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3.- PREMIER ELEVAGE PILOTE DE CHANOS CHANOS

3.1. Préparation du bassin expérimental

La Compagnie Saliniére d'ANTSIRANANA dispose pour son industrie, d'environ 400 Ha de bassins divers. Parmi ceux-ci, un bassin jusqu'alors resté “hors circuit”, longeant le chenal d'amenée des eaux de mer à la Station de pompage, et pouvant être approvisionné en eau de mer fraîche, à volenté, par pompage à chaque marée. C'est ce bassin d'une surface de 166 ares (et son annexe de 24 ares) qui a été mis gracieusement à la disposition du Projet (fig. 1).

Cette pièce d'eau n'avait pas été mise à sec depuis près d'une dizaine d'années ce qui a provoqué la formation d'une épaisse couche de sulfate de calcium sur le fond. Bien que l'étang fut complétement vidé dès le mois d'Août, ni le vent ni la grande sécheresse d'alors ne sont parvenus à faire craqueler le fond, même après 2 mois d'assec, en raison de cette couche de sulfate de calcium formant écran. Ne disposant pas d'eau douce pour lessiver l'étang, on a bien tenté d'aider la nature en traînant sur le fond des râteaux armés de clous, mais sans résultat. De ce fait, l'épaisse couche de vase organique extrêmement favorable au développement du complexe biologique (algues) n'a été que faiblement minéralisée, ce qui a très certainement réduit la fertilité naturelle de l'étang. Cependant, grâce à une gestion parfaite de l'eau pendant l'élevage, cet handicap du début a pu être surmonté.

La mise en exploitation de l'étang a nécessité quelques travaux d'aménagement dont le renforcement de la digue de séparation de la pièce d'eau principale et de son annexe, des portes de communication ainsi qui un moine rudimentaire.

Dés la fin du mois de Septembre, on a procédé à des mises sous eau de faible épaisseur (10 – 15 cm) suivies d'asseos successifs à quinze jours d'intervalle, tant pour lessiver le fond que pour provoquer la poussée d'algues, si bien qu'en Novembre le bassin était “conditionné” pour recevoir une mise en charge.

Fig. 1

Aucune fumure verte (feuilles de palétuvier - chaumes de riz, etc..) organique ou chimique n'a été ajoutée.

3.2. Mise en charge

L'apparition massive des larves planctoniques de Chanos chanos du 21 au 24 Novembre a déclenché une mise en charge provisoire.

A ce moment précis, les auteurs étaient en mission à l'extérieur du pays et n'ont pu assister à cette phase délicate de l'expérience. Capturées à l'épuisette en tulle moustiquaire, quelques kilos de larves planotoniques d'espèces diverses furent alors déversées dans l'étang ; il y avait notamment accompagnant Chanos chanos, des larves indésirables d'Albula Vulpes (vorace), d'Elops sp, de Tilapia mossambica, de Mugil sp et peut-être d'autres encore, mais dans la précipitation du moment et faute de matériel adéquat sous la main, aucun triage sélectif n'a été pratiqué; du fait du transport de ces larves, à sec, hors de l'eau, les mortalités ont dû être considérables.

Dès ce moment, la hauteur d'eau du bassin fut portée à 30 – 40 cm et maintenue à ce niveau par réalimentation chaque semaine en eau de mer fraîche et claire : la salinité était également maintenue par ce moyen entre 3 et 3,5o Baumé équivalent à celle de la mer.

A la mi-Décembre, on pouvait observer des bancs d'alevins séparés de Chanos, Mulet, Tilapia, de 3 cm environ, broutant la couche d'algues vertes se développant sur le fond, à la périphérie du bassin.

Lors de la seconde apparition de larves, fin Décembre, quelques bassines complémentaires d'alevins de Chanos chanos de 1,5 – 2 cm capturés au filet moustiquaire dans la pièce d'eau 86, et triés dans de meilleures conditions, ont été déversés dans le bassin. Dans le même temps, une petite senne à fines mailles trainée sur le bord de l'étang a permis l'élimination de plus de 200 Albula Vulpes de 10 – 12 cm dont les premières larves observées à la mi-Novembre, ont certainement dû pénétrer dans le bassin, à la faveur des pompages d'alors.

