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ESTIMATION DES PRODUCTIONS DE LA PECHE TRADITIONNELLE CREVETTIERE
SUR LA COTE NORD-OUEST DE MADAGASCAR

RAFALIMANANA Th. (DASS-DPA)

L'étude sur la pêche traditionnelle crevettière a pour objet l'estimation et l'étude des variations des captures de cette activité le long de la côte Nord-Ouest de Madagascar. La collecte des donnes sur le terrain vient à terme et couvre une année entière, de juin 1989 à mai 1990.

Le présent article résume la description de cette pêcherie, le système de collecte de données et les premiers résultats de l'étude.

1. BREVE DESCRIPTION DE LA PECHE TRADITIONNELLE CREVETTIERE

La pêche crevettière de Madagascar se pratique essentiellement sur la côte Nord-Ouest. Les populations de crevettes (penaeides) sont exploitées par une pêcherie industrielle, une pêcherie artisanale et une pêcherie traditionnelle. Ces trois secteurs exercent leur activité simultanément sur la même ressource, employant des méthodes de pêche distinctes. Ils sont souvent en compétition entre eux et peut entraîner des interactions physiques.

La pêche traditionnelle utilise principalement comme engin des “Valakira” et des sennes et accessoirement des “Kopiko” et des “Poteau”.

1.1. PECHE AU BARRAGE COTIER

Installés dans la zone intertidale, les barrages côtiers fonctionnent durant les périodes de vives eaux. Suivant l'étendue de la zone de balancement des marées, il peut y avoir jusqu'à trois ou quatre rangées de barrages.

Ils sont formés d'un assemblage de cloisons en lattis de bois, en bambou éclaté ou en nervures de raphia, maintenu par des pieux en bois de palétuvier.

Les barrages en bois sont fixes et permanents. Ils ont des formes irrégulières, arrondies ou en “V”. Par contre ceux en nervures de raphia ont toujours la forme d'un “V”, dont l'une des deux ailes est plus ou moins longue que l'autre suivant l'emplacement du barrage. Ces derniers ont des cloisons amovibles. Les pêcheurs installent leurs dispositifs deux à trois jours avant la période de pleine ou nouvelle lune et les relèvant au dernier jour. Ils quittent leur village deux à trois heures avant la basse mer et attendent près de la chambre de capture jusqu'à ce qu'ils puissent commencer la récolte. Ils reviennent au village avec la remontée d'eau après avoir effectué quelques travaux d'entretien du barrage et de triage des produits.

1.2. PECHE A LA SENNE

L'introduction de senne pour la capture de crevette s'est faite tardivement. Actuellement, elle trouve son ampleur dans beaucoup de localités. La senne, généralement sans poche, est halée au rivage par deux filins et manoeuvrée par deux ou trois personnes de chaque côté. Les pêcheurs utilisent des sennes en nylon cablé de 100 m de long sur trois à quatre m de haut avec une maille étirée de 10 à 15 mm.

La pêche se pratique dans les eaux peu profondes du littoral. La manipulation de la senne exige un vaste champ d'action (encerclage) et un milieu riche en crevette (recherche de bancs).

1.3. PECHE AU FILET A L'ETALAGE

Ce type de piège à crevette sur pieux (“Poteau”) est utilisé spécifiquement dans une zone de la baie d'Ambaro où la pratique de draguage par la senne est considérée comme tabou ou “Fady” et celle de barrage côtier inapproprié.

Le filet se présente comme une poche avec une ouverture rectangulaire de 4 m de large sur 1 m de haut et permanents. Le maillage est de 10 à 15 mm. Les filets sont souvent groupés et sont placés contre le courant, ils peuvent former alors de véritables barrages.

1.4. PECHE A PIEDS A LA MOUSTIQUAIRE (“KOPIKO”)

Ce type de pêche se pratique surtout dans la zone interdidale de la baie de Mahajamba et de Bombetoka. C'est un engin traditionnel utilisé pour la recherche de crevette. Son aspect général ressemble à un mini-chalut. Il est construit en mailles très fines et tire par deux personnes à l'aide de ses ailes. L'utilisation des “Kopiko” nécessite le plus souvent une mer calme.

1.5. PECHE AUX ENGINS DIVERS

Dans les fonds secondaires, la pêche à la crevette se pratique avec des filets maillants dans le littoral et des nasses trainées dans les estuaires de la côte-Est. Ces types d'engins pourraient être utilisés spécifiquement à la recherche de crevette à une certaine période et l'importance relative de la capture n'est pas négligeable.

2. DESCRIPTION DU SYSTEME DE COLLECTE DE DONNEES

Les caractères diffus de l'implantation des villages de pêcheurs et du lieu de débarquement ne permettent d'envisager l'evaluation de la production qu'à travers des procédures d'échantillonnage. La méthode d'approche fait appel à des schémas d'échantillonnage systématique à l'intérieur d'une stratification spatiale.

2.1. ECHANTILLONNAGE DU SITE D"ENQUETE

Les échantillons ont été choisis en fonction des connaissances disponibles et au terme du résultat de l'enquêtecadre menée en 1988, en partant des critères suivants :

En partant de ces considérations et compte tenu des moyens humain et matériel disponibles, l'enquête a été réalisée dans les zones et sites de pêche suivants :

Les données de l'effort et de la capture ont été collectées par des agents de terrain résidents dans les centres d'enquêtes retenus.

