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CHAPITRE 3 - INVENTAIRE ET ANALYSE DES PERTES APRÈS RÉCOLTE

3.1 - Problèmes de méthodologie

L’étude des pertes d’après récolte comprend de nombreux aspects, qui tiennent à la diversité des produits concernés, des opérations qui se succèdent au long du système post-récolte, des causes qui provoquent ces pertes, des déprédateurs et autres parasites des denrées, sans parler des conditions physiques, techniques, économiques et autres, qui favorisent l’action des agents de détérioration et, en conséquence, l’aggravation des pertes. Cela conduit à une grande variété d’exposés et d’analyses du sujet dans les rapports, les manuels et autres ouvrages, suivant les options et les objectifs des auteurs. M. Bourne (1977), par exemple, s’attache particulièrement aux causes des pertes, en distinguant les causes primaires, les causes secondaires et les lieux et moments des pertes. Ainsi, considérant d’abord les causes biologiques et microbiologiques, il s’intéresse en premier lieu aux insectes, aux rongeurs et aux moisissures. Il en est de même du récent manuel de formation du NRI (Natural Resources Institute) - rédigé pour la FAO, 1994, non publié -, qui, sans faire la distinction entre causes primaires et causes secondaires, parle d’abord des ravageurs et des micro-organismes, puis examine les pertes selon le déroulement technique et chronologique des opérations post-récolte.

De son côté, G. Schulten, dans un rapport de mission (FAO, 1982), a une approche plus sélective en différenciant davantage les diverses catégories de produits. Ainsi, commençant par le riz qu’il distingue des autres céréales, il considère que les pertes qui le concernent relèvent avant tout de la manutention et de l’outillage, notamment au moment de la moisson, et donc il examine attentivement toutes les opérations manuelles et mécaniques, depuis le séchage au champ jusqu'à l’usinage du paddy. Ce n’est qu’après qu’il s’intéresse globalement aux céréales et aux légumineuses pour analyser les pertes en stockage, en distinguant le stockage paysan ou villageois et le stockage en entrepôt, et en se limitant aux pertes causées par les insectes et les moisissures. Les dégâts causés par les rongeurs sont étudiés à part.

Dans le « manuel » du NRI, si les pertes sont considérées logiquement selon le déroulement séquentiel des opérations d’un même système, une attention particulière est accordée aux conditions de coupe et de séchage des épis de riz sur le champ, puis aux risques de dégâts et de pertes en cours d’usinage.

R. Boxall, dans son ouvrage méthodologique (1986), préfère séparer les pertes en stockage des autres lieux et types de pertes, ce qui le conduit à distinguer deux grandes parties ou sections. Une première section est consacrée aux pertes concernant d’une part, le pré-stockage (de la moisson jusqu’au séchage), en soulignant au passage les problèmes posés par le décorticage du maïs, et d’autre part, la transformation industrielle (meunerie, usinage, etc.) et domestique (cuisine). Une seconde section est consacrée à toutes les pertes pouvant intervenir en cours de stockage, qu’elles soient provoquées par les insectes, les micro-organismes ou les vertébrés.

Si la plupart des rapports et manuels récents font toute leur place aux questions d’outillage en général et, plus spécialement, de petite mécanisation, notamment pour le battage et le décorticage, en prenant en compte certaines incidences financières, techniques et économiques qui en découlent, plus rares sont ceux qui portent réellement attention aux considérations socio-économiques (concurrence entre récolte déjà mûre et nouvelle culture à faire, voies d’accès aux champs, moyens et capacités de transport, disponibilité en main-d’œuvre, migration saisonnière, etc.) et aux aspects socioculturels (division traditionnelle des tâches, coutumes alimentaires, modes culinaires, etc.).

Evoquer brièvement ces dimensions autres que techniques des pertes après récolte, c’est rappeler que le secteur post-récolte lui-même s’inscrit dans un système beaucoup plus vaste et plus complexe, où les corrélations et les interdépendances ne concernent pas seulement les diverses opérations qui se succèdent dans la chaîne alimentaire, mais aussi l’ensemble des activités humaines, et donc le fonctionnement de la société, apportant ainsi leur pierre à l’existence et au progrès d’une civilisation.

3.2 - Evaluation des pertes et enquêtes de terrain

3.2.1 - Le riz

Parmi les nombreux travaux disponibles, beaucoup d’entre eux sont consacrés à la culture et à la filière post-récolte du riz. C’est le cas d’une récente étude d’évaluation régionale de D. Calverley (rapport FAO, année 1994) qui couvre plusieurs pays d’Asie centrale et du sud-est asiatique. Cette étude donne une idée de la complexité d’un bilan récapitulatif et/ou comparatif, qu’il s’agisse ou non d’un seul produit. Comme le riz y tient une place prépondérante, on se limitera, pour commencer, à cette céréale, de sorte que l’aspect comparatif concernera surtout les méthodes de travail, les outils et la géographie. En outre, on ne retiendra pour l’instant que les résultats portant sur les opérations de récolte proprement dites : maturité au moment de la moisson, coupe (ou cueillette) manuelle ou mécanique, mise en botte et en meule, séchage sur champ, séchage du paddy hors champ.

Tableau 6 : RIZ : Pertes pendant les opérations de récolte

Opérations Pertes par pays en pourcentage
  Sri Lanka Birmanie
Moisson : récolte trop mûre et entraînant des brisures 0,8 % 2,1 %
Coupe à la faucille Indonésie  
en saison humide 0,7 %  
en saison sèche 0,5 %  
  pertes moyennes par rapport à un rendement potentiel estimé
Moisson traditionnelle à la main Thaïlande Birmanie
  9,3 % 1,9 %
Moisson améliorée (mécanisée)    
moissonneuse portable 5,2 % 5,4 %
moissonneuse lieuse 5,2 % 5,2 %
moissonneuse batteuse 1,1 % 2,1 %
  Bangladesh Birmanie
Mise en botte et en meule sur champ : 0,6 % 0,5 %
A noter que cette perte, en poids et en valeur, augmente vite si la récolte en meule reste plusieurs jours sur champ, par ex. :
durée de séjour en meule sur champ perte physique perte commerciale
2 jours 0,3 % 9,0 %
4 jours 2,7 % 20,0 %
6 jours 3,4 % 34,0 %
8 jours 9,0 % 42,0 %
  Bangladesh Indonésie Népal Pakistan
Séchage du paddy 2,2 % 3,2 % 1,6 % 0,5 %

Vu la diversité des paramètres en cause dans cet exemple, il semble difficile, sinon risqué, de parvenir à une conclusion générale, valable pour l’ensemble des pays concernés (on n’a retenu ci-dessus qu’une partie de ces pays).