Estimant cependant que l'avenir des mises en charge à partir de larves restait assez problématique, et en raison de la présence de trop nombreux voraces (Albula Vulpes), il fut décidé fin Janvier, de parfaire l'empoissonnement du bassin par des déversements complémentaires de 3.000 alevins de Chanos. A ce moment, toutes les pièces d'eaux des Salines en début de circuit (à salinité normale) ou en communication directe avec la mer (vannes) étaient envahies d'alevins de Chanos et autres, montés aux marées ; il n'y avait dono aucune difficulté à en capturer à volonté et dans d'excellentes conditions. Il fut respectivement introduit dans le bassin pilote, du 25 Janvier au 2 Février, et provenant de la pièce No86 :

Une pêche de contrôle effectuée le 9 Février dans la pièce No 86 par le Service des Pêches Maritimes, au moyen d'un filet à mailles de 1 cm de oôté a démontré que les larves montées fin Novembre avaient alors une taille standard de 10–12 cm, soit la même classe que les 200 alevins de 10 – 11 cm déversés dans le bassin expérimental le 25 Janvier, provenant de la même pièce d'eau.

3.3 Conduite de l'élevage

Pendant la période très pluvieuse de Janvier à Mars, quelques saos de son de riz ont été jetés dans le bassin pour compenser le manque éventuel d'algues, la production de celles-ci étant ralentie par une forte nébulosité, dono un ensoleillement réduit (photosynthèse).

Dans le même temps, les apports d'eaux de mer ont été réduits, en raison de la forte turbidité des eaux côtières (eaux déversées par les torrents), tandisque les eaux de pluie compensaient l'évaporation et empêchaient l'accroissement du taux de salinité dans le bassin. Dès l'accalmie des pluies et la reprise des pompages (21 Mars), le bassin a été réapprovisionné très régulièrement en eau de mer fraîche et verte.

3.3.1. Première Pêche de Contrôle

Une première pêche de contrôle à l'aide d'une senne à fines mailles a été effectuée le 7 Mars, soit 40 jours environ après la mise en charge définitive ; elle a produit comme résultat l'échantillon suivant :

L.T.cm  L.S.cm1 cmPoids grRemarques
35288400Il s'agit de toute évidence de poissons ne provenant pas de la mise en charge ; aussi, ils sont classés “hors série”. Voir note explicative complémentaire page 16. *
3528,58400
3528,58,5400
3427,58400
3528,58,5450
3528,58,5450
28,523,56,5250
2117,54,5  90Echantillon représen atif de la population Chanos du bassin pouvant provenir en partie des larves ayant survécu aux empoissonnements de fin Nov. et Déc. - mais de toute évidence, provenant des différents lots d'alevins de 4–5, 5–6, 7–9 et 10–11 cm déversés dans le bassin du 25 Janvier au 2 Février.
20,517,54,5  80
1815,53,8  50
18,515,54  65
17,514,53,5  45
22185  95
18154  55
1613,53,5  35
14123  45
2016,54  65
19164  60
2016,54,5  75- Deux modes apparents dominants; tailles de 20 et 18 cm correspondant sans doute aux alevins de 10–11 et 7–9 cm. Les tailles plus petites auront échappé à cette pêche de contrôle.
20174,5  85
20174  70
18154  55
18,515,54  55
16,5143,5  55
1714,53,5  45
Poids moyen de l'échantillon : 1.125 gr : 18 = 62,5 gr.

* Il est probable, sinon certain qu'il s'agit de poissons de la saison précédente (début 1977) ayant atteint en bassins un certain niveau de croissance et ayant ensuite “hiverné” sans croître, dans un secteur des Salines à la limite de tolérance à la salinité - et qui sont parvenus à rejoindre le bassin expérimental à la faveur des pompages de mise sous eau en Octobre - Novembre, et où ils ont alors repris leur croissance normale. Ce point de vue semble confirmé par le fait qu'en Décembre, nous avons surpris un pêcheur avec un lot de Chanos de 250 gr. environ chaoun qu'il venait de capturer dans un des bassins à l'extrémité des Salines.


