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6. DIVERS BLOCAGES CHEZ LES PRODUCTEURS PRIVES D'ALEVINS

Il s'agit ici d'inventorier et d'analyser les principales contraintes qui freinent le bon fonctionnement des exploitations de production d'alevins.

6.1 Un manque d'eau potentiel

Il existe diverses contraintes naturelles qui peuvent gêner les producteurs privés, mais elles peuvent souvent être résolues ou au moins amoindries par l'application des normes techniques; c'est le cas de la perméabilité du sol, de la topographie du terrain ou de la présence de prédateurs. Nous allons plutôt insister sur la question de l'eau, élément fondamental en aquaculture. C'est d'ailleurs le premier critère de sélection pour les techniciens qui identifient un site.

Aucun des producteurs privés enquêtés n'a de craintes concernant la pureté de l'eau qu'ils utilisent, à l'exception d'un seul qui appréhende la présence de pesticides dans l'eau à sa disposition, à cause des nombreuses rizières en amount (120 usagers).

Par contre, un certain nombre d'exploitants ont attribué leur échec à l'insuffisance de l'eau disponible. Ce déficit en eau ne peut pas toujours être imputé à un quelconque problème de partage puisque, là où l'eau de ruissellement (sources et/ou cours d'eau) est reconnue abondante, aucun producteur privé n'a avoué rencontrer des litiges en ce domaine. Il est donc dû à une faiblesse du potentiel en eau des sites en question.

Le tiers des producteurs privés enquêtés ont ainsi un potentiel en eau incertain, c'est-à-dire qu'ils ont reconnu une baisse plus ou moins notable de la quantité d'eau disponible durant une saison ou une année sèche. La plupart d'entre eux ont été identifiés lors de la première campagne de production.

Néanmoins, ce manque d'eau potentiel n'engendre pas nécessairement des dommages pour les exploitations concernées. Si la sécheresse n'est pas trop importante, le producteur peut réussir avec un bon aménagement du canal d'amenée, de l'assiette des étangs, des digues, ainsi que par une bonne entente avec les autres usagers de l'eau, comme nous le verrons plus bas.

Quoi qu'il en soit, il est déconseillé de se fier à ce que dit un candidat producteur privé sur l'abondance de l'eau, pour deux raisons. D'une part, étant encore inexpérimenté, il peut sous-évaluer le besoin en eau d'une exploitation aquacole rationnelle. D'autre part, il peut exagérer l'importance de l'eau disponible car, étant déjà enthousiaste pour l'activité, il veut à tout prix être admis.

Dans la pratique, ceci est toutefois difficile. Les techniciens sont obligés de croire en partie ce que dit le candidat concernant le débit à l'étiage puisque, à la période des identifications de sites (mars-avril), l'eau est encore abondante. Le seul recours est donc la conscientisation des candidats sur le caractère décisif de la disponibilité en eau. Il faut croire que les techniciens y ont réussi, car, le manque d'eau est rare pour les producteurs identifiés à partir de la deuxième campagne d'encadrement.

6.2 Diverses contraintes d'ordre familial et social

6.2.1. La propriété du terrain exploité

Le tableau 5.5. présente la propriété des terrains exploités par les 26 producteurs privés enquêtés.

Tableau 5.5.: Propriété des terrains exploités par les producteurs privés

Propriétaire du terrainAvec les vulgarisateursSans les vulgarisateur
Nombre%Nombre%
Le producteur lui-même727,0631,6
Les parents1661,51263,1
Autres membres de la famille311,015,3
TOTAL26100,019100,0

Il apparaît donc que le terrain utilisé pour les étangs de production appartient toujours, soit au producteur privé lui-même, soit à sa famille au sens large.

Ainsi, seuls quelques producteurs privés (7 des 26 enquêtés dont un seul ancien vulgarisateur) sont propriétaires légaux ou légitimes (héritage non légalisé) du terrain où ils ont construits leurs étangs. Mais la plupart des producteurs (16 dont 4 anciens vulgarisateurs) exploitent un terrain qui appartient encore à leurs parents, mis à leur disposition pour une durée indéterminée.

Les producteurs d'alevins de ces deux catégories ne rencontrent et ne craignent aucun problème de dépossession. Cet optimisme est fondé sur la foi en la compréhension entre les membres de la famille, et aussi sur le caractère sacré de la parole des parents. Cette garantie morale suffit dans la plupart des cas, mais rien ne vaut des accords écrits et légalisés. Par ailleurs, un risque de conflits reste possible après le décès du garant du patrimoine familial, en général le père.

Toutefois, le pouvoir de décision sur l'exploitation reste insuffisant pour certains de ceux qui utilisent le terrain parental. La décision finale appartient souvent aux parents, dès qu'il s'agit de grandes options comme de persévérer dans l'activité malgré un échec, d'étendre la superficie exploitée ou de contracter un crédit bancaire … Pour ce dernier cas, l'intervention des parents est néanmoins justifiée, car le crédit sera garanti par le patrimoine familial.

