Page précédente Table des matières Page suivante


6.- GESTION BUDGETAIRE ET TECHNIQUE

6.1 - Gestion budgétaire et administrative

Les chapitres précédents ont mis en évidence le caractère spécifique de la conduite des opérations et interventions techniques en station piscicole. Si les travaux piscicoles courants et classiques peuvent être planifiés et réalisés sars trop de difiiculté (réf. : tableau-annexe), comme par exemple l'assec et le traitement des fonds d'étangs, les entretiens périodiques des installations, etc.…, il n'en est pas de même dès qu'il s'agit de la conduite de la reproduction, de la gestion des stocks ou des interventions techniques résultant d'un cataclysme soudain tel que tornade, grêle, inondation, maladie, invasion de prédateurs, etc.…, qui appellent des prises de décisions immédiates (manipulation de stocks, engagement de main d'oeuvre occasionnelle urgente, achat de médicaments ou d'insecticides, traitements, dépannages d'appareils mécaniques et autres imprévisibles). Dans de telles situations, le responsable sur place d'une Station Piscicole doit pouvoir juger, évaluer, prendre ses responsabilités et agir par lui-même sans délai.

Une telle capacité opérationnelle décisionnaire présuppose qu' il y ait à la tête de chaque Station Piscicole un cadre expérimenté, de niveau élevé (Ingénieur halieutique ou équivalent) ayant pouvoir de gestion et administration directes. Mais un tel principe cadre mal avec les dispositions présentes d'administration et de gestion des fonds publics, cù la procédure est longue et forcément lente, c'est-à-dire incompatible avec le caractère urgent de la plupart des opérations et impératifs piscicoles. Quelques exemples sont peut-être nécessaires pour illustrer cette incompatibilité:

Par ailleurs, quant il s'agit d'achats peu importants mais indispensables, dont le coût s'élève à peine à quelques centaines de Frs (par exemple une petite pièce de rechange pour pompe ou pour véhicule, du raticide, un peu de grillage, quelques clous, du sel, etc.…) l'application de la procédure à travers la filière administrative et financière aboutissant au paiement de ces fournitures entraîne de toute évidence une accumulation des coûts de gestion de 5 à 10 fois supérieurs à la valeur de l'achat effectué, ce qui paraît absolument irrationnel. Cette procédure r'est pas une caractéristique particulière à l'administration locale, mais bien un fait universel marquant toutes les administrations du monde.

Un élevage piscicole ne diffère en rien d'une entreprise de toute autre nature, ayant les mêmes impératifs en ce qui concerne les prises de décisions immédiates et des exigences parfaitement identiques en ce qui concerne la souplesse dans l'utilisation des fonds dont les responsables ont évidemment à rendre compte. En d'autres termes, pour qu'une Station Piscicole fonctionne normalement, elle doit pouvoir être gérée en s'inspirant des principes couramment appliqués dans les entreprises à caractère privé, et non selon les règles strictes et formelles en usagedans l'administration publique.

Aussi, la plupart des pays, y compris Madagascar, placés devant des cas spécifiques bien définis, où les contraintes de gestion administrative risquent de mettre en difficulté la bonne marche de certaines entreprises à caractère public (fermes d'état, exploitation de forête domaniales, etc.…) appliquent des dispositions particulières autorisant la gestion directe (Fonds d'avunce, Compte Hors-Budget, etc.…) qui se rapproche de celle en usage dans les entreprises privées. Ce type de gestion donne aux responsables de ces entreprises une très large liberté d'action ainsi qu'une grande souplesse dans l'utilisation des fonds dont ils disposent, mais pour lesquels ils deivent tontefois fournir complète justification de l'emploi.

Les stations piscicoles des Eaux et Forêts productrices d'alevins de Carpe rentrent évidemment dans le cadre de ces entreprises à caractère public et social, mais jusqu'alors elles sont régies selon les principes formels de gestion administrative, sans doute en raison de leur non-rentabilité actuelle. Toutefois, l'application d'une technologie plus avancée par des personnels compétents devrait assurer la viabilité et l'autonomie financière de ces élevages, selon l'évaluation figurant au tableau ci-dessous. Ce tableau donne par la même occasion, le montant du budget réel dont devrait disposer chaque station piscicole pour fonctionner normalement, sur la base des coûts en 1978. Il faut enfin noter qu' aucune station piscicole des Eaux et Forêts ne dispose jusqu'alors de téléphone ni de véhicule, lacunes très gênantes qu'il conviendrait de combler au plus tôt.