 
Bassin des Salines utilisé par le Projet pour
l'élevage pilote de CHANOS chanos
  
   
 
  Récolte du CHANOS chanos au moyen d'un
filet maillant Juin 1978
 

Photos Achilson RANDRIANJAFIZANAKA

3.3.1.1. Pêche Témoin, en milieu naturel

Une pêche témoin au filet maillant (mailles de 20 mm de côté) effectuée le 8 Mars à l'embouchure du chenal d'amenée des eaux de mer aux Salines a donné comme échantillon :

L.T cmL.S cm1 cmPoids gr.Remarques
25205,5120Pêche sélective donnant évidemment les plus belles tailles, mais indiquant cependant les résultats de croissance naturelle des larves apparues fin Nov. en Baie de ANTSIRANANA et en milieu de mangrove.
21174,5  80
2016,54  65
20164  70
2016,54,5  80
23195100
21174,5  80
20174,5  80
2016,54  70
21174,5  80
24195110
Poids moyen de l'échantillon : 935 gr : 11 = 85 gr.

3.3.1.2. Pêche Témoin en bassin des Salines

Dans la pièce d'eau No 67 du Salin, une pêche de contrôle au filet maillant (mailles de 20 mm de côté) effectuée le 8 Mars a produit l'échantillon ci-dessous :

L.T cmL.S. cm1 cmPoids gr.Remarques
2520,55140Echantillon provenant des larves de Chanos rentrées fin Novembre et Décembre dans cette pièce d'eau en même temps que ceux de la pièce No 86.
24,5205120
26215,5150
21174  75
21174  75
20164  65
19,5164  60Une pêche de contrôle dans cette pièce No 86 effectuée par le Service des Pêches Maritimes le 9 Fév. a donné un échantillon d'une Longueur Standard de 11 cm (13–14 cm L.T.) pesant de 20 à 25 gr.
1814,53,5  45
2218,55100
2117,54,5  80
2117,54,5  80
20,516,54  70
22184,5  85
2117,54,5  80
21174,5  85
17,514,53,5  45
21174  70Cette pêche sélective du 8/3 au filet maillant n'a capturé que les plus beaux sujets. Tous les poissons avaient l'estomac et l'intestin remplis, le ventre rond et déjà gras, indiquant la présence de nourriture à volonté.
17143  40
18,5153,5  45
19,5164  60
22184,5  95
1814,53,5  45
16133  30
20164  60
17,514,53,5  45
16133  30
16133  30
18,5153,5  50
21174,5  80
17143,5  45
2117,54,5  85
22184,5  95
Poids moyen de l'échantillon : 2.260 gr : 32 = 70,6 gr. 

3.3.2. Discussion de ces résultats

A l'issue de ces premières pêches de contrôle concernant des échantillons de même génération (issus des larves de fin Novembre), on notera que l'échantillon provenant du milieu naturel pesait 85 gr, celui du bassin - témoin des Salines, 70 gr, et celui du bassin expérimental, 62 gr.

Jusqu'alors, c'est dono dans son milieu naturel, beaucoup plus sélectif, que l'alevin de Chanos chanos a trouvé les meilleures conditions de croissance et sans doute par opposition, les plus mauvaises conditions de survie. Dans les bassins des Salines nouvellement mis sous eau, l'environnement était également excellent ; le fond de certaines pièces d'eaux était couvert d'une épaisse couche d'algues se détachant et flottant en surface : il est possible que la population Chanos montée dans ces bassins ait été trop dense, ce qui expliquerait une croissance un peu plus lente qu'en milieu naturel. Par contre, dans le bassin pilote, les conditions au départ étaient les moins bonnes en raison de la couche de sulfate de calcium couvrant le fond, ce qui a freiné ou limité la première poussée d'algues : celle-ci était en effet nettement moins vigoureuse que dans les autres bassins ; mais la mise en charge étant assez rationnelle et la gestion de l'eau parfaite, Chanos chanos y a cependant trouvé d'assez bonnes conditions de croissance, légèrement plus faibles en cette première période que dans les autres biotopes environnants.

3.4. Seconde Pêche de Contrôle

Le 25 Avril, soit 45 jours après la première pêche de contrôle il a été procédé à un nouveau contrôle des populations, toujours au moyen d'un filet maillant, mais cette fois à maille de 3 cm de côté.

Ce test a donné comme échantillon sélectif :

L.T cmL.S cm1 cmPoids gr  Remarques
403210740**Spécimens classés hors série. Ils ne sont pas repris dans le calcul du poids moyen des individus composant l'échantillon.

