La DPA (MPAEF) et le projet PNUD/FAO/MAG/85/014 ont organisé six séminaires régionaux sur les politiques et la planification du développement des pêches à Madagascar. Ces séminaires se sont déroulés à Antananarivo du 27 au 28 mars 1990 ; à Toliara du 9 au 10 avril 1990 ; à Mahajanga du 25 au 26 avril 1990 ; à Toamasina du 16 au 17 mai 1990 ; à Manakara (Fianarantsoa) du 6 au 7 juin et à Antsiranana du 12 au 13 juin 1990.
Les résultats de ces séminaires ont été publiés dans six rapports et servent également à la rédaction des différents articles qui seront présentés au cours du séminaire national qui aura lieu du 15 au 19 octobre à Antananarivo (voir le texte annonçant ce séminaire dans le présent cahier d'information).
Les objectifs principaux des séminaires régionaux étaient les suivants :
Analyser la situation actuelle et susciter des échanges de vue, d'informations et d'idées sur tous les aspects du développement de la pêche ;
Identifier pour chacun des sous-secteurs (pêche traditionnelle, pêche artisanale, pêche industrielle, aquaculture et commerce), les principales contraintes à une exploitation rationnelle et optimalisée des ressources disponibles ;
Formuler des recommendations précises pour le développement du secteur ;
Identifier les activités prioritaires et les moyens de leur réalisation ainsi que proposer les programmes et projets à mettre en oeuvre à court et à moyen termes.
Outre les recommandations principales issues de ces six séminaires provinciaux que nous publions ici, nous avons voulu reproduire également trois réactions d'un opérateur économique, d'un chef SPPA et d'un cadre de la DPA.
I. PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DES SEMINAIRES REGIONAUX
PECHE MARITIME
Réaliser des études de réévaluation des stocks connus de crevettes et évaluer les stocks de crevettes dans les zones peu ou pas exploitées (baie, eaux profondes, zone de 2 mille …).
Maintenir l'effort de pêche crevettière à son niveau actuel en attendant la réalisation de nouveaux travaux sur l'état du stock.
Augmenter le débarquement des poissons d'accompagnement tout en créant des circuits de distribution adéquats, notamment dans les grands centres de consommation.
Encourager (par les incitations économiques et juridiques) l'approvisionnement des pêcheurs traditionnels en matériels et fournitures de pêche par les collecteurs et les commerçants.
Etendre géographiquement les zones de pêche et diversifier les activités des opérateurs vers d'autres espéces commercialement intéressantes peu ou sous exploitées, sans abandonner pour autant les espèces cibles actuellement exploitées.
Faire des études précises (dans le cadre d'un projet) des coutumes ancestrales qui bloquent le développe ment de la pêche maritime traditionnelle afin que les opérateurs économiques puissent agir par eux-mêmes en connaissance de cause.
Etudier l'impact économique du chalutage de nuit des ressources crevettières et déterminer les causes des variations interannuelles de calibres dans les captures des chalutiers crevettiers industriels.
Faire appliquer l'accord de pêche CEE/RDM afin que l'embarquement des observateurs sur les thoniers communautaires opérants dans la région soit effectif et étudier la possibilité de délivrance d'un livret maritime aux dits observateurs.
Initier les pêcheurs traditionnels aux techniques de construction d'embarcations ameliorées (exemples: bateaux en planches clouées, bateaux équipés de caisse de stockage).
Réaliser des études biologiques et de dynamique de population sur : les langoustes, les crabes de palétuviers, les poissons démerseaux et pélagiques de haute valeur commerciale et les bichiques.
Encourager l'exploitation sur une base artisanale ou semi-industrielle des petits poissons pélagiques et des poissons démerseaux.
Effectuer une campagne de prospection des langoustes en vue d'identifier entre autres les raisons du transfert de la production vers la côte Nord-Est tout en étudiant les possibilités d'exploitation plus au large.
Elaborer un projet sur la mise en place d'un bassin de grossissement de jeunes langoustes capturées tout en y associant l'élevage de moules.
Prendre les mesures obligeant les chalutiers industriels à respecter la réglementation concernant la pêche dans la zone de deux milles.
PECHE CONTINENTALE
Etudier les potentialités des populations d'anguilles, de crapauds (cuisses des nymphes), d'écrevisses et de camarons d'eau douce.
Procéder à :
une étude monographique des plans d'eau continentaux ;
une étude d'estimation de l'état de stock des principaux plans d'eau (lacs et rivières) pour en assurer l'aménagement et la gestion.
Supprimer les textes relatifs à l'amodiation des droits de pêche continentale.
Identifier un projet sur le Fibata qui aura pour objectifs :
l'étude biologique de l'espèce et son influence sur les autres populations ichtyques ;
la mise au point des techniques de capture, de traitement, de conservation et de préparation culinaire ;
la recherche d'autres moyens visant à réduire sa prolifération.
