Page précédente Table des matières Page suivante


PARTIE II
OBJECTIFS, STRATEGIE, ET PROGRAMMES

1. OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT SECTORIEL

1.1 Politique économique du gouvernement

Le Cameroun traverse actuellement une crise économique. Un programme de relance a ainsi été mis en oeuvre depuis 1989, dont les objectifs globaux sont de poursuivre la politique de croissance économique afin d'améliorer le bien- être de la population, et d'aboutir rapidement à l'autosuffisance alimentaire.

Ces deux objectifs s'inscrivent dans un cadre plus général de libéralisation de l'économie, de promotion du secteur privé, et de désengagement de l'Etat au niveau de l'appareil de production pour réorienter les services publics vers les activités sociales.

Le programme de relance économique du Gouvernement camerounais tient compte de la situation économique qui frappe le pays, et appelle des efforts de stabilisation et d'ajustement des coûts et des structures pour permettre un développement économique plus efficace et plus compétitif (Déclaration de Stratégie et de Relance Economique, mai 1989).

Face à cette nécessité, le gouvernement a conçu un ensemble de mesures depuis 1987/88 dans le cadre d'un programme dont les objectifs principaux sont les suivants:

Les différents volets de ce programme reposent sur trois principes fondamentaux, à savoir:

1.2 Politique globale de développement des pêches à moyen/long terme

En matière de politique des pêches et de l'élevage, le gouvernement souhaite relancer ces secteurs en développant les axes suivants:

En ce qui concerne plus spécifiquement le secteur des pêches, l'objectif de développement du gouvernement est de promouvoir la production nationale de poissons en vue de réduire la part des importations de produits halieutiques dans la consommation de la population.

Dans le domaine de la pêche maritime industrielle, le gouvernement souhaite encourager la négociation d'accords de pêche avec les pays voisins pour permettre l'accès des armements camerounais à leurs eaux territoriales.

Dans le domaine de la pêche artisanale (maritime et continentale), le gouvernement veut doter les pêcheurs artisans de moyens financiers supplémentaires, à travers l'ouverture de lignes de crédits gérées par les institutions compétentes, et leur organisation au sein de coopératives pour faciliter leur encadrement. Par ailleurs, le plan prévoit l'amélioration du système de conservation et de commercialisation du poisson.

Dans le domaine de la pisciculture, le gouvernement prévoit l'équipement des stations piscicoles, en vue d'assurer une production plus intense d'alevins en quantité et en variété tout en assurant leur distribution aux pisciculteurs. Le plan vise également à développer la vulgarisation et la production d'aliments pour poissons.

Au niveau institutionnel, il est envisagé de restructurer la MIDEPECAM en vue d'accroître sa capacité et son efficacité d'intervention en matière d'encadrement et d'accès au crédit, et de renforcer le Centre national de formation zootechnique et vétérinaire de Foumban pour augmenter le personnel d'encadrement.

Par ailleurs, eu égard à l'impossibilité d'étendre la ZEE camerounaise (l'île de Bioko en République de Guinée équatoriale à environ 40 km à l'ouest de Douala), et en raison de sa production halieutique déficitaire, le Cameroun a entrepris diverses démarches diplomatiques pour se voir accorder l'accès aux eaux de pays africains limitrophes. Jusqu'à 1983 un accord tacite existait entre le Cameroun et le Nigéria selon lequel les navires camerounais pouvaient exploiter les eaux nigérianes. De la même façon, un accord de réciprocité était signé avec la Guinée équatoriale en 1973, mais non appliqué.

L'accord le plus récent a été signé en février 1991 avec le Sénégal. Cette convention permet également la réciprocité des droits de pêches. Cependant, il semblerait que cet accord profite plus au Sénégal compte tenu de l'éloignement géographique et des capacités de sortie limitées des bateaux camerounais. L'existence de mercuriale, l'absence de taxes à l'entrée pour les bateaux de pêche enregistrés au Cameroun, la possibilité offerte aux pêcheurs d'acheter directement à un bas prix le poisson au Sénégal faciliterait ce type d'opérations. Cet accord prévoit également la coopération dans les domaines de la recherche océanographique.

On peut souligner qu'à travers les accords de réciprocité, le Cameroun considère les accords de pêches dans un contexte beaucoup plus large basé sur la promotion des échanges interrégionaux portant sur des ressources naturelles, pas forcément halieutiques, qu'il possède en abondance. On peut citer par exemple les termes commerciaux favorables pour le bois, dont le Cameroun regorge en échange d'accords de pêches.

Il est important de noter que la politique sectorielle ne résulte pas à l'heure actuelle de choix fondés sur une planification indicative basée sur une analyse approfondie de la situation (revue sectorielle), et sur la formulation d'options prioritaires (stratégies) mises en oeuvre par des programmes coordonnées (intégration de projects). Ceci provient d'une part de l'absence de séries statistiques et d'information socio-économiques régulièrement collectées et, de l'absence au sein du MINEPIA d'une cellule de planification susceptible d'analyser ces données et de formuler et suivre une politique rationnelle soutenue par un programme d'action réaliste.

1.3 Potentiel de développement de la production halieutique et aquacole

L'objectif principal du gouvernement est d'augmenter la disponibilité nationale en produits halieutiques et piscicoles afin d'atteindre l'autosuffisance en matière de protéines animales provenant de la pêche.

Toutefois, les principaux stocks de poissons marins au Cameroun semblent être soumis actuellement à un niveau d'exploitation proche du maximum, alors que certains stocks démersaux, ainsi que les stocks crevettiers, sont, d'après des observations de terrain, en état de surexploitation biologique. Dans de telles conditions, les pêcheries maritimes n'offrent que peu de potentialités de développement.

On peut toutefois citer le cas de certains stocks de démersaux et crustacés, situés dans les eaux du Département de l'Océan au sud de Kribi-Campo, qui offrent quelques perspectives de développement. Le potentiel de développement de ces pêcheries pourrait s'élever à 2 800 t/an.

