la plupart des mesures de réforme ou de réglementation touchent au droit sur la terre: régimes fonciers, modalités régissant les transferts, responsabilité de l'aménagement, mode souhaitable d'utilisation de la terre. Ces questions ont, pour le grand public, un intérêt fondamental et on a observé, en Afrique par exemple, qu'il était généralement plus facile de modifier le code pénal, d'amender les dispositions du code civil qui concernent les contrats et les litiges, et même de changer les lois intéressant des institutions telles que le mariage que d'altérer celles qui régissent la propriété de la terre et son transfert.

On peut identifier une difficulté sans pour autant renoncer à la résoudre. Lorsque la législation forestière empiète sur les droits coutumiers séculaires de propriété et d'usage et qu'elle est directement influencée par ces droits, il est peut-être nécessaire de procéder avec lenteur et de bien peser les conséquences sociales et économiques que peuvent avoir les réformes préconisées. Il faut éliminer les incompatibilités et les doutes, résoudre les conflits et divergences d'opinion sur les coutumes locales. Il serait également utile d'uniformiser sur le plan national la terminologie multiple et ambiguë qui est souvent utilisée pour décrire les systèmes fonciers en vigueur sous les tropiques.

Jusqu'ici, la législation forestière dans les pays en voie de développement a été traitée en termes généraux. On s'est efforcé de démontrer que le code forestier est un texte spécialisé mais non pas un texte de base et qu'il doit servir d'instrument pour le développement. On a également relevé que, dans de nombreux pays, le concept même de loi forestière est périmé dans son objet et qu'il faut une attitude plus fonctionnelle et plus orientée vers le développement. Dans cette optique, il faudra périodiquement réviser le code en fonction de l'évolution socio-économique, technologique, etc. Or, la procédure de révision des lois de base est souvent lourde et lente. Il y aurait donc peut-être avantage à concevoir le code forestier comme une loi-cadre indiquant clairement qu'une instance bien définie a pouvoir pour prendre les mesures législatives dans des circonstances déterminées par règlement, décret ou ordre. La législation auxiliaire peut souvent être amendée de façon relativement simple et c'est elle qui doit contenir les détails de la loi.

En dehors de ces inconvénients d'ordre général, même les codes forestiers étroitement conçus qui régissent actuellement la foresterie et les industries forestières dans la plupart des pays présentent des défauts. Le reste de cette section est consacré à ces obstacles précis au développement forestier. Les problèmes varient d'une région à l'autre, d'un pays à l'autre et parfois même à l'intérieur d'un même pays. Cependant, la liste ci-dessous, si elle n'est pas exhaustive, donne une bonne idée des défauts les plus courants à éliminer pour permettre le plein développement du secteur forestier, à savoir:

1. Incohérence du code forestier général 24;

2. Manque de clarté dans la définition des terres forestières;

3. Imprécision définition du pouvoir des officiers forestiers 25;

4. Conflit entre la législation forestière et les lois connexes;

5. Incompatibilité entre les lois forestières des divers Etats, entre celles-ci et celles du gouvernement central dans les Etats fédéraux;

6. Multiplicité des instances ayant légalement pouvoir en matière forestière, même dans certains Etats unitaires;

7. Double juridiction sur les terres forestières;

8. Prévalence de divers droits d'usage sur les terres forestières;

9. Manque de contrôle sur les forêts privées;

10. Nombre excessif de régimes fonciers forestiers;

11. Régimes forestiers défavorables au développement;

12. Carences de la législation régissant les investissements dans la foresterie et les industries forestières.

(24 Selon W.A. Gordon (The law of forestry, Londres H.M.S.O., 1955), l'ordonnance forestière d'un certain pays en voie de développement donne l'impression d'un paquet de cartes bien battues qui aurait perdu plusieurs rois et as.)

(25 Dans un pays, des forestiers relativement débutants ont des pouvoirs importants que n'a pas le conservateur en chef, directeur du service des forêts. Dans ces conditions, le conservateur en chef perd le pouvoir de décision qui est ainsi placé de façon aberrante dans la hiérarchie administrative, cela risque même d'affecter l'application de la politique forestière, de provoquer des mesures incohérentes et, si l'on peut dire, de balkaniser le service des forêts.)

L'on n'entrera pas dans l'étude de ces problèmes car, dès lors qu'ils sont identifiés, certains d'entre eux sont faciles à résoudre s'il existe une volonté d'agir. En outre, les difficultés n'ont pas toutes la même importance. C'est pourquoi on ne s'étendra pas plus sur les facteurs 1 à 5 énumérés ci-dessus.

Multiplicité des lois et règlements forestiers

L'étude de l'exemple d'un pays d'Afrique occidentale est peut-être le meilleur moyen d'illustrer le problème. Dans ce pays, trois séries de règlements et lois régissent la gestion et l'aménagement du régime forestier; toutes trois ont été promulguées en vertu de l'autorité que confère l'ordonnance forestière à des administrations différentes. Elles régissent notamment l'octroi des licences de construction de scieries.

Pour décider s'il convient d'accorder le permis de construire une scierie, les autorités doivent tenir compte de l'emplacement envisagé, de l'approvisionnement en grumes, des marchés que pourra trouver le bois, de la qualité de l'équipement, du plan de l'usine, ainsi que de la situation financière et de l'expérience du demandeur. Mais très souvent des permis refusés par une administration sont accordés par une autre, de sorte que le nombre de scieries est de loin plus grand qu'il n'est prévu par la politique nationale. Comme les débouchés des sciages sont assurés par les liens existant entre le producteur et l'utilisateur, c'est le consommateur qui absorbe le prix élevé des grumes dû au mauvais équilibre entre l'offre et la demande de grumes ainsi que le coût élevé de la transformation résultant des permis accordés à des entrepreneurs inefficaces et inexpérimentés

On ne compte pas examiner ici la politique régissant la réglementation des scieries. Mais l'on veut démontrer comment il est possible de tourner n'importe quelle politique si les dispositifs juridiques d'application sont mal conçus ou si, comme dans l'exemple que l'on vient de citer, il existe trop d'instruments juridiques et trop d'administrations compétentes. Mais il ne faudrait pas penser que ce problème soit propre à la seule Afrique occidentale et à la seule industrie de la scierie. On a choisi cet exemple uniquement pour illustrer une maladie plus grave, à savoir le fait que la loi avalise une vaine concurrence entre diverses administrations.

