La ferme pilote de Nosy-Bé avec une superficie totale de 7.3 hectares est constituée de 8 bassins :
La distribution de l'eau se fait par un canal réservoir, alimenté en eau aux heures de marée haute par deux pompes submersibles électriques d'une capacité de 1000 m3 /heure.
La ferme est alimentée en électricité par un générateur en fonctionnement 24 h/24.
Les conditions de fonctionnement dans cette ferme pilote sont très semblables à celles que l'on rencontre dans les fermes industrielles en Amérique du Sud et en Asie. La ferme pilote de Nosy-Bé de part son fonctionnement calqué sur les fermes de production, outre de pouvoir mener à bien des recherches d'appui au développement de l'aquaculture à Madagascar, représente également un centre de formation qui permet de préparer un personnel très qualifié immédiatement opérationnel pour la production dans les futures unités industrielles.
Deux espèces de crevettes locales sont étudiées à la ferme pilote pour leur potentiel de croissance : P. monodon et P. indicus.
Une petite unité de fabrication d'aliment semi-humide permet la production d'une quantité très limitée d'aliments destinés au grossissement.
En annexe sont présentées les fiches “historiques” pour les différents élevages du dernier cycle. Les conclusions relatives aux espèces étudiées et leurs performances en élevages sont comme suit :
De nombreux résultats d'expériences réalisées en Nouvelle Calédonie permettaient de prévoir le comportement de cette espèce en élevage. En effect comme l'a confirmé la ferme pilote de Nosy-Bé, l'espèce P. indicus dans les conditions d'élevage semi-intensif ne grossit pas au delà de 10–11 grammes. Par contre, cette espèce peut atteindre 20 grammes en 110 jours en élevage extensif à 1 animal par m2.
En ensemencement directe, la mortalité observée sur toute la durée de l'élevage be dépasse pas 10 %. Dans ces conditions, on voit tout l'intérêt que représente cette espèce pour l'aquaculture à Madagascar. Néanmoins, le choix de cette espèce en tenant compte des contraintes d'élevage qui lui sont associées, devra en premier lieu tenir compte des conditions de prix du marché à l'exportation.
L'objet de la ferme pilote de Nosy-Bé était de démontrer que l'espèce P. monodon malgache répond en élevage de facçon équivalente aux crevettes P. monodon des pays asiatiques (Thailande, Indonésie…).
Chose faite puisqu'en 142 jours d'élevage, il a été possible de produire 2 tonnes 159 kilogrammes d'animaux de 20 grammes par hectare de bassin avec taux de conversion de l'aliment composé sec de seulement 1,66.
La croissance de l'espèce P. monodon locale en élevage est donc bonne, de même que la survie qui se situe aux alentours de 70 %.
Il a été clairement démontré que la productivité naturelle du bassin d'élevage joue un rôle important dans la nutrition des animaux en élevage. La question qui reste à être posée est de savoir pour quelle part la productivité naturelle rentre dans l'aliment total des animaux. La réponse à cette question ne peut pas être unique puisque la productivité naturel va varier considérablement d'une ferme à l'autre, sur une même ferme d'un bassin à l'autre et enfin pour un même bassin d'un cycle à l'autre. Le grand nombre de paramètres intervenant dans la productivité naturelle d'un bassin ne nous permet pas de prévoir avec une précision suffisante la part de l'aliment naturelle disponible pour les animaux en élevage.
D'un autre côté, en production par l'étude de la croissance des animaux, il est très facile de mettre en évidence la biomasse critique en animaux à partir de laquelle l'apport de l'aliment naturel du bassin devient insuffisant. Lorsqu'en élevage la biomasse critique est atteinte, il devient nécessaire de complémenter l'aliment naturel par l'aliment composé. La biomasse critique ne représente par une valeur fixe quelque soit l'élevage mais varie considérablement en fonction de la productivité naturelle du bassin. Le but de la fertilisation en élevage, c'est d'augmenter la productivité naturelle du milieu d'élevage afin d'obtenir la biomasse critique la plus élevée possible et ainsi utiliser un minimum d'aliment artificiel qui revient cher.
