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PARTIE I
REVUE SECTORIELLE

1. LES PECHES DE CAPTURE

1.1 Rôle économique de la pêche

L'industrie de la pêche constitue la source de protéines animales la plus importante dans l'alimentation de la population camerounaise. La consommation annuelle par habitant est comprise entre 13,6 kg et 19 kg, selon les estimations, représentant un apport de l'ordre de 42,3 % des protéines animales et couvrant 9,5 % des besoins totaux. Le poisson est généralement la source de protéine animale la plus consommée par les couches les économiquement faibles de la population.

En raison du manque de statistiques fiables, on peut seulement effectuer une estimation des débarquements de la pêche artisanale, maritime et continentale, s'élevant respectivement à 63 000 t et 50 000 t par an. A cette production artisanale de l'ordre de 113 000 t s'ajoutent les captures de la pêche industrielle évaluées en 1989–90 à 8 655 t de poisson et 1 043 t de crevettes. La production domestique totale est donc d'environ 122 700 t par an, l'aquaculture contribuant encore pour une part négligeable à la consommation nationale.

En 1989–90, 53 955 t de poisson congelé ont été importées. Pendant la même période, entre 15 000 et 20 000 t de poisson ont été exportées, de manière informelle, vers les pays limitrophes, alors qu'environ 850 t de crevettes ont été exportées par des circuits officiels.

La valeur monétaire de la production par la flottille industrielle en 1989–90 était de 18,8 millions de dollars1, ce chiffre incluant les exportations de crevettes (environ 9,8 millions de dollars). Pour la pêche artisanale, les débarquements ont été estimés à environ 180 millions de dollars. Les exportations officieuses ont été évaluées à près de 40 millions de dollars.

Le nombre de pêcheurs est estimé actuellement à environ 20 000 pour la pêche maritime artisanale, et 40 000 pour la pêche continentale. On estime ainsi que le nombre d'emplois directs de la pêche au Cameroun est de l'ordre de 60 000 alors que près de 180 000 personnes sont engagées dans les activités secondaires de la pêche (transformation, stockage, distribution, et commerce du poisson). Parmi le nombre d'emplois fournis par la pêche au Cameroun, on estime qu'environ 80 % seraient occupés par des expatriés, essentiellement en provenance du Nigéria.

1.2 Ressources halieutiques et zones de pêche

1.2.1 Pêche maritime

Les eaux maritimes camerounaises se situent dans la poche ouest du golfe de Guinée, dans une zone dite de calmes équatoriaux de l'océan Atlantique. Le front de mer s'étend sur près de 360 km alors que la largeur moyenne de cette zone ne s'étend que sur environ 40 km, compte tenu de la proximité du littoral, l'Ile de Bioko (Guinée équatoriale) qui interdit l'extension des zones maritimes sous juridiction camerounaise.

1 Taux de change: Il s'agit dans le présent rapport du dollar des Etats-Unis. SEU 1 = FCFA 261,10 (mars 1991)

Le Cameroun recense un réseau hydrographique comprenant plusieurs systèmes fluviaux. Les embouchures de ces cours d'eau constituent des zones de pêche très fréquentées pour la capture des crevettes d'estuaire, des poissons pélagiques côtiers et des espèces démersales. Dans ces zones, les conditions de la pêche ne sont marquées d'aucune saisonnalité que ce soit aux niveaux de la température, de la salinité ou de l'épaisseur de l'eau de surface.

La largeur moyenne du plateau continental est d'environ 20 milles couvrant une superficie d'environ 10 600 km2. Dans la partie nord, les fonds sont constitués par une grande plaine de vase sableuse, tandis que la zone sud se caractérise par un relief très tourmenté comprenant des récifs coralliens, des fonds rocheux, et des fonds vaso-sablonneux.

Les peuplements ichtyologiques montrent une nette prédominance des espèces d'eaux chaudes. La distribution des différentes espèces exploitées est très côtière: d'après Crosnier (1964), 74 % des ressources se situent entre 10 et 30 m de profondeur. La productivité de la zone côtière par rapport à la haute mer peut être expliquée par la richesse phytoplanctonique littorale due aux importantes décharges fluviales, elles-mêmes dépendantes de la pluviométrie.

Les estimations concernant la production potentielle des principales espèces commerciales sont les suivantes:

  1. Petits pélagiques (Ethmalosa fimbriata, Sardinella maderensis): 40 000 t/an minimum (SCET, 1979);

  2. Petites crevettes d'estuaire (Palaemon hastatus): 10 000 t/an minimum (SCET, 1979);

  3. Poissons démersaux: 8 000-12 000 t/an (Ssentongo et Njock, 1987);

  4. Crevettes (Parapenaeopsis atlaantica et Penaeus duorarum): 500–1 000 t/an (Ssentongo et Njock, 1987).

1.2.2 Pêche continentale

La pêche continentale au Cameroun peut être répartie en trois zones distinctes: la zone forestière, la région du centre et la région du nord. Les eaux continentales, à leur niveau annuel moyen, ont une surface totale estimée à 35 000 km2, soit environ 7,4 % du territoire national. La répartition approximative est la suivante: plaines d'inondation et marais 86 %; lacs naturels 4 %; retenues de barrage 7 %; fleuves 3 %.

a) Zone forestière

Cette zone comprend trois bassins fluviaux importants: le Nyong, le Ntem, la Sangha (avec le Dja). Les deux premiers sont des fleuves côtiers alors que la Sangha est un affluent du Congo.

Les rivières Nyong et le Kom (affluent du Ntem, à la frontière avec le Gabon) ont des plaines inondables sur des largeurs pouvant varier de 100 m à plusieurs kilomètres. Ces plaines inondables ont la particularité d'être herbeuses ce qui a favorisé notamment le développment de l'Héterotis, introduit il y a plus de 20 ans.

Toutes ces rivières ont des fonds rocheux, graveleux et sablonneux, parfois vaseux (endroits calmes), et entrecoupés de rapides et de chutes. Par ailleurs, des arbres morts constituent des obstacles fréquents surtout près des rives. Il convient de mentionner aussi le labyrinthe de bras sur le Ntem dans la région de Ma'an, qui constitue également une zone de bonne productivité halieutique.

En raison de la nature du sous-sol (roches acides gneissiques, granitiques), les eaux sont acides, obscures (eaux dites “noires”, typiques des selves tropicales) et peu productives. Dans ces conditions, seul l'apport de nourriture exogène provenant de la forêt permet une bonne croissance des poissons. A ce titre, il est important que le déboisement des rives soit réglementé.