Rechercher d'urgence un financement pour l'ouverture des embouchures ensablées du canal des pangalanes et pour les aménagements dudit canal.
Elaborer un projet de texte sur la réglementation de l'utilisation des barrages à mulets.
Séparer les attributions des agents de répression de celles des agents de vulgarisation pour faire respecter la réglementation en vigueur.
AQUACULTURE
Démontrer la rentabilité des stations piscicoles et étudier les modalités de leurs privatisations.
Favoriser l'installation des producteurs privés d'alevins, et les former pour résoudre les problèmes d'approvisionnement en alevins.
Interdire le défrichement de la zone des mangroves lors de l'installation des fermes aquacoles et ce au profit des tannes.
COMMERCIALISATION
Annuler les prélèvements sur les poissons d'accompagnement des sociétés de pêche industrielle.
Demander aux collectivités décentralisées d'entretenir et/ou de construire des marchés couverts de poisson équipés : de compartiments de stockage sous glace, de l'eau courante, de canaux d'évacuation des eaux usées et de l'électricité.
Vulgariser les modes de conditionnement et traitement préconisés par le séminaire organisé à Mahajanga sur l'amélioration de traitement des produits halieutiques.
Activer l'établissement d'un arrêté visant à limiter la quantité et à assurer la qualité des produits halieutiques exportés à titre de consommation familiale.
SUPPORT INSTITUTIONNEL
Mettre en place et diffuser un système de crédit le plus simple possible, acceptable aussi bien par les bénéficiaires potentiels que par les banques.
Doter les instituts de formation (ENEM et EASTA) de corps permanent d'enseignants qualifiés et d'équipements didactiques nécessaires.
Inciter les opérateurs privés et les experts internationaux à dispenser périodiquement des cours dans les instituts de formation et à recruter le maximum des stagiaires pour leur formation pratique.
Inviter le CNRO à porter à la connaissance des opérateurs économiques interessés toutes informations scientifiques et techniques disponibles nécessaires à leurs activités.
AUTRES
Mettre en place un système de collecte d'informations statistiques permanents afin de disposer des renseignements plus fiables.
Obliger les opérateurs à communiquer leurs statistiques de pêche et de commercialisations conformément à la réglementation en vigueur.
Soumettre à l'approbation des instances compétentes :
un projet de construction d'un emplacement de bateaux de pêche dans le port de Toamasina avec les infrastructures adéquates ;
ainsi qu'un projet de réhabilitation du port de Toliara afin de faciliter l'écoulement des produits destinés à l'exportation.
Exonérer de toutes taxes les matériels de pêche et les carburants utilisés par les pêcheurs.
Organiser la tenue périodique des séminaires régionaux afin d'échanger des informations et des expériences entre l'administration, les institutions spécialisées et les opérateurs économiques concernés par les activités halieutiques.
II. REACTIONS SUR LES SEMINAIRES PROVINCIAUX
R E S U L T A T S
Les résultats obtenus au cours des séminaires régionaux sont de trois ordres d'après M. RALISON (SOMAPECHE) : (i) rassemblement d'informations de première main utilisables, sinon primordiales, à l'établissement à terme d'un plan directeur de développement du secteur halieutiques et aquacole (ii) contribution à la formation des agents de la Direction des Pêches et (iii) décloisonnement des différents acteurs du secteur (opérateurs économiques, administration, institutions..)
1. Etablissement du plan directeur
Il est évident que l'auscultation sur le terrain, province par province, du secteur halieutique et aquacole apporte des informations plus nombreuses, plus précises et plus détaillées sur celuici que des analyses et synthèses de rapports au niveau central. La quantité des matériaux obtenue à l'issue des séminaires confirme amplement l'efficacité de la méthode.
2. Formation
Des trois facteurs de développement connus, capitaux, technologie et homme, le dernier est le plus important et la formation est de ce fait fondamentale. Si la formation technique des cadre de la Direction des Pêches est réalisée par leur passage à l'Unité de Formation Supérieure Halieutique, leur formation “humaine” présente par contre une certaine lacune que les séminaires ont quelque peu comblée :
l'obligation de préparer des exposés et de participer aux discussions générées par les dits exposés, ont incité des agents qui avaient tendance à se laisser-aller à la médiocrité intellectuelle et technique (notamment ceux qui sont isolés géographiquement …), à s'intéresser de trés prés à leur secteur et aux problèmes de celui-ci et à se poser ainsi en expert dans leurs secteurs respectifs ;
il a été constaté que beaucoup d'agents au cours des travaux du séminaire ont surmonté courageusement leur tendance naturelle à l'effacement social et professionnel qui est incompatible avec leurs fonctions de cadres et de responsables (effacement dû à la timidité naturelle de l'homme malgache d'une part et à l'appréhension de s'exprimer en public dans une langue mal maîtrisée, à savoir le Français d'autre part …) ;
l'utilisation du français écrit est devenue moins hésitante chez beaucoup de cadres du fait de leurs participations forcées dans les comités de rédaction des compte-rendus des réunions.