En ce qui concerne les pêcheries continentales, le niveau d'exploitation est moins alarmant que sur la façade maritime. En zone forestière, le potentiel de développement est de l'ordre de 2 500 t/an, et en zone centrale, d'environ 5 000 t/an. Dans la région du nord, le manque flagrant de statistiques ne permet pas de donner ne serait-ce que de simples estimations.

Pour l'aquaculture, le potentiel de développement peut être estimé par extrapolation à partir de la proportion d'étangs et barrages exploités actuellement et leurs productions respectives, par rapport à l'ensemble des sites potentiels. Ainsi, on estime que l'aquaculture pourrait produire entre 2 300 et 20 000 t/an.

Par conséquent, le potentiel de développement halieutique et piscicole au Cameroun peut actuellement être placé entre 12 600 et 30 000 t/an. Ceci représenterait une production potentielle totale comprise entre 135 000 et 150 000 t/an.

1.4 Adéquation des objectifs proposés à court/moyen terme avec la politique gouvernementale

Le but de la mission était de faire des propositions pour l'élaboration d'un Plan directeur de développement des pêches sur le court/moyen terme (1992–96), en accord avec la politique gouvernementale. Compte tenu des priorités nationales et des principales contraintes sectorielles, dont la surexploitation des stocks halieutiques, notamment marins, la stratégie doit permettre d'atteindre les deux objectifs prioritaires suivants:

  1. dans le court terme, mettre en oeuvre des systèmes d'aménagement sur les pêcheries soumises à un taux d'exploitation excessif, et notamment sur les stocks de démersaux et de crevettes;

  2. dans le court/moyen terme, concentrer les efforts de développement sur les quelques pêcheries encore sous-exploitées, diminuer les pertes après capture, et développer la pisciculture.

Compte tenu de la demande en poissons insatisfaite actuellement, de l'augmentation continue de la population camerounaise (taux de croissance annuel de 2,2 %), et de l'état proche du maximum d'exploitation envisageable pour les principaux stocks, l'objectif à atteindre à l'issue du prochain Plan directeur des pêches au Cameroun est le maintien, voire une légère augmentation, de la production domestique. Dans ce contexte, le Plan devra accorder une priorité à la mise en oeuvre d'un programme d'aménagement des pêches pour éviter l'effondrement des stocks.

Afin de maintenir le niveau actuel de consommation de poisson par habitant (environ 16,2 kg/an) jusqu'en l'an 2000, la population devant alors s'élever à près de 15 millions d'habitants, le Plan devra prévoir des mesures visant à poursuivre ses importations, et surtout à diminuer ses exportations informelles vers les pays limitrophes, estimées à 50 000 t/an.

Il y a actuellement divers facteurs favorables à la réalisation de ces objectifs dans le cadre du programme de relance économique du pays. Ces facteurs sont, en particulier, la libéralisation de l'économie, la promotion du secteur privé, et le désengagement de l'Etat au niveau de l'appareil de production.

1.5 Axes stratégiques et Programme d'action

Dans les sections qui vont suivre, les efforts porteront sur les moyens à mettre en oeuvre pour réaliser les objectifs ci-dessus par la mise en oeuvre des trois axes stratégiques suivants:

  1. renforcer l'Administration centrale des pêches en matière de planification du développement et surtout de l'aménagement des pêcheries;

  2. développer les pêcheries encore sous-exploitées à l'heure actuelle, et améliorer les méthodes de transformation et de commercialisation des produits de la pêche afin de diminuer les pertes post-capture;

  3. promouvoir le développement d'une pisciculture à caractère commercial, faisant largement appel à une participation d'un secteur privé indépendant aux plans techniques et financiers.

L'approche et les moyens pour mettre en oeuvre la stratégie de développement à court/moyen terme décrite précédemment s'appuiera sur les trois programmes d'action intégrées a), b) et c) suivants:

  1. Compte-tenu de la situation actuelle au Cameroun, une politique cohérente d'aménagement des pêches ne peut être menée que par une Administration formée, notamment en socio-économie, disposant d'outils de travail performants, et travaillant de manière coordonnée au niveau interne. Ainsi, l'Administration des pêches devra d'abord être réorganisée différemment afin d'optimiser le travail de chaque service, avant de recevoir un complément de formation en sciences humaines, et en particulier en matière de planification et suivi des programmes et projects de développement. En parallèle, un programme de collecte et traitement des données statistiques sera mis en place. Lorsque l'Administration disposera de capacités de gestion supplémentaires, une politique d'aménagement des pêches pourra être entreprise, notamment à travers les points suivants: harmonisation des législations, mise en place de systèmes de contrôle et de surveillance des pêcheries, amélioration de l'environnement fiscal et financier, et, enfin, adéquation des programmes de recherche avec les besoins de l'aménagement. Par ailleurs, cette politique d'aménagement sera accompagnée par des mesures visant à réguler l'effort de pêche développé actuellement par les flottes industrielles, et dans une moindre mesure la pêche artisanale.

  2. Lorsqu'une politique efficiente d'aménagement des pêches aura été initiée, les efforts pourront porter sur le développement des pêcheries encore peu ou pas exploitées. Des projets de développement pourront ainsi être initiés, après études technico-économiques préalables, dans les eaux du Département de l'Océan au sud de Kribi-Campo, et pour la pêche continentale dans la zone forestière et la zone centrale. Par ailleurs, des actions ponctuelles visant à améliorer les systèmes de transformation, stockage, distribution et commercialisation des produits de la pêche, pourront être initiées. Ces projets devront, en particulier, impliquer la Station de recherche halieutique de Limbé, qui dispose de réelles compétences dans le domaine de la recherche sur les technologies post-capture.