Ils démontrent cependert que les Chanos pesant 400 gr. en Mars, ont doublé de poids en 45 j. Le filet maillant à larges mailles utilisé pour ce contrôle a donné un échantillon sélectif des plus beaux sujets. Il est évident que les poissons de plus petite taille ont échappé á cette investigation.

Tous les poissons capturés avaient l'estomac et l'intestin “bourré”, le ventre rond et gras : visiblement la population Chanos disposait de nourriture (algues uniquement) àvolonté.
33,5278420  
3427,58450  
35288,5500  
31257330  
32258400  
33,5278450  
33267,5360  
3326,57,5370  
32267,5400  
423310760 * 
423410800 * 
29237250  
32258400  
42339,5720 * 
33278400  
42,53210750 * 
423310800 * 
35288470  
26,5216200  
30247300  
30,5247300  
26216250  
26215,5220  
27226250  
28226,5250  
25216220  
29,5247300  
26225,5200  
28,5237250  
Poids moyen de l'échantillon : 7.940 : 24 = 330 gr.

3.4.1. Evaluation de ces résultats

• Des pêches clandestines ont suivi immédiatement cette pêche de contrôle dont l'importance a pu être évaluée en fin d'élevage (réf.3.5.1.) à 50 % de la population, ce qui a faussé dès ce moment toutes les données ultérieures de croissance du Chanos, depuis la mise en charge initiale ; l'expérience “taux ou coefficient de croissance” s'est arrêtée là, couvrant la période du stade larvaire, Novembre-Décembre, à fin Avril.

A partir de la mise en charge contrôlée des alevins Chanos chanos déversés fin Janvier, dont les tailles correspondent à celles atteintes par les larves de Nov. et Déc., il est aisé de tracer la courbe de croissance des 2 tailles dominantes dont les performances correspondent aux facteure spécifiques de productivité du bassin pilote pendant la même période (fig. annexe).

• Mis à part les échantillons “hors série”, le premier résultat qui retient l'attention est celui de la présence d'un échantillon moyen de 330 gr, c'est-à-dire qu'une partie de la mise en charge effectuée fin Janvier, après 3 mois d'élevage, avait atteint sinon dépassé la taille standard du poisson de consommation (250 gr).

On retrouve dans cette pêche sélective les 2 modes apparents dominants de la pêche de contrôle de Mars (20 – 18 cm) correspondant fin Avril aux tailles 33/35 cm - 350–500 gr et 30/32 cm - 300–400 gr, sinon d'une 3è classe de 26/28 cm = 200 – 250 gr.

Il est à noter que des Chanos de taille plus petite existaient évidemment dans le bassin, mais ils ne figurent pas dans cette pêche, ayant échappé à la trop grande sélectivité du filet maillant (maille de 3 cm de côté) utilisé.

Sur le plan “production” il apparaît clairement que l'on peut obtenir du poisson de table en 3 mois d'élevage (sans nourriture) en partant de l'alevin de 5 – 10 cm, et que des pêches intermédiaires sélectives capturant uniquement les plus beaux sujets, auraient pu commencer après seulement 2 ½ mois de mise en charge.

Annexe I
Courbe de Croissance de CHANOS chanos
(Novembre 1977 à Avril 1978)


3.4.2. Pêche Témoin en bassin des Salines

Cette fois, ce sont les pièces d'eaux 70 et 71 qui ont servi de témoin. En effet, du fait de la mise en circulation des eaux vers différents secteurs (imposée par la gestion du Salin) et de l'épuisement de la première poussée d'algues, les poissons gagnent au fur et à mesure de nouveaux bassins, à la recherche d'un environnement aussi convenable que possible.

La pêche-témoin du 25 Avril opérée au filet maillant (mailles de 1 cm de côté) a produit comme échantillon :