C’est pourtant ce que propose Calverley dans un tableau récapitulatif et global, qui non seulement ignore les distinctions de pays, de méthodes, d’outils (machines) et de saisons, de lieux et de durée, mais couvre l’ensemble des activités post-récolte en les ramenant à cinq fonctions principales, pour parvenir à une moyenne commune et générale, ou plutôt à deux moyennes, l’une par simple addition arithmétique, l’autre par addition « cumulative ». On peut s’interroger sur la validité de tels calculs synthétiques, dont les résultats assez théoriques relèvent de la déduction, selon l’expression même de l’auteur, mais qui ont le mérite de contribuer à la connaissance de tendances ou d’ordres de grandeur, et à l’établissement de statistiques indispensables. D’où l’intérêt de présenter maintenant ce tableau, dont les moyennes en pourcentage pourront être comparées avec les résultats d’enquêtes et d’études similaires :

Tableau 7 : RIZ : Total des pertes après-récolte

(Calverley : évaluation de 11 projets FAO en Asie)

Opérations Pertes en pourcentage
  somme arithmétique somme cumulative
Moisson 0,89 % 0,89 %
Battage 0,99 % 0,98 %
Séchage 3,16 % 3,10 %
Stockage 3,74 % 3,55 %
Usinage 4,78 % 4,37 %
Moyenne 13,56 % 12,89 %

Si l’on peut émettre des doutes sur la validité de tels résultats synthétiques et de telles statistiques globales, cela tient avant tout au manque d’homogénéité dans le choix et la présentation des opérations techniques ou des rubriques et sous-rubriques considérées. Cette disparité tient évidemment aux différences existant entre les méthodes de recherche et d’enquêtes, à la qualité des équipes de terrain et aux moyens dont elles disposent, aux priorités données à leurs travaux et aux objectifs poursuivis. Mais cela tient aussi aux différences d’évolution économique et sociale dans le milieu rural et agricole, notamment en ce qui concerne l’amélioration des techniques et l’introduction d’outillage moderne (machines, moteurs), sans parler de l’emploi de variétés nouvelles ou de semences sélectionnées, et de produits chimiques pour la fertilisation des cultures et le traitement des récoltes.

Pour en rester au système post-récolte du riz, beaucoup d’études distinguent six ou sept opérations ou manipulations, ajoutant aux cinq fonctions du tableau précédent, le vannage ou nettoyage et le transport, deux maillons techniques et économiques essentiels de la chaîne agro-alimentaire. En outre, certains rapports, tenant compte précisément de la pénétration de techniques nouvelles, introduisent des distinctions qu’on ne trouve pas ailleurs.

C’est le cas par exemple d’une étude menée en Chine pendant trois ans, où la moisson est divisée en deux catégories (coupe à la faucille et moissonneuse-batteuse), le battage en deux aussi (batteuse à pédale et batteuse à moteur), le séchage et nettoyage en trois sous-groupes (séchage au soleil sur bambou, séchage solaire sur ciment, séchage solaire avec écran), le stockage en trois causes de pertes (moisissures, insectes et rats). Avec dix sous-rubriques, cela donne un tableau non seulement plus détaillé, mais plus spécifique, où les pertes apparues dans les sous-opérations complètent les pertes moyennes de chaque grande fonction. On trouvera ci-après ce tableau avec ses seize résultats en pourcentage, dont les six principales valeurs (6 catégories de pertes) sont présentées séparément (chiffres de gauche), pour plus de clarté, et réévaluées proportionnellement à un total de 100 (chiffres de droite) :

Tableau 8 : RIZ :Répartition des pertes post-production durant 3 saisons (1987/1989) en Chine

(Zhejiang) (somme étude IDRC)

Opérations Part moyenne des pertes en % de la production Part moyenne des pertes par rapport à un total de 100
Moisson 0,85 % 5,81 %
- faucille 0,43 %  
- moissonneuse-batteuse 3,38 %  
Battage 1,31 % 8,85 %
- batteuse à pédale 0,80 %  
- batteuse à moteur 1,52 %  
Séchage et nettoyage 3,47 % 23,43 %
- au soleil sur bambou 3,35 %  
- au soleil sur ciment 4,10 %  
- au soleil avec écran 2,90 %  
Stockage 5,46 % 38,86 %
- moisissures 1,59 %  
- insectes 1,15 %  
- rats 2,72 %  
Transport 0,97 % 6,55 %
Usinage 2,74 % 18,50 %
Total des pertes (des 6 fonctions) 14,81 % 100,00 %

L'intérêt du tableau ci-dessus est à la fois de bien faire ressortir les principaux postes de pertes et de permettre une comparaison entre les diverses méthodes d'intervention. On remarque ainsi que les deux principaux postes de pertes sont le séchage et le stockage ; à eux seuls, ils représentent plus de 62 % du total, soit presque les 2/3 des pertes après récolte ; si l'on ajoute les pertes d'usinage, cela fait les 4/5 des pertes. Ces chiffres montrent clairement les points où les efforts de prévention devraient se porter en priorité. D'autre part, on notera ici que les rats sont la première cause de pertes en stockage et qu'ils en occasionnent à eux seuls autant que l'usinage. S'agissant des différentes méthodes de récolte et de battage, on remarquera aussi que le moissonnage-battage entraîne nettement plus de pertes que la moisson à la faucille et le battage ordinaire réunis, sans oublier cependant que le gain de temps et la diminution de la pénibilité du travail peuvent largement compenser, sinon justifier, la perte en question.

Si l'on rapproche maintenant ce tableau de celui de Calverley, on note que les résultats totaux sont comparables mais qu'il y a des différences dans leur répartition, notamment en ce qui concerne le stockage et l'usinage : chez Calverley, le poste le plus lourd est l'usinage tandis que dans l'étude chinoise, c'est le stockage. Cela peut s'expliquer, bien sûr, du fait que la première étude couvre de nombreux pays plus ou mois évolués techniquement et qu'il s'agit d'une moyenne globale, mais s'expliquer aussi par des causes plus spécifiques telles qu'une insuffisance de moyens dans la lutte contre les ravageurs. Analogiquement, dans l'étude chinoise, l'importance des pertes à la récolte par moissonneuse-batteuse peut être attribuée à une maîtrise encore insuffisante de l'usage de cet instrument moderne.