Ainsi, le père d'un certain producteur privé refuse de céder à ce dernier de nouvelles parcelles puisqu'il n'est pas convaincu de la rentabilité de l'aquaculture, après deux campagnes relativement ratées. Deux autres producteurs subissent cette même entrave, pour d'autres raisons comme la mésentente entre le père et le fils. Il s'agit uniquement d'anciens vulgarisateurs, autrement dit des plus jeunes producteurs du réseau.

Plus rarement, le terrain exploité n'appartient ni au producteur privé ni à ses parents ; c'est le cas de 3 enquêtés dont 2 anciens vulgarisateurs : pour ces derniers, le terrain appartient à la belle-famille, tandis que pour le troisième, le propriétaire est un oncle. Aucun problème grave n'est encore apparu jusqu'ici. Néanmoins, l'exploitant ne se sent pas en sécurité sur ce terrain d'autrui. Ceci peut être une des raisons du manque d'enthousiasme des producteurs concernés à faire de bons aménagements, à l'image du locataire qui n'aménage guère une maison louée pour une durée aléatoire.

Ce désir de sécurité est illustré par le cas de l'un des anciens vulgarisateurs qui a cherché, en vain, à acheter, louer ou échanger le terrain utilisé contre un autre qui lui appartient.

En résumé, seuls 7 des 26 producteurs privés enquêtés, soit 27% de l'échantillon étudié, sont propriétaires du terrain exploité. Les autres doivent utiliser celui de leurs parents (c'est le plus fréquent : 62%), de leur oncle ou de leur beaux-parents. Ces non-propriétaires sont théoriquement dans une situation d'insécurité; 6 des 7 anciens vulgarisateurs appartiennent à cette catégorie.

Ce problème foncier, que l'on retrouve partout à Madagascar, vient de l'absence de lois protégeant les fermiers et métayers, par des baux de longue durée, une limitation du taux de métayage,…

La résolution de ce dilemme dépend de la qualité des relations qui existent entre les parties concernées. Dans certains cas, la sécurité pourrait être acquise par le paiement de rentes (en nature ou en argent) au propriétaire, assorti d'un contrat de bail. Cette alternative peut être inévitable dans les cas extrêmes, bien qu'elle ne plaît guère aux producteurs (l'un d'entre eux a par exemple décidé de ne pas trop surélever ses digues, pour que le propriétaire, un oncle, ne sache pas que ses rizières produisent aussi des alevins, auquel cas il pourrait demander un loyer).

Mais, même quand le terrain appartient aux parents de l'exploitant, ce dernier pourrait envisager une solution analogue après une campagne réussie. Dans ce cas, on parlera moins de rentes que de reconnaissances envers les parents. Ceci pourrait rendre ces derniers plus souples, étant touchés par les avantages de l'aquaculture.

6.2.2. Les conflits sur le partage d'eau

Quelques exploitants ont été victimes de conflits de cet ordre, avec des conséquences plus ou moins graves pour leur activité ou pour leur personne.

Comme nous l'avons vu, de tels litiges sont uniquement possibles dans les secteurs où l'eau peut se raréfier durant une saison ou une année sèche, donc essentiellement là où les usagers sont fortement dépendants de la pluviométrie. Mais l'apparition de conflits n'est pas inévitable. Elle dépend en grande partie de la qualité des relations que le producteur privé entretient avec son entourage.

En effect, les graves disputes sont rares; au contraire, il arrive que les riziculteurs aident le producteur d'alevins en lui cédant de l'eau pour ses étangs. Par ailleurs, il n'est pas impossible que, dans certains litiges, ce soit le producteur privé lui-même qui soit en tort, en étant arrogant ou intolérant. Ceci peut provenir, entre autres, de deux raisons. D'une part, le fait d'être encadrés par la CIRPA/projet, qui rend les producteurs privés si fiers que cela peut engendrer chez eux un sentiment de supériorité sur les autres, voire d'invulnérabilité. D'ailleurs, ceux qui ont des conflits sociaux semblent vouloir une intervention de la CIRPA/projet en leur faveur. A ce sujet, celle-ci se doit d'expliquer clairement aux intéressés la limite de ses attributions, pour dissiper tout malentendu à ce sujet. D'autre part, des exploitants croient avoir les pleins droits sur les canaux d'irrigation qui passent sur leurs terres ou qui ont été construits par leurs ancêtres. Ceux qui ont participé aux formations organisées par le projet ont été éclairés à ce sujet, mais les autres persistent dans cette erreur. Il est également nécessaire d'approfondir l'origine de ce genre de conflits, par des entretiens avec les autres usagers de l'eau. Cette action appartient au producteur lui-même mais, en cas de besoin, l'organisme encadreur peut également s'y intéresser, pour comprendre et aider éventuellement les intéressés.