Double juridiction

Dans certains pays, particulièrement en Afrique, il existe des dispositions juridiques aux termes desquelles des terres forestières appartenant à des collectivités devraient être aménagées par l'Etat en leur nom. Les propriétaires sont représentés par des conseils ou par d'autres groupements qui contrôlent la délivrance des concessions, licences ou permis forestiers, et qui recrutent et dirigent le cadre inférieur du personnel forestier de niveau sub-universitaire. l'Etat donne des conseils par l'intermédiaire du personnel de formation supérieure et de certains fonctionnaires de niveau sub-universitaire qu'il emploie et qui dépendent de lui, et décide du type de régénération à appliquer, du cycle d'abattage, de la révolution et d'autres aspects techniques de la foresterie. C'est ce qu'on appelle la «double juridiction».

Des mécanismes ont été mis en place dans de nombreux pays avant l'indépendance et ont probablement été conçus pour protéger les droits des communautés indigènes contre les classes dirigeantes expatriées. Cela était assez efficace lorsque les industries forestières étaient rudimentaires et que la foresterie était une activité essentiellement locale (et non pas nationale) consistant surtout à extraire la matière première bois. Cependant, aujourd'hui, la double juridiction détermine plusieurs problèmes. Il y a des conflits entre l'Etat et les autorités locales, parce que la main-d'œuvre forestière dépend directement des propriétaires et non pas des fonctionnaires supérieurs et des techniciens nommés par l'Etat parce que les politiques formulées par l'Etat sont radicalement amendées par les conseils locaux, et parce que des controverses presque constantes opposent l'Etat aux autorités locales sur des questions telles que les bénéficiaires des concessions, licences et permis. Dans certains cas, il est impossible d'aboutir à un accord pour céder à un même concessionnaire diverses forêts appartenant à plusieurs propriétaires, même lorsque bien évidemment il faut une grande forêt pour créer une usine de transformation qui puisse bénéficier des économies d'échelle.

Si tout semble indiquer que cette doublé juridiction réduit la rentabilité, l'influence effective de la dualité propriété/gestion sur les bénéfices de l'entreprise forestière n'a pas été analysée. Cependant, d'après d'autres secteurs de l'économie, on peut conjecturer que lorsque la propriété et la gestion relèvent d'une même administration, on obtient un rendement beaucoup plus élevé des investissements, le capital est mieux structuré et les ressources sont mieux réparties 26, Il semblerait donc souhaitable de remédier à ce conflit d'attribution dans les pays en voie de développement où existe la double juridiction.

(26 Voir, par exemple: R. J. Monsen, J. S. Chiu et D. E. Cooley. The Effect of separation ownership and of control on the performance of the large firm. Quarterly Journal of Economics, 82, 1968, p. 435-451.)

Malheureusement, il est souvent très difficile de remédier à cette situation, d'autant plus que des dispositions anciennes, reprises dans les nouvelles constitutions des anciennes colonies par des clauses garantissant le droit de propriété, semblent interdire le transfert de la collectivité à l'Etat Une solution possible et qui a déjà été étudiée est de transférer au gouvernement tous les pouvoirs nécessaires pour un aménagement rationnel de la forêt, tout en laissant aux collectivités le droit de propriété.

Mais dans bien des pays le code ne laisse pas la place à une solution de ce genre. La propriété est juridiquement considérée comme un ensemble de droits dont les gouvernements ne peuvent dépouiller les propriétaires pour ne leur laisser qu'un titre symbolique. Le droit de vendre, contrôler et aménager fait partie du droit de propriété27 et on ne saurait l'abolir sans compensation. Une meilleure solution au problème de la double juridiction serait donc probablement un accord contractuel entre le gouvernement et les propriétaires, aux termes duquel tous les aspects de l'aménagement seraient dévolus à l'Etat tandis que les propriétaires recevraient en échange une part convenue des redevances ou une somme annuelle fixe. Bien entendu, des révisions périodiques seraient prévues.

(27 A noter toutefois que la propriété n'est pas considérée comme un droit absolu dans les pays régis par les principes du Droit romain.)

Droits d'usage 28

(28 On peut définir le droit d'usage comme un droit reconnu par la loi et portant généralement sur un bien foncier détenu par une personne ou plusieurs personnes individuellement ou collectivement et qui leur donne le pouvoir d'utiliser ou d'interdire l'utilisation de la terre ou des produits de la terre appartenant à quelqu'un d'autre.)

Un autre facteur qui freine l'utilisation rationnelle des ressources forestières dans les pays en voie de développement est le fait que le domaine forestier est sujet à divers droits d'usage. L'existence de droits et obligations, déterminés non pas par des transactions entre les parties intéressées, mais par des considérations telles que l'âge, le sexe, la religion, l'affiliation tribale, correspond généralement à un stade du développement socio-économique dans lequel les rapports sociaux sont fonction du statut personnel et non pas de contrats. L'exercice de ces droits était peut-être bénéfique à une époque où il n'y avait guère de spécialisation du travail et où l'on vivait surtout dans un système d'autoconsommation. Peut-être est-il encore utile dans des zones très limitées. Mais d'une façon générale, ces droits font obstacle au développement lorsqu'apparaît l'économie d'échange et lorsque l'efficacité exige qu'une ressource soit utilisée de façon ininterrompue.

En dehors du droit d'entrée, les droits les plus couramment exercés dans les forêts des pays en voie de développement sont ceux qui concernent la récolte de la production forestière, le ramassage du bois à brûler, la plantation de cultures en forêt, le pacage du bétail, l'ébranchage pour obtenir du fourrage et le prélèvement de terre. Dans certains pays, on considère même l'agriculture itinérante comme un droit d'usage. En outre, ces droits sont souvent transmissibles par héritage, et dans de nombreux cas la loi n'indique pas clairement s'ils sont aliénables.