Par ailleurs, le cadre juridique portant gestion des Stations Piscicoles ne demande qu'un Arrêté d'assimilation de ces Stations aux Fermes d'Etat pour lesquelles tous les textes légaux existent. Enfin, on trouvera en annexe, un projet - type de cahier des charges spéciales imposées aux Gérants des Stations Piscicoles productrices d'alevins de Carpe.

Estimation des Dépenses et Recettes d'une Station Piscicole
Productrice d'Alevins de Carpe
(en FMG : 1 $ = 240 FMG).

  DEPENSESRECETTES
1.Recettes  
Capacité de production d'alevins :
(réf. chap. 3.1.3) = 4.500.000 à 3 F/pièce
 13.500.000
2.Dépenses (Budget annuel d'une Stat.Piscicole)  
(a)- Personnels
  
Chef de station, Ingénieur Halieute1.200.000   
Adjoint Techn.piscicole confirmé  840.000 
Main-d'oeuvre qualifiée (dont chauffeur) 6 à 300.000 F/an1.800.000   
Secrétariat : 1  240.000 
Main-d'oeuvre occasionnelle d'appui :
4 H × 5 mois à 15.000 F/mois
  300.000 
(b)- Matériaux d'entretien
  
Bois, planches, ciment, sable, gravier, grillages divers, outillages, clous, fils, filets divers, épuisettes et autres engins, alevinières, caisses d'incubation, papiers, cahiers, fiches et autres divers  500.000 
(c)- Fumures
  
Fumures organiques et chimiques  500.000 
(d)- Nourriture - Provendes
  
Provendes diverses pour géniteurs, prégéniteurs, donneurs d'hypophyses, larves et alevins, production plancton  600.000 
(e)- Lutte contre Prédateurs et Contrôle de la Végétation :
  
herbicides, chaux, raticides, sulfate de cuivre, roténone et autres divers  260.000 
(f)- Frais de distribution d'alevins Carpe
  
Oxygène, sacs plastique, caisses, frais véhicule, carburant, rechanges, entretien et autres1.400.000   
(g)- Provision Amortissement
  
Renouvellement matériels, équipemements et véhicule1.000.000   
(h)- Autres imprévus (environ 4 %)
 360.000 
 
TOTAUX
9.000.000  13.500.000
 
BENEFICE PREVISIBLE
4.500.000   
 
BALANCE
13.500.000    13.500.000

Cette évaluation basée d'une part sur les éléments les plus réalistes au point de vue Recettes, puisqu'ils se rapportent à des normes de production semi-naturelle obtenues couramment ailleurs, et d'autre-part sur des Dépenses qui avantagent particulièrement le personnel spécialisé, tout en faisant largement la part de tous les besoins matériels, démontre le profit substantiel qu'une station piscicole bien gérée peut retirer de son activité (sans spéculation complémentaire, possible), tout en maintenant un prix social, presque symbolique de 3 FMG perçu à la cession de l'alevin.

On remarquera également que toutes choses égales en Dépenses, une station piscicole devient viable, ou peut assumer son autonomie financière dès que sa capacité de production d'alevins de Carpe atteint seulement les ⅔ du rendement normal (3.000.000 d'alevins à 3 FMG = 9.000.000 F équilibrant les Dépenses).

On notera cependant que dans les conditions actuelles de gestion, les stations piscicoles n'atteignent pas encore le dixième de cette production minimale, ce qui souligne l'importance énorme du bond technologique restant à accomplir, et qui ne peut l'être que par un personnel extrêmement compétent, disposant de matériels, équipements et budgets adéquats.

6.1 - Recommandations

(1)- Personnel de Gestion des Stations Piscicoles (Réf. Annexe II)

Sur le plan de la capacité de gestion technique et administrative, le cadre responsable de chaque Station Piscicole Principale devrait être du niveau d'Ingénieur Halieutique ou d'un titre équivalent : Hydrobiologiste, Zoologiste, etc.…, confirmé par une expérience pratique suffisante, de 3 à 5 ans au moins.

L'adoption et l'application d'une technologie moderne impliquent ce niveau scientifique et technique de base élevé, complété par une formation pratique intensive portant ici sur la reproduction induite du poisson, la conduite de l'élevage du frai, des larves et alevins, la gestion et conservation des stocks de géniteurs et donneurs d'hypophyses, éléments essentiels qui représentent notamment pour Madagascar, les principaux objeotifs à atteindre dans le meilleur délai et qui demandent, par conséquent, une attention immédiate des Autorités décisionnaires.

