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I. INTRODUCTION

1.1 Origine de la mission

Le présent rapport est le résultat d'une mission qui s'est déroulée du 14 au 28 avril 1995 dans le cadre du Programme Sectoriel Pêche PNUD/FAO-MAG/92/004. Elle constitue le prolongement de deux précédentes missions accomplies aux mois d'Avril1 et de Novembre 19942. On rappellera simplement ici que la dernière en date avait essentiellement pour objet d'élaborer et de présenter aux autorités nationales une réglementation portant redéfinition de la structure et des pouvoirs de la Commission interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture, de proposer un arrêté relatif aux plans d'aménagement des pêcheries prévus par l'article 6 de l'ordonnance No 93–022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture, de réviser et de finaliser le texte portant fixation des redevances en matière de licences de pêche, et de rédiger une étude relative aux conditions d'octroi des licences et autorisations de pêche commerciale, en particulier pour la pêche crevettière.

1.2 Mandat de la consultation juridique

Dans le cadre de la présente consultation juridique prévue au titre du Programme Sectoriel Pêche PNUD/FAO-MAG/92/004, le mandat confié au consultant juriste était le suivant :

“…le consultant juriste devra :

  1. - finaliser, à la lumière des discussions avec les autorités nationales, les projets de textes législatifs rédigés dans le cadre des deux missions précédentes et proposés au Gouvernement ;

  2. - rédiger un rapport comprenant les éléments suivants :

1. E. Canal-Forgues, Législation des pêches à Madagascar, Programme Sectoriel Pêche MAG/92/004- DO/2/94, Rome 1994.

2. ibid., MAG/92/004, Rome 1994.

Dans la mesure où certains textes d'application préparés dans le cadre des missions précédentes ont été adoptés sans changement par le Gouvernement malgache, notamment le décret fixant les modalités de gestion du compte de commerce No 92–94 “Fonds de Développement Halieutique et Aquicole” (Décret No 94.701 du 08/11/94) et l'arrêté portant fixation des redevances en matière de licences de pêche (Arrêté interministériel No 408/95 du 03/02/95), le consultant n'a pas jugé utile de les joindre à nouveau au présent rapport. En revanche, on trouvera en annexe la version définitive des textes d'application non encore adoptés, à savoir le projet de décret instituant la Commission interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture conformément à l'article 5 de l'ordonnance No 93–022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture (Annexe I) et le projet d'arrêté relatif aux plans d'aménagement des pêcheries prévus par l'article 6 de l'ordonnance No 93–022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture (Annexe II).

Le présent rapport contient également des recommandations actualisées sur un certain nombre d'actions futures éventuelles relatives à la réglementation qui devrait encore être élaborée à court ou moyen terme, en particulier les textes réglementaires déterminant les conditions d'octroi des concessions de pêche et d'aquaculture et ceux organisant la révision du régime général des concessions/amodiations en matière de pêche continentale ; ou encore le texte d'habilitation des agents de contrôle à l'effet de mettre en place une police de la pêche ou la réglementation relative au contrôle de la salubrité des installations et équipements et de la qualité des produits conformément aux directives émanant de la Communauté Economique Européenne.

1.3 Autres activités

La Direction des Ressources Halieutiques a bien voulu porter à la connaissance du consultant deux textes en préparation (v. les annexes III et IV du rapport) :

Au plan formel, deux remarques s'imposent. En premier lieu, c'est dans le cadre du nouveau Comité technique sur la mer constitué sous l'égide du Ministère des Affaires Etrangères en vue d'accompagner l'entrée en vigueur le 16 novembre 1994 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (dont Madagascar est signataire) que la révision de l'encadrement juridique des espaces maritimes malgaches est menée. En second lieu, le projet de loi fixant les limites des zones maritimes de la République de Madagascar abroge, notamment, les dispositions de l'Ordonnance No 73–060 du 28 septembre 1973 fixant les limites de la mer territoriale et du plateau continental de la République Malgache de même que celles de l'Ordonnance No 85–013 du 16 septembre 1985 fixant les limites des zones maritimes (mer territoriale, plateau continental et zone économique exclusive) de la République Démocratique de Madagascar.

Au plan substantiel, l'exposé des motifs du projet de loi précité indique clairement que le texte a pour objet de préparer la ratification de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et la possibilité de futurs accords de pêche avec les pays riverains. Cela passait nécessairement par la redéfinition des limites des zones maritimes malgaches, pour ce qui est, en particulier, de la ligne de base à partir de laquelle est mesurée la largeur des eaux intérieures, de la mer territoriale, de la zone contiguë et de la zone économique exclusive, et du plateau continental dont les données géodésiques permettent de fixer la limite extérieure. Un certain nombre de remarques s'imposent.