  3. En même temps que sera lancé le programme b), le gouvernement pourra concentrer ses efforts de développement sur la promotion du développement de la pisciculture. En raison de l'expérience acquise dans ce domaine, ainsi que des nouvelles orientations de la politique économique, le secteur piscicole devra progressivement s'orienter vers une activité soumise aux lois du marché, comprenant une participation accrue des entrepreneurs privés. Afin de soutenir cette transition, les établissements publics à vocation piscicole devront, dans un premier temps, privilégier la formation et la production d'alevins, et, dans un deuxième temps, s'orienter vers des activités d'encadrement technique, vétérinaire et économique. Par ailleurs, les services publics pourront aussi participer à des opérations de sensibilisation des milieux bancaires à l'activité piscicole.

2. STRATEGIE A COURT/MOYEN TERME

2.1 Mettre en place une politique active d'aménagement des pêches

La mise en place d'une politique efficiente en matière d'aménagement des pêches nécessite un certain nombre d'actions visant, d'une part, à renforcer les capacités institutionnelles en termes d'organisation, de formation en socio-économie et de disponibilité en statistiques fiables, et, d'autre part à mettre en place un environnement juridique, financier, fiscal, et scientifique adapté à l'exploitation rationnelle du potentiel halieutique et piscicole.

Certaines recommandations ne pourront être appliquées que lorsque l'Administration centrale aura été réformée et renforcée. C'est ainsi le cas de tout ce qui a trait à la législation, au contrôle, à la fiscalité et à la recherche. De ce fait la priorité revient au renforcement des capacités institutionnelles. Par ailleurs, tant que l'Administration ne disposera pas d'un service de planification s'appuyant sur un système de statistiques fiables, aucune autre action ne saurait être effective.

2.1.1 Renforcement et réorqanisation des institutions compétentes en matière de qestion du secteur

Le Service des pêches du Cameroun se trouve aujourd'hui dans une situation particulièrement délicate dans la mesure où les moyens humains et financiers sont soumis à certaines restrictions relatives au programme de relance économique. De plus, le pays s'est fixé comme principal objectif de parvenir à l'autosuffisance alimentaire avec une population en croissance constante. Or, dans le secteur de la pêche, les ressources commencent à stagner alors que la demande augmente sans cesse. Dans ce contexte, parfois paradoxal, il est nécessaire que le gouvernement accorde une attention particulière au renforcement des capacités institutionnelles en matière de gestion des pêches.

i) Optimisation du fonctionnement du MINEPIA

Les trois services opérationnels de la Direction des pêches (DP) favorisent les échanges d'information entre eux, et collaborent fréquemment pour traiter les dossiers. Ceci existe également, mais dans une moindre mesure entre les autres services du MINEPIA.

En ce qui concerne les services décentralisés de la DP, à savoir les Délégations provinciales, les stations aquacoles, et les centres de formation, les échanges d'information demeurent insuffisants dans la mesure où ces services doivent se référer directement au Secrétariat général du MINEPIA. En effet, les rapports d'activité et les statistiques, lorsqu'elles existent, sont d'abord transmis au Secrétariat général qui les traite avant de les redistribuer aux services concernés. Ainsi, en plus des longs délais de circulation de l'information, s'ajoute le problème de coordination et de manque d'instruction entre les services centraux et les services de terrain.

Enfin, au niveau des centres de pêche, on peut déplorer que les agents chargés de sensibiliser les opérateurs sur les aspects liés à la qualité des produits, ainsi que les agents chargés de collecter les statistiques, sont souvent les même que ceux qui perçoivent les amendes ou les taxes. Ceci renforce la suspicion des pêcheurs qui de ce fait ne participent que faiblement à la réalisation de ces activités liées à l'aménagement des pêches.

Par conséquent, le gouvernement pourrait considérer les recommandations suivantes:

ii) Formation des agents

Actuellement, il n'existe aucune ligne budgétaire spécifique aux actions de formation dans le secteur des pêches. Pourtant, les besoins en la matière, notamment en socio-économie des pêches, sont importants.

Par conséquent, le gouvernement pourrait considérer les recommandations suivantes:

iii) Création de la fonction planification

La fonction planification n'est pas à l'heure actuelle intégrée dans le processus de décision gouvernemental. Les rares moyens humains et financiers alloués à cette fonction sont dispersées et non coordonnés. De plus, très souvent, l'information statistique et scientifique, lorsqu'elle existe, est assez faible. Dans ces conditions, le gouvernement, et en particulier la DP, n'est pas en mesure de prendre des décisions argumentées et reposant sur des données statistiques fiables et sur une analyse approfondie de la situation.

Pourtant, la mise en oeuvre d'une fonction planification présenterait de nombreux avantages pour assurer la gestion du secteur des pêches: accélération de la prise de décision, analyse systématique des contraintes et opportunités, rationalisation des choix comprenant notamment une prise en compte des aspirations du secteur privé, coordination et adéquation de la politique envisagée avec les objectifs macro-économiques du gouvernement, etc. Ce besoin de planification est d'autant plus nécessaire au Cameroun que le processus de décision politique est dispersé entre le MINEPIA et le MINDIC.

Par conséquent, le gouvernement pourrait considérer les recommandations suivantes:

iv) Renforcement de la fonction statistique

Le service des statistiques qui existe aujourd'hui est peu productif du fait notamment de sa dispersion. Les statistiques de la pêche artisanale, marine et continentale, font particulièrement défaut dans la mesure où ce ne sont que de simples estimations souvent approximatives. Pour la pêche industrielle, le port de Douala constitue cependant une source d'information importante.

Les faiblesses du service statistique tiennent à plusieurs raisons dont les principales sont les suivantes: manque de motivation des agents du fait de l'insuffisance des moyens mis à leur disposition et de leur formation, absence de fiches standardisées pour la collecte de l'information et établies selon les besoins de l'aménagement, longs délais de circulation de l'information, manque de coordination entre les services centraux et les services provinciaux, manque de confiance des pêcheurs vis-à-vis des agents, chargés aussi en même temps de collecter les taxes.