Les poissons sont abondants, et d'espèces très variées (on signale aussi de petites espèces ayant un potentiel pour le commerce d'aquarium) et de bonne taille. Il n'existe aucune évaluation des stocks existants, ni même une estimation précise du potentiel; Balarin (1985) estimant toutefois celui-ci à 1 100 t/an.

b) Zone centrale (Bassin de la Sanaga).

Cette zone comprend essentiellement la rivière Sanaga et ses affluents ainsi que quelques bassins mineurs côtiers (Wouri, Cross) à l'ouest. En plus du barrage hydro-électrique d'Edea sur la basse Sanaga, trois autres barrages ont été construits dans cette zone: Bamendjin (sur le Noun) de 15 à 33 000 ha, Mapé (sur le Mabe/Mbam) au Nord-Ouest d'environ 50 000 ha, et Mbakaou sur le Djerem (au Centre-Nord) de 50 000 à 60 000 ha. Ces barrages ont permis le développement de pêcheries importantes, même si de grandes surfaces peuvent être exondées chaque année pour les besoins des barrages en saison sèche. A noter cependant que ces opérations de marnage favorisent l'eutrophisation des retenues d'eau, avec pour corollaire l'augmentation de la mortalité chez les poissons, et empêchent la bonne reproduction (nidification) des Tilapia. Les eaux des retenues sont fertiles, étant donné que s'y développe un phytoplancton abondant. Elles sont acides à neutres (pH de 6 à 7).

La rivière Sanaga et ses affluents, constituent un réseau hydrographique important par leur volume, pouvant atteindre près de 6 000 m3/s selon les saisons. Le lit est généralement rocheux, entrecoupé de rapides, mais aussi de parties calmes où les fonds sont graveleux, sableux et même limoneux. Les eaux sont troubles malgré la pauvreté en sédiments, et le pH est compris entre 6 et 7.

La Sanaga, ainsi que la retenue de Mbakaou, a une faune ichtyologique très variée occupant pratiquement toutes les niches écologiques. Cependant, deux espèces pourraient être introduites afin d'utiliser au maximum ces écosystèmes. Il s'agit de l'Héterotis, qui devrait être introduit dans les trois retenues en raison de la présence d'herbiers aquatiques extensifs, et d'un petit pélagique (sardine) dans les retenues de Bamendjing, Mapé, et peut- être Mbakaou.

c) Région du nord

La région du nord abrite les plus grandes pêcheries continentales du Cameroun, qui totalisent plus de 70 % de la production nationale en eaux intérieures. Cette région comprend les bassins du Faro, de la Bénoué (avec la retenue de Lagdo), du Logone-Chari, les Yaérés et la retenue de Maga, le lac Tchad et, enfin, les petits barrages localisés dans les monts Mandara (autour de Mokolo). On distingue cependant trois types de pêcheries: lac Tchad; rivières et plaines d'inondation; grandes retenues (Maga et Lagdo).

La pêcherie du lac Tchad, qui est la plus traditionnelle, a vu, suite aux sécheresses successives, baisser fortement sa productivité. Dans le même temps, le milieu fluvial s'est dégradé, eu égard à l'ensablement, et les plaines d'inondation, zones très productives en période normale servant également à la reproduction de nombreuses espèces piscicoles, se sont asséchées.

Les grands aménagements hydrauliques (Maga, Lagdo) ont profondément altéré les écosystèmes en aval, contribuant à l'ensablement des cours d'eau, la disparition des plaines inondables, la perturbation des régimes hydrologiques dans les deux plus grands bassins fluviaux (Benoué et Logone-Chari), et à l'assèchement progressif du lac Tchad. Les nouvelles pêcheries qui se sont développées à Maga et Lagdo, bien qu'étant très productives, ne pourront certainement pas compenser à terme, en aval, les pertes dans les Yaérés et le lac Tchad. En outre, ces retenues (surtout Maga) se comblent rapidement par l'apport de sédiments.

La situation du “camp” village à Lagdo, où une grande partie des captures est débarquée, est inquiétante: l'eau suinte du sol, le camp est surpeuplé, et les conditions d'hygiène y sont déplorables. Il est devenu urgent de développer le Centre de pêche de Lagdo et d'y implanter des services de surveillance et d'encadrement, ainsi que de faire fonctionner des infrastructures de base, telles qu'une fabrique de glace en paillettes pour la commercialisation du poisson frais sur Garoua et Ngaoundéré.

En ce qui concerne les retenues collinaires dans la zone de Mokolo, on déplore des problèmes d'empoissonnement (manque d'alevins) suite, en particulier, à l'opposition des autorités responsables dans le cas de certains barrages.

La pêche dans la zone du nord est fortement influencée par la proximité du Nigéria qui capte la quasi-totalité de la production halieutique. Ceci est accentué par le manque d'infrastructures pour faciliter la distribution des produits vers le sud (routes bitumées, services de transport en gros bien organisés, par route ou par chemin de fer, services de conditionnement des produits adéquats pour les longs trajets, etc).

Depuis peu on constate l'occupation par le pays voisin de certaines îles (Darak, Katikimé) et d'une partie péninsulaire du territoire camerounais sur le lac Tchad (y compris le poste de contrôle de pêche de Balarim). Plus récemment, Blangoua, qui était l'un des deux plus gros marchés primaires de poisson sur le lac Tchad, a été laissé à l'abandon par les commerçants. Ceux-ci vont maintenant directement s'approvisionner en territoire “occupé”, laissant Blangoua comme un village mort, sans activité, ses deux marchés et ses dépôts pour le “banda” (poisson fumé) et le séché vides.

1.2.3 Zone de mangroves

Les mangroves camerounaises couvrent une superficie d'environ 5 000 km2, soit 1 % du territoire national. On les trouve essentiellement dans les deux grandes zones deltaïques de la côte, celle d'Isanguele au nord et celle de Douala au centre, ainsi qu'à l'embouchure du Ntem à l'extrême sud. Elles constituent un écosystème aquatique particulier, de milieu saumâtre (salinités moyennes entre 7 et 12 %), qui est à la base de la richesse halieutique marine du pays. L'intense production de matière végétale de la mangrove camerounaise, composée principalement de Rhizophora, Bruquiera et Avicennia, fertilise fortement ces eaux côtières saumâtres en formant une litière organique extrêmement riche en micro-organismes et qui est à la base du réseau alimentaire complexe dont dépendent en particulier les poissons.

De surcroît, ces mangroves ont servi de zone refuge pour la reproduction et la croissance des espèces halieutiques, atténuant de ce fait les effets de surpêche induits par la pêche industrielle. Elles ont également fourni une alimentation riche et variée contribuant ainsi à maintenir les stocks marins à un niveau minimal, en dépit de leur surexploitation biologique évidente depuis plus de 10 ans.