Les enseignements fournis par les deux tableaux qui précèdent rejoignent les analyses et les résultats de la majorité des études et rapports comparables sur le système post-récolte du riz, à savoir : les opérations et manipulations qui entraînent le plus de pertes sont le stockage et l'usinage, suivis par la moisson ou le battage et le séchage. Ce dernier pose évidemment un cas particulier dans les zones de forêts et les savanes humides, où la teneur en eau du grain à la récolte est élevée. Voici un exemple tiré d'un rapport de projet de la FAO en Afrique :

Tableau 9 : RIZ : Zone de forêt africaine : dégâts et pertes en pré-séchage sur pied

Zone de forêt : Pré-séchage sur pied Août Septembre Octobre
Teneur en eau du grain en % 26,0 20,5 16,0
Dégâts par insectes en % 2,8 2,8 10,8
Pertes par oiseaux en % --- 6,8 18,2
Tiges tombées à terre en % --- --- 20,8
Perte de poids en % 0,9 2,4 3,2

Comme on le voit, avec un fort pourcentage d'humidité dans le grain et la chaleur humide de la forêt tropicale, les dégâts et pertes du pré-séchage prolongé sur pied peuvent être considérables, surtout à partir du troisième mois où les ravages des insectes et des oiseaux, s'ajoutant au pourcentage de tiges tombées (cassées ou couchées), peuvent atteindre en tout 50 % de la récolte, alors que le taux d'humidité du grain est encore trop élevé pour un stockage de longue durée (pour le paddy, ce taux ne doit pas excéder 14 %, et pour le riz usiné, 13 %).

On terminera ces observations sur le riz en signalant quelques résultats sur les pertes en stockage. Selon une étude de l'Université de Kobé dans cinq pays asiatiques, pour quatre de ces pays sur cinq, les principales causes de pertes sont les insectes et, plus encore, les rongeurs, ce qui est conforme aux conclusions du tableau chinois. Une étude de la Banque Mondiale sur le stockage commercial du paddy an Bangladesh confirme également ces chiffres (12 à 13 % de pertes causées par les insectes et les rongeurs, sur un total de 19,7 %). Enfin, une étude qui vient du Brésil (Commission technique pour la réduction des pertes en Agriculture) répartit les pertes après récolte en trois grands postes et donne les résultats suivants :

Récolte 12,6 %
Stockage 7,0 %
Usinage 2,4 %
Total 22,0 %

Ces grandes moyennes fournissent plutôt des ordres de grandeur dont l'intérêt est avant tout d'ordre statistique. On retiendra cependant que, dans l'exemple chinois, le stockage à lui seul représente plus de pertes que les opérations de récolte (moisson, battage, séchage et nettoyage) alors que, dans le cas brésilien ci-dessus, le stockage entraîne moins de pertes que la récolte. En revanche, on soulignera aussi dans ce dernier tableau que le total de 22 % est nettement supérieur aux pertes totales moyennes des études et rapports analysés jusqu'ici, puisqu'elles oscillaient entre 13 et 15 %. Il est vrai que la même Commission technique du Brésil aboutit à un résultat semblable à ce dernier pour l'ensemble des céréales au niveau national, à savoir une moyenne globale de 15 % de pertes après récolte.

3.2.2 - Le maïs

Avec le blé et le riz, le maïs fait partie des trois grandes céréales cultivées dans le monde pour la consommation humaine et l'on peut dire que, depuis quelques décennies, son aire de production a sensiblement augmenté. Il en est de même des rendements, grâce à la diffusion des variétés hybrides et aux améliorations génétiques. Mais il faut dire aussi que ces nouvelles variétés sont plus exigeantes biologiquement et même, parfois, plus vulnérables physiologiquement que les vieilles variétés locales, comme c'est souvent le cas des plants et des semences issus de la recherche agro-biologique.

Toutefois, cette fragilité vient d'abord du fait que le maïs est une culture de zone tropicale humide et qu'au moment de la récolte, le grain peut avoir plus de 30 % d'humidité. Une récolte immédiate ne peut s'envisager que si l'on dispose d'installations de séchage artificiel et rapide. Ce n'est pas le cas des petits producteurs d'Amérique latine ou d'Afrique, qui le récoltent à la main. La méthode traditionnelle et économique est donc de laisser la récolte sécher sur pied et d'attendre (un mois et souvent plus), jusqu'à ce que la teneur en eau du grain soit tombée à moins de 15 %. Cependant, en saison pluvieuse, avec un taux d'humidité relative de l'air d'environ 90 %, comme c'est le cas dans les zones équatoriales au moment de la récolte, on n'a pas d'autre solution que de ramasser le maïs humide et de l'enlever du champ pour le faire sécher à l'abri.

De toutes façons, il faut savoir que plus la récolte restera longtemps sur pied, plus les risques de pertes seront importants : le vent cassera les tiges desséchées, faisant tomber à terre les épis trop lourds ; les pluies feront proliférer les moisissures, les vertébrés (oiseaux, rongeurs, singes) prélèveront leur tribut, tandis que certains insectes, tels le charançon du maïs (Sitophilus zeamaïs) ou la bruche des grains de café (Araecerus fasciculatus), pondront dans les grains. Finalement, de nombreux épis seront dévorés ou trop abîmés pour être conservés ou vendus, tout spécialement si l'on a affaire à des variétés à haut rendement dont les spathes moins abondants n'assurent qu'une couverture limitée de l'épi.

Le tableau suivant, tiré du bulletin AGS, n° 40, de la FAO, illustre bien ces risques de pertes au cours du pré-séchage dans le champ, qui s'accélèrent à partir du 2° mois (3 mois en tout), tout en comparant deux zones (forêt et savane humide) et quatre types ou causes de pertes (pertes dues aux oiseaux, dégâts et pertes dus aux insectes, chutes de plants) :

Tableau 10 : MAÏS : Pertes relevées pendant le pré-séchage au champ, en %

(Source : FAO, AGS, Bulletin n° 40)

  Fin août Fin septembre Fin octobre
  Zone forestale Zone savane humide Zone forestale Zone savane humide Zone forestale Zone savane humide
Pertes par oiseaux 26,0 26,0 20,0 20,0 16,0 15,0
Dégâts par insectes 2,8 1,4 7,8 1,9 10,8 2,1
Pertes de poids causées par insectes 0,9 0,7 2,4 0,6 3,2 0,8
Chute de tiges - - 6,8 18,2 - -