Par conséquent, le gouvernement pourrait considérer les recommandations suivantes:

Les fonctions “statistique et planification”, indispensables à l'heure actuelle, font l'objet de la fiche de projet n°1. Ce projet comprend un renforcement des capacités de coordination et de suivi de la Direction des pêches, et la mise en place de nouvelles activités de collecte et traitement de données statistiques et d'information socio-économique.

2.1.2 Harmonisation des léqislations et renforcement des relations interministérielles

i) Harmonisation des législations

Au Cameroun, la loi 81–13 du 21 Novembre 1981 définit le régime juridique des Forêts, de la Faune et de la Pêche. Cette loi est une loi cadre dont l'application nécessite la publication de textes réglementaires spécifiques. En l'absence d'une évaluation précise des stocks biologiques, il paraît difficile de publier de nouveaux décrets, et ce jusqu'à ce que l'Administration dispose de données fiables.

Toutefois, compte tenu du niveau d'exploitation des stocks alarmant, un certain nombre de mesures visant à réguler l'effort de pêche développé sur les pêcheries maritimes, et en particulier sur celles exploitées par la pêche industrielle, pourraient être prises.

Par conséquent, le gouvernement pourrait considérer les recommandations suivantes:

ii) Renforcement des relations interministérielles

Des négociations entre le MINDIC et l'ONUDI sont actuellement en cours afin d'examiner la faisabilité de l'implantation d'industries navales au Cameroun. Ce projet viserait tout particulièrement à construire des bateaux en bois, puissants et de bonne qualité. Or, il est étonnant de constater que la Direction des pêches ne participe pas aux négociations. Sans compter que la construction d'unités plus performantes risquerait d'accélérer l'effondrement de la plupart des stocks halieutiques, déjà soumis à un niveau d'exploitation élevé.

Par conséquent, le gouvernement pourrait considérer la recommandation suivante:

2.1.3 Renforcement du contrôle et de la surveillance des pêcheries

Le Cameroun rencontre beaucoup de difficultés à faire respecter sa législation des pêches et ses réglementations en mer. Ceci peut s'expliquer par le coût important que représenterait une flottille de surveillance adéquate, surtout en regard des bénéfices escomptés immédiats, qui seraient certainement inférieurs à ces coûts. Pourtant, dans la zone des deux milles, on observe souvent des opérations de chalutage qui normalement sont interdites. De même, dans la Zone économique exclusive camerounaise, des armements battant pavillon étranger opèrent souvent sans licence ni accord préalable. Or, dans un contexte de surexploitation probable des stocks marins, il est nécessaire qu'un minimum de contrôle soit effectué.

Par conséquent, le gouvernement pourrait considérer les recommandations suivantes:

2.1.4 Amélioration de l'environnement fiscal et financier

i) Environnement fiscal

Le secteur industriel bénéficie, contrairement au secteur artisanal, de mesures fiscales intéressantes pour l'entrepreneur telles que la détaxation sur le gas-oil ou encore sur l'importation d'équipements. Par ailleurs, la vente des équipements dans le secteur artisanal est largement influencée par l'intervention de la MIDEPECAM, ce qui a pour effet de limiter le nombre de commerçants privés susceptibles d'offrir des prix plus compétitifs, au détriment du développement de la pêche artisanale.

Or, dans la mesure où actuellement le régime fiscal est de nature à favoriser le secteur industriel, on peut redouter que ceci accélère l'effondrement de la plupart des stocks marins.

Par conséquent, le gouvernement pourrait considérer les recommandations suivantes:

ii) Environnement financier

Le secteur industriel bénéficie, en matière d'accés au crédit, d'une sollicitude plus grande que le secteur artisanal. Le code des investissements est ainsi nettement plus avantageux pour le secteur industriel. Par ailleurs, il est à noter que les rares tentatives de mise en place des lignes de crédits bancaires à taux avantageux pour le secteur artisanal, initiées par des institutions publiques, se sont soldées par des échecs.

Par conséquent, le gouvernement pourrait considérer les recommandations suivantes:

iii) Politique des prix

La politique de prix menée par le gouvernement s'appuie sur un système de mercuriales. Ce système semble inadapté et favorise dans certains cas la mise en oeuvre de mécanismes frauduleux.

En effet, ce système de mercuriales influe largement sur le commerce et donc la consommation de poisson congelé importé. Le poisson importé doit être acheté sur le marché international dont le cours est variable. Or, lorsque les cours sont élevés, les commerçants ne peuvent augmenter leur prix de vente pour assurer une marge suffisante. Ceci a un effet défavorable sur les petites entreprises qui faute de libéralisation des prix ne peuvent investir et proposer à terme des prix compétitifs. Cette situation contradictoire a été exacerbée en 1988 lorsque le gouvernement a introduit une taxe douanière supplémentaire, sans modifier sa politique de prix jusqu'en 1990.

Ce système de mercuriales a aussi une incidence sur le commerce du poisson de la pêche industrielle. En effet, depuis 1983, les prix au débarquement sont fixés à 300 FCFA/kg alors que les charges d'exploitation augmentent chaque année d'environ 13 %. Dans la mesure où d'une part, le prix fixé ne varie pas selon la qualité, et d'autre part, aucune réglementation n'existe sur la taille minimale des prises, les flottes industrielles sont indirectement incitées à débarquer de la quantité au lieu de la qualité, au détriment de la préservation des jeunes spécimens.

Enfin, cette politique des prix a d'autres répercussions néfastes sur l'économie nationale. Au niveau des échanges internationaux, en l'absence d'un marché national officiel qui soit rémunérateur, les commerçants sont incités à exporter de manière informelle vers les pays limitrophes. Ceci a également une répercussion au niveau du secteur de l'aviculture dans la mesure où les prix des poulets produits au Cameroun sont peu compétitifs avec les bas prix des poissons importés dont le cours est fixé de manière artificielle.