  1. Aucun changement n'est à noter depuis l'Ordonnance de 1985 en ce qui concerne la fixation de la largeur de la mer territoriale (12 milles marins), de la zone contiguë (24 milles marins) et de la Zone Economique Exclusive ou Z.E.E (200 milles marins) (Art. 4,5 et 6 du projet de loi). Cela est heureux dans la mesure où la législation précédente était déjà en accord avec les principes adoptés par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982. En effet, selon l'article 57 de la Convention de Montego Bay, la Z.E.E. ne peut s'étendre au-delà de 200 milles des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale. En pratique, toutefois, l'étendue effective de la Z.E.E. reste toujours à déterminer soit “sur la base de la ligne d'équidistance entre les Etats concernés soit par voie d'accord” (Art. 6) dans les zones où elle empiète sur celles déclarées par d'autres Etats côtiers.

  2. Alors que les eaux intérieures étaient définies comme la zone comprise entre, au large, la ligne de base droite servant au calcul de la mer territoriale et, à terre, la laisse de haute mer, elles sont désormais constituées de “la partie de mer située en-deçà de la ligne de base stipulée à l'article précédent” (Art. 3). De là découle l'importance de la détermination précise de la ligne de base à partir de laquelle est mesurée la largeur des eaux intérieures, des eaux territoriales et de la Z.E.E.. Or, on sait que, d'un point de vue juridique, l'acte de délimitation est un acte unilatéral, même si son opposabilité relève du droit international.

  3. Le Décret No 63–131 du 27 février 1963 fixant la limite de la mer territoriale de la République malgache a établi la ligne de base comme une série de lignes de base droites tracées entre un certain nombre d'emplacements géographiques fixes consécutifs autour du littoral malgache. Il est certain que ce type de tracé maximise l'extension des espaces placées sous emprise nationale. La Convention de Montego Bay de 1982, reprenant en cela les attendus de l'arrêt rendu par la C.I.J. le 18 décembre 1951 dans l'affaire des Pêcheries opposant le Royaume-Uni à la Norvège qui avait considéré que la délimitation norvégienne fondée sur la technique des lignes de base droites n'était pas “contraire au droit international”, prévoit d'ailleurs cette possibilité en son article 7, qui dispose que lorsque le littoral est profondément échancré et découpé, l'utilisation du principe des lignes de base droites peut être justifiée3.

    Il semble toutefois difficile de soutenir cette position au regard du littoral malgache4. Dès lors, le principe de la ligne de base droite (ou “ligne d'eau”) devrait normalement céder la place à celui de la ligne de base normale prévu (ou “ligne de terre”) prévu à l'article 5 de la Convention de Montego Bay, c'est-à-dire la laisse de basse mer longeant, qui est généralement entendue comme celle des marées basses de printemps, le niveau le plus bas en dessous duquel la marée descend rarement. Pourtant, l'art. 7 du nouveau projet de loi maintient l'optique initiale puisque la ligne de base est constituée par l'ensemble des droites reliant des points appropriés dont la liste est fixée par le projet de décret précité. La ligne de base entre deux points consécutifs est par conséquent la droite qui les réunit. Et on peut noter qu'en deux points seulement du littoral malgache, les points 31 (Sainte Luce) et 32 (Foulpointe), la ligne de base se confond avec la laisse de basse mer longeant la côte (Art. 2 du projet de décret).

  4. Les textes existants n'apportaient pas d'indications particulières s'agissant du plateau continental. Le plateau continental est désormais défini comme “le prolongement immergé du territoire terrestre jusqu'au rebord externe de la marge continentale” (Art.7). En tout état de cause, la limite extérieure du plateau continental sur une dorsale sous-marine “ne dépasse pas une ligne tracée à 350 milles marins de la ligne de base” (ibid).

Le consultant a pu également prendre connaissance du décret No 93–844 du 9 décembre 1993 relatif à l'hygiène et à la qualité des aliments et produits d'origine animale. Ce décret a pour objet général de sauvegarder la salubrité et la qualité des denrées alimentaires d'origine animale, y compris “les produits de la mer et d'eau douce” selon l'article 2, paragraphe 1, point 5. Il prévoit que le régime de l'importation et de l'exportation des denrées alimentaires d'origine animale, et notamment les certificats et attestations nécessaires à ces deux opérations, sera défini par arrêté du Ministre chargé de l'Elevage.