Les pertes rapportées dans le tableau ci-dessus paraissent lourdes, notamment en savane humide à la fin du 2° mois, en raison de la chute des tiges (presque 1/5 du total), mais aussi des attaques des oiseaux, qui sont sévères et équivalentes pour les deux zones dès la fin du 1er mois (en valeur cumulée, les pertes dues aux oiseaux s'élèvent, à elles seules, à environ 50 % sur trois mois). On comprend pourquoi, suivant les circonstances (importance ou non des précipitations pluvieuses, des attaques des colonies d'oiseaux, de rongeurs, etc.), il est préférable d'écourter la durée de séchage sur pied, quitte à compléter celui-ci dans un endroit propice et protégé. Par ailleurs, on notera qu'il manque une rubrique dans la liste des pertes annoncée plus haut, c'est celle des moisissures que ne manquent pas de provoquer les pluies tardives ou la continuation de la saison pluvieuse. Les travaux d'une équipe de chercheurs au Togo sur « le stockage du maïs en milieu rural » (cf. « La production alimentaire et l'agriculture en Afrique », Actes de la Conférence scientifique tenue à Lomé en 1986, publiés par PWPA, 1988) permettent de combler cette lacune. Dans cette étude, en effet, sont considérés les effets de plusieurs facteurs de pré-stockage sur la conservation traditionnelle du maïs, en comparant systématiquement deux variétés, l'une locale et l'autre, améliorée, et deux périodes de récolte, l'une tardive et l'autre, précoce. Le tableau suivant est celui qui présente les résultats de cette recherche par rapport aux moisissures :

Tableau 11 : MAÏS : Interaction variété x période sur l'attaque des moisissures, en %

(« La production alimentaire et l'agriculture en Afrique », Lomé, 1986)

>Périodes de récolte Variété Totaux des périodes Moyenne des périodes de récolte
  Locale Améliorée    
Récolte tardive 2,26 1,23 3,49 1,74
Récolte précoce 2,16 2,93 5,09 2,54
Totaux des variétés 4,42 4,16 Total général 8,58
Moyenne des variétés 2,21 2,08 Moyenne générale 2,14

Les résultats de ce tableau tendent à montrer que le développement des moisissures en stockage dépend beaucoup plus de la période de récolte que de la différence de variété, et d'autre part, qu'une récolte précoce peut entraîner plus de pertes de ce type pour une variété améliorée que pour une variété locale. Cela tient avant tout, bien sûr, au degré d'humidité du grain au moment de la récolte, comme le montre bien cette étude conduite en collaboration étroite avec les paysans, et qui mérite d'être citée non seulement pour ses autres résultats, mais aussi pour son intérêt méthodologique.

Selon les rapporteurs, l'étude présentée à Lomé, dans le cadre d'une recherche approfondie de plusieurs années, portait sur 7 mois de stockage (août 1985 à mars 1986). Il s'agissait d'observer les influences combinées de trois facteurs de pré-stockage (variété de maïs, usage ou non d'engrais, période de récolte) sur trois groupes principaux de paramètres, à savoir : les attaques sur les épis, les pertes en poids sec et les rendements. En sept mois, 13 prélèvements ont été opérés régulièrement (tous les 14 jours) dans 24 greniers bien surveillés. Suivant la précocité de la récolte, la teneur en eau du maïs récolté variait de 25,1 à 21,1 % ; le produit stocké a mis 8 à 10 semaines, toujours suivant la précocité de la récolte, pour faire baisser sa teneur en eau jusqu'au seuil de 13 - 14 %.

De façon résumée, voici les résultats obtenus :

Ce ne sont là que quelques-unes des multiples informations et notations chiffrées que fournit, avec les précautions nécessaires, cette étude. Comme on l'a dit, son intérêt repose d'abord sur son souci d'exposer la méthode employée et les limites de l'expérience. Par exemple, à propos de la distinction entre récolte précoce et récolte tardive, on apprend le principe suivant : « La récolte est dite précoce lorsqu'elle est faite dans un champ où l'on peut considérer que 1 pied sur 5 porte des épis ayant basculé vers le bas ; la récolte tardive est celle qui est faite au mieux 14 jours après la récolte précoce. ».

Avant de comparer ces résultats avec ceux d'autres études, on rappellera que l'exposé en question comportait trois parties : 1) Effets des facteurs de pré-stockage sur la conservation traditionnelle du maïs ; 2) Observations préliminaires concernant les influences de la température sur le fonctionnement des greniers traditionnels ; 3) Résultats préliminaires relatifs aux influences du fonctionnement du grenier traditionnel sur l'humidité des grains, en fonction de l'humidité relative de l'air.

Si le maïs pose, plus que d'autres céréales, des difficultés pour le séchage en raison de son taux d'humidité élevé à la récolte, il en est de même pour le stockage et la conservation. C'est pourquoi les paysans préfèrent souvent garder les épis entourés de leurs spathes qui les protègent des charançons, même si certaines variétés dont les spathes sont moins denses et le grain, moins dur, laissent pénétrer plus aisément les insectes. En revanche, dans les régions à climat humide, mieux vaut conserver les épis sans leur enveloppe à condition de les traiter contre les insectes et de leur assurer une aération suffisante. C'est ce qui se pratique traditionnellement sous les tropiques humides et sous l'équateur, par exemple dans les zones maritimes du Golfe du Bénin, en Afrique, où les épis sont soigneusement disposés, en couches superposées, sur une plate-forme circulaire, et recouverts d'une couche épaisse de feuilles ou de chaume en forme de chapeau conique (il s'agit du grenier traditionnel appelé Bliva). Les interstices entre les épis, dont la base est tournée vers l'extérieur, permettent une ventilation naturelle qui, après avoir complété le séchage initial, tempère à la fois les élévations de température et les remontées d'humidité.

On ne peut empêcher cependant que les climats régulièrement humides et chauds favorisent le développement des insectes ravageurs des récoltes et des stocks, tels que Sitophilus spp et Prostephanus truncatus. On sait que ce dernier, dit le grand capucin, est particulièrement redoutable du fait de sa prolifération et de sa voracité exceptionnelles, et que, gagnant peu à peu toute l'Afrique subsaharienne, spécialement les zones humides, d'est en ouest, il a représenté pendant des années un véritable fléau*.

Les multiples enquêtes menées dans ces régions, notamment pour le compte de la FAO, ont montré que les pertes causées par les insectes dans un grenier traditionnel, au bout de six mois de stockage, étaient de l'ordre de 2 à 3 % pour du maïs en épis déspathés. A quoi il faut ajouter des pertes plus importantes, à savoir celles occasionnées par le battage et consécutives aux déprédations antérieures. En effet, expliquent les producteurs, les grains battus que l'on stocke déjà détériorés (par les insectes et/ou le battage) deviennent irrécupérables en trois mois de stockage, ce qui entraîne une perte pouvant aller jusqu'à 15 %. Cela ne vaut que pour les zones continuellement humides. Dans celles, plus au nord, qui connaissent une saison sèche d'environ cinq mois (de décembre à avril), ce n 'est qu'au mois de mai, quand l'hygrométrie de l'air ambiant s'élève sensiblement, que les insectes se manifestent et prolifèrent de nouveau.