6.2.3. Les vols

Les producteurs privés ont parfois tendance à exagérer l'importance des vols de poissons dans leur secteur respectif. On s'en aperçoit dès qu'on demande le nombre annuel des vols ainsi que la quantité volée. Cette tendance à exagérer les problèmes est habituelle chez les paysans. En réalité, l'insécurité dans ce domaine est assez rare ou parfois même inexistante, pour la plupart d'entre eux. Seul le quart des enquêtés opèrent dans un secteur où, sans être fréquents, les vols de poissons sont assez importants soit en nombre soit par la quantité volée.

Néanmoins, cette situation peut s'aggraver quand l'activité piscicole sera plus florissante dans la région (ou lors d'une aggravation de la crise économique en milieu rural) et pourrait entraîner le découragement chez les producteurs d'alevins, mais aussi chez les rizipisciculteurs avoisinants, autrement dit les acheteurs. Mais même en ce moment, ce risque latent freine la propension des paysans à investir dans l'aquaculture, à appliquer les normes techniques qui facilitent l'action des malfaiteurs (la présence de compostière indique l'existence de poissons dans la rizière ; les drains et trous-refuges ont ce même effet négatif, mais facilitent aussi le ramassage) et à faire des extensions (les parcelles éloignées des habitations sont plus vulnérables).

Ainsi, en plus des efforts déjà faits par les producteurs privés pour combattre ce fléau (construction des étangs près des habitations, intimidation des voleurs potentiels en laissant entendre que l'exploitation appartient à l'Etat, gardiennage…), des mesures plus globales sont nécessaires pour éviter le ralentissement de la demande en alevins pour cause d'insécurité. Le producteur d'alevins doit assurer la protection de son site par des mesures individuelles, mais aussi celle de ses clients (pour qui de telles mesures sont impossibles), en promouvant une sécurité collective, au niveau du village ou des collectivités décentralisées… A titre d'exemple, les autorités locales pourraient sensibiliser tous les habitants à produire des poissons ; dans beaucoup de localités de l'Ile, ceci se fait déjà pour l'agriculture : on définit un seuil minimum pour la superficie de cultures vivrières que chaque actif masculin doit avoir, afin d'éviter le maraudage. Et quand la (rizi)pisciculture sera bien développée, la population pourrait interdire la circulation dans les bas-fonds durant la nuit, prévoir des sanctions particulières pour les voleurs de poissons pris,… Le choix de telles mesures appartient à la communauté concernée, après que celle-ci soit sensibilisée en ce sens par le producteur privé local ou, pourquoi pas, par la CIRPA/projet.

Il est d'ailleurs plus intéressant de ne pas limiter cette stratégie à l'activité piscicole seule. En effet, les pertes subies par un producteur privé ou un rizipisciculteur dans d'autres domaines (riziculture, cultures de tanety, élevage) ont des répercussions sur sa trésorerie et, par conséquent, sur sa capacité d'investissement et de production en aquaculture. En outre, des mesures protégeant l'ensemble des activités agricoles, donc qui concernent tous les habitants, seront mieux acceptées par ces derniers.

A propos de la pertinence de l'assurance contre les vols, les avis des enquêtés sont partagés. Certains veulent en contracter, “pour les sauver en cas de malheur” ou “pour dissuader les éventuels malfaiteurs” (les compagnies d'assurance sont associées par les paysans à l'Etat). Mais la plupart des producteurs privés n'en veulent pas puisque, à leur avis :

Certains enquêtés sont catégoriques dans ce refus puisque, ayant déjà contracté une assurance, ils n'ont pas été dédommagés après un accident et ont encore dû subir diverses “tracasseries” (papiers, enquêtes, procès,…).

En somme, comme pour le crédit bancaire, des expériences malheureuses vécues par les proches et/ou voisins restent dans la mémoire des paysans et les dissuadent de contracter une police d'assurance.

6.2.4. Les croyances traditionnelles

Aucune croyance pouvant entraver l'aquaculture n'a pu être trouvée dans la région du Vakinankaratra, en dehors du “fady1” interdisant l'usage de filets et/ou de nasses durant une certaine partie de l'année, généralement celle où le riz est encore sur pied (en effet, selon la croyance traditionnelle, l'utilisation de tels matériels pourrait “appeler” la grêle sur le secteur).

Cet interdit est valable dans toute la région, sauf dans le Fivondronana d'Antsirabe I et II, où il a peut-être été vaincu par l'influence de la ville (la vie urbaine émousse davantage les valeurs traditionnelles, par acculturation).

Le degré de tolérance de la société est toutefois variable d'un secteur à l'autre. Dans certaines localités, les habitants sont moins sévères sur ce point et les producteurs privés osent y passer outre. Dans d'autres, ce “fady” est érigé en règle au niveau même des collectivités décentralisées, avec des sanctions prévues en cas de flagrant délit : l'amende s'élève parfois jusqu'à 25.000 Fmg, ou même au dédommagement des riziculteurs victimes de la grêle…

En fin de compte, peu de producteurs privés sont gênés par cet interdit, soit parce que la société est tolérante, soit parce que l'interdiction ne coïncide pas avec les périodes où ils doivent se servir de tels matériels.

1- Mot malgache qui est traduit à peu près par tabou, interdit.

