Page précédente Table des matières Page suivante


3.- AMENAGEMENT DES PECHES

L'un des objectifs à moyen et à long termes du Projet consiste notamment dans la recherche et la mise en oeuvre des moyens de redressement de la situation évoquée ci-dessus, de manière à améliorer le milieu, écologiquement et biologiquement, par l'aménagement des pêches et des plans d'eaux, ainsi que par la poursuite et l'intensification des réempoissonnements d'espèces diverses les plus intéressantes et les mieux indiquées, en vue d'accroître au maximum la productivité et les ressources de ces eaux.

A l'analyse de la composition des populations ichtyologiques en présence et de la pression exercée sur le stock des poissons phytophages-planctonophages, (à l'exception de l'Hétérotis) tant par les pêcheurs que par les prédateurs, le Projet a pensé qu'il serait tout d'abord indiqué de créer dans l'immédiat des “zones refuges”, pour les espèces les plus menacées et dans ce but, il a implanté une pêcherie pilote expérimentale, très commune dans les lagunes de certains pays de la côte Ouest de l'Afrique et connues sous le nom d' “Acadja”.

3.1 - Introduction d'une pêcherie-pilote “Acadja”

L'Acadja consiste en une plantation de simples branchages en pleine eau, enfoncés verticalement dans le sol sablo-vaseux du fond dont la profondeur ne dépasse pas 1,50m environ, ce qui correspond à peu près à la taille moyenne d'un homme debout, au travail (la tête hors de l'eau évidemment).

On plante habituellement une dizaine de branches avec rameaux (et feuilles éventuelles) au mètre carré; elles ont un diamètre de 2cm. environ. Les espèces ligneuses choisies dépendent surtout des disponibilités locales; le bois utilisé doit toutefois offrir une certaine résistance à la pourriture entraînée par immersion, de manière à permettre au moins une, sinon deux exploitations avant de devoir les remplacer (ce qui diminue les frais d'amortissement). Habituellement, les branches sont coupées quelque temps à l'avance et mises à sécher ce qui prolonge leur longévité dans l'eau.

Dans le cas des Pangalanes on a utilisé des branches de Niaouli (Melaleuca leucodendion) et de Bruyère (genre Philippia) anjavidy (nom vernaculaire) abondant sur place.

On donne généralement à l'Acadja une forme carrée, rectangulaire ou circulaire. Dans le cas des pêcheries importantes de forme rectangulaire, le côté de la largeur fait face aux vents et / ou aux courants dominants; comme mesure de protection contre les effets de ceux-ci, ce côté est renforcé en bordure par des branchages plus serrés et plus gros.

La pêcherie-pilote du projet a été édifiée en carré de 50m de côté, soit une superficie de 25 ares. Son introduction avait été décidée en fin de phase préparatoire au projet actuel (TF/MAG/51-FH-73/009). L'implantation a été effectuée en Août - Septembre 1976, sous la conduite du co-auteur aidé de main d'oeuvre locale et du personnel de contrepartie du projet (Brigade des Pêches / Pangalanes) qui en assure l'entretien, l'exploitation et le contrôle ; il s'agissait en fait d'une application pratique sur le terrain, d'une technique apprise par l'ex-boursier du projet sus-mentionné, ayant effectué un stage en pêches lagunaires, en Afrique de l'Ouest.

A noter cependant que des mini-pêcheries en branchages ou mini-acadja sont couramment en usage aux Pangalanes et connues sous le nom de: “Vovomora”; il s'agit en fait de petites enceintes d'un mètre de diamètre environ ceinturées par des gaulettes, à l'intérieur desquelles on place un fagot de fougères; ce genre de pêcherie fonctionne comme piège à crevette et à Gobius qui y cherchent précisément les alevins de Ptychochromis oligacanthus et de Paretroplus polyactis. Mais jusqu'alors, les pêcheurs de la région n'ont jamais pensé à établir le même type de pêcherie géante, équivalant à l'acadja.

3.2. - Exploitation

L'Acadja-pilote a été exploité pour la première fois en Novembre 1977, soit après un peu plus d'un an d'implantation. On a volontairement retardé cette exploitation afin de laisser tout le temps au poisson de s'habituer et de s'adapter à cet environnement nouveau; on a également attendu la fin de la saison la moins pluvieuse correspondant à la période d'étiage, de manière à faciliter le travail (dans les conditions normales, ce type de pêcherie s'exploite deux fois par an, à 5 mois environ d'intervalle).