Pour élargir le champ d'observation et parvenir à des estimations du montant des pertes plus représentatives de la diversité des régions et des pratiques, on s'appuiera sur l'étude nationale du Brésil, déjà mentionnée, et sur d'autres statistiques plus générales.

Pour le maïs, le chiffre total des pertes vérifiées au Brésil, selon l'étude en question, s'élève à 17,7 %, dont 4,4 % pour la récolte et 7,8 % pour le stockage, soit 12,2 % (un peu plus des 2/3) pour ces deux opérations ; le reste des opérations post-récolte représente 5,5 %. On peut comparer ces chiffres à ceux d'une autre étude venant d'Amérique latine (ACOGRANOS). Deux séries de données sur les pertes après-récolte du maïs distinguent trois principales opérations classées en deux sous-groupes : d'une part, la récolte et l'égrenage, d'autre part, le séchage. Les résultats en sont les suivants :

Tableau 12 : MAÏS : Pertes en récolte, égrenage et séchage

(Source : ACOGRANOS, Amérique latine)

1er cas : production de maïs : 3380 kg/ha 2ème cas : production de maïs : 1640 kg/ha
  pertes en %   pertes en %
Récolte 3,6 Récolte 5,9
Egrenage 0,3 Egrenage 0,3
Sous-total 3,9 Sous-total 6,2
Séchage 5,9 Séchage 3,0
Total (cumulatif) 9,8 Total (cumulatif) 9,2

Si ces chiffres ne sont pas homogènes avec ceux du Brésil, on constate cependant que ceux qui concernent les pertes à la récolte sont relativement proches, la moyenne théorique des données de ce tableau, soit 4,7 % (3,6 + 5,9 = 9,5 / 2), étant comparable à la donnée du Brésil : 4,4 % . Un autre rapprochement est possible, c'est celui qui concerne les pertes au séchage. En supposant que, hors les pertes de récolte et de stockage, les autres pertes au Brésil, soit 5,5 % du total, correspondent principalement aux pertes de séchage, on constate que la moyenne théorique des pertes au séchage indiquées par le tableau ci-dessus, soit 4,5 % (3,6 + 5,9 / 2), est comparable aux 5,5 % du Brésil. Il est dommage que manque le chiffre ou une estimation des pertes en stockage, pour avoir des résultats sur l'ensemble de la chaîne post-récolte et pouvoir les comparer aux 17,7 % du Brésil. Du moins peut-on noter que la différence entre le 1er total de ce tableau, disons 10 % (9,8 % exactement), et le total général du Brésil (17,7 %), soit : (17,7 - 10) 7,7 %, est très comparable aux 7,8 % de pertes en stockage mentionnés pour le Brésil. Sans constituer nullement une preuve de la validité de ces statistiques, on peut dire que cette observation en augmente la vraisemblance, ce qui est de beaucoup préférable à des généralisations trompeuses ou à des conclusions hâtives, voire à des calculs fantaisistes et à des résultats insignifiants.

3.2.3 - Les mils et les sorghos

Le mil et le sorgho, dont il existe plusieurs familles botaniques, sont des céréales à cycle court, cultivées essentiellement dans les régions semi-arides. Ils sont récoltés le plus souvent après la saison des pluies. C'est pourquoi, quand ils arrivent à maturité, ils ont moins à craindre l'action néfaste de l'humidité que celle des oiseaux et autres déprédateurs des récoltes au champ, particulièrement des tiges cassées et des épis ou panicules tombés au sol, qu'il s'agisse des rongeurs ou des animaux sauvages et domestiques, sans parler de l'égrenage naturel et des vols. Il existe cependant des régions où la moisson se fait en saison pluvieuse ; dans ce cas, un séchage rapide s'impose.

Suivant le temps qui va s'écouler avant la moisson et la durée de la moisson elle-même, les pertes peuvent être sérieuses. Il en est de même pour le transport, pratiqué souvent encore manuellement. Ainsi, avant que la récolte ne soit rentrée et engrangée ou vendue, les pertes peuvent déjà être lourdes, comme l'a constaté un projet PPA en Gambie (FAO RAPA 86) :

Tableau 13 : MIL ET SORGHO : Pertes au champ et au transport en Gambie

(Source : FAO, RAPA 1986)

  Pertes au champ (%) Pertes au transport (%)
Mil précoce 9,5 (moyenne) 7,4
Mil tardif 4,2 n.s.
Sorgho 4,0 0,9

Il ressort de ce tableau que le mil est plus vulnérable sur le champ et en cours de transport que le sorgho, et le mil précoce, un peu plus fragile que le mil tardif. Au total, on observe que les pertes cumulées des deux opérations peuvent atteindre environ 5 % pour le sorgho et plus de 15 % pour le mil précoce, ce qui est considérable. En l'absence, ici, de donnée chiffrée sur les pertes en transport pour le mil tardif, on peut estimer, à partir des pertes au champ, que le montant total des pertes du mil tardif ne dépasserait pas 5 ou 6 %, soit un chiffre comparable aux pertes cumulées du sorgho.

Le mil et le sorgho se conservent mal en grain battu. C'est pourquoi, traditionnellement, dans les greniers villageois, ils sont stockés en épis (chandelles du mil pénicillaire) ou en panicules (sorgho), puis battus au pilon par les femmes, au fur et à mesure des besoins domestiques. C'est sans doute la méthode de battage la plus économique. En effet, le battage au fléau, qui se pratique normalement en équipe sur une aire rudimentaire, au village ou dans les champs, enfonce beaucoup de grains dans le sol, où ils disparaissent. Mais c'est le battage mécanique, semble-t-il, qui occasionne le plus de pertes en raison de la longueur des épis, pour le mil pénicillaire, et de la densité des épillets sur le rachis, pour les autres mils et les sorghos. Les nombreux types de batteuses, à pédale ou à moteur, qui ont été mis au point, soulagent la peine et améliorent considérablement le rendement, mais ils n'empêchent pas qu'il y ait des brisures et que des grains restent sur les épis ou les panicules.

Quant au moissonnage-battage, si l'on en croit certains essais (source John Deere and Class combine Harvestor), il peut entraîner de lourdes pertes, qui sont fonction, en partie, de la vitesse d'avancement de la machine et qui, de 6 %, peuvent s'élever jusqu'à 30 %. On trouvera ci-dessous les deux chiffres de pertes au battage enregistrés par le projet de Gambie cité plus haut, et qui, à leur place, attestent bien qu'il y aurait plus de pertes avec le battage mécanique qu'avec le battage manuel (à noter qu'il ne s'agit cette fois-ci que du mil) :

Battage du mil Pertes en %
battage manuel 6,3
battage mécanique 19,3

Stockage du mil et du sorgho

Depuis des années, quantités d'enquêtes et d'études ont été réalisées pour connaître les modes, les conditions et les résultats de stockage des céréales, notamment du mil et du sorgho, tant dans les greniers paysans ou villageois, et chez les commerçants, que dans les magasins, entrepôts ou silos des organismes publics et privés, en tenant compte de la diversité des produits, des moyens et des finalités, sans oublier les évolutions socio-économiques et politiques touchant le monde agricole et rural aussi bien que le marché international et le commerce agro-alimentaire.