Dans le cas contraire, ils ne doivent pas braver ce “fady”, même si l'utilisation de filets et/ou nasses est indispensable à la bonne exécution de leurs activités. Une attitude pareille, que les habitants qualifieraient d'arrogance, engendrerait chez ces derniers du ressentiment qui pourrait se concrétiser par la diminution de la clientèle du producteur privé, ou par des actes de sabotage contre l'exploitation (destruction des canaux, empoisonnement des géniteurs, contre-sensibilisation,…).

Si l'exploitant veut utiliser ces matériels en dépit de l'interdiction, il doit adopter une approche plus conciliante, par exemple en discutant de la question dans les réunions de Fokontany1, et en levant les fady. Certes, selon le croyance traditionnelle, les êtres divinisés sanctionnent de façon automatique et inéluctable en cas de transgression des interdits. Toutefois, dans les cas de force majeure, il est possible de se préserver de la sanction en exécutant au préalable une cérémonie “d'exorcisme”, sur le conseil des gardiens d'idoles ou des prêtres traditionnels.

6.2.5. La jalousie des autres habitants envers le producteur privé

La grande majorité des producteurs enquêtés n'ont pas été victimes de problèmes de cet ordre, bien que certains d'entre eux ont senti l'existence latente de jalousie chez d'autres habitants ou même parents. Au contraire, les villageois les encourageant à produire beaucoup, pour qu'ils aient des alevins “adaptés au terroir” et à proximité.

Quelques exploitants ont en revanche subi des dommages plus ou moins graves qu'ils ont attribués, à tort ou à la jalousie de voisins ou de membres de leur famille: conflits concernant les ouvrages d'intérêt public, ou empoisonnement des étangs. Concernant l'existence de l'empoisonnement, les producteurs concernés semblent en être certains, mais les techniciens penchent plutôt pour une sous-alimentation des géniteurs ou alevins, ce qui aurait entraîné leur décès.

Mais on s'aperçoit que ces actes de jalousie, qu'ils soient réels ou supposés, proviennent toujours d'un seul individu avec lequel le producteur privé s'entend mal. Ainsi, l'obstacle est déjà plus facile à surmonter. Et on en revient à l'importance du comportement social du producteur d'alevins. En effet, même s'il y a de la jalousie chez des habitants, le passage à l'acte n'est pas automatique si l'intéressé n'a pas d'attitudes qui y incitent : arrogance, intolérance, accaparation de l'eau, irrespect envers les croyances traditionnelles,…

Une attitude conciliante associée à des mesures de protection efficace peuvent mettre les producteurs privés à l'abri de tels actes.

6.2.6. L'importance des parents dans les prises de décision

Ce fait a déjà été évoqué dans plusieurs chapitres précédents.

L'immixtion des parents (en particulier le père) dans les affaires personnelles du fils est souvent de bonne foi, puisqu'elle est faite pour le bien de ce dernier, ou de la famille en général. Mais elle n'est pas toujours pertinente car, pour chaque option à prendre, il peut y avoir des données que le père ignore ou apprécie mal. Dans l'aquaculture en particulier, les parents n'ont pas accès à toutes les informations puisqu'ils n'assistent pas aux formations ni (souvent) aux visites des techniciens.

1- Cellule administrative de base qui regroupe, soit quelques quatiers (milieu urbain), soit quelques villages et hameaux (milieu rural).

Cette autorité des parents a essentiellement prise sur les paysans qui exploitent le terrain familial, et/ou sur ceux qui sont encore jeunes. Pour qu'un paysan, en l'occurrence un producteur privé, ait donc une autonomie dans les prises de décision, il vaut mieux qu'il soit déjà mûr et qu'il exploite un terrain n'appartenant pas à ses parents (achat, héritage légal ou don). Dans ces conditions, ces derniers interviendraient dans les prises de décisions uniquement en tant que conseillers.

Mais en fait, il n'y a pas de solution globale à cette entrave, puisqu'il faut tenir compte de la personnalité propre des parents et de celle du fils. Il vaut mieux étudier et résoudre chaque cas un à un.

6.3. Une déficience des revenus monétaires

Bon nombre de producteurs d'alevins reconnaissent avoir des problèmes pour le financement de l'activité. Certains en exagèrent l'importance (dans le but d'obtenir une quelconque aide), mais pour la plupart, cette entrave est réelle. Il s'agit davantage d'un manque de liquidités monétaires, phénomène fréquent chez les populations rurales des Hautes-Terres, que de vraie pauvreté. Effectivement, nous avons vu que les producteurs privés sont, dans leur majorité, des paysans aisés.

Ce problème est plus aigu pour certaines exploitations :

La tendance des producteurs d'alevins à s'associer entre frères est certainement un effort en vue d'amoindrir ces problèmes de financement et de force de travail. Effectivement, sur les 26 exploitations visitées, quatre sont des associations de deux ou trois frères, et deux autres envisagent d'agir de même.