2.2. ECHANTILLONNAGE DE L'EFFORT DE PECHE

Pour un type de pêche donné, l'effort correspond au nombre de sorties effectives. La détermination de l'effort se fait journalierement (le jour et la nuit). La méthode employée est adaptée à la structure existante et à la physionomie de la pêche dans chaque centre d'enquête. Le nombre de sorties a été obtenu soit par renseignement auprès des pêcheurs, soit par pointage des arrivées.

2.3. ECHANTILLONNAGE DE LA CAPTURE

L'échantillonnage des prises se fait tous les deux jours. L'enquêteur effectue des pesages des prises jusqu'à 4 ou 6 échantillons par type d'engin de pêche. Les données sur la quantité débarquée et autoconsommée ainsi que la destination et le prix des produits commercialises par type de produits ont été collectés régulièrement. En plus des données de production, l'enquêteur collecte également des informations sur la longueur céphalothoracique des crevettes capturées.

3. RESULTATS PARTIELS DE L'ESTIMATION

3.1. VARIATIONS MENSUELLES DES CAPTURES TOTALES

Le tableau 1. donne les variations mensuelles des captures de crevettes et de camarons ainsi que les autres produits d'accompagnement. Il apparait que la bonne saison se situe au mois de mars/ avril et la saison morte au mois d'août /septembre à cause de la migration vers le large.

Tableau 1. : Captures totales par mois (kg)

MOISCREVETTESCAMARONCHEVAQUINECRABEPOISSONS
JUIN261144154036781166546
JUIL109284576021826121948
AOUT78325479016728168038
SEPT58476146118131365194929
OCT878443647969610913113600
NOV670315542142181414780848
DEC1391173524176831289989791
JANV1562536502165801610144283
FEV1365607602142371919138658
MARS2449224508139671719486780
AVRIL16879717081220413495103489
MAI160603194310608911687600
TOTAL1668356376461110062020421196490

La production totale annuelle de crevettes et de camarons est estimée à 1.700 tonnes (crevettes de collecte et crevettes destinées à être confondues). Les produits d'accompagnement sont de l'ordre de 50% de la capture globale, dont principalement des poissons.

3.2. CAPTURE DE CREVETTES PAR TYPE D'ENGIN DE PECHE

Tableau 2. : Répartition des captures de crevettes par type d'engin

ENGINSVALAKIRASENNEPOTEAUKOPIKO
%74,225,20,40,2

Le tableau 2. représente la répartition des captures ventilées par type d'engins de pêche. Le “Valakira” contribue à la capture de 75% des débarquements totaux de crevettes. Les sennes atteignent 25% de la production estimative globale de crevettes, alors que les deux autres types d'engin ne représentent que moins de 1%.

Pourtant le meilleur rendement s'observe toujours avec la senne. Elle capture entre 7 à 27 Kg par sortie en moyenne. Celle des “Valakira” varie de 5 à 15 Kg.

3.3. CAPTURE DE CREVETTES PAR PHASE LUNAIRE

TABLEAU 3.: Répartition des captures de crevettes par phase lunaire

PHASE LUNAIRENOUVELLE LUNEPREMIER QUARTIERPLEINE LUNEDERNIER QUARTIER
%
GLOBAL
4883410
%
VALAKIRA
563392
%
SENNE
27221833

Du tableau 3., sur lequel ont été indiqués les proportions des captures en fonction des phases lunaires, il ressort que:

Les variations de mise à terre sont nettes pour la pêche au “Valakira” mais elles ne le sont pas pour la senne. Cela pourrait s'expliquer par le fait que la pêche au “Valakira” est tributaire de l'amplitude de la marée ; ce qui n'est pas le cas pour la senne.

3.4. EVOLUTION DU CALIBRE DES CREVETTES DEBARDQUEES

Le tableau 4. montre l'évolution mensuelle des pourcentages de différentes catégories des crevettes débarquées par la pêche traditionnelle. On remarquéra que la proportion de camaron a été relativement élevée au mois de février. Le maximum de proportion de crevettes de petit calibre constaté au mois de juillet correspondrait probablement à la capture des juvéniles par la senne de la saison de ponte du mois de mars/ avril.

Ce tableau permet également d'avancer que la fraction de crevettes de collecte ne représente que 60% environ des mises à terre. Il faut absolument tenir compte de cette proportion dans l'évaluation de l'importance de la capture et de la valeur de la production.

Tableau 4.: Evolution mensuelle des pourcentages des différentes catégories de crevettes débarquées

MOISCAMARONCREVETTES GROS CALIBRESCREVETTES PETITS CALIBRES
JUIN0,172,127,9
JUIL0,259,740,1
AOUT0,378,721,0
SEPT1,364,833,9
OCT1,862,635,6
NOV3,062,234,8
DEC1,862,935,2
JANV3,162,434,6
FEV5,460,535,1
MARS2,160,937,0
AVRIL0,162,237,3
MAI0,362,037,7

Telles sont les premières constations et estimations qui ont pu être faites sur l'étude de la pêche traditionnelle crevettière. Sans aucun doute, les estimations de mise à terre de crevette restent à préciser. Cela n'empêchera pas de dire que les pêcheries crevettières traditionnelles ont leur importance économique, sociale et biologique particulière.


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