Du point de vue du développement, il est souhaitable que les forêts soient libérées autant que possible des droits d'usage. Il ne faut donc négliger aucun effort pour éliminer les droits d'usage qui pèsent sur le domaine forestier. Certes, ces droits peuvent s'éteindre par abandon volontaire; ils peuvent également s'éteindre par limitation, commutation on compensation. Quel que soit l'expédient juridique, le gain de sécurité pour le domaine forestier justifie souvent qu'on y fasse appel.

Propriété privée des terres forestières

Dans les pays en voie de développement où il existe des forêts privées, celles-ci généralement ne sont pas aménagées ou sont mal aménagées. Certes, il existe des forêts privées dans de nombreuses régions du monde développé; mais des dispositions prévoient généralement un aménagement rationnel par l'Etat si les propriétaires le désirent ou si l'Etat le considère nécessaire, et ces dispositions sont appliquées.

Dans les pays en voie de développement, deux séries de facteurs s'opposent généralement à une telle solution: ou bien la forêt privée appartient à une classe si puissante politiquement qu'elle est en mesure de rendre vaines toutes les tentatives de promulguer ou d'appliquer les lois qu'elle estime contraires à ses intérêts, même lorsqu'elles ont pour objet d'assurer un aménagement des forêts pour le bien du pays, ou bien, comme cela a été le cas pour la propriété collective des terres forestières étudiée plus haut, les constitutions nationales n'autorisent aucun contrôle sur l'exercice des droits de la propriété privée.

En définitive, la solution au problème que posent les propriétés privée et collective des terres forestières consistera à donner à l'Etat la propriété absolue de ces terres Si l'on envisage une mesure de ce genre, il peut être nécessaire soit de modifier les constitutions, soit de convaincre les tribunaux que l'expropriation est d'intérêt public. L'une et l'autre initiatives doivent être précédées d'une enquête approfondie sur toutes les conséquences possibles de telles mesures. Cependant, l'on pourra faire ainsi la synthèse des considérations qui freinent un aménagement rationnel des ressources forestières par les soins des propriétaires forestiers et qui appellent des solutions de rechange, notamment, lorsque les conditions le justifient, la nationalisation.

Les terres forestières ont des caractéristiques particulières et leur aménagement présente des complexités techniques et administratives29. En raison de leur physiographie particulière, les forêts réduisent l'érosion et le risque d'inondation ou de sécheresse, ce qui a des conséquences importantes: dans bien des régions, l'aménagement forestier peut toucher presque chaque homme dans ses activités. En outre, dans certaines collectivités, les forêts sont très utilisées à des fins de récréation. Souvent le propriétaire privé ne semble pas avoir suffisamment d'esprit civique pour assurer ces services (protection et récréation). Or, comme ceux-ci sont souvent essentiels pour le développement de la collectivité, il est souhaitable que l'Etat soit propriétaire des forêts qui les fournissent.

[29 Voir: J. Prats-Llauradó. Forêts et réforme agraire, Document, Conférence mondiale sur la réforme agraire. Rome, 1966 (RU WLR 66 /B)]

Les avantages de la propriété publique des terres forestières ne dérivent pas exclusivement du rôle de protection et de récréation de ces dernières. Dans la plupart des cas, les forêts donnent des produits forestiers aussi bien que des services. Cette interdépendance entre les diverses fonctions aggrave encore la complexité de l'aménagement forestier et impose souvent à l'Etat de veiller à ce que l'un des aspects, par exemple la lutte contre l'érosion, ne soit pas négligé dans la poursuite à court terme d'un autre objectif, par exemple la production de grumes.

D'autres facteurs empêchent les propriétaires privés de mettre en valeur leurs forêts et pourraient donc justifier l'intervention de l'Etat une fois établie la nécessité de la foresterie: la production forestière met longtemps a mûrir, parfois plus longtemps que la vie des hommes qui ont assuré leur régénération. En dehors de la difficulté psychologique que rencontrent certains lorsqu'il s'agit d'entreprendre une tâche dont ils savent qu'ils ne verront pas les fruits, les propriétaires privés hésitent souvent à investir dans des projets ayant une longue période de gestation, quels qu'en puissent être les avantages financiers et économiques éventuels. En outre, dans beaucoup de pays en voie de développement comme la République de Corée, les forêts privées sont souvent trop petites pour être économiquement viables. Il est donc nécessaire de les regrouper en unités économiques. Bien sûr, cela peut se faire au moyen d'institutions telles que des coopératives, mais l'expérience indique que les coopératives forestières, à moins que l'adhésion ne soit volontaire, donnent rarement de bons résultats. En dernière analyse la solution peut donc être l'expropriation par l'Etat.

Là encore, si dans certains cas la liquidation du capital forestier peut se justifier, il est d'une façon générale souhaitable d'assurer la continuité de la production. L'aptitude des forêts à donner une production renouvelable à perpétuité est l'un des principaux aspects positifs de la foresterie. Le forestier, s'il l'estime nécessaire, peut exploiter les forêts de façon à ne prélever qu'une quantité plus ou moins équivalente à l' «intérêt» accumulé laissant le «capital» intact. Malheureusement, dans la forêt, le capital et l'intérêt sont inextricablement unis et il est assez difficile de réaliser la possibilité. Dans les pays en voie de développement, les propriétaires privés n'ont généralement pas les connaissances nécessaires pour la déterminer, ni les moyens d'employer des spécialistes à cet effet. En conséquence, en dépit souvent des meilleures intentions, les domaines forestiers sont souvent ravagés.

Un autre facteur dû à la propriété privée des forêts et qui handicape le progrès de la foresterie dans les pays en voie de développement est le fait que les propriétaires ne font pas les recherches nécessaires pour rendre plus efficaces les opérations forestières et n'appliquent pas les résultats de la recherche faite dans les institutions d'Etat. On a constaté que même les services forestiers gouvernementaux dans les pays en voie de développement n'ont pas toujours les moyens d'entreprendre certains types de projets. Les propriétaires privés sont encore moins actifs dans ce domaine.