Le crédit piscicole apparait pertinent dans ce contexte. Effectivement, la majorité (les 3/4) des producteurs opérationnels enquêtés ont reconnu qu'ils ont besoin de financement pour cette activité, essentiellement pour l'alimentation des géniteurs et des alevins. Cette proportion s'élève aux 4/5 si l'on ne tient pas compte des anciens vulgarisateurs; en effet, malgré leur fort besoin monétaire, certains de ces derniers ne voulaient plus avouer leur prétention au crédit bancaire puisqu'ils avaient encore des impayés sur le précédent crédit informel.

Néanmoins, le crédit ne résout pas entièrement cet obstacle financier, parce qu'il ne couvre pas toutes les dépenses monétaires, et aussi parce que certains producteurs, réticents envers le crédit bancaire, n'empruntent pas ou seulement le strict nécessaire, pour diverses raisons.

Origines de la réticence des producteurs privés envers le crédit bancaire

Si l'on extrapole à partir du cas des producteurs d'alevins enquêtés, il semble que la réticence envers le crédit bancaire est moins forte dans la région du Vakinankaratra, comparée à celles des autres milieux ruraux des Hautes-Terres. En effet, bon nombre d'entre eux affirment que ce genre de financement peut être très bénéfique s'il est utilisé à bon escient, en l'occurrence pour un investissement productif.

Ceci tient probablement au fait que, pour cette région, le crédit agricole est déjá plus développé et donc mieux connu en milieu rural, de par l'action de divers organismes avec composante crédit qui y ont travaillé ou qui continuent à y opérer : URER, ODRCIRVA, KOBAMA, MALTO, AVEAMM, Tsimoka, FIFAMANOR, IREDEC, ROVA, … En effet, la méconnaissance des principes du crédit bancaire est souvent à l'origine de sa non-acceptation par la paysannerie, dans les régions peu ou pas encadrées; les habitants y voient ou entendent seulement parler des expériences malheureuses dont furent victimes certains emprunteurs (nécessité de vendre une parcelle de terrain, emprisonnement, …). Une bonne information est un préalable indispensable à l'acceptation d'un crédit par le monde rural.

Quoi qu'il en soit, la réticence envers le financement bancaire reste forte chez plusieurs producteurs privés, pour des raisons analogues à celles qui entravent les autres paysans malgaches, à savoir :

  1. La peur de ne pas pouvoir rembourser la banque, laquelle n'accepte aucune explication ou doléance, auquel cas l'emprunteur serait contraint de vendre une partie de ses moyens de production (bovins, charrette, rizières …) pour éviter d'aller en prison. Cette appréhension est souvent renforcée par l'existence de précédents fâcheux concernant des emprunteurs qui ont eu un problème de remboursement ; ce genre d'exemples reste vivace dans la mémoire paysanne, même après plusieurs années.

    Plusieurs raisons ont été avancées par les enquêtés pour étayer cette peur de ne pas pouvoir rembourser : l'insécurité, la crainte d'être obligés d'utiliser l'emprunt pour des besoins vitaux (santé, alimentation en période de soudure), le caractère incertain des résultats de la spéculation agricole, …

  2. Certains producteurs privés utilisent comme argument le taux d'intérêt “élevé” que la banque demande. En fait, c'est surtout un prétexte ou une explication complémentaire pour justifier le refus du crédit, mais la véritable raison reste cette peur de ne pas pouvoir rembourser. En effet, ils ne doivent pas ignorer les taux usuraires des prêts informels en milieu paysan : à Madagascar, les taux d'intérêt du crédit informel peuvent aller jusqu'à 10 % par jour (Séminaire national sur le crédit rural, 1990).
    Mais cette augmentation par le taux d'intérêt peut également s'expliquer par l'erreur de la CIRPA/projet, que celle-ci reconnaît d'ailleurs : celle d'avoir consenti des prêts informels sans intérêt aux producteurs privés des campagnes 1989–1990 et 1990/1991 (cf. Paragraphe 4.2.). Cette expérience a habitué ces derniers à ce genre de financement, qui s'apparente davantage à une aide qu'à un crédit.

  3. Quelques exploitants refusent aussi le crédit car ils trouvent frustrant de devoir utiliser en remboursement une partie des recettes à venir. Ceci vient du fait qu'ils ont souvent des objectifs précis concernant l'utilisation des revenus piscicoles, selon leurs besoins particuliers : intensification de l'agriculture pour les uns, achat de boeufs de trait ou de vaches laitières pour les autres,…. Ce comportement explique d'ailleurs pourquoi les producteurs privés qui ont emprunté ne veulent guère rembourser le crédit piscicole immédiatement après la campagne. Ceci dénote l'absence de comptabilité séparée concernant l'activité piscicole.

  4. Outre la peur, il existe d'autres blocages psychologiques qui empêchent certains producteurs d'accepter un crédit passant par une institution bancaire.

    Trois d'entre eux préfèrent s'autofinancer, par “amour-propre”. En fait, c'est surtout parce que ce sont des paysans aisés, qui peuvent donc prétendre à un autofinancement relativement complet.