La protection et l'exploitation strictement contrôlée des mangroves, à l'instar de ce qui se fait dans de nombreux pays, doivent être considérées comme une priorité nationale (Cf projet COMARAF/Unesco), qu'il est urgent de mettre en oeuvre.

1.3 Niveau d'exploitation des pêcheries

1.3.1 Pêche maritime

a) Pêche maritime industrielle

Le niveau le plus élevé de production de la flottille industrielle fut atteint en 1981–82, avec une flottille de 41 navires ayant pêché 23 000 t de poisson, dont 480 t de crevettes. Depuis 1982, les captures de poisson n'ont cessé de baisser: 13 900 t en 1983–84, 11 400 t en 1985–86, 9 700 t de 1986 à 1990. Cette diminution est imputable en partie à la fermeture par le Nigéria de ses eaux aux bateaux camerounais. La chute s'est ensuite accélérée du fait de la surexploitation des ressources démersales, ainsi que des stocks de crevettes. Actuellement, les captures totales de crevettes ont atteint le seuil de 1 000 t/an.

Sur la base de ces données, il est probable que l'augmentation du nombre et de la puissance des crevettiers intervenue dans la dernière période devrait entraîner une baisse des rendements par PUE. Dans le cas de la flottille chalutière, l'analyse de l'effort de pêche standardisé montre que les rendements moyens ont accusé une baisse sensible, de la période 1975–79, le rendement moyen étant de 4,55 t/jour, à la période 1986–90 où il a été de 2,07 t/jour. La cause de cette baisse des rendements est vraisemblablement imputable à la surexploitation des stocks.

La majorité des navires industriels camerounais est constituée par des crevettiers polyvalents (29 sur 35). Ceci a eu des effets néfastes sur les stocks de poissons démersaux, et notamment sur les juvéniles, dans la mesure où le maillage des filets à crevettes est de 33 mm contre 50 mm pour les chaluts. Etant donné qu'il existe une répartition bathymétrique des tailles, les diminutions des captures se font d'abord sentir au large pour atteindre progressivement la frange côtière. Par conséquent, les navires sont conduits depuis quelques années à se rapprocher de la frange côtière.

Par ailleurs, l'analyse de la proportion de “friture” dans les captures confirme le risque d'effondrement du stock des poissons démersaux. En effet, la proportion de friture était de 31 % en 1983, 36 % en 1984 et 37,5 % en 1989–90. A cela, si on ajoute les petits individus capturés (bars, capitaines, soles), bien que n'étant pas commercialement considérés comme de la friture, on estime qu'en 1989–90, la proportion de friture dans les captures totales était de 63 %. Ceci renforce l'hypothèse selon laquelle la pêche industrielle détruit les ressources halieutiques.

b) Pêche maritime artisanale

La production de la flottille artisanale, et semi-industrielle (utilisatrice de la senne coulissante “Watsa”) n'a cessé de progresser depuis 1979 où elle était de 35.000 t (SCET), pour passer à 55.000 t (Njock) en 1985, et atteindre 63.000 t en 1990.

En 1990, les captures étaient composées des catégories suivantes: petits pélagiques 45 000 t; démersaux 5 000 t; petites crevettes 10 000 t; divers 3 000 t.

Les stocks de pélagiques côtiers effectuent le long des côtes des migrations correspondant à leurs cycles vitaux, ainsi qu'aux changements périodiques de la composition physico-chimique des eaux. On peut distinguer plusieurs stocks dans le golfe de Guinée: un stock congo-angolais, très côtier, de Sardinella aurita et Sardinella maderensis, un stock gabonais de Sardinella aurita, situé plus au large, et un stock camerounais d'Ethmalosa fimbriata et de Sardinella maderensis. La SCET (1980) a évalué le potentiel du stock camerounais à un minimum de 40 000 t/an, ce qui voudrait dire que les pêches artisanale et semi-industrielle qui visent ces stocks ont pratiquement atteint le la production maximale équilibrée.

Ainsi, il semblerait que l'exploitation des principaux stocks de poisson ait atteint un niveau maximal, alors que certains stocks démersaux, ainsi que les stocks crevettiers, pourraient être surexploités. Cette constatation constitue la principale contrainte au développement des pêches industrielles, artisanales, et semi-industrielles au Cameroun.

Les seuls stocks qui sont sous-exploités sont les poissons et les crustacés des fonds rocheux situés au sud vers Kribi-Campo dans le département de l'Océan. Ces fonds ne sont pas chalutables et restent plus ou moins vierges. Selon la SCET (1980), les stocks seraient évalués à 2 800 t de poissons exploitables dans la zone. Avant de développer cette pêcherie qui pourrait s'avérer importante au point de vue qualitatif (crabes, langoustes lutianus/carpe rose, etc.), il faudra veiller à identifier au préalable les conditions techniques d'exploitation et à vérifier la rentabilité financière.

1.3.2 Pêche continentale

En zone forestière, la mission estime que le potentiel de production pourrait s'élever à 5 000 t/an, alors que la production actuelle, en extrapolant diverses informations, est estimée à 1 800–2 300 t/an seulement. Toutefois, ces chiffres n'incluent pas la production exportée, notamment au Gabon.

Sur la base d'une production de 1 à 1,7 t/an/pêcheur en 150 jours de pêche, la production totale en zone forestière pourrait être comprise entre 2 000 et 3 000 t/an; soit 1 000–1 500 t pour le Nyong, 800–1 000 t pour le Ntem, et 300–700 t pour le bassin de la Sangha (Dja, Kadei).

En zone centrale (bassin de la Sanaga), la production est estimée entre 5 500–6 400 t/an, soit prés de 20 % de la production continentale nationale actuelle. En comparant le niveau d'exploitation au potentiel de production, estimé à 9 200–13 000 t/an, on constate que cette région centrale possède de réelles potentialités de développement, notamment dans les retenues comme à Mbakaou.

En dépit de ses potentialités de développement, on peut souligner qu'au niveau des rivières, particulièrement sur la Sanaga, les pêcheurs sont confrontés fréquemment à des problèmes causés par les lâchers d'eau depuis les barrages, en amont, par la SONEL.

Dans la région du nord, les estimations du potentiel halieutique et du niveau d'exploitation sont rendus particulièrement difficiles du fait des variations hydroclimatiques d'une année sur l'autre, ainsi que de la complexité des échanges commerciaux dans cette zone, fortement influencés par la proximité du Nigéria. Ainsi, la production pourrait être comprise entre 20 000 et 30 000 t/an. Cette région de production en pêche continentale demeure la plus productive au Cameroun.