Cependant, l'effet de la foresterie et des industries forestières sur le développement et l'influence diffuse de ces secteurs sur l'économie nationale suffisent sans doute à justifier que l'on recommande la propriété publique des terres forestières. Dans les pays en voie de développement, ce secteur peut être assimilé à un service public capable de fournir à la collectivité des biens sociaux et économiques fondamentaux. Cette caractéristique a été évoquée au début du présent chapitre. Il suffit de rappeler ici que les pays en voie de développement possédant des forêts, ou des conditions favorables à leur établissement, devraient considérer ce secteur non pas seulement comme susceptible de produire un rendement financier adéquat mais, ce qui est plus important, comme peut-être essentiel pour une croissance économique soutenue.

Dans les pays en voie de développement où les droits des propriétaires privés de terres forestières sont un handicap pour le développement, certains indices montrent déjà que les systèmes établis sont remis en question et que l'on cherche les moyens de les modifier. Même dans les pays où le droit sacro-saint de la propriété privée est inscrit dans la Constitution, certains, qui ne font pas toujours partie du gouvernement, préconisent l'élargissement des pouvoirs de l'Etat pour limiter l'exercice des droits de propriété dans l'intérêt du bien public 30.

(30 Voir, par exemple: Yu Chin-O. Report of address to the Royal Asia Society, Korea Times, 8 février 1969; et Hahm Pyong-Choon. The Korean political tradition and law. San Francisco. Tri-Ocean Books. 1967.)

Il se peut que pour des raisons d'ordre politique ou idéologique on hésite à exproprier des forêts privées. Dans ce cas, il convient de promulguer une législation qui impose aux propriétaires privés d'aménager leurs forêts conformément aux principes de bonne foresterie adoptés par l'Etat Ces principes doivent être bien clairement définis et élaborés. En cas d'infraction, l'Etat doit avoir autorité pour contrôler ou réaliser directement l'aménagement. L'Etat doit également être en mesure d'aménager ou de faire aménager en un seul bloc des forêts privées trop petites pour être exploitées et mises en valeur séparément de façon rentable. Toutes ces mesures ont été adoptées dans certains pays en voie de développement soit en agriculture, soit en foresterie.

Régime foncier

Les principaux problèmes dans ce domaine sont le nombre apparemment excessif de types de régimes fonciers forestiers et le fait que beaucoup d'entre eux sont peu favorables à la mise en valeur des forêts. En dehors de la propriété privée, et de divers types de propriété communale examinés plus haut, les trois types les plus courants de concessions forestières sont les baux, les licences et les permis. Dans le cas du bail, le propriétaire cède à une autre personne ou groupe de personnes ou société le droit exclusif sur une zone donnée de terre pour une période déterminée. La licence, sans avoir les mêmes caractéristiques qu'un bail (durée déterminée et droit exclusif) donne à un individu ou plusieurs individus le droit de faire quelque chose qui autrement constituerait une violation de la propriété. C'est un accord personnel entre les parties intéressées et les droits ainsi accordés ne sont pas transférables et ne sont pas attachés à la terre. La distinction juridique entre une licence et un permis n'est pas très claire mais dans les circonstances particulières où les permis sont délivrés dans les pays en voie de développement, ils donnent généralement le droit d'abattre et d'enlever des arbres en moins grand nombre que dans le cas des licences.

Si dans la plupart des pays en voie de développement les baux sont courants, ils contiennent souvent des dispositions qui ne sont pas strictement conformes aux systèmes juridiques dont ils dépendent. Parfois, ils ne donnent pas la possession exclusive de la terre et souvent ne permettent pas son transfert. En conséquence, on signale de nombreux cas dans les pays en voie de développement où les conditions des baux n'ont pas pu être appliquées surtout parce que, dans l'interprétation, les juges tendent à appliquer les dispositions du droit commun sur les baux. La solution n'est pas l'octroi de licences puisque, dans la définition juridique, celles-ci ne confèrent pas un droit exclusif et qu'il s'agit essentiellement d'un accord contractuel qui peut être révoqué à volonté. En conséquence, la sécurité, essentielle pour les opérateurs forestiers, fait souvent défaut.

Apparemment, il y a beaucoup à faire dans les pays en voie de développement pour établir des systèmes applicables à la foresterie locale. Ce qu'il faut, ce sont des accords contractuels qui encouragent les investissements tout en protégeant l'intérêt des gouvernements. Ces accords doivent également être conçus de façon à intégrer dans un tout homogène le développement du secteur des forêts et des industries forestières et celui des autres secteurs pertinents de l'économie nationale.

Si les gouvernements ont pour politique d'encourager l'établissement d'industries locales de transformation des produits forestiers, il semble nécessaire de lier l'octroi de concessions d'exploitation forestière à la création d'usines de transformation et si possible d'industries forestières intégrées. Cependant, de nombreux pays dans lesquels il existe des plans de développement des industries forestières continuent à signer des accords qui n'imposent pas aux exploitants d'assurer la transformation locale des produits. Beaucoup d'accords ne contiennent aucune clause imposant un minimum de traitement du bois; dans certains pays l'administration forestière n'est pas juridiquement tenue de choisir les concessionnaires les plus efficaces.

La plupart des pays en voie de développement ne font aucun effort pour se doter de codes rationnels qui orienteraient le personnel pour déterminer la durée des concessions forestières, ou bien établissent ces codes en fonction de critères qui n'ont guère de rapport avec les aspirations nationales ni avec les besoins des entrepreneurs.