S'agissant du stockage paysan ou villageois, particulièrement dans les régions semi-arides caractérisées par la production de mil et de sorgho, ces études ont conclu de façon concordante à la validité des méthodes empiriques et à l'efficacité des greniers traditionnels, contrairement à ce qui avait été suggéré et répété bien souvent. Pour donner une idée de ces résultats abondants et détaillés, dont on trouvera plus loin des tableaux synthétiques, on se référera à deux études bien distinctes, l'une provenant des travaux de l'équipe Yaciuk, menée notamment au Sénégal dans les années 70, l'autre, plus récente, du Centre d'Etudes Africaines, E.H.E.S.S. (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, 1987).

Tableau 14 : Pertes en stockage (durée : 30 mois) dans des greniers traditionnels au Sénégal

(Source : Yaciuk, G., 1977)

Niveau dans le grenier Pertes en %
  Mil (millet) Sorgho
1. surface 3,7 19,2
2. centre 1,4 4,2
3. fond 1,5 2,4

Ces résultats, qui ne sont qu'un petit échantillon d'un tableau où se croisent six types ou formules de stockage et six colonnes de relevés chiffrés, parlent d'eux-mêmes si l'on n'oublie pas qu'ils concernent une période de 30 mois de conservation. On retiendra, évidemment, la différence de comportement entre le « petit mil » et le sorgho, celui-ci affichant un taux de pertes très élevé à l'étage supérieur du grenier, ce qui augmente sensiblement la moyenne arithmétique, purement arbitraire, des pertes du sorgho (presque 9 %) par rapport à celle des pertes du mil (2,2 %).

L'étude du C.E.A., indiquée ci-dessus, sur « la conservation des grains en Afrique tropicale » rassemble de nombreuses informations et réflexions venant de diverses sources, notamment de la FAO. Les deux pages consacrées au problème des pertes sont illustrées par un tableau de résultats chiffrés, sous le titre suivant : « Des pertes modérées pour des durées de conservation plus longues que prévu ».

Voici ces résultats qui concernent, également, le mil et le sorgho et, pour chacun de ceux-ci, quatre pays différents (pour chaque cas, la méthode de conservation est mentionnée entre parenthèses) :

Tableau 15 : MIL ET SORGHO : Pertes en stockage traditionnel en Afrique de l'Ouest

(Source : Centre d'Études Africaines, EHESS, Paris, 1987)

  Mil   Sorgho
    (pertes en %)     (pertes en %)
Burkina (épis) 10 Burkina (épis) 6
Mali (épis) 2 à 4 Nord Nigéria (épis) 4
Niger (épis) 3,4 à 10 Sénégal (grain + sable) 9,8
Sénégal (épis) 2,2 Nord Côte d'Ivoire (épis) 11-12
  Maïs      
Bénin (épis) 2-3 Nord Côte d'Ivoire (épis) 7,5-8,5

On remarquera que les écarts de pourcentages ne sont pas significatifs en ce qui concerne les produits, mais le sont davantage par rapport aux différents pays (de 2 à 10 pour le mil, de 4 à 12 pour le sorgho). Cependant, ce qui frappe avant tout, comme le dit l'étude elle-même, « c'est la grande hétérogénéité de ces chiffres, qui tient à la diversité des sources, mais aussi à la multiplicité des paramètres dont il faudrait tenir compte, si bien qu'on ne dispose jamais de données strictement comparables ». Tout au moins, dans ce tableau, la forme du produit stocké (épis), identique pour 7 cas sur 8, apporte-t-elle un intérêt, voire un crédit supplémentaire aux résultats, tout en contribuant à montrer que, malgré la technique appréciable de l'adjonction de sable dans le stock, le grain battu ne se défend pas mieux contre les parasites que le grain en épis.

Tableau 16 : (Source : Yaciuk, G. et Forrest, R.S., 1979)

Pays Pertes en % Remarques et origine des informations
Riz
Afrique de l'ouest 6-24 Séchage 1-2; Stockage à la ferme 2-10;
Parboiling 1-2 ; Mouture 2-10 (NAS, 1978)
Sierra Leone 10 (NAS, 1978)
Maïs
Benin 8-9 Stockage traditionnel à la ferme durant 6 mois utilisant des techniques améliorées (NAS, 1978)
Ghana 7-14 (NAS, 1978)
  15 après 8 mois de stockage (NAS, 1978)
Côte d’Ivoire 5-10 12 mois de stockage en épis (NAS, 1978)
Nigeria 1-5 Stockage à la ferme (NAS, 1978)
  5,5-7 après 6 mois de stockage à la ferme (NAS, 1978)
Togo 5-10 après 6 mois dans un organisme central de stockage (NAS, 1978)
Mil
Mali 2-4 Stockage à la ferme (Guggenheim, commentaires personnels)
  10-14 Stockage à la ferme (Guggenheim, commentaires personnels)
Nigeria 0,1-0,2 Stockage à la ferme (NAS, 1978)
Sorgho
Nigeria 0-37 Stockage à la ferme (NAS, 1978)


Tableau 17 : Résultats dans des greniers traditionnels de paille tressée et de banco (30 mois de stockage) au Sénégal

(Source : G. Yaciuk, 1977)

Produits Niveau Grains attaqués Grains sains % de grains attaqués Poids des grains attaqués Poids des grains sains % de pertes
Mil 1. Surface 3,522 25,683 12.1 15.1 158.3 3.7
2. Centre 1,102 32,021 3.3 4.1 202.8 1.4
3. Fonds 1,852 26,318 6.6 10.5 193.9 1.5
Mil 30%
+
Sorgho 70%
1. Surface 11,476 13,938 45.2 78.0 114.4 7.7
2. Centre 9,411 13,133 41.7 64.3 136.2 14.2
3. Fonds 5,781 13,427 30.1 36.1 172.2 15.4
Sorgho 70%
+
Sable 30%
1. Surface 1,086 10,129 9.7 17.3 266.5 3.8
2. Centre 4,090 6,311 39.3 89.8 193.1 11.1
3. Fonds 3,635 7,201 33.5 60.2 210.2 14.5
Sorgho 1. Surface 7,038 5,209 57.5 37.6 156.0 19.9
2. Centre 938 10,075 8.5 14.9 313.8 4.2
3. Fonds 1,839 12,771 14.3 33.0 282.7 2.4
Sorgho
+
Bromophos
1. Surface 2,546 10,118 20.1 54.1 267.4 3.9
2. Centre 1,040 10,890 8.7 19.6 292.7 2.7
3. Fonds 2,850 6,470 30.5 57.4 177.9 8.1
Sorgho non battu Structure bois 523 3,002 14.8 6.1 61.4 6.4
Structure Argile 633 5,206 10.8 7.5 102.6 4.3
Sorgho non battu
+
Bromophos
Structure bois 842 5,538 13.2 10.9 110.4 5.3
Structure Argile 474 7,656 17.2 4.3 135.0 2.8