    Deux autres refusent le crédit bancaire quand celui-ci passe par le système de caution solidaire (ce qui n'est pas le cas du crédit piscicole) : ils ne veulent pas subir les conséquences du comportement des autres emprunteurs. Cette attitude montre un manque de confiance envers le contrôle social, dû au relâchement (fictif ou réel) de celui-ci.

Toujours est-il que cette réticence envers le crédit à travers une institution bancaire n'est pas un obstacle incontournable. Elle peut étre diminuée fortement par une bonne information, puisqu'elle provient en grande partie de la méconnaissance du système de crédit bancaire, source de mauvaise interprétation et de fausses rumeurs.

A ce propos, l'information faite par le projet, lors de la formation organisée pour les producteurs privés, n'est certainement pas étrangère au fait que le nombre des demandes de crédit est déjà élevé (21 demandes de crédit pour 15 demandeurs), alors que ce crédit piscicole bancaire est seulement à sa première campagne de fonctionnement. Cette information a probablement aidé les encadrés à mieux comprendre et, par conséquent, à devenir moins réticents envers la source de financement proposée. Effectivement, sur les 26 producteurs enquêtés, 12 ont empruntés (soit la moitié), dont 9 ayant assisté à la formation. Et encore, il existe des raisons qui ont empêché les autres de contracter un emprunt, comme l'existence d'arriérés sur le crédit de la précédente campagne1, ou le caractère non-indispensable d'un crédit pour certains (ceux qui ont déjà fini la construction des étangs, qui ont des géniteurs et des produits agricoles pour l'alimentation des poissons et alevins). Quand on exclut du lot les anciens vulgarisateurs qui constituent l'essentiel des non-payants1, on a, sur les 19 enquêtés, 11 emprunteurs (soit les 60%) dont 8 ayant suivi la formation.

1- (Prêts informels du projet).

Le cas de l'un d'entre eux est significatif. Lors de notre interview, le producteur privé ainsi que son père ont presque juré de ne pas contracter du crédit bancaire, même s'ils doivent vendre des bovins pour se financer ; ils ont avancé comme arguments le risque de “ruine” en cas de difficulté de remboursement, le taux d'intérêt “élevé” demandé par les banques, l'incertitude des résultats de la spéculation ainsi que la frustration d'utiliser en remboursement une partie des recettes. Mais nous avons constaté par la suite qu'ils ont tout de même pris en crédit une partie des intrants (90 000 Fmg). Ce revirement est certainement dû à l'information reçue par le frère (et associé) de l'exploitant, qui était justement à la formation organisée par le projet, lors de notre passage.

Mais le fait que ce crédit passe par le projet doit aussi être pris en compte dans cette acceptation : ces producteurs considèrent (à juste titre) cet organisme d'encadrement comme une alliée, qui peut comprendre et éventuellement défendre leur cas respectif si c'est nécessaire, et envers qui ils ont confiance. La BTM (ainsi que son ancêtre la BNM) a une image terne en milieu rural, à cause de ses erreurs passées, mais aussi à cause des torts qu'elle a faits aux paysans, même quand c'était de la faute de ces derniers. Cette banque doit revoir son image chez la paysannerie.

6.4. Divers blocages d'ordre psychologico-économique

Outre celui qui empêchent les producteurs privés de contracter un crédit piscicole bancaire, d'autres blocages de cet ordre freinent la pleine acceptation des conseils donnés.

6.4.1. La pluriactivité conjuguée à une faible capacité de production

Pour l'instant, seul le tiers des producteurs opérationnels enquêtés ont pour principale source de revenus l'aquaculture ; et encore, c'est parfois parce qu'ils n'ont pas une autre activité rémunératrice. Pour la plupart donc, les recettes aquacoles se situent actuellement au second ou au troisième rang après celles de l'agriculture et/ou de la spéculation extra-agricole. Ceci vient du fait qu'aucun des producteurs du réseau n'a encore atteint la production de croisière : pendant les deux ou trois premières campagnes, ils sont encore en phase d'essai, d'acquisition du savoir-faire, et ils le savent. En effet, en dépit de leur expérience antérieure en production traditionnelle, la production d'alevins en exploitation rationnelle demeure une nouveauté pour tous les encadrés.

Après cette phase expérimentale, les producteurs privés peuvent constater que, avec une superficie et des investissements limités, ils font tout de même beaucoup de recettes. La classification des producteurs en “familiaux” et “artisanaux” (cf. Paragraphe 4.2.) devient alors très importante.

Les producteurs “artisanaux”, qui sont réceptifs et qui ont un potentiel de production important, augmentent la superficie exploitée, tant en production d'alevins qu'en rizipisciculture. Ils sont ainsi à même de devenir ce à quoi ils sont destinés, à savoir des exploitants piscicoles modèles, tant en production d'alevins qu'en rizipisciculture..