L.T cmL.S cm1 cmPoids gr. Remarques
20174,5  75 En plus, l'échantillon comprenait:
1916,54  65 
20164  60-17 Chanos de 14–15 cm L.T (11–12 cm L.S) d'un poids moyen de 25 gr
18,5153,5  45 
19,515,54  60 
21174  75-14 Chanos de 12–13 cm L.T (10–11 cm L.S) d'un poids moyen de 20 gr.
20164  65 
2016,54  70-4 Chanos de 10 cm L.T (8-8,5 cm L.S) d'un poids moyen de 10 – 15 gr.
20164  65 
20164  65 
24194,5100 
22184,5  95 Dans le même temps, des pêches autorisées, effectuées à proximité des portes de communication inter-bassins de ces memes plans d'eaux. donnaient de 20 à 30 kgs d'Albula Vulpes on majorité, ainsi que du Tilapia mossambica, à l'exclusion de tout Chanos, celui-ci se localisant davantage dans les eaux libres (chanos ne vient aux portes de communication qu'aux moments d'approvisionnem. en eau de mer fraîche).
1713,53  40 
1814,53,5  45 
18153,5  45 
1713,53  40 
19154  55 
17143,5  45 
20164  65 
1915,53,5  50 
19153,5  50 
19153,5  50 
17143  40 
18153,5  45 
17143  40 
1612,53  30 
16133  30 
15123  25 
16133  30 
16,513,53  35 
15,512,53  35 
Poids moyen de l'échantillon : 1.635 gr : 31 = 52,7 gr. 

3.4.3. Discussion de ces résultats

Une simple comparaison avec l'échantillon des pêches-témoins de Mars (Pièce 67) indique qu'il ne s'agit pas du tout de la même population, celle d'alors atteignant déjà à l'époque, 70 gr/moyenne.

Le fait que l'on retrouve fin Avril plusieurs modes apparents de tailles qui en principe correspondent à des classes d'âge déterminées, nécessite quelques explications :

De toute évidence il n'y a aucune relation entre les résultats de ces deux groupes de pêches-témoins, ni aucune comparaison possible avec l'élevage expérimental. Il est intéressant de noter par contre une inversion de situation dans les différentes zones de croissance. Alors que dans les bassins où l'eau n'était pas renouvelée, la nourriture s'est raréfiée provoquant la migration du poisson vers d'autres bassins, dans le bassin expérimental au contraire, la productivité ne cessait de s'améliorer en raison du renouvellement continuel d'eau de mer fraîche, favorisant et maintenant un développement d'algues constant : de ce fait, le poisson ayant de la nourriture à volonté a connu un taux de croissance rapide, aidé en cela par une diminution de population de 50 % consécutive aux pêches clandestines (réf : point 3–4 ….).

3.4.4. Poursuite de l'élevage

Compte tenu de la taille moyenne atteinte par Chanos chanos fin Avril, impliquant un léger changement de son régime alimentaire, le plan d'eau fut immédiatement relevé et maintenu à une profondeur moyenne de 40 – 60 cm, de manière à créer un environnement correspondant aux exigences de croissance de ce poisson.

De même, la salinité contrôlée tous les jours fut maintenue aux environs de 4,2o Baumé, soit 1o au-dessus du taux normal de salinité de l'eau de mer, grâce aux apports fréquents, pratiquement hebdomadaires, d'eau de mer fraîche et verte. Pendant toute la durée de l'élevage, la température des eaux du bassin a été de l'ordre de 27° C.

Malheureusement, les pêches de contrôle de fin Avril ont eu un effet inattendu sur la population locale avide de ce poisson. Des pillages nocturnes dans toutes les pièces d'eaux, y inclus le bassin expérimental, ont suivi immédiatement ces pêches ; opérées aux filets maillants très sélectifs, ce sont les poissons de plus belle taille qui ont été enlevés. Des mesures de surveillance et de protection du bassin pilote ont été prises et la poursuite de l'élevage expérimental a été menée à terme sans autre incident.

3.5. Vidange - Résultats

La vidange totale du bassin commencée le 3 Juin s'est terminée 4 jours plus tard (7 Juin), soit 6 ½ mois après l'apparition des premières larves, ou encore, ce qui nous paraît plus réaliste, 125 – 130 jours après la mise en charge contrôlée des 3.000 alevins de Chanos chanos introduits du 25 Janvier au 2 Fév. constituant une référence indiscutable de l'empoissonnement final.

 
Lot de 400 Chanos chanos représentant un tiers
de la récolte effectuée en Juin 1978
  
    
 
  Mensurations de l'échantillonnage représentatif
de CHANOS chanos récolté après 6 mois d'élevage

Photos Achilson RANDRIANJAFIZANAKA

Lors de cette vidange, 32 Chanos chanos de 32/33 cm de longueur totale, donc pesant de 350 à 400 gr ont été transvasés bien vivants dans un bassin de 50 ares, dont l'eau sert à laver et rincer le sel. Ce bassin profond de 1,50 à 2 m. est constamment alimenté en eau de mer fraîche dont la salinité ne dépasse pas 4o Baumé. Des contrôles de croissance seront effectués sur ce lot de poissons.