Plus l'élevage s'intensifie et plus au cours de l'élevage apparait rapidement la biomasse critique, aussi plus rapidement, il faudra utiliser de l'aliment artificiel. L'aliment artificiel aura une fonction de complémentation à l'aliment naturel tant que ce dernier rentre pour une part plus importante dans la ration des animaux. Très rapidement la situation s'inverse et l'aliment artificiel devra pratiquement seul apporter tous les éléments nutritifs nécessaires à la survie et croissance des animaux.
Des résultats d'élevage très nombreux de part le monde ont démontré clairement l'impact que peut avoir l'aliment articifiel sur la rentabilité des opérations aquacoles. De la qualité de l'aliment artificiel dépend le rendement des élevages et donc du coût de production mais aussi et de façon décisive la qualité des animaux produits (aspect, taille, etc.) et de la productivité des opérations à long terme.
La fertilisation par des fertilisants chimiques (triple superphosphate et urée) est régulièrement effectuée à la ferme pilote de Nosy-Bé. Plutôt que d'utiliser des doses préconisées par la littérature, les responsables de la ferme tentent d'identifier les doses optimales pour les conditions spécifiques à la ferme pilote de Nosy-Bé. Après un certain nombre d'élevages, la ferme pilote est maintenant en mesure de préconiser un programme de fertilisation adapté au site.
Les effets de la fertilisation sont quantifiés par le disque Secchi qui mesure la transmission de la lumière dans l'eau. Dans le cas de la ferme de Nosy-Bé, une profondeur du Secchi de 50 cm est recherchée au début de l'élevage et la fertilisation est contrôlée pour atteindre cet objectif.
Dans ces conditions, la biomasse critique se situe entre 15 et 30 grammes par m2.
Pour assurer les élevages de démonstration à la ferme pilote de Nosy-Bé et parce qu'il n'est pas possible dans les conditions actuelles de produire de l'aliment crevette sur le site, il a été nécessaire d'importer des aliments commerciaux de Taïwan et de l'Ile Maurice.
Les résultats obtenus avec les aliments commerciaux sont différents suivant leur origine comme expliqué dans les paragraphes suivants :
1.3.2.1. Aliments “président”
Cet aliment est produit par une entreprise taiwanaise. C'est un aliment destiné à des élevages intensifs de P. monodon. Le prix de cet aliment est de 1, 2 US$/kg rendu Majunga. C'est un aliment de 36 % de protéines.
Les résultats d'élevage avec cet aliment à la ferme pilote montrent à 15 animaux par m2, une bonne croissance de P. monodon jusqu'à 16 grammes, et un fléchissement de la courbe de croissance au delà jusqu'à la taille à la pêche de 20 grammes. Tous les autres paramètres d'élevage étant bien contrôlés, par ailleurs, on peut conclure que l'aliment “président” n'apporte pas tous les éléments nécessaires à la bonne croissance des animaux en élevage. Cette déficience de l'aliment “Président” peut s'expliquer par :
Les animaux nourris sur “Président” présentent une coloration bleue ou jaune respectivement quand ils sont élevés en haute et basse densités. Cette coloration particulière des animaux pêchés peut être un indice de déficience d'un certain nombre de facteurs nutritionnels essentiels pour les animaux. Cette observation confirmerait que l'aliment “President” n'est pas formulé de façon optimum ou encore que sa qualité s'est dégradée pendant la durée du transport et de stockage sur le site.
L'impact du “Président” sur le coût du kilogramme de crevettes produites est relativement élevé et représente en moyenne 2,16 US$, soit prêt de 50 % du coût de production total.
1.3.2.2. Aliment Maurice
Cet aliment est produit par une entreprise Mauricienne. C'est un aliment expérimental qui coûte rendu Nosy-Bé 1 US$/kg. Des moisissures sont apparues sur cet aliment rapidement après réception ce qui laisse supposer que le séchage de ce produit n'a pas été suffisant.
Les résultats obtenus avec P. monodon nourris avec cet aliment sont très décevants. La croissance des animaux s'arrête entre 10 et 15 grammes. Economiquement il est vivement déconseillé d'utiliser ce type d'aliment qui affecte le rendement des élevages et la qualité des animaux pouvant conduire à un bilan financier négatif.
(Voir annexe : chapitre 2 rapport technique d'élevage No2).