3. Toutefois, la Convention de Montego Bay reste muette sur le point de savoir quelle est la distance maximum entre les lignes de base droites et la côte ainsi qu'entre les points joints par les lignes droites.

4 Voir, sur ce point, le rapport de P. Derham, Propositions pour une méthode optimisée de gestion de la pêche avec un système rentable de contrôle, de réglementation et de surveillance, Association thonière, Commission de l'Océan Indien, 1994

On fera observer, cependant, que l'ordonnance No 93–022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture n'est pas expressément visée par le décret pourtant pris postérieurement. Surtout, il n'est tenu aucun compte de ses dispositions pertinentes, alors même que l'article 16 de ladite ordonnance dispose explicitement qu' “En étroite collaboration avec les autres administrations concernées, le Ministre chargé de la Pêche et de l'Aquaculture conjointement avec le Ministre chargé de l'Environnement adoptent par voie réglementaire et font appliquer des mesures de contrôle de la salubrité et de la qualité des produits de la pêche et des établissements de traitement, de conditionnement et de stockage.” De même, l'article 17 subordonne l'exportation des produits de la pêche ou de l'aquaculture malgaches à “l'obtention d'un certificat d'origine et de salubrité délivré par l'autorité habilitée à cette fin par la Direction chargée de la Pêche et de l'Aquaculture.

Le texte réglementaire est donc, de ce point de vue, en complète contradiction avec l'ordonnance. Outre le fait qu'il donne la compétence de principle en matière de contrôle des produits de la mer et d'eau douce à la Direction de l'Elevage, et ce en violation des dispositions de l'ordonnance No 93-022, on peut également déplorer le fait qu'il ait été pris sans faire référence à l'ordonnance du 4 mai 1993, texte fondamental en matière de réglementation de la pêche et de l'aquaculture à Madagascar. Ensuite, la démarche indiquée par les articles 16 et 17 de l'ordonnance du 4 mai 1993 n'a pas été respectée : la collaboration des administrations concernées, et singulièrement celle de la Direction des Ressources Halieutiques, n'a pas été recherchée. De toute évidence, le Ministère chargé de l'environnement n'a pas été consulté, alors qu'il aurait dû prendre une part active dans la préparation et dans l'adoption de ce texte.

Afin de rétablir une situation juridique claire et conforme à la législation en vigueur, il est impératif que les dispositions du décret No 93–844 soient au plus tôt rendues conformes à l'ordonnance, en ce qui concerne tout au moins les produits de la mer et d'eau douce.

RECOMMANDATION PRINCIPALE

Il est donc recommandé de préparer un décret modificatif énonçant que, par dérogation aux dispositions du décret No 93–844 du 16 novembre 1993 et conformément aux articles 16 et 17 de l'ordonnance No 93-022 du 9 mai 1993, l'autorité compétente en matière d'inspection sanitaire et qualitative des produits de la mer et d'eau douce est désormais la Direction chargée de la pêche et de l'aquaculture du Ministère chargé de la pêche et de l'aquaculture. C'est en effet au Ministère chargé de la pêche et de l'aquaculture conjointement avec le Ministère chargé de l'environnement, et en étroite collaboration avec les autres administrations intéressées qu'incombe la responsabilité d'établir le contrôle et d'en prévoir les modalités d'exécution. Et c'est à la Direction chargée de la pêche et de l'aquaculture elle-même qu'il revient d'habiliter l'autorité qui délivrera le certificat d'origine et de salubrité nécessaire à l'exportation des produits de la pêche et de l'aquaculture malgaches.

Le fait que le décret incriminé se fonde lui-même sur une loi, à savoir la loi No 91-008 du 25 juillet 1991 relative à la vie des animaux, n'est pas pertinent. En matière de conflit de lois, le principe juridique applicable est que la loi spéciale l'emporte sur la loi générale, de même que la loi plus récente l'emporte sur la loi plus ancienne.

1.4 Remerciements

Au cours de sa mission, le consultant a bénéficié de l'appui constant et actif des divers départements et institutions concernés, et tout particulièrement de la Direction des Ressources Halieutiques du Ministère du Développement Rural et de la Réforme Foncière, en particulier M. Raherisoa Frediss. La Représentation de la FAO, et tout particulièrement M. Stefano Bonezzi, le Conseiller Technique Principal du Programme Sectoriel Pêche PNUD/FAO-MAG/92/004, M. Dominique Gréboval, ainsi que le personnel du projet ont également fourni une assistance précieuse et continue. De manière plus générale, le consultant exprime ses remerciements et assure de sa gratitude toutes les personnes ayant directement ou indirectement apporté leur aide au programme cité en référence.


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