Tous les Chanos chanos rescapés des vols, dono récoltés le 7 Juin ont été comptés : on en a dénombré 1.362. Cette récolte a produit 450 kg de Chanos chanos dont l'échantillon représentatif figure dans le tablean ci-après :

- Echantillon de la vidange du bassin expérimental le 7.06.78 :

L.T. cmL.S.cm1 cmPoids gr. Remarques
37,5307,5420 Au cours de la vidange le taux de salinité des eaux du bassin est passé de 4 à 6o Baumé.
30,524,56220 
32266,5300 
3729,57,5440 
3528,57350 
34276,5300 En fin de vidange, le poisson était très nerveux ; il ne s'est plus alimenté les 2 derniers jours ce qui explique, que bien qu'étant très gras, Chanos chanos avait un estomac moins rempli et le ventre plus plat que lors des pêches de contrôle.
33,5276,5280 
36,5297400 
35287350 
3225,56,5260 
31256240 
31256240 
3225,56240 
31,525,56250 
36287380 
33267300 
38317450 
29,523,56200 
32266250 
3527,56,5320 On remarquera 3 modes apparents dans cet échantillon :
2822,55160 
29,5235,5200 
30246230 
33276,5300-taille de 40–46 cm L.T. poids de 600 à 750 gr.
29,5245,5200 
31,525,56280-Taille de 35 à 39 cm L.T. poids de 350–450 gr. avec dominance de 37–38 cm L.T.
3124,55,5200 
35,5287350 
3124,56240 
3124,56240 
29235,5200 
46389,5750 
36,529,58400-Taille de 30 à 34 cm L.T. poids de 250–300 gr. avec dominance de 31–32 cm L.T.
43349700 
41328,5600 
45359750 
40328,5600 Les poissons inférieurs à 30 cm sont trés rares.
32267300 
35287350 
36287,5400 
38308450 
37297,5450 
34266,5300 
33266,5300 
32266250 
30246250 
3326,56,5300 
37297350 
3024,56220 
33276,5320 
3024,56250 
30246250 
34,527,57320 
31266250 
28225150 
30246240 
31256,5250 
30,5246200 
3124,56240 
3225,56250 
3729,57,5450 
32266,5300 
Poids moyen de l'échantillon : 19.980 gr : 62 = 322 gr.

La récolte comprenait également une certaine quantité de Tilapia mossambica (30–40 kgs), ainsi que du vorace Albula vulpes (10 – 15 kgs), poissons non comptés, cités ici pour mémoire.

Par contre, il n'a été retrouvé aucun Mugil sp. alors qu'en Janvier, il était présent à l'état d'alevin 2 – 3 cm. Ce poisson qui aime le bord de l'eau et la zone de batillage a dû être la proie des oiseaux prédateurs, ainsi que d'Albula vulpes. La disparition de tous les Mulets semble confirmer que Chanos chanos à l'état post-larvaire, a dû subir également des pertes considérables, compensées fort heureusement par une remise en charge de 3.000 alevins dont la taille avancée les mettait pratiquement hors d'atteinte des prédateurs.

3.5.1. Estimation des pêches clandestines

La dernière mise en charge contrôlée du bassin comprenait 3.000 alevins d'une taille suffisante pour les mettre à l'abri des prédateurs : en effet, Chanos chanos de 5–10 cm n'a pu être la proie d'Albula vulpes dont les plus gros spécimens avaient à l'époque 12–15 cm; nageant rapidement, Chanos a pu également échapper aux oiseaux ichtyophages ; enfin, il y a eu à tout moment de la nourriture en suffisance dans le bassin et la mortalité naturelle à dû être pratiquement nulle.

Compte tenu du fait vraisemblable qu'au moins quelques centaines de larves de Chanos déversées en Novembre-Décembre auront survécu, compensant les quelques pertes éventuelles consécutives à l'alevinage, on peut admettre qu'il y avait un minimum de 3.000 poissons dans le bassin, au moment de la seconde pêche de contrôle du 25 Avril.