Pourtant c'est là une décision politique importante car d'un côté on peut soutenir que les terres appartenant à l'Etat ne doivent pas être concédées pour des périodes prolongées: cela lie le gouvernement pendant trop longtemps, limite les possibilités de convertir la terre à d'autres formes d'utilisation qui pourraient être considérées comme plus rentables à l'avenir et risque de donner une trop grande sécurité à des exploitants inefficaces qui, tout en se conformant aux conditions du bail, n'apportent aucune innovation, ne prospectent pas de nouveaux marchés, ne fabriquent pas de nouveaux types de produits et n'essaient pas de vendre de nouvelles espèces. En outre, on relève que, comme on manque de capital local, ce sont généralement des sociétés étrangères qui exploitent les concessions. Toutes ces considérations suggèrent de limiter autant, que possible la durée des concessions.

D'un autre côté on pourrait dire que, la foresterie étant une entreprise de longue haleine, les accords devraient être de longue durée: il faut construire des routes et des ponts, acheter du matériel d'abattage et de vidange. Si les concessions dépendent d'une usine de traitement, une longue durée est également nécessaire pour justifier le coût du matériel industriel.

En raison de ces arguments, souvent valables mais contradictoires, il est nécessaire d'établir des directives pour fixer la durée des concessions. Ces directives devront prendre pour critère non pas la superficie de la concession - comme c'est le cas dans les rares pays où il existe des règlements dans ce domaine-mais des facteurs qui dépendront des ressources forestières du pays, de l'intensité de la concurrence pour l'octroi des concessions, et de la politique à l'égard des exportations de grumes (par opposition à la transformation dans le pays).

S'il existe une vive concurrence pour les terres forestières, l'Etat pourra imposer ses conditions aux concessionnaires éventuels. Il semble toutefois souhaitable soit de lier la durée des concessions au rendement de la forêt et non pas à sa dimension (si l'objet primordial est l'exploitation de la matière première) soit de l'établir en fonction de la période d'amortissement de l'usine (si l'objet est l'établissement d'industries forestières).

Les dispositions juridiques existant à cet égard dans des pays tels que le Guatemala, le Honduras et le Mexique peuvent présenter de l'intérêt pour d'autres pays qui ont des difficultés dans ce domaine. Dans ces pays, les règlements imposent d'octroyer les concessions par «unités industrielles d'exploitation forestière». Il s'agit de blocs de forêts qu'on estime susceptibles d'approvisionner une industrie forestière de façon permanente. La dimension de la concession varie selon les endroits mais sa durée ne peut dépasser 25 ans. Le règlement prévoit aussi que tous les accords et concessions doivent contenir des clauses sur le traitement du bois et que l'on donne la préférence à la personne ou à la société qui s'engage à assurer l'industrialisation la plus poussée.

D'autres conditions peuvent être incorporées aux accords pour favoriser le développement: par exemple, une clause sur les espèces commerciales qui énumère les espèces à exploiter et qui peut être amendée en fonction de l'évolution économique et technique; une disposition concernant l'évaluation équitable et la révision périodique des barèmes des redevances et droits; un droit de renouvellement qui revient à donner au concessionnaire un traitement préférentiel s'il satisfait aux conditions de l'accord; une condition aux termes de laquelle le transfert de la concession peut être autorisé sous réserve de l'approbation des autorités compétentes, et une clause autorisant la révocation de la concession dans certaines circonstances bien définies.

Il peut également être souhaitable d'incorporer des dispositions sur la création de villages forestiers. Trop souvent les conditions de vie des travailleurs ruraux de la foresterie et des industries forestières dans les pays en voie de développement ne satisfont pas aux critères appliqués dans la planification aux centres urbains. En conséquence, on voit se créer des bidonvilles forestiers. Les gouvernements peuvent aider à établir des écoles, des hôpitaux et des services de communication de la même façon le font dans d'autres zones.

En concluant cet examen des dispositions régissant les concessions forestières dans les pays en voie de développement, il faut souligner la nécessité d'aboutir à un accord sur les modalités d'exploitation des concessions, et de procéder à des inspections fréquentes pour contrôler que les conditions sont bien respectées. Cet aspect est important car, alors même que les concessions sont exploitées comme unité, cette exploitation doit s'insérer dans le plan forestier national.

Législation et investissements dans le domaine de la foresterie et des industries forestières

Dans de nombreux pays possédant de vastes domaines forestiers, la législation forestière en vigueur n'encourage pas expressément les investissements privés dans la foresterie et les industries forestières. Même dans cette branche relativement nouvelle des activités juridiques qui porte sur la promotion des investissements privés, la foresterie et les industries forestières sont souvent absentes.

Lorsque la législation destinée à favoriser les investissements (qui donne des stimulants sous forme de périodes de franchise fiscale, abattements fiscaux, exonérations de certains droits d'importation ou d'exportation, déduction de l'amortissement, droit des entreprises étrangères de rapatrier une certaine proportion des bénéfices, impôts différentiels selon l'emplacement, etc.) s'exprime en termes généraux, il est souvent possible d'interpréter les clauses pertinentes de façon à les faire porter aussi sur les industries forestières. Mais souvent ce type de législation générale sur les investissements n'est pas applicable à des opérations telles que l'abattage et le débardage, si l'on s'en tient à une interprétation strictement juridique.

Bien sûr, dans certains pays, la législation en matière d'investissements prévoit des dispositions expresses sur la foresterie et les industries forestières. C'est ainsi qu'en Indonésie on a récemment préparé un guide pour les capitaux et les investissements étrangers, qui porte spécifiquement sur la foresterie 31. L'étude des divers types de stimulants que peut prévoir le code pour diverses activités forestières sort du cadre de la présente étude. Mais on trouvera plus loin la liste de certains points qui pourraient être prévus dans la législation en matière d'investissement forestier pour faciliter la tâche aux pays qui, tout en ayant une politique d'encouragement aux investissements industriels, ont une législation dont les termes ne s'appliquent pas à la foresterie ou en excluent certains aspects importants.

(31 Technical guide for foreign capital investment in forestry. Indonésie, Jakohutan Ditusa, 1968.)

