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4. CONCLUSION :

Dans ce dernier chapitre, nous nous efforçons de mettre en relief les points saillants qui puissent aider les gestionnaires des plantations industrielles à assurer la pérennité de leur forêt, et à travers elle, la viabilité de leur projet dans le temps. D'autant plus qu’ils ne se laissent pas attirés par les gains immédiats mais plutôt qu’ils s’assurent d’obtenir des revenus soutenus à travers le temps. En un mot, nous voulons souligner ici les erreurs qu’il ne faudra plus commettre dans la conduite de tel type de forêt, la stratégie pour disposer d’une forêt productive et enfin proposer les moyens pour réhabiliter la forêt de la Haute Matsiatra.

L’analyse des situations actuelles des plantations industrielles que nous avons développées dans les chapitres précédents a permis d’en relever quelques-uns uns :

4.1. Adoption d’un objectif qui vise à fournir des produits à multiples usages :

Il est démontré à présent que viser un seul usage pour des plantations industrielles est une erreur fondamentale car en foresterie, la récolte des produits escomptés ne sera effective qu’au-delà de 10 à 15 ans minimum. Or, la conjoncture économique, pendant cet intervalle de temps, pourrait évoluer dans un sens négatif et l’investissement engagé ne serait plus rentable. Ce qui s’est produit malheureusement pour les deux plantations industrielles malgaches (Mangoro et Haute Matsiatra).

Ce changement d’objectif a handicapé les deux projets, du moins dans la première révolution, sur le plan de la qualité des produits car on n’a pas effectué à temps les opérations sylvicoles qui devraient les accompagner. Même si elles étaient réalisées, elles ne le sont que partiellement faute de moyens financiers qui n’étaient pas prévus dans le programme d’investissement de départ.

4.2. Nécessité de bien planter

(graines de bonne provenance, préparation de sol élaborée, apport de fertilisation) et d'entreprendre les entretiens sylvicoles à bon escient :

Une plantation industrielle vise avant tout la rentabilité. C’est une spéculation agricole comme le café, le maïs, qui cherche le profit, le débouché. Mais pour avoir un acheteur il faut que le produit fourni soit de qualité, conforme aux normes internationales, que son prix soit compétitif sur le marché (local et international) et qu’elle donne un bon rendement (croissance rapide).

Ici, l’objectif est de planter pour produire et non pour faire des surfaces. Les gestionnaires devront donc avoir tous les atouts entre leurs mains, lesquels conditionnent la bonne performance à atteindre, notamment :

- planter sur de sol fertile ou faute d’un tel terrain n’hésiter pas à utiliser de la fertilisation suivant la dose préconisée par la recherche forestière ;

- utiliser de graines de bonne provenance ;

- bien préparer le sol pour recevoir les jeunes plants ;

- effectuer les entretiens sylvicoles à temps suivant le calendrier et les

prescriptions techniques donnés à cet effet ;

- obtenir des produits de qualité à un coût compétitif et dans un délai relativement meilleur (15 à 20 ans).

4.3. Priorité à la protection contre les feux :

La viabilité de ces plantations industrielles et partant leur pérennité requiert de la part de leurs gestionnaires un effort particulier pour minimiser les dégâts dus aux feux qui sont en progression d’année en année. La dernière conférence de presse de Monsieur le Ministre des Eaux et Forêts (mars 1999) vient encore de confirmer l’aggravation de cette situation alarmante. En effet, lors de l’année 1998, les surfaces des terrains brûlés à Madagascar ont augmenté de 28 % par rapport à l’année 1997. C’est pour dire que le fléau est loin d’être combattu.

En effet, en 1998, 838 521 Ha de terrains ont été brûlés contre 654 201 Ha en 1997. Une des raisons qui est à l’origine de cette augmentation des feux est la lutte antiacridienne. La population pour protéger leurs cultures provoquent des feux volontaires pour faire éloigner les sauterelles de leurs champs.

A cet effet, les gestionnaires ne doivent pas lésiner sur les moyens à mettre en œuvre pour maîtriser ce fléau en donnant la priorité à la lutte passive, à travers laquelle, on insistera davantage sur la sensibilisation de la population riveraine. Il faudra trouver des solutions pour motiver cette participation de la population de façon à enrayer progressivement les dégâts des feux.

A noter que 80 % des feux proviennent des feux de nettoyage des terrains de culture et de pâturage qui ne sont pas maîtrisés et des feux intentionnels mis dans le but de s’installer éventuellement à l’intérieur du périmètre de reboisement.

4.4. Nécessité de privatiser la gestion des plantations industrielles :

L’étude menée en parallèle sur les deux projets (Mangoro et Haute Matsiatra) a fait ressortir deux situations diamétralement opposées.

Pour le cas de la forêt de Mangoro (Fanalamanga) la pérennité de la forêt est quasiment assurée grâce à l’utilisation d’un plan d’aménagement qui dicte toutes les interventions sylvicoles à effectuer suivant un calendrier bien défini. Les moyens nécessaires pour leur réalisation sont portés chaque année dans un budget décidé par le gestionnaire lui-même en fonction de leur priorité.