Or, comme à la vidange on a récolté 1.400 Chanos, on peut affirmer que les vols ont éliminé 1.500 poissons environ. Les pêches clandestines ayant été pratiquées à l'aide de filets maillants sélectifs traînés dans le bassin (nombreuses traces de pas sur le fond de l'étang), ce sont tous les plus beaux spécimens de l'élevage qui ont été capturés, dont les sujets de 700–800 gr et la plupart de ceux d'un poids moyen de 300 gr. Ceci est un fait bien évident confirmé lors de la vidange, puisqu'à ce moment aucun poisson de plus de 800 gr n'a été retrouvé, et que l'ensemble du stock Chanos résultant de la récolte accusait un poids moyen pratiquement identique à celui de la pêche de contrôle. A cet égard, une simple comparaison entre l'échantillon des pêches de contrôle d'Avril et celui de la vidange est édifiante autant que convaincante.

On peut donc avancer sans crainte, que les pêches clandestines effectuées fin Avril et début Mai ont éliminé environ 1.500 Chanos d'un poids moyen minimum de 330 gr, soit 500 kgs de poissons.

3.5.2. Estimation de la Production Totale

Il n'est pas tenu compte ici de la production “accidentelle” de Tilapia mossambica ni d'Albula vulpes. Tilapia, à partir d'une certaine taille s'est plutôt localisé dans le bassin annexe et Albula vulpes a certainement contribué à limiter cette population Tilapia prolifique. On ne peut donc dire que ces populations d'accompagnement aient nui à la croissance de Chanos chanos.

La quantité de poissons capturée par les pêches clandestines ayant été évaluée à 500 kgs et la récolte proprement dite des rescapés ayant donné 450 kgs, c'est donc une production totale de 950 kgs de Chanos qui a été sortie du bassin pilote d'une superficie de 166 ares, équivalent à une production Chanos chanos de 572 kgs/ha en 4 mois d'élevage (950 kg × 100 : 166).

3.5.2.1. Incidence des pêches clandestines sur la production

Sur le plan productivité du bassin expérimental, les vols de fin Avril pour regrettables qu'ils scient, ont par contre favorisé la croissance des Chanos de plus petite taille ayant échappé aux filets maillants. La population du bassin ayant diminué de moitié suite à l'élimination des plus grands mangeurs, les plus petits sujets restants ont eu à leur disposition de la nourriture “à volonté” ; dès ce moment, ils ont maintenu un taux de croissance excellent.

En technique d'exploitation du Chanos, il est d'usage courant aux Philippines, en Indonésie et à Taïwan de procéder à l'élimination des plus beaux spécimens en pratiquant des pêches sélectives (filets maillants) ou pêches intermédiaires, à 15 jours d'intervalle, à compter du 3ème mois d'élevage.

3.6. Conclusions

Mise à part la gestion parfaite de l'eau (Personnel des Salines) le fond du bassin-pilote était au départ, assez loin des conditions optimum de productivité, fait démontré par le résultat des premières pêches de contrôle (Mars).

Cependant cette situation s'est améliorée progressivement ; dans ce contexte et sans apports extérieurs (nourrissage réduit à la seule période de cyclone), la production a été de 572 kg/Ha en 4 mois, de poisson de consommation, ce qui équivaut aux meilleurs rendements obtenus aux Philippines et en Indonésie.

Ce résultat remarquable souligne d'une part, la productivité naturelle élevée du bassin expérimental, mais surtout d'autre part, l'importance d'une gestion parfaite de l'eau et d'une mise en charge équilibrée. En effet l'expérience a été menée dans un bassin alimenté en eau de mer par pompage aux marées, à l'exclusion de toute possibilité d'apport d'eau douce, sauf les pluies. Sans renouvellement continuel de l'eau du bassin par les marées fraîches, le taux de salinité aurait rapidement atteint le niveau de tolérance tant pour les algues (nourriture unique) que pour le poisson ; ce fait est largement démontré par les pêches témoins dans les bassins des Salines. L'expérience a prouvé qu'en 2 à 3 mois d'élevage on peut obtenir du poisson de consommation, en provoquant par des pêches intermédiaires, une succession de poussée spécifique des groupes d'individus les plus vigoureux, d'oú l'intérêt d'une mise en charge initiale de populations de Chanos de tailles différentes.