1.4 Equipements et techniques de pêche

1.4.1 Pêche industrielle maritime

Le véritable développement de la pêche industrielle a commencé au cours des années 70. En 1972, 42 bateaux industriels avaient été recensés, essentiellement orientés vers la pêche aux crevettes. A partir de 1973, les rendements de cette pêche ayant baissé, les crevettiers se sont reconvertis à la pêche des poissons. En 1982, les rendements des crevettes ont remonté ce qui a incité les armateurs à investir de nouveau dans cette pêche en créant de nouveaux armements et en transformant leurs chalutiers en crevettiers.

Le nombre de chalutiers a diminué au cours de la dernière décennie passant de 17 navires en 1979 à 6 navires en 1991. Cette réduction a été accompagnée par un vieillissement de la flottille passant d'un âge moyen de 7,31 ans en 1979 à 11 ans en 1991. Ces deux constations résultent de la dégradation de l'état des ressources, conjuguée à une baisse du prix des captures. En conséquence, la pêcherie ne peut accueillir qu'un nombre restreint de bateaux, sans que les sociétés puissent investir. En ce qui concerne la puissance de la flottille chalutière, le TJB moyen par bateau est passé de 146 en 1979 à 93 en 1991, alors que la puissance moyenne a diminué de 529 CV à 400 CV. Ceci traduit la volonté des armateurs de réduire les frais d'exploitation en pêchant dans la frange côtière.

La flottille crevettière est composée actuellement par trois types de navires: crevettiers glaciers (5), crevettiers-réfrigérés (8), crevettiers congélateurs (15). Les crevettiers glaciers ont besoin de la présence d'importantes infrastructures à terre, donnant ainsi de l'emploi à un nombre élevé de travailleurs, mais il sont économiquement moins performants. Les crevettiers congélateurs bénéficient d'une autonomie supérieure; ils peuvent donc effectuer des marées plus longues, en nécessitant moins de travail à terre. Au Cameroun, la tendance a été de remplacer les crevettiers glaciers par des crevettiers congélateurs.

La situation actuelle de la flottille industrielle est la suivante: huit armements gèrent 35 navires, dont six chalutiers et 29 crevettiers. Au ler janvier 1991, six sociétés bénéficiaient d'un agrément; elles sont aujourd'hui huit compte tenu de l'arrivée de trois nouvelles sociétés et de la faillite de la COTONNEC.

Il y a là une évolution intéressante à souligner: six bateaux étaient armés par la COTONNEC et ont donc annulé leurs activités, alors que dans le même temps six nouveaux bateaux ont été armés par les sociétés récemment agréées. Ainsi, la puissance moyenne des bateaux a plus que doublé en passant de 430 CV à 940 CV (voir Annexe No 2).

Par ailleurs, il semblerait que des nombreuses demandes d'agrément soient actuellement déposées et fassent l'objet d'un examen par les services compétents. En outre, cette tendance tendrait à se renforcer de par la présence sur le marché de nombreuses unités européennes déclassées et revendues à moindre prix.

La Direction de l'Industrie soutient en outre un programme ONUDI, en cours d'études, et qui viserait à construire sur place de nouvelles unités en bois.

1.4.2 Pêche artisanale maritime

a) Les embarcations

Sur la côte camerounaise, on peut distinguer d'après leur construction, leur forme, et leur utilisation, plusieurs types de pirogues.

La pirogue monoxyle: elle est formée d'une seule pièce taillée dans un tronc d'arbre. Elle est généralement conduite à la pagaie ou à la voile, mais les grandes unités, aux formes plus incurvées, peuvent être propulsées par moteur hors-bord. Les pirogues monoxyles les plus diffusées ont de 4 à 6 m de long, bien que pouvant atteindre 15 m. Leur durée de vie dépendant de l'essence utilisée, varie de 5 à 20 ans.

La pirogue monoxyle rehaussée de planches: elle diffère de la précédente par la présence d'un bordée qui augmente légèrement la largeur et la profondeur et surtout protège la coque de l'usure résultant des frottements des engins de pêche, cordages, etc.

La pirogue nigériane: elle est réalisée entièrement en planches, de forme généralement rectangulaire sur les côtés, et triangulaire au niveau des extrémités. Les pièces de bois sont jointes par d'innombrables clous dont on distingue les lignes sur les côtés. La forme est caractérisée, à l'avant, par la présence d'une étrave réunissant les bordées des deux côtés. La pirogue est propulsée par un moteur hors-bord, bien que les plus petites unités puissent avancer à la voile. La durée de vie moyenne de ce type de pirogue est de cinq ans.

La pirogue ghanéenne “watsha”: importée du Ghana, la pirogue ghanéenne est une embarcation monoxyle de grandes dimensions (12 m en moyenne) surmontée d'une planche. La pirogue est caractérisée du point de vue aménagement intérieur, par un certain nombre de compartiments et, surtout au milieu, par un pont sur lequel la senne est installée. Le moteur HB est monté sur un chevalet en bois très résistant pourront supporter les vibrations, situé généralement au quart arrière de la pirogue.

La pirogue nigérienne “Watsha”: c'est la version toute en planches de la pirogue ghanéenne avec la possibilité, pour ce type de construction, de réaliser de grandes embarcations, pouvant atteindre jusqu'à 18 m de long sur 3 m de large et 1,50 m de profondeur. La durée moyenne de vie de ce types de pirogues est de 5 ans.

La pirogue de pêche à la crevette de Bekumu: elle est généralement construite en planches mais certaines unités ont une base monoxyle assez importante sur laquelle sont montées ses bordées. Cette pirogue est caractérisée par un profil presque rectiligne et effilé, profond et large, et peut porter 30 à 40 filets à crevettes ainsi qu'un poids d'ancre équivalent à 500 kg.

Le nombre total de pirogues de la pêche artisanale maritime s'élève, selon la MIDEPECAM, à 5 243. La répartition par département s'établit de la manière suivante: Ndian 1 635, Fako 1 137, Wouri 1 218, Sanaga maritime 445, Océan 808.

La majorité des unités de pêche du département de l'Océan est constituée par des pirogues monoxyles de 3 à 6 m exploitées par un pêcheur individuel, généralement selon la technique du filet maillant dérivant. Dans le département du Ndian, la plupart des unités sont représentées par des pirogues en planches de 7 à 10m, avec un équipage de 4 à 6 hommes opérant généralement avec la technique du filet maillant encerclant. Dans les autres départements, on observe des unités de pêche, soit à caractère individuel (surtout camerounais), soit à caractère collectif (surtout les pêcheurs étrangers).