Par conséquent, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, le gouvernement pourrait reconsidérer sa politique des prix, ainsi que sa politique fiscale en matière d'importations ou de débarquements par les flottes étrangères, de manière à évoluer progressivement vers une économie de marché reposant sur une libéralisation des prix. Une telle évolution présenterait de nombreux avantages dont celui de freiner la surexploitation des stocks marins, de favoriser la petite entreprise, de réduire les importations, et de mettre à la disposition des Camerounais une plus grande quantité de poissons.

Cette recommandation s'inscrit parfaitement dans le cadre de la politique gouvernementale exprimée dans la “Déclaration de stratégie et de relance économique”, où, pour le secteur des pêches en particulier, il a été mentionné que “les importations massives et frauduleuses de produits congelés et leur vente à des prix très bas ont fortement découragé les initiatives des productions locales”.

2.1.5 Adéquation des programmes de recherche avec les besoins de l'aménagement

Si la pêche doit demeurer une activité économique rentable, et importante en termes d'apport nutritionnel pour la population, les ressources ainsi que leur milieu doivent être préservés. Aussi, le gouvernement pourrait considérer que la mise en place d'un programme d'aménagement des pêches est aujourd'hui une priorité pour le secteur.

Ce programme pourrait être mené par la Direction des pêches, en étroite collaboration avec les autres institutions compétentes en matière de gestion de l'eau, de la pêche, de l'irrigation, de l'aquaculture, etc. L'IRZ pourrait être par ailleurs le principal interlocuteur de la Direction des pêches pour la gestion de ce programme. La Station de recherche halieutique de Limbé, au travers de l'IRZ, pourrait être responsable des programmes de recherche et de suivi de la pêche. Cette station disposant déjà d'une antenne pour la pêche maritime à Kribi, pourrait en avoir une autre dans le nord pour la pêche continentale, au centre de pêche de Maga par exemple. Pour la pêche fluviale, Limbé ou Kribi pourrait assurer dans l'immédiat le suivi d'un tel programme.

La coopération et la coordination avec les autres institutions compétentes en matière de recherche halieutique, doivent par ailleurs être développées. Des échanges d'information, voire l'exécution de programmes conjoints, pourraient ainsi être envisagés. Les principales institutions concernées sont les universités, les centres de recherche halieutique des pays voisins, les organismes régionaux tel que la Commission du bassin du lac Tchad, ou encore les organismes internationaux tels que l'Unesco, la FAO, le PNUE, etc.

Un programme de recherche halieutique et aquacole devrait comporter une partie consacrée à la recherche appliquée, et une autre à la recherche fondamentale, les deux n'étant pas forcément interdépendantes. Le sous- programme de recherche appliquée devrait comprendre des activités dont la durée serait indéfinie, tels que le suivi des stocks, les statistiques, etc, et des activités ponctuelles correspondant à des besoins précis à un moment donné.

Enfin, pour tenir compte de la spécificité des pêcheries continentales camerounaises, qui sont composées de plans d'eau de diverses natures faisant partie intégrante d'un réseau hydrographique sous-régional, un programme inscrit dans un cadre plus global d'aménagement des pêches au niveau sous- régional devrait être identifié, en partie, en collaboration étroite avec les pays voisins.

En ce qui concerne le financement d'un tel programme, au demeurant fort coûteux, il est souhaitable que les fonds actuellement alloués à la recherche soient directement versés à l'IRZ, par l'intermédiaire du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Par ailleurs, lors de l'estimation des coûts d'un tel programme, il conviendra d'évaluer les gains socio-économiques escomptés suite à sa mise en oeuvre, de manière à sensibiliser les éventuels donateurs.

Une première évaluation des activités prioritaires et des coûts de ce programme est donnée dans la fiche de projet n° 8.

2.2 Limiter le développement de la pêche industrielle

L'évolution de la pêche industrielle au Cameroun, bien que fluctuante dans le temps, indique néanmoins une augmentation du nombre des unités en service, le fait majeur résidant dans l'augmentation très nette de la puissance des armements. Par ailleurs, il est à souligner que les pêcheurs industriels utilisent des mailles de moins en moins sélectives, et que leurs zones de pêche s'étend maintenant à l'intérieur des deux milles qui leur est pourtant interdite. Or, bien que cette zone corresponde à l'aire de reproduction de la plupart des espèces, le chalutage est de plus en plus fréquent ce qui détruit les herbiers, lieu de reproduction privilégié.

Cette évolution va donc à l'encontre du besoin croissant de préserver les ressources halieutiques, et donc de limiter l'effort de pêche global. En effet, si aucune mesure n'est prise, on estime que les stocks pourraient s'effondrer brutalement, et ne se reconstituer entièrement qu'après trois ou quatre années. Ce constat alarmiste repose sur des observations de terrain qui indiquent que la productivité des pêcheurs baisse continuellement à un rythme élevé, et qu'environ 63 % des prises sont constituées par des juvéniles.

Dans ces conditions, le gouvernement devrait considérer les recommandations suivantes:

2.3 Développer certaines pêcheries artisanales et améliorer les systèmes de transformation et de commercialisation des poissons

La pêche artisanale, à l'instar de la pêche industrielle, se heurte à de nombreux problèmes d'exploitation excessive des stocks halieutiques. De ce fait, il est certain que le secteur artisanal nécessite à l'heure actuelle plus de mesures visant à aménager plutôt qu'à développer les pêcheries. Toutefois, certaines pêcheries pourraient bénéficier d'efforts particuliers en matière de développement. Enfin, le secteur artisanal pourrait nettement améliorer l'ensemble de ses revenus, et donc participer de manière plus active au développement économique du Cameroun, en améliorant ses systèmes de transformation et de commercialisation du poisson.

2.3.1 Adaptation des techniques de pêche aux besoins de l'aménagement

i) Les embarcations

Les embarcations utilisées pour la pêche artisanale au Cameroun varient dans leur mode de construction ainsi que dans leurs dimensions, selon la pêcherie considérée et le type de pêche pratiqué. D'une manière générale, elles présentent toutes l'avantage d'être peu coûteuses, et d'être conçues à partir de bois disponsible localement. Ces embarcations sont soit des pirogues monoxyles, soit des pirogues en planches, ces dernières ayant l'avantage de consommer moins de bois.