Les domaines auxquels la loi s'applique effectivement dépendent de la politique du pays en matière d'industrialisation et d'investissements, ainsi que de la nature de la participation locale à la foresterie et aux industries forestières. Il faut cependant bien comprendre qu'il est parfois nécessaire de donner des stimulants à une vaste gamme d'activités forestières qui ne semblent pas directement intéresser les stades finals du traitement industriel.

Des stimulants peuvent être accordés pour:

1. La création de plantations forestières;

2. Les opérations d'abattage et de débardage;

3. La mise en place d'installations d'entreposage, de séchage et de traitement pour la conservation du bois;

4. La distillation du bois; b. La création de divers types d'industries forestières: scieries, fabriques de contre-plaqués, de pâte à papier, etc.;

6. L'établissement d'industries forestières intégrées;

7. L'exploitation des forêts dans certaines zones;

8. L'expansion des exportations des produits du bois;

9. La fabrication nationale des produits du bois lorsqu'on peut démontrer qu'elle permet de gagner ou d'économiser des devises;

10. L'emploi d'un nombre minimal d'ouvriers.

Les dispositions peuvent aussi prévoir:

1. L'emploi d'un certain nombre de techniciens et de cadres locaux;
2. La formation d'un personnel local;
3. La participation locale aux investissements.

Toutes ces conditions, qu'elles portent sur le type de régime foncier à adopter en foresterie, sur la teneur des accords forestiers ou sur la nature des stimulants aux investissements, doivent se conformer aux objectifs généraux des plans de développement nationaux et doivent être conçues en vue d'encourager le développement de la foresterie et des industries forestières.

Evaluation des ressources forestières

Les données générales sur les forêts des pays en voie de développement sont déjà abondantes. On estime par exemple qu'elles couvrent 2 226 millions d'hectares, soit à peu près 53 pour cent d'un total mondial chiffré à 4126 millions d'hectares, si l'on considère les terres forestières 32 et 2141 millions d'hectares soit 56 pour cent environ d'un total mondial équivalant à 3 792 millions d'hectares si l'on considère le peuplement effectif.

(32 Par «terres forestières» on entend ici toutes les terres recouvertes d'une association végétale où dominent les arbres ou arbrisseaux pouvant donner des produits forestiers ou fournir divers services de protection à la communauté. Cette définition est celle qu'utilise la FAO dans ses inventaires forestiers mondiaux.)

On sait également que les futaies tropicales, présentes surtout dans des pays en voie de développement, se caractérisent, entre autres, par la grande variété de leurs essences. Rien que pour les grands arbres de la forêt ombrophile indo-malaise le total des espèces identifiées atteindrait 3 000. Par ordre d'importance numérique, viennent ensuite les forêts d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale, qui se placent entre celles de l'Asie et de l'Afrique et contiennent environ 2 500 espèces différentes de grands arbres. La flore la moins riche des régions tropicales, à savoir l'africaine, possède également une quantité d'essences prodigieuse au regard de la zone tempérée: à peine moins de 1000. Autre caractéristique importante de la flore tropicale, peu d'espèces, genres et familles sont représentés à la fois dans toutes les régions: elle est donc encore plus variée qu'il n'apparaît sur le plus riche continent.

Cependant, les connaissances actuelles touchant les ressources forestières des pays en voie de développement, malgré leur intérêt et malgré les indications générales qu'elles apportent sur le potentiel des forêts tropicales, ont peu de valeur à l'échelon des programmes et des projets. Si, dans quelques zones en effet, certaines familles (e.g. Dipterocarpaceae, Leguminosae), certains genres (e.g. Eperua, Shorea) et même certaines espèces (e.g. Ocotea rodiaei, Tectona grandis) tendent au grégarisme, les nombreuses essences tropicales sont généralement très mélangées. Aucune méthode ne permet de déduire a priori de la connaissance écologique des associations et consociations au sein de la communauté forestière quelles espèces peuvent se trouver dans un certain périmètre, combien de sujets, quelle sera la répartition spatiale des individus, leurs dimensions, ainsi que leur taux de croissance et de mortalité. Or, ce genre de renseignement est indispensable pour prendre des décisions rationnelles de pré-investissement lorsqu'on veut créer ou développer des industries forestières et aménager efficacement la forêt.

Les services forestiers savent depuis longtemps qu'il est nécessaire de connaître plus à fond la ressource. Nombre d'entre eux ont donc tenté de rassembler les informations voulues, et la liste des pays où les ressources forestières ont été plus ou moins évaluées est tout à fait imposante. De fait, on a procédé à l'inventaire de certaines parties au moins du massif dans la plupart des pays forestiers d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine. Ces inventaires ont été faits généralement par des entreprises privées avant ou après l'octroi de concessions et, dans l'ensemble, les gouvernements n'y ont guère participé si ce n'est dans les pays qui ont accédé récemment à l'indépendance.

La plupart des inventaires dressés jusqu'ici présentent diverses lacunes. Il semble qu'en les établissant on ait perdu de vue, dans bien des cas, certains points importants, entre autres que ces inventaires doivent en dernier ressort servir à planifier la création et l'expansion de la foresterie et des industries forestières; que cette planification appelle une connaissance de l'avenir; qu'il convient par conséquent de tenir le plus grand compte des techniques actuelles aussi bien que des progrès futurs en matière de foresterie et d'industrie forestière; et que les marchés présents et à venir doivent entrer en ligne de compte dans l'évaluation des forêts. On consacre aux inventaires forestiers du capital et du personnel précieux parce que rares. Souvent, malgré cela, les renseignements obtenus ne peuvent être utilisés par les planificateurs et les industriels quand la documentation est prête et ultérieurement: il faut alors mettre de nouveau ces ressources à contribution pour recueillir dans les mêmes zones un complément d'information.