Lorsque la motorisation existe, la pêche artisanale maritime camerounaise utilise essentiellement des moteurs hors bord à essence, généralement d'une puissance de 8 ou 15 cv, et plus rarement de 25 ou 40 cv. Actuellement, le taux de motorisation n'est que de l'ordre de 37 % pour l'ensemble de la flottille. Toutefois, certaines techniques de pêche ne nécessitent pas l'utilisation d'un moteur (pêche aux petites crevettes dans les lagunes). Pour les autres types de pêche, l'évolution vers la motorisation est assez rapide, de sorte que le taux de motorisation pourrait atteindre 50 % vers la fin de 1991. Le tableau suivant récapitule la situation actuelle de la flottille artisanale par département:

Répartition des pirogues et des moteurs par département

DépartementNombre de piroguesNombre de moteursTaux de motorisation par département
Ndian1 63557935,41
Fako1 13734530,34
Wouri1 21853043,51
Sanaga maritime44528062,92
Océan80820225,00
Total5 2431.93636,93 (global)

(Source: MIDEPECAM)

b) Les engins de pêche

Les unités de pêche artisanale utilisent des engins de pêche qui sont extrêmement diversifiés. Ainsi, les pêcheurs artisanaux sont en mesure d'exploiter toutes les ressources disponibles (à l'exception des crevettes au- delà de 5–6 milles de la côte).

Les engins les plus utilisés par la pêche artisanale sont les filets maillant, calé, dérivant, ou encerclant, ainsi que les filets à petites crevettes de forme conique utilisés surtout dans le Ndian et le Fako.

Le rendement par armement varie selon le type d'exploitation (type, nombre et dimensions des engins; moteurs hors-bord; dimensions de la pirogue). Le manque total de statistiques de production rend l'évaluation du rendement extrêmement difficile.

L'approvisionnement se fait à travers la MIDEPECAM ou par le biais de circuits d'importations en fraude du Nigéria. La MIDEPECAM dispose de 5 agences situées dans différents départements côtiers, complétées par des ateliers de réparation des moteurs hors bord. Le matériel commercialisé par la MIDEPECAM est de bonne qualité bien que ses prix soient d'environ 30 % plus élevés que ceux des équipement importés en fraude.

Dans la mesure où les équipements importés illégalement sont souvent de mauvaise qualité, un nombre croissant de pêcheurs s'approvisionnent auprès de la MIDEPECAM; cependant, celle-ci est freinée dans ses actions par un budget modeste (300 millions FCFA environ) par rapport aux besoins de la pêche, ce qui conduit fréquemment à des pénuries ou des ruptures de stocks de matériel/pièces détachées.

Le Gouvernement camerounais, par le biais de la MIDEPECAM, a manifesté sa volonté d'améliorer le niveau de vie des pêcheurs en réduisant le coût du matériel de pêche en exonérant des droits de douane les équipements importés par la MIDEPECAM. Afin de favoriser la création d'un système mixte comprenant des commerçants privés et la MIDEPECAM, le Gouvernement devrait donner ces exonérations à l'ensemble des opérateurs. Ceci encouragerait notamment la création de coopératives d'approvisionnement de pêcheurs.

1.4.3 Pêche semi-industrielle maritime

Au Cameroun, la législation des pêches considère comme semi-industriels, les bateaux et les pirogues de la pêche artisanale propulsés par des moteurs de puissance égale ou supérieure à 30 CV. Le développement de la pêche semi-industrielle au Cameroun a commencé en 1977 avec l'introduction de la senne tournante coulissante “Watsha”. L'unité typique est constituée d'une pirogue en planches de 18 m, propulsée par un moteur HB de 40 cv à essence, utilisant un filet de 1000 m (chute 400 mailles), et étant opérée par un équipage de 20 personnes.

Malgré un investissement requis élevé (environ 14 millions FCFA: filet 10 millions, pirogues 3 millions, moteur 730 000), la pêche semi-industrielle est actuellement en plein développement. Dans le département du Yako par exemple, les embarcations de ce type sont passées de 18 unités en 1977 à 50 unités en 1990. Actuellement, on estime que le nombre total d'embarcations semi-industrielles au Cameroun pourrait être d'environ 100 unités.

Les captures de la pêche semi-industrielle sont substantielles (plus de 100t/an), et sont constituées principalement par des Ethmalosa et des Sardinella maderensis.

1.4.4 Pêche continentale

En zone forestière, l'approvisionnement en matériel de pêche constitue une contrainte majeure au développement du secteur. Les équipements sont difficiles à trouver, relativement chers et présentent rarement les caractéristiques désirées par le pêcheur.

Les engins de pêche les plus couramment utilisés sont les filets maillants et les palangres, et dans une moindre mesure les nasses et les éperviers. En plus de ces engins, on trouve également des petites lignes, des nasses utilisées en période de décrue notamment, des paniers, des épuisettes rondes sans manche, ainsi que des seaux utilisés pour la vidange des marigots. Sur le Nyong s'utilise aussi une sorte de senne tournante d'environ 50 m, avec 2 pirogues.

Les pirogues monoxyles sont en général petites (2,5 à 5 m), opérées par 1 à 2 personnes, et ne durent que 2 à 4 ans du fait de leur constitution en bois de parasolier. Sur le Dja, les pirogues sont souvent en bois de meilleure qualité et durent 5 à 6 ans.

Le taux de motorisation est très faible, à l'exception des pirogues utilisées pour le transport. La navigabilité des rivières rend l'usage de moteurs aléatoire, à cause d'obstructions diverses. Cependant, le manque de moteurs ne se fait pas trop sentir, le poisson étant abondant et les pêcheurs ne s'éloignant pas beaucoup, en général, sauf sur le Dja, où il font alors des camps saisonniers.

Le prix des matériaux est variable, de 1,4 à 3,6 fois plus cher qu'à Douala, selon le type de matériel, sa qualité et sa spécification. La nappe de 90 m (100 yards) de filet maillant, armé de ralingues, revient à environ 7 000 FCFA, le prix augmentant avec l'éloignement de Douala. Les matériaux pour un épervier de 4 à 6 m de diamètre valent environ 6 000 FCFA. Une pirogue de 2,5 à 5 m coûte de 15 000 à 100 000 FCFA, les grandes étant encore beaucoup plus chères. Un moteur hors-bord (moins de 15 cv) vaut 340 000 FCFA.

En zone centrale, s'il est plus aisé d'obtenir des matériaux pour les engins de pêche que dans le sud, ceux-ci provenant principalement du Nigéria (Fabrique de filets à Port Harcourt) ne sont pas de bonne qualité et relativement chers. Les pêcheurs arment eux-mêmes les filets maillants, éperviers (aussi tissés par eux), palangres, etc. Ce travail n'est généralement pas très bien effectué, sauf pour les éperviers (utilisés surtout à Bamendjing et Mbakaou où il y a moins d'obstruction dans l'eau).

Les engins utilisés comprennent le filet maillant, calé en rivières, dont les mailles varient selon les lieux, les espèces et les saisons. Des monofilaments à petites mailles sont également utilisés à Belabo pour les Alestes. Les pêcheurs utilisent également les éperviers, les palangres, avec ou sans appât, les lignes, avec ou sans canne, les nasses, et les lances (harpons) pour les grands poissons et les tortues.