C'est certainement ici le moment le plus opportun de rappeler que jusqu'alors, des progrès sensibles sinon spectaculaires ont été enregistrés dans le domaine de l'Aquaculture, dans lesseuls pays en développement (Indes, Israël, Chine, Hongrie, etc.....) où des personnels de formation universitaire et post-universitaire (chercheurs et praticiens) ont été chargés de la gestion de Centres Piscicoles expérimentaux et appliqués. Les résultats auxquels ils sont parvenus indiquent d'une manière évidente (par comparaison et expérience) que le transfert et l'application de technologies avancées et spécifiques ne sont possibles et bénéfiques qu'à ce haut niveau.

Aussi, est-il vivement recommandé aux Autorités décisionnaires locales (Plan, MDRRA - Direction des Eaux et Forêts) de sélectionner dès à présent de jeunes Ingénieurs Eaux et Forêts ou des Licenciés en Sciences Naturelles (Hydrobiologie - Zoologie), désireux de se spécialiser en pisciculture, par exemple à raison de 2 ou 3 en 1979–1980 et 2 ou 3 en 1981–82. Ces jeunes cadres devraient suivre pendant 2 ans environ, soit le ocurs d'Ingénieur Halieute (Université de Rennes-France), soit les cours de formation pratique et technique post-universitaire qui deviendront opérationnels à compter de 1979, au Centre Régional d'Aquaculture en Afrique, à Port-Harcourt au Nigeria (section d'expression française) - Projet PNUD/FAO-RAF/76/009). Ce projet n'a pas prévu le financement de Bourses, mais dans le cas précis de Madagascar, il n'y aurait aucune difficulté à constituer les réserves budgétaires nécessaires à ces Bourses dans les plans de dépenses des années 1979–80 et 81 du Projet MAG/76/002 en cours.

(2) - Méthode de Gestion des Stations Piscicoles (Réf. Annexe II).

Sur le plan de la gestion financière et budgétaire, les stations piscicoles productrices d'alevins de Carpe devraient disposer d'un statut particulier permettant l'auto-gestion, en s'inspirant tout simplement de statuts déjà existants relatifs au fonctionnement de Sociétés ou Entreprises d'Etat ; par exemple le Statut des Fermes d'Etat.

Au cas où de telles dispositions ne pourraient être appliquées rapidement, il conviendrait tout au moins dans l'immédiat de doter ces stations, soit d'un Fonds d'avance autorisant les dépenses urgentes ou particulières, soit d'un Compte Hors-Budget pour les stations parvenant au stade d'auto-financement.

Toutefois, ces facilités impliquent au préalable, ou simultanément, le relèvement technique du personnel de gestion des stations piscicoles, au niveau exposé ci-dessus, ainsi que l'attribution d'un budget adéquat (réf : page 41) et les moyens de liaison extérieure indispensables (téléphone - véhicule).

6.2 - Gestion Technique des Stations Piscicoles

Cet aspect capital de la gestion d'une station piscicole ne concerne pas seulement le planning, le contrôle et l'exécution de toutes les opérations décrites ci-avant, mais elle repese essentiellement sur la constitution d'un fichier de base établi méthodiquement par secteur d'activité ; géniteurs, pré-géniteurs, donneurs d'hypophyses étangs, alevins, nourriture, fumure, météorologie, etc.…, et tenu à jour méticuleusement.

L'analyse et l'interprétation de ces fiches permettent non seulement de juger le niveau de technicité des opérations exprimé par les résultats, mais aussi celui de la qualité de la gestion des plans d'eaux et des stocks, de même que l'évaluation des résultats financiers par secteur (nourrissage, fumures, etc…). Cet exercice indiquera par ailleurs l'orientation des dispositions adéquates à prendre en vue d'un meilleur planning des opérations, d'une amélioration sensible des techniques utilisées (eau, élevage, stocks, environnement, etc.…) ou encore, de la gestion financière.