1.3.3.1. Matières premières disponibles
La ferme pilote peut obtenir en quantité limitée les ingrédients suivants :
Les analyses réalisées en France d'un certain nombre de ces ingrédients nous permettent de tirer les conclusions suivantes :
Le soja entier broyé ne peut être utilisé qu'à très faible dose pour éviter les effets négatifs des facteurs anti-nutritionnels sur la croissance des animaux. En attendant de connaître les résultats d'épreuves zootechniques en petits volumes, il est vivement conseillé de ne pas incorporer cette farine.
Son de riz : il est bien connu que ce produit riche en lipides est difficile à conserver et susceptible de se dégrader très rapidement. Les produits de l'oxydation des lipides peuvent être toxiques pour les animaux. Pour cette raison et aussi parce que le produit renferme 12 % de cellulose brute indigestible, il est vivement recommandé de ne pas l'incorporer dans les aliments destinés aux crevettes.
Le tourteau de coton peut se révéler très intéressant, néanmoins nous savons peu de chose concernant les effets du gossypol sur la crevette. En attendant de connaître les résultats d'épreuves zoo-techniques, nous conseillons d'écarter ce produit.
Le tourteau d'arachide est un produit intéressant pour sa teneur relativement élevée en protéine (49 %), riche en Arginine (11.3 % des protéines totaux) : acides aminés essentiels des plus limitants pour les crevettes. Il serait important d'effectuer les analyses du tourteau d'arachide disponible localement, en particulier, pour contrôler s'il contient de l'aflotoxine à des doses toxiques.
Les farines de blé, manioc ou de riz (riz broyé) sont importantes dans la formulation des aliments pour crustacés dans la mesure ou elles confèrent au produit fini une certaine stabilité à l'eau.
1.3.3.2. Formulation
Nous voyons qu'avec les matières premières disponibles localement, il est très difficile de formuler un aliment renfermant suffisamment de protéine. G. CUZON dans son rapport de décembre 88, préconise un certain nombre de formules (voir annexe) qui ne permettent pas de depasser 21 % de proteines. L'élévation du taux protéique des aliments passe dans ce cas par une augmentation importante de l'incorporation en farine de soja. Or les graines de soja ne sont pas traitées par la chaleur et renferment un taux très élevé de facteur antitrypsique ce qui devrait limiter son incorporation. Outre les facteurs antinutritionnels du soja, le son de riz disponible localement est oxydé et présente un taux important d'aflotoxine. Le même problème peut se poser pour les tourteaux d'arachide et de coton, ce dernier renfermant en outre du gossypol. Enfin tous les tourteaux disponibles renferment des quantités anormalement élevées de fibres et lipides (mauvaise extraction). On est par conséquent très limité en possibilité d'augmenter le taux protéique de l'aliment local. Or, les besoins protéiques pour les crevettes penaeides tournent aux alentours de 35 %.
En vue de démontrer la faisabilité d'une production locale d'un aliment renfermant 40 % de protéines, nous avons au préalable préparé des farines animales (poisson et crevette). Nous avons obtenu ainsi quelques kilogrammes d'une farine de poisson et d'une farine de crevette qui devaient renfermer respectivement 65 % et 40 % de protéines :
Du poisson congelé donné par les pêcheries de Nosy-Bé a été prébroyé, cuit pendant 10 minutes dans de l'eau bouillante, pressé pour extraire l'excès d'eau et lipides et séché pendant 24 heures dans un séchoir solaire avec ventilateur électrique et muni de résistances chauffantes pour la nuit. Le produit séché est alors broyé et tamisé par une maille de 500 μm.
La farine de crevette a été fabriquée suivant le même protocole que décrit ci-dessus.
Avec les farines de poisson et crevette ainsi obtenues, les tourteaux d'arachide et de coton, la farine de blé et de manioc, il est possible de produire un aliment de 40% de proteines sur la base suivante :
% ALIMENT | %PROT | %PROT dans ALIMT | |
Farine poisson | 30% | 65.0 | 19.5 |
Farine crevette | 10% | 40.0 | 4.0 |
farine manioc | 10% | 2.2 | 0.22 |
farine blé | 20% | 15 | 3.0 |
tourteaux d'arachide | 20% | 49 | 9.8 |
tourteaux coton | 9% | 41 | 3.7 |
CMV | 1% | 0 | 0 |
TOTAL | 40 |
Pour démonstration, nous avons fabriqué un aliment incorporant la farine de poisson produite et les ingrédients localement disponibles :
Ingrédients | % | Protéines |
F. Poisson | 22 | 14.3 |
F. Blé | 15 | 1.65 |
F. manioc | 10 | 0 |
F. arachide | 10 | 4 |
F. coton | 5 | 2 |
Têtes de crevettes fraîches | 38 | 6 |
TOTAL | 100 | 30 % |
L'aliment une fois aggloméré est séché pendant douze heures au séchoir solaire. La teneur en protéine d'un tel aliment est proche de 30 %.