Les embarcations comprennent essentiellement des pirogues monoxyles de 2 à 6 m, opérées par 1 ou 2 personnes. Le bois faisant de plus en plus défaut, celles-ci sont comme dans la zone forestière souvent faites en bois de parasolier qui dure 1 à 2 ans. On rencontre également, plus rarement, des pirogues planchées, qui constitueront certainement la pirogue d'avenir. La petite pirogue monoxyle coûte 70 000 à 120 000 FCFA à Mbakaou, 15 00 à 20 000 FCFA à Monatélé (en parasolier, pour 1 personne), alors que la pirogue en stipes de palmier coûte à Bamendjing 8 500 FCFA.

Les moteurs hors-bord sont rares et généralement ce sont les marchands/collecteurs et transporteurs qui en ont.

Le matériel nigérian (basse qualité), qui est acheté à 10–12 000 FCFA au Nigéria + 1 000 FCFA de douane, est revendu à 18 000 FCFA à Douala. Les grands hameçons, (# 2–4) valent 35 FCFA pièce, les plombs sont à 50 FCFA (15 g), 75 FCFA (37,8 g) et 100 FCFA (75 g). A ce titre, il vaudrait mieux vendre le plomb brut en barres (moins cher), et enseigner aux pêcheurs comment fabriquer les moules en argile cuite pour les couler.

1.5 Aspects socio-économiques de la pêche

1.5.1 Pêche artisanale maritime

Un recensement de la MIDEPECAM (1987) a dénombré 14874 pêcheurs artisanaux, dont 4 710 patrons de pêche et 10 164 aides-pêcheurs. Compte tenu des pêcheurs occasionnels, des pêcheurs absents, ainsi que des pêcheurs étrangers qui ont cherché à éviter ce recensement, on peut estimer que le nombre de pêcheurs artisanaux est compris entre 15 000 et 20 000. Parmi les pêcheurs recensés, 12 143 (81,6%) sont nigérians, 2 197 camerounais (14,8 %) et 575 de nationalités diverses (3,6 %).

La densité moyenne serait donc de 15 à 18 pêcheurs par kilomètre de côte. Toutefois, ce chiffre ne doit pas masquer une disparité régionale, la densité des pêcheurs étant décroissante en allant du nord (frontière avec le Nigéria) vers le sud, avec la seule exception du Département du Wouri, où la présence de Douala avec son marché, joue un rôle fondamental. Cette distribution des pêcheurs paraît dépendre plus de la proximité du pays d'origine (les Nigérians représentent 99,7 % des pêcheurs du Département de Ndian), des possibilitiés d'approvisionnement en équipement ainsi que de la commercialisation plutôt que de la disponibilité de ressources halieutiques (voir Annexe No 1).

Les caractéristiques socio-économiques des communautés de pêcheurs sont différentes suivant leur nationalité. Ainsi, les Nigérians sont des pêcheurs à plein temps. Auparavant, ces derniers évoluaient en marge de la société camerounaise, en exportant au Nigéria la plupart de leur production et en important en fraude le matériel de pêche. Or, à partir de 1982, la dévaluation progressive du Naira a profondément changé cette situation, et a notamment inversé les flux de commercialisation vers le Cameroun. En conséquence, les contacts avec la société camerounaise sont maintenant plus fréquents, ce qui favorise l'intégration de ces communautés dans le pays.

En ce qui concerne les Camerounais, à part les pêcheurs des grandes villes comme Douala, Limbé ou Kribi, qui sont des professionnels à plein temps, la plupart d'entre eux sont des pêcheurs occasionnels qui pratiquent aussi l'agriculture. Par ailleurs, les pêcheurs camerounais ne semblent pas devoir gérer leurs revenus tirés de la pêche d'une maniére optimale. L'ensemble de ces contraintes limitent par conséquence l'attraction que pourraient exercer les métiers de la pêche pour la population jeune camerounaise.

Pour les pêcheurs d'autres nationalités (Ghanéens et Béninois), la plupart d'entre eux sont des salariés qui forment les équipages des unités semi-industrielles, dont les armateurs sont le plus souvent des Nigérians ou des Béninois.

1.5.2 Interaction entre pêche artisanale et pêche industrielle

La quasi-totalité des ressources pélagiques est pêchée par la flottille artisanale. Par contre, les espèces démersales et les crustacés de la frange côtière sont pêchés indifféremment par la flottille industrielle ou par la flottille artisanale.

Avant d'analyser le type d'interaction pouvant exister entre les deux types de flottilles, il est nécessaire de faire un rappel sur certains aspects techniques :

La conjonction de ces facteurs a entraîné l'apparition d'une situation conflictuelle entre les deux flottilles, démontrée graphiquement par la Figure No 2. Ainsi, un nombre croissant de pêcheurs artisanaux sont confrontés à des problèmes de destruction de leurs filets par les navires industriels, même à l'intérieur de la zone des deux milles.

Cette situation tend à accélérer les phénomènes de surpêche, et elle a des effets néfastes sur l'organisation du travail de la flottille artisanale. Par exemple, dans la zone de Kribi, les pêcheurs ne placent leurs filets de fond de grandes dimensions, et donc plus performants, qu'à proximité des fonds rocheux, où le chalutage est impossible.

1.5.3 Pêche continentale

En zone forestière, les pêcheurs sont pratiquement tous des occasionnels de sorte que la pêche demeure une activité secondaire, en général en complément de l'agriculture. Certains pêcheurs sont aussi engagés dans des activités connexes (construction de pirogues, fabrication des engins, traitement, et commercialisation).

En général, ils ne pêchent que 100 à 170 jours par an. Parmi les pêcheurs, moins de la moitié ont un permis, surtout dans les zones éloignées. La plupart sur le Ntem sont étrangers (Gabonais, Congolais, Equato-guinéens, Nigérians). Sur le Dja, la majorité sont Camerounais et sur le Nyong aussi. Leur niveau de connaissance de la pêche est généralement rudimentaire, mais ils sont bons observateurs et comprennent bien le comportement des poissons. Il n'est pas possible d'estimer le nombre de pêcheurs, mais il y en a 160 avec permis sur le Nyong (Akonolinga), 250 à Batouri, 39 sur le Dja, 3 sur le Kom (Nem), et 143 en attente de permis à Sangmelima. On estime donc le nombre de pêcheurs à quelque 1500 – 2000 en zone forestière.

