Page précédente Table des matières Page suivante


7. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

7.1. Conclusions

Le développement effectif de la (rizi)pisciculture à Madagascar ne pourra se faire rapidement et uniformément sans les stations privées de production d'alevins en milieu rural. L'existence de ces stations ne doit pas, en principe, poser de problèmes puisque c'est une activité rémunératrice (la quasi-totalité des producteurs privés enquêtés se disent gagnants, même ceux qui n'ont produit que le quart de la production escomptée), ce qui répond à l'attente des habitants du Vakinankaratra qui sont à la recherche de revenus d'appoint, pour compenser le dépassement démographique de la région. De plus, les producteurs d'alevins ont la CIRPA/projet, qui leur assure un encadrement soutenu tout au long de la filière de production.

Mais, contre toute attente, certains producteurs privés n'acceptent ou n'appliquent pas, au moins dans les délais voulus et de façon correcte, les normes techniques conseillées, risquant ainsi une stagnation ou même une baisse de leur production.

Ce travail a apporté une contribution à la compréhension de cet apparent paradoxe, ainsi qu'à sa résolution.

Il est acquis que, de façon globale, la CIRPA/projet a accompli sa part de travail dans la collaboration entre elle et les producteurs privés, dans l'objectif commun de développer l'aquaculture dans la région. Malgré les difficultés qu'elle rencontre, elle a pu et continue d'accomplir l'encadrement technique et la fourniture des services dont ont besoin les producteurs d'alevins, au point que ces derniers, satisfaits, ne veulent plus en être démunis. Ce souhait des encadrés est d'ailleurs compréhensible, puisque ces services sont indispensables au bon fonctionnement de l'activité piscicole, du moins durant les quelques années de démarrage durant lesquelles les producteurs privés manquent encore de formation technique (et donc de créativité), de moyens matériels et financiers.

De leur côté, la plupart des producteurs privés prennent cette activité au sérieux, indépendamment de leur niveau socio-économique.

Comment expliquer donc cette non-acceptation ou non-application des normes techniques par certains d'entre eux ? Qu'est-ce qui justifie le désintérêt apparent de quelques-uns pour cette activité potentiellement lucrative, compte-tenu de leur fort besoin monétaire ?

Un certain nombre d'explications ont pu être tirées de cette première étude.

  1. Le climat de la région, avec sa longue saison sèche, conditionne la performance des producteurs privés qui opèrent dans un secteur fortement dépendant des eaux de pluies. Cette entrave concerne le tiers des enquêtés, dont essentiellement ceux identifiés lors de la première campagne, où les critères de sélection étaient moins rigoureux.

    Dans ces secteurs en question, un conflit sur le partage de l'eau est possible, et peut engendrer des disputes, des procès ou des actes de sabotages perpétrés par les usagers qui se sentent lésés. Mais de telles éventualités ne sont pas automatiques si le producteur privé sait s'entendre avec les autres usagers; il n'est pas rare que, au contraire, ces derniers l'aident en lui cédant de l'eau, s'il a des attitudes conciliantes. Il peut par exemple acquérir la bienveillance des autres en leur cédant des alevins à prix réduit.

  2. Les données humaines interviennent aussi, en particulier l'âge. En effet, la jeunesse de certains producteurs privés est, en dépit des avantages qu'elle peut fournir (dynamisme, créativité et ouverture aux innovations techniques), générateur d'inconvénients tels le nombre limité de la main-d'oeuvre familiale, le manque d'expériences pratiques, la dépendance envers les parents ou parfois le manque de crédibilité auprès de la population. Ces inconvénients freinent la performance du producteur privé, pour les raisons suivantes :

    Ces handicaps issus de la jeunesse sont toutefois en train de s'amoindrir actuellement, par suite de l'abandon de la majorité des anciens vulgarisateurs et, partant, de l'élévation de l'âge moyen des producteurs privés restants.

  3. Les données socio-économiques sont également décisives.

    La grande majorité des producteurs privés sont de la classe aisée, et d'autres sont des paysans moyens ; les “pauvres” sont très minoritaires. Cette constatation est valable pour tout l'échantillon étudié, mais surtout pour le groupe d'avenir sur lequel la CIRPA/projet compte le plus : celui des producteurs qui ne sont ni anciens vulgarisateurs ni “familiaux” (cf. répartition en Annexe III). Ainsi, il existe une sorte de sélection automatique, qui tend à montrer que la production d'alevins est une activité nécessitant une certaine aisance financière1. Effectivement, elle exige d'assez importants investissements, ne serait-ce que la construction des étangs lors de la première campagne, investissement non couvert de surcroît par le crédit piscicole existant, celui-ci étant limité aux dépenses de campagne pour la première année de production.