S'il s'agit de produire des appâts pour la pêche thonière, il suffit de procéder à des mises en charge massives, de manière que l'alevin dispose d'une nourriture d'entretien mais non de croissance : cettetechnique permet également de tenir en réserve des mises en charges suffisantes pour mener un second élevage de production de poisson de consommation, de Mai à Juillet.

Dans une perspective de vulgarisation de la mariculture, toutes les conditions existent en effet pour mener un second élevage d'arrièresaison : il ne peut être réalisé dans les conditions actuelles aux Salines pour la simple raison que les bassins sont orientés de manière à évaporer au maximum (concentration du sel); que pour la même raison, l'on ne peut y renouveler l'eau suffisamment et que les digues ne fonctionnent pas comme coupe-vent, il se produit en surface beaucoup d'agitation (vaguelettes) qui réduit fortement la production d'algues.

L'excellence des résultats expérimentaux obtenus souligne tout l'intérêt de créer dans la région un centre aquicole côtier tributaire des marées qui, par son rôle pilote, contribuera à la promotion de ce secteur des plus prometteurs dans une région de prédilection pour cette activité, et pour le mieux être des populations locales.

3.7. Poursuite du programme expérimental - Recommandations

• Dans le cadre des activités du Projet, la construction d'un Centre aquicole côtier tributaire des marées dans la région d' ANTSIRANANA est prévue pour 1979–1981. On approchera alors de la phase finale de ce Projet et entre temps, tout devrait être mis en oeuvre pour permettre aux Cadres Nationaux (Eaux et Forêts/Pisciculture et Pêche Maritime) d'acquérir dans ce domaine spécifique la maîtrise et l'expérience nécessaires à la création et à la gestion de telles entreprises.

Grâce à la parfaite collaboration des Salines, le Projet sera à même de poursuivre et améliorer les essais entrepris jusqu'alors, offrant ainsi aux Cadres Nationaux une excellente opportunité de formation, par une participation directe aux travaux sur le terrain. Tant sur le plan élevage piscicole que sur celui de l'édification de sites aquicoles côtiers, cette expérience est indispensable pour assurer valablement l'encadrement et la planification du programme de vulgarisation et de développement de l'aquaculture qui suivra nécessairement la phase expérimentale actuelle.

• Dans l'immédiat, le Projet se propose de poursuivre les essais d'élevage du chanos chanos : le bassin expérimental actuel sera divisé en 2 étangs d'environ 80 ares chacun, ce qui permettra d'entreprendre des élevages dans 2 directions (3, avec le petit bassin annexe) :

  1. une population Chanos de taille standard à la mise en charge.
  2. une population Chanos de tailles différentes à la mise en charge.
  3. une population Tilapia mossambica et Mugil sp (dans l'annexe).

Les essais (i) et (ii) permettront des comparaisons de rendement et de productivité :

On connaîtra ainsi la capacité de productivité totale et maximale d'un bassin aquicole pendant une année. Ce second essai sera préparé d'une manière particulière ; on y ajoutera notamment de la fumure organique.

Il est évidemment de la plus haute importance que ces travaux soient conduits dès que possible sous la responsabilité directe d'un Cadre National de formation suffisante : il serait donc souhaitable de disposer d'un Ingénieur des Eaux et Forêts et d'un Adjoint Technique - doublés d'un Ingénieur des Travaux vétérinaires et d'un Adjoint Technique d'élevage, pour participer également aux travaux d'édification du Centre Aquicole Côtier-pilote.

De plus, des personnels spécialisés du Service des Pêches Maritimes devraient être en mesure de mener en coopération avec les Eaux et Forêts assistés du Projet, un programme ponctuel de recherches sur la capture de larves, alevins et Chanos chanos adultes, la zone d'investigation prioritaire étant actuellement localisée en Baie d'ANTSIRANANA.

Dans cette perspective, le Projet planifie dès à présent des missions de Consultants, dont la première portere sur l'évaluation de sites aquicoles pré-sélectionnés et la préparation du plan de réalisation ; des missions ultérieures d'appui pour le contrôle et l'avancement des différentes phases des travaux seront également nécessaires.

Enfin, dans le cadre du Projet, des Bourses de formation seront attribuées aux Personnels Nationaux affectés à ce programme : formation pratique sur place, voyages d'études aux Philippines, Indonésie et Indes.

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