En zone centrale, le nombre total de pêcheurs est estimé entre 4 800 et 5 300, parmi lesquels se retrouve une forte proportion de pêcheurs étrangers (environ 80 %), de nationalité nigériane surtout, mais aussi malienne et nigérienne. Cette surreprésentation pose parfois des problèmes comme cela a été le cas à Bamendjing où, suite à un conflit, les agriculteurs/pêcheurs locaux ont causé le départ de presque tous les étrangers. Parmi les étrangers, nombre d'entre eux sont des saisonniers (environ 60 %), surtout sur Mapé et la Sanaga, quoiqu'un nombre substantiel de Nigérians, notamment, se soit fixé de manière durable.

Des mouvements saisonniers ont lieu, en saison des pluies surtout, du nord vers le sud (Sanaga et Mbakaou, pêcheurs mousgoums, depuis Lagdo principalement) et du nord vers l'ouest, sur Mapé; les retours s'effectuant en octobre-décembre. On assiste aussi à un mouvement de migration saisonnier entre Mapé et Mbakaou. Environ 10 % des pêcheurs fixes sont nigérians (professionnels) alors que la majorité est camerounaise (Kotoko et Baya principalement).

De manière générale, les pêcheurs sont individualistes et se montrent assez réticents à s'organiser en groupements. La pêche est perçue comme une activité très rentable en dépit des difficultés d'approvisionnement en matériel de pêche, du manque d'encadrement, et du manque d'information.

2 LE SECTEUR DE LA PISCICULTURE

2.1 Historique

Les débuts de la pisciculture au Cameroun remontent à 1948, année où fut construit le premier barrage à vocation piscicole à Yaoundé. Au début des années cinquante, l'intérêt suscité par cette nouvelle technique a été tel que près de 5 000 barrages/étangs ont été aménagés dans le centre et l'est. Déjà, la production n'a pas été à la hauteur des espoirs, car la technique d'élevage n'était pas bien maîtrisée et la disponibilité en alevins insuffisante.

Ainsi, en 1954, un plan de développement a été mis en oeuvre et a conduit à la réalisation, jusqu'en 1960, de 22 stations publiques, à la mise en place d'un service de vulgarisation, et à la construction par les paysans de près de 10 000 étangs ruraux et barrages. Les vulgarisateurs étaient chargés d'aider les paysans à construire les barrages. Ensuite, la station fournissait les alevins nécessaires. Enfin, le vulgarisateur aidait le pisciculteur à gérer son étang jusqu'à la récolte.

A partir de 1960, l'encadrement piscicole et les stations d'alevinage ont été quelque peu délaissés, si bien qu'en 1968, un nouveau projet de développement de la pisciculture a été lancé (PNUD/FAO/CTFT Régionale Afrique centrale). Jusqu'en 1972, ce projet a permis de vulgariser de nouvelles techniques de polyculture carpe/Clarias/Tilapia nilotica, d'améliorer les techniques de production d'alevins de carpes et de Clarias en écloserie, de faire connaître les élevages (porcs/poulets) associés à la pisciculture, et d'aider les pisciculteurs à construire des étangs.

Le gouvernement a également créé un service de vulgarisation (140 moniteurs couvrant l'ensemble des zones favorables à cette activité) afin de promouvoir l'activité piscicole. La formation des moniteurs est assurée à Foumban et celle des cadres à l'ENSA, à Dschang et à l'étranger (Port Harcourt, Nigéria et Bouaké, Côte d'Ivoire).

Un réseau de 32 stations de pisciculture et centres d'alevinage a été aménagé, mais les résultats obtenus ont été en deçà des prévisions. Par la suite, le gouvernement a demandé l'assistance des projets ZAPI et BIRD, basés dans l'Est et chargés de promouvoir la construction de barrages extensifs, ainsi que l'aide de divers projets Peace Corps pour développer la pisciculture intensive de Tilapia nilotica en étangs de dérivation (Ouest, Centre-Sud, Est et Adamaoua).

Par ailleurs, plusieurs propositions de fermes aquacoles commerciales ont été faites au gouvernement: la SOGREAH, a réalisé en 19882 l'étude technico-économique de plusieurs installations d'élevage de poissons marins et d'eau douce, de crevettes et de coquillages pouvant être implantées sur des sites sélectionnés du littoral, et de l'intérieur. La coopération italienne, a proposé en 1989 l'aménagement d'une ferme piscicole de 10 ha où serait effectué l'élevage intégré de poissons d'eau douce (carpe/Tilapia nilotica/ Clarias) et de poulets. Ces projets sont intéressants et s'intègrent bien à la politique du gouvernement d'autosuffisance alimentaire, mais nombre d'aspects techniques ne sont pas encore suffisamment connus, et ils ont été jugés trop ambitieux par les ministères concernés.

2.2 Infrastructures existantes

Des efforts importants ont été réalisés depuis les années 50 pour développer la pisciculture. Les techniques vulgarisées diffèrent suivant les régions. C'est ainsi que dans l'Ouest et le Nord-Ouest, plus de 5 000 étangs de dérivation ont été construits, dont environ 1 000 sont encore en activité aujourd'hui. On y pratique la polyculture carpe/Clarias/Tilapia nilotica en utilisant des alevins provenant des stations spécialisées.

L'alimentation provient essentiellement de la fertilisation de l'eau par compost. Dans quelques cas, les pisciculteurs pratiquent un élevage de poulets associé à l'étang. Parfois, une alimentation complémentaire à base de son, de riz et de déchets de cuisine est distribuée aux poissons.

Dans les régions forestières du Centre, du Sud et de l'Est, plus de 1000 barrages de pisciculture extensive ont été aménagés. Les poissons utilisés sont Tilapia nilotica, Clarias et Heterotis. D'une manière générale cette technique représente un potentiel intéressant mais la gestion empirique de la plupart de ces retenues ne permet pas d'obtenir de résultats satisfaisants à moyen terme.

Depuis quelques années, un projet de pisciculture intensive en étangs de dérivation existe dans l'extrême est avec des résultats encourageants.

Dans l'Adamaoua enfin, zone d'élevage où il y a une saison sèche de 5 mois, plus de 100 barrages agro-pastoraux ont été construits. Certains d'entre eux ont été alevinés, ce qui permet de produire du poisson dans une région où il fait défaut, surtout à l'état frais.

Afin d'assurer l'approvisionnement en alevins de tous ces aménagements ruraux, un réseau de 32 stations de pisciculture et de centres d'alevinage a été mis en place. Les stations connaissent toutes des difficultés de fonctionnement et ne peuvent pas satisfaire la demande en alevins, surtout en carpes et en Clarias. En conséquence, la plupart des étangs et barrages du pays sont sous-exploités ou abandonnés (taux d'abandon supérieur à 60 % d'après les rapports des Délégations Provinciales).