En ce qui concerne le taux de motorisation des pirogues, on estime que celui-ci est plus élevé pour la pêche artisanale maritime (environ 50 %) que pour la pêche continentale. Toutefois, encourager la motorisation des pirogues n'est pas une priorité eu égard au niveau d'exploitation de la plupart des pêcheries. En revanche, les circuits de commercialisation (pirogues pour le transport du poisson) pourraient bénéficier d'un programme de motorisation dans la mesure où ceci permettrait d'augmenter la durée de vie des produits.

Par conséquent, le gouvernement pourrait considérer les recommandations suivantes:

ii) Engins de pêche

L'approvisionnement en engins de pêche se fait essentiellement à travers trois circuits: les importations illégales, surtout en provenance du Nigéria, la Mission de développement de la pêche maritime artisanale (MIDEPECAM), et, dans une moindre mesure, la Caisse de développement de la pêche maritime (CDPM). La MIDEPECAM est un établissement public à caractère commercial, qui bénéficie de droits d'exonération sur les importations. La CDPM s'occupe quant à elle essentiellement de la redistribution des engins de pêche fournis par l'aide japonaise.

Les pêcheurs reconnaissent qu'en dépit d'un prix d'achat d'environ 30 % plus élevé que le prix du matériel de contrebande, le matériel proposé par la MIDEPECAM a un meilleur rapport qualité/prix. Néanmoins, les pêcheurs déplorent les ruptures de stocks fréquentes de la MIDEPECAM, surtout sur la façade maritime. En soutenant la MIDEPECAM, le gouvernement entend encourager le développement de la pêche artisanale. Cependant, ceci a des conséquences défavorables sur l'implantation d'entreprises privées qui faute d'être exonérées de taxes ne peuvent être compétitives, sauf sur les pièces détachées de moteurs hors-bord que la MIDEPECAM ne commercialise pas. Or, dans ces conditions, les problèmes de rupture de stocks ne peuvent être surmontés.

Ainsi, indirectement, le gouvernement incite la contrebande des engins de pêche, au détriment de l'économie nationale, et d'un aménagement rationnel des pêcheries dans la mesure où ces engins sont moins performants.

Par ailleurs, les pêcheurs traditionnels au Cameroun s'adaptent assez facilement aux nouvelles technologies, ainsi que le prouve l'exemple de l'introduction de la senne coulissante Watsha, en provenance du Ghana. Toutefois, dans beaucoup de cas, les pêcheurs se montrent peu respectueux du maillage des filets.

Dans ces conditions, le gouvernement pourrait considérer les recommandations suivantes:

2.3.2 Développement de la pêche artisanale sur certaines pêcheries

En dépit de l'absence de données statistiques et biologiques pertinentes, on peut avancer qu'à l'heure actuelle, la plupart des pêcheries artisanales sont exploitées à un niveau proche du maximum. Cependant, certaines pêcheries offrent des perspectives de développement qu'il conviendrait de prendre en considération.

C'est le cas des pêcheries situées au sud de Kribi sur fonds littoraux rocheux, où il est impossible de pêcher au chalut. On peut citer également les pêcheries localisées dans les bassins du Nyong et du Dja, ainsi, que celles du barrage de Mbakaou. L'exploitation optimale de l'ensemble de ces pêcheries pourrait augmenter la production nationale de 5 000 à 10 000 t/an.

Compte tenu de l'expérience acquise en matière de développement de la pêche artisanale au Cameroun, on peut souligner que si l'on adopte une approche traditionnelle mettant l'accent sur l'introduction de technologies, sur la formation et l'encadrement des pêcheurs, le développement se fera rapidement. Cependant, si aucune action complémentaire n'est prise, on peut supposer que l'effet de surexploitation et de désinvestissement se manifestera rapidement.

Dans ces conditions, il est souhaitable qu'une approche intégrée soit adoptée de manière que le développement se fasses de façon progressive et plus rationnelle. Ainsi, d'éventuels projets devraient comprendre, outre les composantes techniques, des activités de formation des communautés concernées sur les aspects économiques, des activités de construction de réseaux de transport, des activités de sensibilisation aux problèmes de l'aménagement pour les groupes dirigeants (éventuellement institutionnalisés) de la communauté, etc.

Cette approche, fondée sur la participation d'un nombre important des membres de la communauté, hommes et femmes, au processus de développement, offre davantage de possibilités d'obtenir une croissance continue et durable. Aussi, dans la liste des projets de développement présentés ci-dessous, il conviendra de privilégier cette approche.

i) Développement des pêches sur les fonds rocheux de Kribi

Cette zone est pratiquement sous-exploitée, que ce soit par les chalutiers, en raison de l'impossibilité de chaluter, ou que ce soit par la pêche artisanale les techniques adaptées aux fonds rocheux faisant défaut. Les ressources démersales et les stocks de crustacés sont estimés entre 1 000 et 3 000 t/an.

ii) Appui technique au projet de développement de la pêche continentale dans les bassins du Nyong et du Dja

La pêche dans cette zone est essentiellement une pêche de subsistance. Toutefois, dans la région de Ma'an, des pêcheurs ont pris l'initiative de se regrouper pour développer cette économie, mais ils manquent de savoir-faire et surtout de moyens techniques et financiers pour asseoir cette activité de façon durable. Le projet n°4 annexé a pour but de soutenir ces initiatives privées en apportant une assistance extérieure sur la fourniture d'intrants. A noter que ce projet s'inscrit parfaitement dans la politique du gouvernement qui est de soutenir le développement du secteur privé. Le potentiel halieutique dans cette zone peut être estimé à 5 000 t/an.

iii) Développement des pêches au barrage de Mbakaou

Le barrage de Mbakaou est actuellement sous-exploité, essentiellement à cause du manque d'infrastructures nécessaires aux activités de pêche telles que les débarcadères, le réseau routier autour du lac, etc. Le désenclavement de ce barrage apparaît donc comme une priorité, dans la mesure où l'on peut espérer un agrandissement des marchés capable de financer le développement de la pêche sur le barrage. Le potentiel halieutique de ce barrage peut être estimé à environ 7 000 t/an, pour une production actuelle de l'ordre de 3 500 t/an.