3.2.4 - Les légumineuses et les graines oléagineuses

Les légumineuses, notamment les haricots et niébés, les pois, fèves et lentilles, font partie de l'alimentation de base dans de nombreux pays et ont l'avantage d'apporter un complément protéinique aux régimes alimentaires constitués essentiellement de céréales. Ce sont des produits plus difficiles à récolter et à conserver que les céréales. Tout d'abord, au moment de la maturité, les gousses déhiscentes peuvent s'ouvrir ou éclater et laisser tomber beaucoup de graines à terre ; cela est vrai non seulement pour la récolte, mais autant et même plus pour le transport. D'autre part, elles sont plus vulnérables aux attaques des insectes, en particulier des bruches qui viennent pondre sur les gousses ou les graines avant leur ramassage. Le nom des plus courants de ces déprédateurs est d'ailleurs associé souvent à un produit ; c'est ainsi qu'on parle de la bruche du haricot (Acanthoscelides obtectus) , la bruche du niébé (Callosobruchus maculatus) et la bruche du pois (Zabrotes subfasciatus) .

Au moment de la récolte, la teneur en eau des légumineuses peut être élevée ; cela dépend bien sûr des espèces, des variétés et des climats, comme le montre une observation faite sur trois variétés de haricot (source : projet sur les frijoles de la Sierra en Equateur) :

Haricot : taux de teneur en eau à la récolte selon la variété (%)

Panamito: 19,0
Canario: 20,1
Frutilla: 36,5

Il est donc important de procéder à un bon séchage, ce qui se pratique couramment sur des aires exposées au soleil, sur des terrasses ou dans des récipients à claire-voie. Ce séchage sera plus efficace évidemment si la récolte a été écossée. D'après l'étude mentionnée ci-dessus, au bout de trois jours de séchage au soleil, la teneur en eau peut être descendue à 12 ou 13 %. Ce taux d'humidité est généralement satisfaisant pour répondre aux exigences d'un stockage assuré, comme le montrent les recommandations suivantes :

Tableau 18 : LÉGUMINEUSES ET GRAINES OLÉAGINEUSES : Teneur en eau maximum pour le stockage sûr de graines

(Source : d'après CEEMAT :Conservation des grains en régions chaudes, Paris, 1988)

Espèce Teneur en eau en %
Haricots 14,0
Pois 13,0
Soja 11,0
Arachides non décortiquées 9,0
Arachides décortiquées 7,0

On remarquera que les graines oléagineuses, soja et arachides, nécessitent un taux d'humidité inférieur à celui des légumineuses, tout spécialement les arachides décortiquées. C'est dire la fragilité de cette dernière graine. Cela ne suffit pas malheureusement à protéger les stocks des attaques des parasites, particulièrement des bruches. C'est pourquoi une méthode empirique, reprise et puissamment perfectionnée par la technique moderne, consiste à remplir les récipients au maximum et à les obturer de façon hermétique afin que l'air interstitiel, se raréfiant et devenant inerte, anesthésie ou même, asphyxie les larves et les insectes. Quand il s'agit de plus grandes quantités et de récipients ou de locaux non hermétiques, il est recommandé de traiter le stock avec des poudres insecticides. Ci-après, on trouvera quelques chiffres de pertes concernant le haricot et le soja et tirés de l'étude nationale brésilienne déjà citée :


Tableau 19 : Pertes après-récolte du haricot et du soja au Brésil, en %

(Source : Commission technique pour la réduction des pertes en Agriculture)

  Pertes totales Pertes à la récolte Pertes au stockage
Haricot 15,0 4,3 9,0
Soja 10,3 5,0 2,7

On notera que, si le soja s'avère moins vulnérable que le haricot, surtout en stockage, les deux opérations : récolte et stockage supportent la plus grande part des pertes pour les deux produits ; dans le cas du haricot, le stockage à lui seul représente presque les 2/3 des pertes totales de la filière, et dans le cas du soja, c'est la récolte qui enregistre presque la moitié de ces pertes.

Arachides : Du fait que ses fruits poussent en terre, l'arachide est une oléagineuse à part. Lors de l'arrachage, l'humidité des gousses est de l'ordre de 40 à 50 % et il faut la ramener à 10 % pour que le battage soit possible. Le séchage naturel, en petits tas, va durer des semaines, pendant lesquelles les insectes, qui ont déjà commencé leur œuvre sur le champ, vont poursuivre leurs dégâts, sans parler des risques de moisissures. Pendant le stockage, le Trogoderma fera plus de ravages que les bruches qui, normalement, restent à la surface du stock. C'est pourquoi, un stockage de longue durée nécessitera des fumigations sous bâche ou dans des magasins étanches.

3.2.5 - Les racines et les tubercules

A la différence des céréales, les plantes tropicales à racines ou à tubercules font toutes partie des produits vivriers fragiles et périssables. La récolte est délicate et doit être faite avec grand soin, car elle conditionne toute la suite des opérations et, en particulier, les interventions pour prévenir les dégradations et les pertes. Qu'il s'agisse de l'arrachage ou de l'entassement, du ramassage ou du transport, il convient donc d'éviter blessures et meurtrissures, car c'est la porte ouverte aux virus et aux moisissures qui entraîneront fatalement le pourrissement.

L'igname : L'igname est une plante à tubercule des régions tropicales humides, mais aussi des savanes, dont on connaît maintes espèces. L'igname blanc, ou Dioscorea rotundata, originaire d'Afrique occidentale, est l'espèce la plus cultivée pour l'alimentation humaine dans le monde.