3. Décloisenement
Par la volonté de faire dialoguer les différents acteurs du développement halieutique et aquacole, les séminaires ont fait éclater les barrières qui se dressaient entre ceux-ci et leur faisaient tenir, chacun dans leur coin respectif, de véritables dialogues de sourds. Il semble qu'une compréhension constructive entre les différentes parties commence à s'installer maintenant : entre pêche industrielle et pêches artisanale et traditionnelle, entre administration et administrés, entre scientifiques et opérateurs économiques…
Il faut mesurer les impacts des séminaires non seulement sous l'angle technique (établissement d'un bilan diagnostic, préparation d'un plan directeur… mais aussi sous l'aspect formation et sous l'aspect circulation des informations. Avec une telle approche on constate que les résultats sont plus que significatifs.
D'ANTSIRANANA
Le SPPA d'Antsiranana, écrit Monsieur RAZAFIMBELO (Chef SPPA - Antsiranana) a bénéficié de l'expérience des autres séminaires provinciaux, étant donné qu'il clôturait la série de six séminaires.
“ Cela ne veut pas dire poursuit-il que tout a été parfait et il est évident que beaucoup de points auraient pu être encore améliorés.
En ce qui concerne Antsiranana où la communication entre différents sites est très difficile, l'organisation d'un tel séminaire n'a pas été chose facile. Heureusement, la plupart des personnes convoquées ont pu assister en arrivant un peu plus tôt pour certains en raison de la fréquence des vols qui desservent leur ville pour retourner chez eux un peu plus tard.
Le cadre du Centre de Formation Technique d'elevage (CFTEL) a permis un bon déroulement des travaux (salle de réunion, restauration et hébergement des “vahiny”). Dans les coulisses, on murmure “de revenir” dès que possible.
Durant les deux jours, à peine eut-on le temps de déjeuner ou de dormir tant le temps manquait.
Si les participants étaient bien avisés au préalable de la tenue du séminaire (entendez : préparation matérielle), un cetain nombre ne l'était pas quant au plan de leur intervention. Certain se plaisaient à parler trop longtemps, d'autres, ont à peine pris la parole.
Cependant, ces errements, au cours des séances, ont été avantageusement masqués par la bonne ambiance des discussions et par la pertinence de beaucoup d'interventions : en somme, si les condiments avaient chacun leur propre goût et leur arôme spécifique, le “melting” n'a pas été du tout désagréable, preuve de la transparence des idées comme celle de la manière de les exprimer.
Dans l'immédiat on peut parler de la naissance d'une relation beaucoup plus étroite entre les diverses entités concernées par le secteur halieutique : des simples pêcheurs aux techniciens de l'Administration, en passant par les opérateurs économiques.
Pour le futur, on ne peut que souhaiter la concrétisation de cet acquis par une action encore plus conséquente peut-être allant jusqu' à l'officialisation d'un organe de réflexion oeuvrant pour le développement de la pêche.
Bref, ce séminaire a permis aux uns et aux autres de bien connaître la pêche dans son ensemble dans le Faritany d'Antsiranana, et de pouvoir échanger des idées pour une amélioration des activités.”
D'un cadre de la DPA (M.RAZAFIMAHALEO)
Les séminaires dans les chefs-lieux des Faritany se sont déroulés comme prévus, c'est-à-dire : respect des objectifs et bonne ambiance.
Dans le fond, presque tous les sujets traitant de la pêche et de l'aquaculture ont été abordés par les séminaristes qui ont effectivement participé au débat, contraignant quelquefois les présidents de séance à écourter les discussions engagées avec beaucoup de ferveur au cours de certaines séances.
Dans la forme, il aurait fallu, à notre avis, prolonger d'au moins une journée la durée du séminaire car certains thèmes saillants méritaient un débat plus poussé pour parvenir vraiment à des recommandations et conclusions répondant à la fois aux soucis des opérateurs et des agents de la Direction de la Pêche et de l'Aquaculture responsables de la gestion des produits halieutiques, par exemple, concernant des sujets techniques tels que : le prélèvement sur les poissons d'accompagnement à Mahajanga, le cas des Fibata à Fianarantsoa ou encore les problèmes de ravitaillement des restaurateurs locaux en langoustes à Toliara, …).
Toutefois, nous pouvons affirmer de manière objective que les séminaires auxquels nous avions participé (Toliara, Mahajanga, Fianarantsoa) étaient une réussite sur le plan professionnel car il nous ont permis non seulement de nouer des contacts très intéressants avec des professionnels mais aussi d'élargir notre connaissance sur certains sujects qui jusque là nous avaient échappé.