2.3.3 Amélioration des systèmes de transformation et de commercialisation du poisson

En général, le poisson, frais ou congelé, est de bonne qualitésur les marchés primaires. Toutefois, en raison des méthodes de transformation rudimentaires, des techniques de conditionnement précaires, et du manque d'hygiène, les produits de la pêche subissent des pertes quantitatives et qualitatives à mesure que l'on s'éloigne des centres de production. Or, la durée de conservation moyenne du poisson fumé, qui est le produit le plus répandu au Cameroun, surtout sur la côte, varie entre 3 et 5 jours. On estime que 75 à 80 % de produits de la pêche sont commercialisés sous une forme transformée. Aussi, l'ensemble des pertes physiques après capture imputables à la dégradation rapide des produits sont de l'ordre de 15 %.

Il est possible d'améliorer sensiblement cette situation au moyen de techniques artisanales mieux adaptées aux conditions climatiques et socio-économiques du Cameroun. En effet, l'introduction de techniques sophistiquées de fumage ou séchage ne se justifie aucunement à l'heure actuelle. En revanche, l'introduction de petites fabriques de glace sur les centres de pêche particulièrement enclavés peut se justifier sur un plan économique.

Le procédé de fumage le plus couramment utilisé est le fumage de l'ethmalose pour produire du Bonga. Ce procédé de fumage consiste en fait à cuire le poisson sur un feu de bois ouvert, d'où une mauvaise dessiccation du produit et des conditions de travail difficiles. Des procédés techniquement plus efficaces en termes de transformation et de conservation du poisson sont actuellement utilisées dans d'autres pays africains. C'est par exemple le cas du four Chorkor, fort répandu en Afrique de l'Ouest, qui n'existe pratiquement pas au Cameroun. Néanmoins, si ce type de four est particulièrement bien adapté pour certains pays, au Cameroun où les habitudes alimentaires en faveur du Bonga sont fortes, et où les transformateurs ont peu l'occasion de pouvoir fumer de grosses quantités de poisson en même temps, la technique du Chorkor est déconseillée pour le moment.

Par conséquent, compte tenu des gains économiques et nutritionnels escomptés d'une amélioration des technologies après-capture, le gouvernement pourrait prendre en considération les recommandations suivantes:

2.4 Promouvoir le développement d'une aquaculture commerciale

Pour que l'aquaculture contribue de manière significative à l'économie du secteur des pêches, il convient de lever un certain nombre de contraintes et de promouvoir le développement de techniques artisanales adaptées au contexte hydrologique et socio-économique du Cameroun. En tout état de cause, l'aquaculture doit maintenant évoluer vers une activité à caractère commercial, intégrée entièrement dans le processus de développement agro-pastoral national.

Le gouvernement pourrait considérer que le développement de l'aquaculture au Cameroun devrait comprendre plusieurs activités dont la mise en oeuvre de technologies adaptées, de programmes de formation, un encadrement technico-économique performant, l'ouverture de lignes de crédit spécifiques, la production d'alevins, et la participation active des femmes et des jeunes sur les centres de production.

L'ensemble de ces activités devront être initiées autant que possible en même temps de manière à constituer un ensemble logique de conditions favorables au développement de l'activité piscicole. Un programme de redynamisation de la pisciculture au Cameroun est proposé dans le chapitre suivant (Projet n° 7).

2.4.1 Introduction de techniques adaptées

A la lumière des expériences du passé, les espèces à promouvoir au Cameroun sont le tilapia Oreochromis niloticus, le silure Clarias qariepinus, et l'Heterotis niloticus, la carpe constituant une espèce d'accompagnement. Les types d'élevage préconisés sont quant à eux différents et évolutifs. Ce sont la polyculture tilapia-silure; l'élevage du tilapia mâle, en association éventuelle avec la carpe; l'élevage de l'Heterotis dans les étangs de barrage; et l'élevage du tilapia mâle en association avec l'élevage du porc ou du poulet pour la fertilisation organique.

2.4.2 Formation du personnel d'encadrement et des futurs entrepreneurs

En tenant compte de la politique du gouvernement en matière de formation, les programmes de formation organisés par le MINEPIA devront concerner en priorité les professionnels du secteur privé. Toutefois, compte tenu de la faiblesse des connaissances parfois observées au sein du personnel d'encadrement, des sessions pourraient être organisées pour les agents provinciaux, et d'autres plus poussées pour les techniciens supérieurs. Aussi, compte-tenu de l'étendue de ce programme de formation, il serait souhaitable que le Centre national de formation zootechnique de Foumbam puisse bénéficier de lignes budgétaires supplémentaires.

En ce qui concerne la formation des cadres supérieurs, des bourses d'études spécialisées devraient être accordées pour parfaire le niveau de l'administration en matière de développement de l'aquaculture.

2.4.3 Organisation d'un encadrement technico-économique performant

Par le passé, le programme de développement de l'aquaculture a été conçu à partir d'une évaluation du nombre d'étangs, sans que n'aient été prises en compte les dimensions biologiques et socio-économiques. De plus, le modèle de développement reposait sur une interdépendance étroite entre d'une part les stations aquacoles, et d'autre part, les centres d'alevinage, les moniteurs, et les pisciculteurs. Par conséquent, dés qu'un des maillons de la filière manquait, le développement de l'ensemble de l'activité était bloqué. Ainsi, la stratégie préconisée est de mettre en place désormais un système simple, et efficace, de vulgarisation et de suivi des pisciculteurs ruraux, selon le principe adopté avec succès par des volontaires du Peace Corps.

