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4 - formes de dégâts et incidences physiologiques, écologiques et économiques

NOTE : Divers insectes cités dans les chapitres suivants ne sont pas repris dans la partie Systématique (§ 6), leur importance ne le justifiant pas. Mais ils peuvent être des exemples démonstratifs de certains types de dégâts. Ces chapitres se basent sur une exploration de littérature qui n'est nullement exhaustive, mais cite quelques exemples qui illustrent bien le caractère international de la recherche; dans cette optique aussi, le pays d'où provient le résultat est mentionné.

4.1 - Principaux types de dégâts

Les dégâts des défoliateurs sont certainement les plus spectaculaires : en cas de pullulation, l'entièreté du feuillage est détruite. En cas d'attaque plus modérée, les dommages sont partiels. Ils peuvent parfois prendre des formes particulières comme, par exemple, dans le cas d'attaques de cigariers (Byctiscus spp., des coléoptères phyllophages qui enroulent les feuilles). Les larves de Tenthrèdes et les chenilles débutent souvent leur attaque à partir du bord des feuilles. Les larves de nombreux coléoptères détruisent ("squelettisent") un seul épiderme de la feuille, les adultes y découpent souvent d'assez petits trous en fenêtre.

Les dégâts des mineuses sont moins spectaculaires. Ils sont le fait de lépidoptères, de diptères, d'hyménoptères, plus rarement de coléoptères, qui creusent de fines galeries ou des plages dans l'épaisseur de la feuille. Mais ces insectes peuvent parfois être fort abondants : dans des champs d'expériences en Belgique, 75% des feuilles de certains clones portaient des mines de Phyllocnistis unipunctella (B, Nef, 1988).

Les foreurs ou xylophages creusent des galeries dans le tronc ou dans les branches. Les galeries de la majorité des foreurs du tronc peuvent atteindre de bonnes dimensions et sont souvent sinueuses; celles des foreurs des pousses sont plus petites et très souvent rectilignes.

La plupart des insectes suceurs, dont des pucerons et les cicadelles, se contentent d'extraire la sève de l'arbre. Si le tronc est visé, il réagit assez souvent par une modification de la structure de l'écorce. D'autres suceurs, tels certains pucerons ou les Thysanoptères, se nourrissent de tissus végétaux mous.

Les attaques de divers foreurs tels Gypsonoma sp. ou certains Sesia (= Aegeria) sp., ou de suceurs, induisent sur l'arbre une formation de galles, excroissances sur les tissus de branches ou de feuilles. Des pucerons attaquant le pétiole ou le limbe de feuilles, tels les Pemphigus, y forment des galles de structure complexe, par exemple en "tire-bouchon" (P. spirothecea). Le P. bursarius, particulièrement spécifique du Populus nigra, est même utilisé comme indice de la pureté génétique des peupliers de cette espèce dans son aire de distribution naturelle (V. Steenackers, com. verb.).

Le Tableau 2 mentionne les dégâts occasionnés par les différents genres cités dans le § 6, "Aperçu systématique".

4.2 - Incidences des dégâts

Les défoliateurs, les mineuses et les suceurs provoquent surtout des incidences physiologiques : l'arbre ralentit sa croissance, ou même meurt dans les cas les plus graves. Quelques exemples:

Une défoliation au printemps, permettant aux peupliers de faire une nouvelle feuillaison en été, ne diminuera la croissance que de quelques pour-cent. Par contre, une défoliation estivale, et surtout sa répétition plusieurs années successives, pourra réduire la croissance de l'arbre de moitié, voire plus, et parfois provoquer sa mort.

Les dégâts mécaniques sont surtout dus aux foreurs.

Ces insectes affaiblissent le tronc et, surtout, les rendent impropres à certains usages, telles les utilisations plus nobles du bois (sciage, déroulage). Même les minuscules galeries verticales que les Phytobia (=Dizygomiza) creusent dans le cambium provoqueront ultérieurement des traces noires au déroulage, voire des cassures.

Par contre, de nombreux foreurs des troncs n'ont guère d'influence quantitative pour la production de bois de papeterie ou de trituration.

Même nombreuses, les galeries de Sesia apiformis, limitées au niveau du collet, ne seraient guère nocives pour les gros peupliers; mais celles de Cryptorhynchus lapathi peuvent tuer un pourcentage appréciable de jeunes arbres (25% en NL, Moraal, 1996).

Les foreurs des pousses, particulièrement nuisibles en pépinière, provoquent le dépérissement des tiges ou surtout leur bris, dont sont accusés régulièrement les Paranthrene spp. ou certains Compsidia (Saperda) spp.. S. inornata peut attaquer jusque 60% des pousses, mais peu sont cassées et, finalement, ces attaques n'ont guère d'incidence sur la croissance (USA, Moore et al., 1986).

Si l'attaque concerne la pousse terminale, cas fréquent chez Gypsonoma aceriana, la croissance de l'arbre ne se poursuivra souvent que par la formation de deux ou plusieurs rejets, enlevant toute valeur marchande aux arbres de pépinière.

Divers insectes peuvent modifier la structure de l'arbre. Phl_omyzus passerinii provoque des crevasses dans l'écorce, des nécroses du bois et interrompt la circulation de la sève.

Des insectes peuvent interagir avec des micro-organismes. Ou bien, la présence de ces derniers permet ou facilite l'attaque des insectes (l'interaction graphiose de l'orme - scolytes est universellement connue; chez les peupliers, Platypus sulcatus introduit des Ambrosia). Ou bien, l'insecte introduit accidentellement la maladie, mais celle-ci peut parfois être plus dommageable que le premier. Il existe une coïncidence quantitative entre Cryptorhynchus lapathi et le chancre Mycosphaerella populorum (USA, Abebe et al., 1990) ou entre le chancre Cytospora chrysosperma et Melanophila decastigma (CN,: Liu et al., 1988) ou encore entre les galeries d'Agromyzidés et Xanthomonas (Aplanobacter) populi, la bactérie du chancre bactérien (Steenackers, com. verb.). De nombreuses bactéries sont introduites lors des attaques de Lygus lineolaris sur les troncs (CA, Juzwik et al., 1986). La bactérie Erwinia salicis peut survivre dans les galeries d'insectes du saules et aussi, probablement, du peuplier (Steenackers, com. verb.).

Il existe aussi les dégâts écologiques et esthétiques. Une pullulation réduira, sinon annihilera, le rôle d'abri d'un brise-vent. Dans certains cas, l'utilisation de peupliers comme brise-vent s'avère néfaste s'ils introduisent des déprédateurs indésirables, par exemple dans les cultures voisines de pommiers (UA, Tertyshnyi, 1991). Les plantations citadines perdent de leur valeur esthétique suite à l'attaque de la mineuse Zeugophora turneri qui abîment les feuilles et en provoquent la chute prématuré.

Souvent aussi, les attaques peuvent avoir des conséquences multiples. Le foreur Saperda calcarata favorise la pénétration de maladies et d'autres insectes, et sensibilise le tronc au bris par le vent ou la neige (CA, Drouin et al., 1975). Divers champignons, comme Xanthomonas populi, et des foreurs tel Cossus cossus peuvent succéder à des attaques de Paranthrene tabaniformis (I, Bertucci, 1986).


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