En revanche, les producteurs “familiaux”, qui ont une capacité de production limitée et qui progressent lentement, ne pourront faire beaucoup de recettes avec cette activité. L'aquaculture restera pour eux une spéculation marginale, qui procure moins de revenus que l'agriculture et/ou la spéculation non-agricole. Une tendance à consacrer à ces dernières plus de temps et d'argent est donc inévitable, ce qui désavantage encore plus l'aquaculture. Ainsi, pour eux, le fait que celle-ci ne soit pas l'activité la plus rémunératrice peut à la fois être cause et effet de la non-application rigoureuse des normes techniques recommandées.

Cette pluriactivité contraignante peut aussi expliquer la tendance de certains (37%) producteurs privés ayant déjà produit (aussi bien “artisanaux” que “familiaux” à préférer le grossissement en rizières à la production d'alevins, puisque la rizipisciculture nécessite moins de temps et d'investissement, et peut encore procurer beaucoup de revenus ; c'est également un élevage qu'ils maîtrisent déjà. Ces opinions sont basées sur des calculs très simples : comparaison entre le prix de vente d'un alevins et celui d'un poisson marchand, et entre les dépenses respectives à engager pour chaque production. Seuls trois producteurs ont donné des réponses nuancées, en tenant compte des risques et des surfaces à exploiter pour chacune de ces deux activités. Quoi qu'il en soit, ces préférences ne semblent pas entamer la motivation des enquêtés, puisque ceux-ci savent qu'après une ou deux campagnes, la production de croisière en alevins n'est pas encore atteinte.

Au bout du compte, la plupart des producteurs d'alevins prennent cette activité au sérieux, mais certains (essentiellement les “familiaux”) doivent la situer derrière une ou deux autres, ce qui freine leur performance en ce domaine.

6.4.2. Le manque de mise à contribution de la femme

La femme malgache tient une grande place dans l'agriculture en général. En effet, elle a la charge de nombreuses opérations agricoles, dans les limites d'une certaine division familiale du travail : souvent, seuls les travaux de préparation du sol sont a priori réservés à l'homme. Dans ces conditions, la femme a suffisamment de connaissances empiriques pour gérer une exploitation agricole familiale, d'autant plus qu'elle évolue dedans depuis son enfance. Néanmoins, tant que l'homme est vivant, c'est généralement lui qui décide en dernier lieu, au moins concernant les options importantes. Cette tendance à attribuer un rôle effacé à la femme dans les prises de décisions est inscrite dans la civilisation malgache.

Pour l'activité piscicole et en particulier la production d'alevins, qui sont tout de même des nouveautés pour les paysans malgaches (du moins avec les techniques améliorées), le rôle de la femme du producteur privé varie d'une exploitation à l'autre. Dans certaines exploitations, elle participe au même titre que l'homme et a autant de connaissances techniques que ce dernier sur leur unité de production. Mais le plus souvent, la femme ignore la majorité des détails matériels et techniques de l'aquaculture : elle est surtout une exécutante, presque au même titre que les enfants. C'est dans l'aspect social (jalousie, conflits familiaux ou sociaux) et matériel (évolution du niveau de vie par exemple) de l'activité qu'elle est plus sensible que l'homme.

Aussi, la plupart du temps, est-ce l'homme qui a décidé de pratiquer de l'aquaculture, qui reçoit et comprend les normes techniques et qui a le pouvoir de décision concernant les options et les suites à donner à l'activité.

Une plus grande intégration de la femme (qui est aussi une productrice agricole) dans l'activité piscicole est souhaitable, pour qu'elle puisse prendre des décisions et faire fonctionner l'exploitation en commun ou en l'absence de l'homme. En plus de la partie production, la femme devrait aussi avoir accès aux aspects matériels et techniques de l'aquaculture. L'utilité de cette intégration a déjà été tangible lors de nos enquêtes, puisque dans les deux exploitations visitées en l'absence de l'homme, bon nombre de faits étaient ignorés de la femme.

Dans cet esprit, il y a donc lieu d'intégrer la femme dans la vulgarisation : souhaiter sa présence lors du passage des agents de terrain et, si possible, lors des formations. Mais, avant tout, compte tenu de l'actuel contexte culturel, il reste à déterminer dans le cadre d'une poursuite de cette étude :

6.4.3. Le manque de conviction envers l'utilité de certaines normes techniques préconisées

Les encadrés n'appliquent pas (ou pas convenablement) les recommandations techniques, surtout celles assez contraignantes, quand ils ne sont pas convaincus de leurs utilités. D'une certaine manière, c'est un point en leur faveur. Ainsi, quelquesuns des producteurs d'alevins n'ont voulu suivre certains conseils donnés1, d'après leurs dires, qu'après en avoir compris la pertinence lors des formations. Cet aveu a été fait par cinq des enquêtés, dont un ancien vulgarisateur, autrement dit un producteur qui a déjà acquis des connaissances théoriques en la matière. Ceci tend à démontrer que, loin de rendre les producteurs d'alevins faciles à convaincre, la possession d'un acquis empirique ou théorique crée plutôt chez eux un esprit critique et positif, ce qui est d'ailleurs souhaitable. Cette constatation est confirmée par les agents de terrain, qui disent que les encadrés ayant de l'expérience préfèrent discuter les recommandations avant de les appliquer.