L'aliment ci-dessus ne doit pas être pris en compte pour la fabrication future de l'aliment local. Nous avons fabriqué cet aliment uniquement pour démontrer au personnel qu'il est possible localement de produire un aliment riche en protéine. Néanmoins, dans le même temps cela a permis de mettre en lumière la contrainte majeure pour la production d'un aliment local de qualité : la disponibilité et qualité des matières premières riches en protéines de qualité. Cette contrainte ne peut pas être levée dans les conditions actuelles à Madagascar.
La qualité de cet aliment est conditionnée par celle des matières premières. Or, comme nous l'avons vu les ingrédients existants sur place sont de qualité douteuse.
La production d'un aliment local avec un taux suffisant de proteines passe nécessairement par l'importation de farines animales sources de proteines. Les tourteaux existants sur place seront incorporés à des taux limités pour éviter des problèmes éventuels de toxicité.
1.3.3.4. Production de l'aliment local Matériel
Le matériel actuellement disponible sur le site est limité à un broyeur et hachoir à viande. Ces deux machines sont par ailleurs très limitées en capacité.
Pour la production d'aliment semi-humide satisfaisant les besoins de la ferme pilote, il faudrait disposer au minimum d'un broyeur à marteaux, d'un mélangeur de produits secs et humide.
On pourrait rajouter à ce matériel un tamiseur avec des tamis de 500 μm.
La ferme pilote dispose d'un séchoir solaire couplé d'une résistance électrique pour le séchage la nuit.
Du point de vue capacité de production, l'unité de production d'aliment doit pouvoir permettre la fabrication de 500 kg d'aliment sec par jour, soit à peu près 70 kg par heure.
Des matériels dimensionnés à ce projet sont présentés en annexe.
Procédé de fabrication.
Les ingrédients secs doivent être broyés finement au broyeur à marteaux. S'il y a des difficultés pour broyer les ingrédients avec la grille de 0.8 mm, il sera nécessaire de procéder à un double broyage. Un premier broyage avec une grille de 3 mm suivi d'un second broyage de 0.8 mm. Auparavant, il est important de bien vérifier que la matière première ne renferme pas de cailloux ou pièces metalliques qui pourraient abîmer le broyeur. Les produits broyés peuvent être tamisés avec un tamis de 500 μm pour enlever les particules trop grosses qui pourraient affecter la stabilité à l'eau de l'aliment fini.
Les différentes matières premières ainsi préparées, sont pesées et mélangées. Dans le mélange est rajouté l'équivalent de 20 à 30% d'eau pour obtenir une pâte. La pâte ainsi obtenue est extrudée pour obtenir des granulés de 2mm/1cm qui doivent être séchés afin de baisser l'humidité à 10–12%.
Le procédé de fabrication décrit ci-dessus a pu être montré aux biologistes et techniciens malgaches durant cette mission.
Matières premières
Pour palier à l'absence de matières premières et pour produire malgré tout un aliment incorporant un maximum de produit locaux, il faudrait importer un “concentré” proteique venant de France. A ce concentré, il sera possible de rajouter sur place les matières premières disponibles et fabriquer localement un aliment complet.
La formule de l'aliment fabriqué localement pourrait être la suivante :
- “concentré proteique” | 50% |
- farine de blé | 20% |
- farine de manioc | 10% |
- tourteau arachide | 15% |
- tourteau coton | 5% |
Cette composition est provisoire et dépend des résultats des analyses effectuées sur les tourteaux d'arachide et de coton.
Un aliment de ce type devrait renfermer entre 40 et 45% de proteines et permettre une bonne croissance des animaux en élevage semi-intensif.