L'Institut de Recherches Zootechniques, dans ses stations de Limbé et de Foumban ainsi que la Direction des pêches au Centre National d'Aquaculture de Foumban (CNA), travaillent sur des programmes de recherche dont l'objectif principal est de résoudre les problèmes posés par la vulgarisation de la pisciculture.

2.3 Potentialités de développement

Le climat, la topographie et la nature du sol pour la plupart des petites vallées de l'Ouest et du Nord-Ouest, des zones forestières du Centre, Sud et Est, et enfin du plateau de l'Adamaoua sont propices au développement de la pisciculture. De plus, tout au long des 360 km du littoral atlantique, de nombreux sites pourraient abriter des aménagements aquacoles.

Malgré tous les efforts faits depuis plus de quarante ans, la pisciculture est toujours une activité marginale au Cameroun. Pourtant, grâce à la variété de ses climats généralement très humides, aux reliefs plus ou moins accidentés, et aux sols profonds, il est possible d'établir des aménagements piscicoles dans une grande partie du pays, adaptés à chaque type de région. Ainsi, le grand nombre de sites favorables à ce genre d'activité, fait que le Cameroun pourrait développer l'aquaculture et donc réduire considérablement son déficit en poisson.

Les estimations du nombre d'étangs et de barrages (MINEPIA/SOGREAH, 1982; Balarin, 1985; Satia, 1987) sont variables. Qui plus est, il est difficile, d'après les données existantes, de distinguer les étangs des barrages. En effet, il y aurait dans le pays entre 9 000 et 12 000 aménagements piscicoles dont environ 4 000 en activité.

Le potentiel actuel de production des stations et centres d'alevinage serait, selon la Direction des Pêches, de 1 800 000 alevins de Tilapia nilotica, 200 000 carpes, 40 000 Clarias, ainsi que 36 t de poissons de taille marchande. Cependant, la production effective est bien inférieure à ces chiffres. Ainsi, 12 149 alevins ont été vendus à des pisciculteurs en 1989/90 d'après les rapports des Délégations Provinciales. De même, on estime que la production totale de poisson de pisciculture continentale dans l'ensemble du pays oscille entre 23 t (Balarin, 1985) et 200 t (Direction des pêches). Dans la mesure où le chiffre de 23 t semble inférieur à la réalité, alors que celui de 200 t représenterait plutôt la capacité totale de production de tous les aménagements piscicoles, actifs ou inactifs, on évalue la production pour l'ensemble du pays à quelque 50 t/an.

Les aménagements existants pourraient recouvrir environ 1 % des sites potentiels. D'après ces observations la production de la pisciculture continentale pourrait être comprise entre 2 300 et 20 000 t par an.

En ce qui concerne l'aquaculture marine, le potentiel sur les 360 km de côte est difficile à estimer car il n'existe à ce jour aucun aménagement aquacole. La SOGREAH, a étudié en 1982, 13 sites aquacoles possibles mais la liste n'est pas limitative.

2.4 Contraintes au développement

2.4.1 Raisons techniques

Les relations devant exister entre la partie recherche/développement (stations de pisciculture, centres d'alevinage), encadrement (moniteur), et production (pisciculteur) sont encore insuffisantes dans la mesure où le moindre problème à l'un des trois niveaux bloque l'ensemble du système.

Le premier blocage provient de l'insuffisance de la production d'alevins, surtout de carpes, Clarias et Heterotis dans les stations, les pisciculteurs étant dans l'impossibilité de s'approvisionner ailleurs.

Le niveau de formation des moniteurs est relativement faible; ils ne peuvent enseigner qu'une seule technique et n'ont pas la possibilité de s'adapter à des situations variables dans le temps et l'espace. En outre, leurs moyens de fonctionnement sont insuffisants, certains ne disposant même pas de l'équipement de base tel que: filet, seaux, balance, épuisette, ou encore matériel de transport d'alevins.

Le problème du manque de livrets de vulgarisation est grave car le personnel de vulgarisation ne peut compter que sur sa mémoire pour former les pisciculteurs. De plus, le niveau de formation des pisciculteurs est trop faible, ce qui les rend totalement dépendants des moniteurs pour les questions techniques (choix des espèces en fonction du site, gestion de l'étang, récolte, commercialisation). Or, la trop grande étendue de la zone de travail ainsi que le nombre limité de moniteurs, empêchent les visites régulières pourtant nécessaires auprès des pisciculteurs.

2.4.2 Raisons économiques

La production dans les étangs est demeurée plus faible que prévue jusqu'à présent, ce qui a provoqué le découragement des pisciculteurs. Les principales raisons en sont: alevins d'espèces non performantes, taux d'alevinage incorrect, fertilisation insuffisante, pas d'aliment complémentaire, présence de prédateurs, vols, mauvaise gestion, entretien de l'étang insuffisant, prolifération de juvéniles de Tilapia et apparition de nanisme parmi la population.

De surcroît, aucun pisciculteur ne pratique la pisciculture comme activité principale. L'étang est donc généralement sacrifié plus facilement que d'autres activités jugées plus importantes en cas de besoin (travail urgent dans les plantations). Le travail manuel est aussi un facteur limitant dans le milieu rural. Par ailleurs, dans certaines régions, l'accès à la terre est difficile (Ouest et Nord-Ouest). Enfin, les méthodes d'élevage vulgarisées ne sont pas toujours adaptées aux conditions locales.

La plupart des paysans manquent de liquidités pour acheter un site destiné à la pisciculture et construire un étang. Aucun organisme de crédit n'accepte de prêter de l'argent à un petit paysan qui ne peut présenter une caution. En plus de cela, aussi bien pour la pisciculture rurale que commerciale, les données économiques disponibles sont encore trop imprécises pour les organismes financiers.

Le budget des stations de pisciculture est insuffisant et irrégulier, ce qui empêche une gestion efficace, et réduit par conséquent la possibilité d'autofinancement de ces stations.

La plupart des stations de pisciculture fonctionnent selon des cycles de quelques années, que l'on peut schématiser ainsi: Investissement - construction de la station - production - apparition de contraintes - déficit - disparition du fonds de roulement - arrêt de la production - abandon - nouveau projet - investissement - réhabilitation - etc. Or, ce schéma classique constitue une contre-publicité. Afin de modifier cette mauvaise image, les stations gouvernementales devraient servir d'exemple et inciter les investisseurs privés à se lancer dans le pisciculture (voir Annexe No 9 pour un exemple de gestion d'un centre d'alevinage/polyculture et estimation du compte d'exploitation).

2.4.3 Raisons humaines

Les contraintes d'ordre social peuvent être résumées comme suit:

Néanmoins, en dépit de tous les blocages décrits ci-dessus, la pisciculture demeure une activité potentiellement économique, à condition que la méthode choisie corresponde aux réalités de la région considérée.


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