Des observations objectives peuvent permettre aux agents de terrain de voir si, effectivement, il existe une plus grande exécution des recommandations techniques après chaque formation. L'impact de celle de la deuxième campagne devrait être d'autant plus importante que, selon les producteurs qui y ont assisté, elle est plus claire et plus étoffée que celle de la première année.

Quoi qu'il en soit, il est donc utile de veiller à ce que chaque norme préconisée soit bien comprise et acceptée par l'encadré. Outre le fait qu'il sera plus enthousiaste pour l'exécution des recommandations, le producteur privé pourra devenir créatif, et sera également un vulgarisateur plus ou moins accompli, à terme. Tout cela contribuera à faire de lui un producteur autonome et indépendant.

1- La nécessité d'alimenter les géniteurs, de mettre à sec les étangs avant la campagne, de les fertiliser avec des compostières ….

6.5. Blocages particuliers

6.5.1. Le cas des hommes vivant chez leur femme

Dans la société malgache, c'est l'homme qui doit assurer la subsistance de sa famille, ou au moins procurer l'essentiel des revenus du ménage. Sa dignité d'homme en dépend. Dans cette optique, l'usage veut que le ménage vive dans une maison et sur des terrains appartenant à l'homme, ou éventuellement à la famille de ce dernier. Celui qui vit du patrimoine de sa belle-famille est mésestimé par la société, et est ainsi mal à l'aise.

Deux des producteurs d'alevins enquêtés sont dans cette situation. Le fait qu'ils ne nous l'aient pas avoué spontanément lors de l'enquête prouve déjà qu'ils en ont honte. Outre le risque de conflit foncier avec la belle-famille, ce sentiment de malaise peut modérer l'ardeur du producteur privé. Il explique alors, au moins en partie, le fait que les producteurs concernés sont à la recherche d'une source de revenus extraagricole en complément (ou même en remplacement ?) de l'aquaculture.

6.5.2. Le cas des premiers producteurs (1989/1990)

Trois des neuf intéressés dont deux anciens vulgarisateurs (au total, 2 “familiaux” et un “artisanal”, tous très jeunes), ont exprimé une certaine déception envers la CIRPA/projet du fait que, au début, cet organisme leur aurait fait des promesses non suivies de réalisation. Ils reprochent à la CIRPA/projet de leur avoir promis, lors du démarrage, des subventions et des intrants à bas prix alors que, par la suite, ils n'ont eu aucune subvention en espèces et que les intrants restent, à leur avis, chers.

Le ressentiment est parfois virulent, et l'un des enquêtés a même parlé de tromperie car, rassuré par la perspective des compensations à venir, il aurait investi au-dessus de ses moyens dans la construction des étangs.

L'existence de ce genre de rancoeur nuit à la collaboration entre les personnes encadrées et les techniciens. Certains des producteurs concernés semblent aller à l'encontre des recommandations faites par ces derniers, “par vengeance”. En tout cas, ce sentiment émousse leur confiance envers la CIRPA/projet.

Les malentendus de cet ordre résultent moins du manque de clarté et/ou de la mauvaise foi des techniciens que d'une certaine exagération de leurs propos.

6.5.3. Le cas des producteurs privés anciens vulgarisateurs piscicoles

Trois d'entre eux, sur les six enquêtés, reprochent à la CIRPA/projet d'avoir rompu leur contrat de vulgarisateur un an après leur démarrage dans l'aquaculture. Ils ont en effet espéré que leur contrat serait encore renouvelé pendant quelques années, auquel cas l'aquaculture aurait été seulement une spéculation complémentaire. Ils voulaient être des fonctionnaires. Au lieu de cela, ils se sont retrouvés simples paysans spéculant dans l'aquaculture, par absence de choix véritable, mais aussi à cause des avantages promis. Cette rupture de revenus monétaires a été moins dure pour les anciens vulgarisateurs de la classe aisée, qui de surcroît avaient parfois une autre source de revenus monétaires, mais très ressentie par les deux qui sont des paysans moyen et pauvre, engendrant chez eux une profonde rancoeur envers le projet. Cette rancoeur est extériorisée par le non-application de certaines normes techniques conseillées, notamment quand celles-ci proviennent des responsables de zone (autrement dit des anciens collègues), et par des médisances envers ces derniers.

Finalement, la contrainte financière est chez certains de ces producteurs doublée d'un blocage psychologique issu de leur licenciement, et aussi de la déception à propos des promesses faites au début. Comme tout cela est à base financière, la solution ne peut être que de cet ordre également. Il s'agirait alors de leur faire accepter le crédit piscicole existant, et aussi de leur assurer un encadrement renforcé afin qu'ils puissent produire assez pour rembourser l'emprunt, investir dans l'agriculture et subvenir aux besoins immédiats de leur famille. Par ailleurs, la CIRPA/projet a déjà prévu de leur parler dans le but de s'expliquer clairement avec eux et, ce faisant, de décanter la situation.


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