Dans un pays d'Amérique latine, où se pratique pourtant depuis plus de 40 ans le rassemblement de données sur les ressources forestières, rares sont les informations sur les aspects qui intéressent la planifié cation des industries forestières. Dans un pays de l'Ouest africain, où l'on procède depuis plus longtemps encore à ce genre d'évaluation, les données amassées au cours des années et conservées çà et là sur les étagères de divers bureaux n'ont pas encore été analysées ou ne peuvent l'être. Dans les deux cas, la documentation recueillie n'a pas été exploitée à fond. De tels exemples sont légion dans le monde en voie de développement. Il serait donc utile, semble-t-il, de préciser le type de renseignements à relever dans les enquêtes sur les ressources forestières ainsi que la manière dont ils doivent être présentés. L'industriel, le planificateur et l'administrateur forestier ont besoin de connaître:

1. La superficie forestière totale;

2. Les types de forêts, la superficie occupée par chaque type ainsi que son emplacement;

3. Le nombre total des arbres, le nombre d'arbres par essence, et leur répartition;

4. Les catégories dimensionnelles des arbres et le nombre d'individus par catégorie;

5. La quantité de bois sur pied, en volume, en poids ou autre mesure appropriée, la répartition de ce cubage, etc.;

6. Le taux approximatif de croissance et de pertes;

7. Les caractéristiques physiques de la zone (qualité du sol, climat, topographie, etc.). .

En outre, l'évaluation forestière pouvant apporter des données sur les produits non ligneux et sur certaines utilisations, il est parfois nécessaire d'examiner les possibilités de la forêt au point de vue des loisirs, de la protection écologique et de l'aménagement de la faune. Il faudrait également, si possible, étudier durant les inventaires le coût de l'abattage, du débardage et du transport jusqu'aux usines ainsi que la situation et les possibilités routières.

D'une manière générale, l'estimation de la superficie forestière totale et celle des types de forêts posent peu de problèmes. C'est plutôt dans le rassemblement des autres données que se commettent les erreurs les plus courantes. Très souvent, les mesures ne sont relevées que pour certaines espèces et tailles parce qu'on cherche seulement à savoir si la forêt contient en quantité suffisante la matière première d'un certain produit ou gamme de produits et que le choix des essences et des dimensions est généralement dicté par l'état de la technologie et du commerce du bois au moment de l'évaluation. On n'obtient donc ainsi qu'une idée limitée de la ressource forestière. Il faut dire aussi que nombre de pays en voie de développement manquent de personnel compétent pour procéder à des enquêtes plus complètes.

Comme signalé plus haut, certaines essences et dimensions, autrefois considérées comme impropres à des traitements particuliers, sont désormais beaucoup plus largement utilisées par suite des rapides progrès de la technologie forestière. Les exemples précédents se rapportaient à l'emploi de petites grumes pour la production de contre-plaqué et à l'utilisation plus complète des mélanges de feuillus tropicaux pour la fabrication de pâte. Les usages que l'on fait des bois tropicaux, même sur le simple plan des sciages, sont en train d'évoluer, et nombre d'essences jugées sans valeur commerciale sont peu à peu admises sur le marché. Cette évolution découle en partie de la diminution relative des disponibilités de quelques-uns des bois les plus prisés, en partie du fait que les producteurs ont adopté de meilleures méthodes de commercialisation, et partie de la progression lente mais sûre des traitements de séchage et de préservation dans les pays en voie de développement. En outre, on tend de plus en plus à se servir du bois sous forme de panneaux de particules et de panneaux de Libres, ce qui élargit la gamme des essences et dimensions utilisables. Les évaluations, limitées à quelques essences et dimensions, que l'on a effectuées avant la diffusion générale des nouveaux traitements et utilisations qui ont change la situation du tout au tout sont désormais pratiquement sans valeur comme sources d'information pour les planificateurs. Une conclusion s'impose donc, à savoir que pour l'évaluation des forêts les essences et dimensions examinées ne doivent pas être limitées par notre connaissance actuelle des marchés et de la technologie, mais chaque fois que possible englober toutes les essences de dimensions minimales 33.

(33 On ne veut pas dire par là qu'il faille procéder à des dénombrements complets, c'est-à-dire relever les mesures de tous les arbres de la forêt. Une méthode scientifique d'échantillonnage est beaucoup moins onéreuse que des recensements à 100 pour cent et donne les résultats voulus avec une marge acceptable d'erreur. Toutefois, à l'intérieur de l'échantillon, il vaut mieux souvent ne pas se limiter à quelques dimensions et essences actuellement marchandes.)

On pourra arguer que, malgré l'intérêt de cette méthode, mesurer toutes les essences et toutes les dimensions des forêts tropicales, luxuriantes et hétérogènes, n'irait pas sans de lourdes dépenses. La solution idéale serait de comparer les frais supplémentaires d'une enquête plus approfondie aux avantages qui en découleraient d'une part, et, d'autre part, aux frais de la nouvelle enquête que, autrement, il faudrait sans doute effectuer à quelque date ultérieure. Malheureusement, il est souvent des plus difficile sinon impossible d'évaluer précisément ces avantages, et il faut s'en remettre à des considérations a priori. Certains indices donnent a penser que le coût global d'une enquête totale n'excéderait pas tellement celui des enquêtes partielles, si prisées à l'heure actuelle, alors que les avantages sont souvent d'importance.

En premier lieu, les dépenses n'augmentent pas proportionnellement aux espèces et dimensions mesurées. En second lieu, bien que le nombre d'essences sur une superficie relativement vaste de forêt tropicale puisse être considérable, toutes les espèces ne se rencontrent pas dans une zone et le nombre de représentants de chaque espèce est souvent très faible. C'est pourquoi, si l'on inventorie et mesure les divers arbres par type de végétation, ou par petits blocs, l'enregistrement de ces mesures demande une somme de travail moindre qu'on ne pourrait croire.

On peut également soutenir que, même si tous les renseignements souhaitables sont recueillis, la majeure partie de ceux-ci offriront peu d'intérêt dans les conditions qui prévaudront où on les analysera et que les méthodes actuellement employées pour enregistrer les données de recensement ne permettent pas toujours une analyse ultérieure. C'est pourquoi la FAO a mis au point la «méthode souple d'analyse»: on enregistre les données de l'inventaire de manière à pouvoir les retracer par la suite pour procéder à des analyses ultérieures et exploiter des renseignements qui n'ont pas été nécessaires à l'occasion de la première analyse. Un manuel décrivant cette méthode a été préparé 34.