Dans un premier temps, un noyau de “pisciculteurs témoins” capable de gérer techniquement, et indépendamment des stations et moniteurs et leurs unités piscicoles à caractère commercial, devra être formé. Le principe d'élevage retenu est de développer des unités d'au moins 700 m2 constituées au départ de deux étangs par site aquacole, pour progressivement passer à des structures permettant aux pisciculteurs d'être autonomes au plan économique. Les structures finales devront comprendre plusieurs étangs, d'une superficie totale d'au moins 1 200 m2, dont un pour la reproduction, un pour le prégrossissement, et au moins deux pour le grossissement.

Dans un deuxième temps, des agents formés seront chargés de la vulgarisation et du suivi des activités chez les pisciculteurs témoins. Ces agents seront affectés en permanence dans les zones regroupant plusieurs unités piscicoles, pour pouvoir assurer le suivi d'environ 20 exploitations dans un rayon de 20 km. Chaque moniteur, lors de son service, disposera d'un moyen de locomotion à deux roues et de divers matériels nécessaires aux analyses de terrain.

Enfin, les moniteurs sensibiliseront progressivement les pisciculteurs témoins à se regrouper en association pour faciliter l'encadrement public. Des pisciculteurs seront par ailleurs sélectionnés pour que certains puissent disposer de crédit piscicole, et accroître leurs activités. A terme, l'objectif est qu'un noyau de pisciculteurs performants et réalisant de bons résultats économiques puisse servir de référence et de tremplin (à travers la vente d'alevins) pour l'installation de nouveaux entrepreneurs. Lorsque le processus de développement durable aura ainsi été enclenché, le moniteur sera affecté dans d'autres régions.

2.4.4 Ouverture de liqnes de crédit spécifiques

Afin d'impulser le développement de la pisciculture artisanale, les pisciculteurs témoins désireux d'augmenter leurs superficie d'exploitation, pourraient bénéficier de lignes de crédit spécifiques, avec le concours de partenaires bancaires reconnus. Cet organisme, qui resterait à déterminer, pourrait recevoir une assistance technique, éventuellement internationale, pour traiter les dossiers. Par ailleurs, afin d'encourager cet organisme bancaire, une caution pourrait être versée par une assistance extérieure, afin de limiter les risques de l'organisme et de l'inciter à prêter de l'argent dans un contexte camerounais actuel peu favorable à l'investissement en aquaculture.

De manière générale, il est vivement recommandé que les services publics participent aux activités de sensibilisation des institutions bancaires aux projets piscicoles.

2.4.5 Production d'alevins

Au début du lancement du programme aquaculture décrit dans le présent document, les stations aquacoles ainsi que les centres d'alevinage sont vivement invités à participer activement à l'approvisionnement des élevages en alevins de tilapia. Toutefois, pour alléger les charges de fonctionnement de ces centres, tout en désengageant l'Administration de son rôle actuel d'investisseur, d'entrepreneur et de gestionnaire de la filière, seules les stations de Bambui, Bertoua, Foumbam, Ngaoundéré, et Yaoundé, pourraient recevoir un appui technique et financier.

Le transport d'alevins pourrait être assuré dans un premier temps par les moniteurs véhiculés, jusqu'à ce que les pisciculteurs témoins deviennent autosuffisants en matière d'alevins.

Par ailleurs, la mise au point de l'alevinage du silure pourrait être inscrit au programme de travail de la station de Foumbam, afin d'étendre par la suite la technologie standardisée aux stations de Bertoua et Yaoundé, le silure étant particulièrement apprécié dans ces régions. En ce qui concerne l'Heterotis, les pêcheurs d'Akonolinga devraient être encouragés à capturer, de manière contrôlée, des alevins de cette espèce, afin d'approvisionner le centre d'alevinage d'Akonolinga.

Pour ce qui est des autres stations, le gouvernement devrait progressivement se désengager des activités piscicoles, et éventuellement les rétrocéder à des entrepreneurs privés.

2.4.6 Intégration des jeunes et des femmes aux activités piscicoles

Afin de sensibiliser les jeunes générations à l'activité piscicole, des travaux manuels se rapportant à ce secteur devraient être organisés dans le cadre des programmes scolaires.

Certaines écoles pratiquant l'élevage et/ou l'agriculture devraient être par ailleurs encouragées à inscrire l'aquaculture dans leurs programmes de formation. Pour ce faire, des enseignants pourraient suivre des stages de formation permanente de courte durée en aquaculture.

Pour ce qui est de la participation des femmes aux activités aquacoles, qui compte tenu du rôle important qu'elles jouent dans le secteur de la pêche devraient être sensibilisées au premier chef, des campagnes de promotion de l'activité aquacole devraient leur être spécialement adressées. De plus, sans mentionner que près de 6 % des propriétaires d'étangs dans les provinces ouest et nord-ouest sont des femmes, des facilités devraient leur être accordées dans ces régions au même titre que les pisciculteurs témoins, compte-tenu de leurs réelles capacités de gestion.

2.4.7 Opérations de repeuplement piscicole

Si l'on considère que les actions d'empoissonnement sont de nature à compenser sur certaines pêcheries les excès d'exploitation, des stations aquacoles pourraient être encouragées à développer leurs activités d'alevinage à des fins de repeuplement. A cet égard, ces opérations de repeuplement pourraient être accompagnées de petits travaux d'infrastructures lacustres, tels que la mise en place d'acadjas ou de branchages dans les plans d'eau, après s'être assuré que cela n'interfère pas avec les activités des pêcheurs.

Par ailleurs, il pourrait être envisageable à terme de développer des projets de rizi-pisciculture, ainsi que cela a été fait avec succès sur la retenue de Lagdo dans le cadre d'un projet financé par les Pays-Bas. Les projets de riziculture intensive tels que ceux de SEMRY, UNVDA, ou SODERIM, pourraient être directement associés à leur conception et à leur réalisation.


Page précédente Début de page Page suivante