Le tubercule arrive à maturité au bout de six à neuf mois de culture et entre alors dans une période de dormance qui peut durer de quatre à dix-huit semaines, selon les espèces. C'est pendant cette période de repos physiologique que l'on peut stocker les ignames. La conservation reste cependant une opération délicate, car l'importante teneur en eau du tubercule, entre 60 et 80 %, entretient les fonctions de transpiration et de respiration, même au ralenti. Voici, à titre indicatif, entre quels pourcentages peuvent évoluer les taux d'humidité des principales espèces d'igname :

Tableau 20 : IGNAMES : Teneur en eau des principales espèces d'ignames (%)

(Source : Coursey, 1967, cité par J. Knoth dans un manuel de la GTZ, 1993)

Dioscorea alata 65-73
Dioscorea rotundata 58-80
Dioscorea esculenta 67-81
Dioscorea bulbifera 63-67

C'est pourquoi les diverses méthodes de stockage, qu'elles soient rudimentaires, améliorées ou plus sophistiquées, ne peuvent empêcher l'apparition de pertes sévères. Celles-ci sont dues à plusieurs causes que l'on peut ramener à cinq principales :

Ajoutons que les pertes de conservation sont, généralement, moins élevées en savane qu'en forêt, en raison sans doute d'une moindre fréquence du nématode de l'igname dans les zones plus sèches, et d'une teneur en eau inférieure dans le tubercule.

Quelques données chiffrées seront utiles, maintenant, pour illustrer le comportement des ignames au cours de la filière post-récolte :


Tableau 21 : IGNAMES : Perte de poids des ignames sous différentes conditions

(Source : FAO, Journées techniques d'Accra, 1994)

Conditions des tubercules Pertes de poids dues à la respiration
(% par jour)
Pertes de poids totales
(% par jour)
Cave ventilée Entrepôt traditionnel
Récolte 0,076 0,25 0,25
Dormance 0,021 0,17 0,27
Germination 0,068 0,23 0,35

On retiendra un des commentaires du document lui-même à propos de ce tableau : « Les moyennes hebdomadaires d'humidité relative dans la cave ont varié entre 83,9 et 93 %. Ces niveaux élevés de l'humidité relative, combinés aux températures relativement faibles constatées dans la cave, sont proches des conditions optimales (25°C et 96 %) pour que les blessures sur les tubercules se résorbent. De plus, ces conditions favorables ont permis de diminuer les pertes de poids dues aux échanges respiratoires des tubercules ».

Dans la même publication, on trouve deux petits tableaux comparatifs de pertes en stockage (résultats présentés lors des Journées techniques d'Accra, 1994) qui rendent compte des intéressantes expériences réalisées au Bénin pour étudier et améliorer le stockage des ignames :

Tableau 22 : IGNAMES : Pourcentage de pertes mesurées dans deux régions du Bénin

(Source : FAO, 1994)

Région Centre Structure améliorée (paillote surélevée ou fosse-paillote) Structure traditionnelle
Variété précoce 24,2 57,3
Variété tardive 22,4 38,4
 
Région Nord Paillote surélevée Fosse-paillote Structure traditionnelle
Variété précoce ou tardive 26,8 20,6 59,1

Un commentaire d'ordre économique sur ces résultats, regroupés ici en un seul tableau, mérite aussi d'être cité : « Sur le plan économique, l'étude a montré que le producteur réalisait, avec la variété précoce, une plus-value de 220 % avec le stockage amélioré (contre 44 % avec le stockage traditionnel). Par contre, avec la variété tardive, la plus-value est la même, quel que soit le type de stockage. Néanmoins, le coût du stockage amélioré et du traitement phytosanitaire peuvent constituer un frein au développement de ce type de stockage ».

Tableau 23 : Part de la respiration dans les pertes de poids globales consécutives au stockage sur D. rotundata

(Source : PASSAM, 1982, cité par Knoth, J.)

Ages des tubercules Pertes de poids journalières
en %
Part de la respiration
dans les pertes de poids en %
25º C 35º C 25º C 35º C
Après la récolte 0,22 0,36 27 30
Pendant la dormance 0,15 0,28 7 10
Pendant la germination 0,21 0,34 35 20

Le manioc : Le manioc est une culture d'appoint et de sécurité sous l'équateur et les tropiques, et un aliment très apprécié des populations. Cependant, il est encore plus difficile à conserver que les ignames. En effet, dès le deuxième ou troisième jour après la récolte, la racine exposée à la lumière commence à se dégrader. C'est pourquoi, la méthode de stockage naturelle la plus simple, quand il ne s'agit que de consommation familiale ou locale, est de laisser les racines dans le sol après maturité et de les récolter au fur et à mesure des besoins.

Bien des techniques ont été testées, depuis des années, pour prolonger la conservation des racines fraîches. Certaines d'entre elles, expérimentées notamment au Ghana (Gallat, 1994) et au Nigeria (Agboola, 1994), ont obtenu des résultats appréciables mais sur une période qui ne dépasse pas 15 à 20 jours. Au-delà, le degré de pourriture devient inacceptable (50 % après 42 jours et 80 % après 63 jours).

C'est pourquoi les efforts et recherches se sont orientés surtout vers la transformation, pour améliorer les techniques artisanales pratiquées par les femmes, et tout d'abord pour désintoxiquer les racines. Le manioc frais se caractérise, en effet, par sa teneur en acide cyanhydrique élevée, qui peut provoquer des empoisonnements. La désintoxication est donc le but des premières opérations de lavage et de grattage.

Deux principaux produits peuvent être obtenus à partir des racines : la farine de manioc et le Gari. Pour tous les deux, la fabrication commence par une fermentation naturelle, mais les opérations de transformation sont beaucoup plus longues et pénibles pour la confection du gari que pour celle de la farine. Celle-ci, facile à stocker et à commercialiser, est consommée surtout sous forme de foufou, aliment de base africain. Comme le foufou, après fermentation, le gari est tamisé, mais, au lieu d'être mis en boules pour être bouilli, il est cuit. C'est cette cuisson qui est appelée garification et qui donne un produit granuleux du genre couscous.

On terminera cette présentation de la transformation du manioc en relevant quelques chiffres sur les temps de main-d'œuvre de certaines des opérations entrant dans la fabrication du gari :

épluchage manuel des racines : 20-25 kg à l'heure (les épluchures correspondent à 25 % du poids de manioc frais) ;
râpage manuel : 20 kg à l'heure (les râpes motorisées atteignent 2 tonnes/heure) ;
pressage traditionnel et fermentation (pour éliminer l'acide cyanhydrique) : 2 à 3 jours ;
produit fini : représente 20 à 25 % du poids de manioc frais.

(Source : FAO, Journées techniques d'Accra, 1994)


*Cet insecte, venant d'Amérique centrale, est apparu en Afrique dans les années 70 et s'est d'autant mieux adapté sur le continent africain qu'il n'y a pas rencontré de prédateurs naturels.

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