(34 FAO. Manual for forest inventory operations executed by FAO. Rome, 1968.)

La forêt est un organisme vivant, qui croît, vieillit et meurt. Il ne suffit pas par conséquent ´1e savoir ce que contient la forêt au moment où l'enquête est faite. Il faut aussi évaluer les taux de croissance et de mortalité des diverses essences, ainsi que la proportion d'arbres tarés qui deviendront inutilisables, afin de prévoir quel sera l'état de la forêt dans les quelques années à venir. Pour prévoir plus loin, il n'y a, bien entendu, d'autre moyen que de recourir à un nouvel inventaire. L'estimation est souvent négligée dans les inventaires forestiers des pays en voie de développement avec le résultat que les données recueillies perdent vite de leur actualité. Il faut donc souligner que dans l'organisation générale des enquêtes, il est indispensable de prévoir des estimations sur l'accroissement et les pertes naturelles.

Les considérations ci-dessus s'appliquent à l'évaluation de la forêt naturelle qui, comme on l'a vu, est un organisme des plus complexes. Toutefois, les plantations doivent elles aussi être évaluées. Celles-ci étant l'œuvre de l'homme et présentant une structure relativement simple, on pourrait penser que l'on possède des renseignements sans lacune à leur sujet. Malheureusement, tel n'est pas toujours le cas. Dans nombre de pays des plantations ont été créées, mais par la suite on les a, ii toutes fins utiles, abandonnées à leur propre sort. Il arrive même quelquefois qu'on n'en sache très précisément ni l'emplacement, ni la superficie. Les répercussions sur le plan de la sylviculture et de l'aménagement, bien que gênantes, n'ont pas à être examinées ici. L'important est que là encore on dispose de très peu d'informations pertinentes.

Il est évident qu'outre les données sur l'état actuel des superficies plantées, on doit en posséder également sur la croissance et la productivité. L'évaluation doit donc être continue. Autrement dit, les renseignements indispensables sur le volume et la croissance devraient le plus souvent provenir de mesures périodiques sur des parcelles-échantillons permanentes ou temporaires. Ici comme pour les forêts tropicales naturelles, il est bon d'enregistrer les données de manière qu'elles se prêtent aux méthodes de traitement modernes soit tout de suite, soit ultérieurement.

D'une manière générale, les données recueillies serviront probablement à deux groupes de personnes: responsables de l'aménagement forestier d'une part; planificateurs et hommes d'affaires d'autre part. Comme les informations sont ordinairement communiquées d'une façon qui satisfait le premier groupe, il faut se préoccuper surtout du deuxième. Certes, l'industriel ou le financier n'acceptera pas ces renseignements, en général, sans plus ample examen. Si toutefois les données originales ne lui sont pas présentées de façon claire et intelligible, il y a d'autant plus de risque qu'il rejette les propositions d'investissements sans autre forme de procès.

Les résultats des inventaires doivent donc être interprétés et présentés par des forestiers de métier connaissant les besoins en matière première des diverses industries forestières, ainsi que les problèmes économiques de l'exploitation. Les rapports doivent clairement indiquer la quantité de bois, par essence, dont on dispose pour chaque production, la durée probable de l'approvisionnement en matière première pour chacune des industries, l'emplacement du stock, les qualités du terrain, et les problèmes que pourrait soulever le transport du bois jusqu'aux centres de traitement et de commercialisation. De plus, ces rapports doivent être communiqués à tous les intéressés et non pas relégués dans les archives des services forestiers. Il ne faut pas oublier en effet que l'évaluation des ressources constitue une étape dans le processus du développement et que se borner à rassembler des informations ne sert pas à grand-chose.

Conclusions

Les pays en voie de développement possèdent de précieuses ressources forestières et la demande de produits forestiers augmente rapidement. Ils bénéficient également, sur les pays développés, de certains avantages économiques qui devraient leur permettre de mieux utiliser leurs forêts, à la fois pour la production nationale et pour l'exportation. Néanmoins, malgré ces avantages, le secteur des forêts et des industries forestières de la plupart d'entre eux n'a pas jusqu'ici apporté au développement économique l'importante contribution qui aurait dû être la sienne.

On peut certes imputer ce phénomène à l'insuffisance des investissements consacrés aux forêts et aux industries forestières, mais il semble que cette pénurie d'investissements soit elle-même largement due à certaines faiblesses institutionnelles graves. L'insuffisance de la formation dispensée au personnel forestier pour le préparer à ses tâches nouvelles, le vieillissement de l'organisation administrative forestière, la structure mal adaptée de nombreux organismes forestiers et les imperfections fréquentes de la législation forestière, empêchent souvent les services forestiers d'être aussi efficaces qu'ils le devraient et limitent ainsi la croissance et le développement de ce secteur.

En outre, dans de nombreux pays, les professionnels de la foresterie ont du mal à comprendre et à faire comprendre la contribution que la foresterie peut apporter au développement économique. Il arrive souvent de ce fait que les pouvoirs publics ne créent pas les conditions de milieu nécessaires à une exploitation rationnelle des ressources forestières de leurs pays. Ils ne créent pas d'institutions orientées vers le développement, n'attribuent pas de fonds suffisants aux services forestiers et n'encouragent pas les investissements. Cette situation crée un cercle vicieux et l'apport de capitaux à ce secteur est souvent tout a fait insuffisant pour que l'on puisse tirer parti du potentiel de développement que représentent les forêts et les industries forestières.

Il est vrai qu'en raison de leurs barrières douanières et de leurs pratiques commerciales les pays industrialisés sont en partie responsables de cet état de choses, mais cela étant, les pays en voie de développement doivent avant tout, s'ils veulent développer leur foresterie, se doter de services forestiers gérés par un personnel qualifié, conscient des besoins réels et capable de faire preuve à la fois d'imagination et de compétence dans l'accomplissement de ses tâches multiples.


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