    D'ailleurs, outre le fait qu'il ne couvre pas tous les investissements pendant la première campagne, le crédit à travers une institution bancaire n'est pas encore bien accepté par les intéressés, pour diverses raisons. Néanmoins, cette réticence, déjà moins forte pour le Vakinankaratra du fait de son acquis culturel, peut encore être amoindrie par une bonne information et des formations2. Effectivement, pour le crédit piscicole actuel, l'acceptation par les producteurs privés est déjà plus grande à cause de l'information faite lors des formations, et aussi de la confiance qu'ils accordent à la CIRPA/projet.

    Notre souci de faire accepter le crédit par les producteurs privés vient du fait que, bien que la plupart d'entre eux soient aisés, les liquidités monétaires sont rares en milieu rural. La majorité des enquêtés ont effectivement reconnu ce besoin de financement extérieur, notamment pour les intrants. Le crédit rend alors possible l'exploitation d'une surface plus grande que ne le permet le budget familial, donc un essor plus rapide de la spéculation.

    La dépendance envers le crédit peut toutefois diminuer, voire disparaître quand l'exploitant aura acquis le savoir-faire nécessaire pour augmenter les bénéfices, ce qui demande encore quelques années. Mais en attendant, il a la possibilité de se passer du crédit s'il pratique une ou deux spéculations assez rémunératrices. Ceci est flagrant avec le cas de ceux qui percoivent un salaire mensuel ou qui exercent une activité non-agricole lucrative. Néanmoins, dans cette pluriactivité, l'aquaculture doit pouvoir concurrencer ces autres activités, faute de quoi elle pourra être délaissée.

  4. Effectivement, la pluriactivité pratiquée dans la région peut désavantager l'aquaculture. Compte tenu de la pression foncière prévalant dans les campagnes du Vakinankaratra, les habitants doivent pratiquer, outre les incontournables cultures vivrières, une activité procurant des revenus monétaires; celle-ci est souvent choisie parmi les plus rémunératrices. La production d'alevins en est une, même si, au stade actuel, elle est encore en phase de démarrage pour tous les producteurs du réseau, et procure ainsi moins de revenus qu'en année de croisière. Cette hiérarchie des revenus obtenus peut changer aux dépens de l'agriculture pour les producteurs “familiaux”, qui ont une capacité de production limité, même quand il auront davantage de savoirfaire en la matière, donc de bénéfices. Pour eux, l'activité piscicole restera marginale, leurs efforts étant concentrés sur une autre offre de revenus. En revanche, les producteurs “artisanaux” vont augmenter progressivement la superficie qu'ils exploitent, pour faire de l'aquaculture une des principales activités.

  5. Des blocages d'ordre familial et social jouent également:

  6. Enfin, il existe des blocages particuliers qui, sans être négligeables, ne concernent que quelques producteurs privés. Il s'agit:

1- En plus d'autres atouts comme l'ouverture aux innovations, l'habitude aux spéculations rentables, la connaissance empirique en gestion.

2- Mais il importe également de s'interroger si, à l'instar de ce qui a été fait ailleurs, une meilleure adéquation du crédit aux besoins et contraintes spécifiques des paysans ciblés n'est pas nécessaire.

7.2. Recommandations

De tout ce qui précède, on retiendra que les producteurs privés sont a priori intéressés par l'aquaculture, d'autant plus qu'ils bénéficient de services satisfaisants. Mais leur performance serait meilleure si les conditions suivantes sont satisfaites.

7.2.1. Sur l'identification du site de production

7.2.2. Sur l'identification du producteur privé d'alevins

7.2.3. Sur l'encadrement

1- Dans le protocole d'accord Gouvernement/projet/B. T. M., il est stipulé que, tout producteur privé ayant remboursé trois crédits successifs, sera automatiquement repris par la B. T. M., sur financement B. T. M.

7.2.4. Sur l'“éducation” sociale des producteurs privés

Ce sont donc les principales recommandations issues de cette étude du système de production d'alevins.

Arrivé à ce stade de l'étude, nous devons terminer par une appréciation des résultats.

Les données recueillies sont nombreuses, ce qui a d'ailleurs rendu ardue et longue leur exploitation. Néanmoins, cette étude n'a pas encore pu approfondir les aspects sociaux du système de production d'alevins, pour diverses raisons dont l'insuffisance des données de base, notamment celles socio-économiques.

Puisqu'il est nécessaire d'analyser le contexte social du producteur d'alevins, individu social précieux, cette étude peut donc fournir, outre les résultats directement exploitables par les techniciens, des données de base pour une éventuelle continuation des recherches. Dans cet esprit, nous fournirons une liste indicative et non-exhaustive des points qui méritent des approfondissements. Ce sont :

Ce qui précède montre que le consultant doit consacrer davantage de temps à chaque enquête : le séjour d'immersion doit être de quelques jours. Pour ce faire, il s'avère utile de sélectionner quelques cas représentatifs et d'en faire l'échantillon de base.


Page précédente Début de page Page suivante