Cette discipline instaurée par le plan d’aménagement et cette indépendance dans la gestion sont parmi les facteurs essentiels qui conditionnent la viabilité des projets de ce genre.

Par contre, le cas de la forêt de la Haute Matsiatra, si aucune décision n’est prise dans l’immédiat pour mettre fin à tous ces errements constatés dans la conduite de l’exploitation actuelle d’une part, et d’autre part, doter des moyens suffisants aussi bien en personnel qu’en équipement et matériel la direction inter-régionale des Eaux et Forêts de Fianarantsoa pour qu’elle puisse effectuer normalement le contrôle et le suivi des opérations, la forêt va disparaître dans un proche avenir.

Mais une telle hypothèse n’est pas possible dans le cadre de l’assainissement des finances de l’Etat imposé par le F.M.I. (fonds d’ajustement structurel renforcé (F.A.S.R) et la Banque Mondiale (crédit d’ajustement structurel (C.A.S.)) où l’Etat doit adopter un budget d’austérité. Ce qui, pour le moment, condamne sans appel toute opération menée en régie directe par l’Etat.

En effet, le déficit chronique des moyens financiers accordés à la Direction inter-régionale des Eaux et forêts de Fianarantsoa est la cause première de ce débâcle enregistré dans la forêt de la Haute Matsiatra qui ferait pleurer tout forestier qui l’avait connue dans les années 1980.

A notre avis, la privatisation de la gestion des plantations industrielles s’impose si on veut assurer leur pérennité et partant leur viabilité à travers le temps.

Mais cette privatisation des plantations industrielles ne veut pas dire que le service forestier n’aura plus le droit de regard sur ces plantations. L’Etat reste toujours propriétaire de ces plantations mais c’est leur gestion qui est privatisée. Un contrat de bail devrait être établi entre l’Etat et la société gestionnaire de façon à expliquer en détail les droits et les obligations de chacun. A cet effet, l’Etat devrait doter, d’une façon correcte le service forestier chargé du contrôle et du suivi, des moyens suffisants aussi bien en personnel qu’en matériel pour qu’il n’y ait pas deux poids et deux mesures entre les deux entités.

Ainsi, ce dernier retrouverait sa dignité et surtout son efficacité dans l’accomplissement normal de son travail.

4.5. Nécessité d’établir un plan d’aménagement de la forêt, de faire son inventaire périodiquement et de l’exploiter rationnellement.

La pérennité des plantations industrielles ne pourra être garantie que suivant les conditions ci-après :

- connaître l’évolution de leur contenu de façon périodique grâce à des opérations d’inventaire (inventaire permanent et inventaire d’exploitation) ;

- établir un plan d’aménagement en fonction des données d’inventaire qui permettent de déterminer la possibilité de la forêt, condition pour garantir le rendement soutenu à travers le temps ;

- réaliser les entretiens sylvicoles prescrits ;

- exploiter rationnellement la forêt c’est-à-dire utiliser des moyens matériels appropriés et de personnel qui maîtrise la profession de façon à utiliser au maximum les produits abattus même les petits diamètres et ainsi réduire au minimum le gaspillage de matière première.

Cette exploitation rationnelle ne sera effective que s’il y a formation préalable des exploitants et de leurs ouvriers aux techniques d’exploitation moderne, d’une part, et, d’autre part, que s’il y a possibilité de doter ces exploitants après leur formation de matériels efficients pour travailler.

L’Etat a un rôle à jouer dans la mise en place des structures opérationnelles qui répondent à ces besoins (centre de formation, parc commun de matériel) avec la collaboration du secteur privé concerné.

A titre d’information, le Centre de formation professionnelle forestière à Fianarantsoa à qui on a attribué le périmètre de Lakera (forêt de Matsiatra), une fois privé de ses matériels d’exploitation roulants par suite de leur vétusté, se met à pratiquer l’exploitation traditionnelle ce qui est tout à fait contraire à sa vocation. C’est vraiment malheureux.

D’autre part, le permis d’exploitation doit être délivré non plus à l’unité de produits mais à l’unité des surfaces c’est-à-dire les arbres devront être vendus sur pied et ce, pour obliger l’exploitant à valoriser au maximum les parcelles qui lui seront attribuées et faciliter la tâche du gestionnaire en matière de contrôle et de suivi.

4.6. Cas particulier des plantations industrielles de la Haute Matsiatra en vue de leur réhabilitation :

Malgré leur éparpillement et leur situation topographique à relief mouvementé, les plantations industrielles de la Haute Matsiatra constituent une belle forêt à rendement relativement intéressant car les stations où elles se trouvent sont dans la majorité fertiles.

Pour cette raison, elles mériteraient une réhabilitation urgente qu’on pourrait encore effectuer grâce à la présence massive des régénérations naturelles partout où la forêt a disparu. Ce n’est plus nécessaire de faire de la replantation.