A titre indicatif, figurent el après quelques schémas de fiches de références, facilement adaptables au contexte propre à chaque station piscicole :

- Fiche de mise en charge d'un étang

Identification ou No de l'étangSurface de l'étang et Hauteur d'eauNombre, Taille et Poids moyens des Poissons. Chaque espèce et classe d'âge/taille, séparementDate de la mise en chargePlanning de fumure et de nourrissageRemarques (état sanitaire bassin et poissons, environnement etc..)
Nombre, etc…charge à l'Ha

- Fiche de contrôle de croissance

Identification ou
No de l'étang
Date de mise en chargeDate du contrôle des populations poissonsEspèceLongueur totaleLongueur StandardLargeurPoids en grammesRemarques
Ajustement nourrissage,
fumure, etc.…
          
Echantillon Nocmcmcm

N.B. Un contrôle de croissance de la population piscicole d'un étang s'effectue de préférence tous les 30 jours. Cette opération n'implique pas nécessairement la vidange de l'étang, sauf si c'est indiqué de le faire (élimination de poissons sauvages, de prédateurs, maladie, etc…). En général, on procède à la capture partielle du stock à l'aide d'une senne. Les poissons sont triés et comptés par espèces et mises séparément en cuves de stockage ou en filets-viviers. Si l'échantillon réprésentatif de l'espèce doit comprendre par exemple 25 individus, alors que la capture a été de 200 poissons de cette espèce, on constitue l'échantillon en prélevant simplement un poisson sur 8, au fur et à mesure du recomptage, le surplus étant remis dans l'étang: on pratique de même pour chaque espèce. Il ne reste plus alors qu'à passer aux mensurations et pesage des échantillons constitués, suivi de leur remise à l'eau.

- Fiches de gestion d'un Etang

a) Fumures

Identification ou No de l'Etang:Surface :Année :
Dates Jour - MoisType de fumure
ou engrais
Quantité et
sous quelle forme
PrixRemarques
- Hauteur d'eau
- Couleur de l'eau
- Comportement poisson, végétation, etc…

b) Nourrissage (une fiche mensuelle en raison des réajustements à faire suite au contrôle de croissance).

Identification ou No de l'Etang:Surface :Année:
DatesPoids de la mise en charge contrôléeQuantité de nourriture distribuée et sous quelle formeP r i xRemarques
- Emplacements
Jour - Mois- nourrissage
- comportement poisson
- prédateurs, etc..

c) Nourriture (détail)

Composants (*)% (*)PrixRemarques
- son de riz/manioc45 - qualité des produits
- farine de viande ou de poisson15 - facilités d'approvisionnement, stockage, préservation - prédateurs, etc.….
- tourteaux d'arachide15 
- poudre d'os ou co-quilles broyées  8 - résultats d'analyse du mélange
- sang séché10 (examen laboratoire)
- maïs concassé  5 • matières minérales
- sels  2 • matières azotées
- vitamines B + DÆ • cellulose brute
- lysineÆ  
- méthianineÆ  
- etc ............   

(*) à titre indicatif.

d) Coûts et Frais d'Entretien

Identification ou No de l'Etang:
Surface :Année :
-Quote-part main d'oeuvre, pour entretien des digues, du fond, des installations, du nourrissage, fumure, surveillance, etc.…, proportionnelle au Coût Main- d'Oeuvre de la station piscicole et à la Surface de l'étangCoûts
-Matériaux d'entretien : ciment, briques, grilles, etc 
-Récapitulation des quantités de : 
 
• fumier et engrais : (extrait de la Fiche “a”).
 
 
• nourriture : (extrait de la Fiche “b”)
 
 
• autres produits :
 
TOTAL
 

e) Exploitation - Production

Identification ou No de l'Etang :
Surface :Année :
Date de la mise en chargeNombre-Poids de la mise en charge (par espèces)Date de la vidangeNombre-Poids de la récolte (par espècesDestination des captures par espècesRésultat de la vente Recette par espèces
      
Totaux

-Remarques
 - Corrections éventuelles des stocks au cours de l'élevage:
 - Nombre de poissons par espèces, à l'Ha, à la mise en charge:
 -         "               "                 "     , à l'Ha, à la vidange:
 - Production à l'Ha :             Production Ha/jour:
 - Quotient nutritif (nourriture, engrais-fumure-chiffres récapitulatifs figurant à la Fiche “d”):
 - Autres : (prédateurs, maladies, etc.….) 
-Résultat Financier de l'Exploitation  
 - Total des Recettes  
 - Total des Coûts : (extrait de la Fiche “d”)  
 - Profit ou Perte :
 - Balance : 
   
 

Page précédente Début de page Page suivante