Cette réhabilitation consisterait à effectuer les opérations suivantes :

4.6.1. Pour les forêts restantes :

- effectuer un inventaire d’exploitation au taux de 2 à 3 % pour connaître en détail la quantité et la qualité des produits à exploiter ;

- former les exploitants qui doivent y travailler ;

- trouver un moyen pour doter ces exploitants de matériels appropriés à une exploitation rationnelle ;

- attribuer les lots par unité de surface c’est-à-dire vendre les bois sur pied ;

- doter le service forestier local d’un personnel, de matériel et de moyens financiers suffisants pour effectuer le contrôle et le suivi des travaux ;

- réviser le montant de la redevance forestière pour augmenter les recettes de l’Etat de manière qu’il puisse doter des moyens suffisants le service forestier chargé du suivi et du contrôle des travaux sur place ;

- décentraliser les recettes du fonds forestier national (F.F.N) de façon que les recettes provenant de l’exploitation de la forêt de la Matsiatra par exemple soient versées directement à la caisse du service forestier local chargé de sa gestion.

4.6.2. Pour les forêts détruites :

- faire le dépressage des régénérations naturelles partout où elles existent. C’est une opération qui ne demandent pas de gros moyens mais plutôt de personnel technique. Pour garantir le succès de l’opération il faudrait la faire rapidement.

Le service forestier local semble abonder dans ce sens malgré le faible moyen dont il dispose.

L’accomplissement de ces travaux permettrait de limiter voire même arrêter les installations des riverains à l’intérieur du périmètre qui s’amplifient d’année en année. Mais la conduite de ces régénérations naturelles devrait être menée de concert avec la population grâce à un programme de sensibilisation intensive menée dans les villages environnants pour qu’ils ne brûleraient plus les jeunes recrus qui vont constituer la future forêt de la deuxième rotation.

Cette réhabilitation des plantations industrielles de la Haute Matsiatra ne devrait pas attendre la privatisation du projet mais devrait être entreprise dans l’immédiat pour sauver cette belle forêt et surtout pour mieux la préparer à sa privatisation future. Tout projet de privatisation ne pourrait se concevoir tant qu’on n’ait pas fini l’opération de réhabilitation. Personne n’est preneur de la forêt de la Haute Matsiatra dans l’état où elle se trouve actuellement.

Le Ministère des Eaux et Forêts par le biais de la Direction générale des Eaux et Forêts devrait consentir, dans un avenir immédiat, un effort particulier pour renforcer les moyens à mettre à la disposition de la Direction inter-régionale des Eaux et Forêts de Fianarantsoa pour sauver cette belle forêt en décadence et ce, malgré l’insuffisance des crédits dont elle dispose à cause de la politique d’austérité imposé par le gouvernement. Eventuellement, elle pourrait faire appel à l’aide extérieure si c’est nécessaire.

 

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Les plantations industrielles par leur nature et leur vocation sont appelées à être développées dans d’autres régions de l’Ile pour activer le processus de reforestation du pays qui requiert encore un effort titanesque de la part de l’Etat.

 

Cette situation déplorable qui prévaut actuellement dans les plantations industrielles de la Haute Matsiatra ne devrait pas faire reculer les aides éventuelles des bailleurs de fonds extérieurs. Ce n’est qu’un incident de parcours qui pourrait être redressé si l’Etat voulait faire un effort particulier pour renforcer dans l’immédiat le service forestier local chargé de leur gestion.

L’exemple de la Fanalamanga est à prendre en compte si on veut apprécier le bien-fondé de poursuivre ou non l’extension de ce genre d’opération à travers le pays en mesurant son impact sur l’économie, sur l’environnement et sur le social.

Nous comptons sur la bienveillante compréhension des pays amis convaincus de notre effort de sortir de cette situation de pauvreté pour qu’ils continuent leurs financements dans ce genre d’opération afin que Madagascar retrouve enfin son équilibre écologique tant recherché.

REMERCIEMENTS

 

 

Au terme de ma mission, je tiens tout d’abord à remercier la F.A.O., et à travers elle, M. LEJEUNE Johan de m’avoir témoigné sa confiance en me désignant comme consultant pour réaliser la présente mission.

 

D’autre part, je remercie vivement toutes les personnes qui, de près ou de loin, m’ont porté assistance et mis à ma disposition tous les documents disponibles nécessaires pour l’accomplissement de mon travail.

 

Ces remerciements s’adressent particulièrement à :

M. Ralison Olivier, Directeur Général de la Fanalamanga,

Madame Holy Ratsimanoroarisoa, Ingénieur, chargé du service de l’Inventaire et de l’Aménagement à la société Fanalamanga,

MM. les Ingénieurs de la Direction Générale des Eaux et Forêts,

M. Randrianarison Richard, Directeur inter-régional des Eaux et Forêts de Fianarantsoa et ses collaborateurs.

 

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