La pêcherie a été ceinturée sur trois côtés par un filet en monofilament de nylon assez rigide, à mailles de 10 m/m de côté, et dont la partie inférieure de la nappe était enfouie dans la vase tandis que le côté supérieur était soutenu verticalement par des piquets espacés de 1.50 à 2.00 m environ, maintenant ainsi le filet légèrement au-dessus de la surface de l'eau. Un filet senne mobile a été déployé le long du quatrième côté et rabattu progressivement vers l'intérieur, au fur et à mesure de l'enlèvement des branchages, opération qui a demandé une dizaine de jours (main d'oeuvre inexpérimentée, vase trop abondante, etc.....).

Le tableau ci-dessous donne les résultats de la pêche :

Espèces capturéesNombrePoids en grammesPourcéntage
Nom scientifiqueNom vernacNumériquePondéral
Ptychochromis oligac.(Saroy)23113.83034.9521.90
Tilapia rendalli 22116.79033.4326.60
Paratilapia polleni(Marakely)  85  5.62012.86  8.90
Tilapia mossambica   69  5.23010.44  8.30
Gobius giuris(Tohobe)  48  7.160  7.2611.30
Cyprinus carpio     714.450  1.0623.00
Totaux66163.080100       100      

3.3 Discussion des résultats

• En valeur absolue, le résultat de l'exploitation de cette pêcherie-témoin est simplement remarquable puisqu'il représente une production de l'ordre de 252 Kg/Ha/An alors que la productivité naturelle des eaux des Pangalanes se situe seulement aux environs de 30/40 Kg/Ha/An.

L'acadja constitue de toute évidence un environnement des plus favorables à l'enrichissement du milieu par les supports qu'il offre aux couvertures biologiques ; on peut constater de visu la richesse et l'importance du substrat qui se développe sur les branchages. Les premiers résultats obtenus semblent indiquer que la productivité en milieu “acadja” serait de 6 à 8 fois supérieure à la productivité naturelle des eaux.

• En valeur relative ou en association d'espèces, l'analyse des résultats appelle les remarques suivantes :

• selon le classement par régime alimentaire :

Régime alimentaireE s p è c e s% Pondéral
par espèce- Total
  Omnivore/ sarco-entomophagePtychochromis oligac21.9 
•    "                " Paratilapia polleni  8.9 
•    "                "Cyrpinus carpio23.053.8
• MacrophytophageTilapia rendalli26.6 
• MicrophytophageTilapia mossambica  8.334.9
• IchtyophageGobius giuris11.311.3

• Ptychochromis oligacanthus et Tilapia rendalli composent la majeure partie du peuplement (% numérique/réf. : tableau précédent) mais deux grosses surprises apparaissent dans la composition des populations pêchées; d'une part, la présence inattendue de Carpes et d'autre part celle du vorace Gobius giuris : ces 2 espèces totalisent à elles seules un tiers de la production.

• Cyprinus carpio au nombre de 7 seulement mais d'un poids moyen de 2 kgs témoigne de la réussite de l'alevinage effectué en 1975. Ce poisson accuse une courbe de croissance extrêmement rapide, ceux de même âge n'atteignant que 300 à 500 gr. en milieu naturel sur les Hauts-Plateaux. Leur présence dans l'acadja peut avoir deux causes : abondance de nourriture et préparation à la reproduction, cet environnement pouvant leur servir parfaitement de frayère ; les 7 Carpes capturées (6 femelles et 1 mâle) étaient en effet toutes matures. Un point inquiétant cependant ; la présence d'un seul mâle pour 6 femelles ce qui semblerait indiquer une forte disproportion des sexes à corriger au plus vite par l'apport de jeunes mâles.

• Gobius giuris, vorace réputé et abondant aux Pangalanes a également investi l'acadja, zone-refuge par excellence des espèces menacées où, de par les conditions du milieu (branchages), les voraces ne peuvent en principe y chasser que très difficilement. Sa présence et le poids moyen des individus (150 gr environ) indiquent de toute évidence qu'il a trouvé à sa portée quantité de proies faciles et vulnérables, vraisemblablement les larves de Tilapia mossambica et Paratilapia polleni notamment, ainsi que les alevins de Ptychochromis oligacanthus et Tilapia rendalli, ces espèces ayant toutes atteint leur taille de reproduction. Gobius en acadja semble indiquer également qu'en cas de reproduction de la Carpe dans ce milieu, les oeufs, larves et alevins seront pillés sinon anéantis, sauf si des mesures de protection particulière sont prises.

Toutefois, il est possible également que des pêches plus fréquentes et normales de l'acadja réduisent le pourcentage des Gobius dans les captures, hypothèse à confirmer.

• Par ailleurs on note l'absence totale de Mugil et d'Hétérotis dans les captures effectuées au cours de cette exploitation.

• La fiche de pêche annexée donne des indices de tailles assez groupées par espèce, semblant indiquer la colonisation de l'acadja par une population relativement homogène et qui, après un an, avait sans doute atteint sa charge optimum, l'espace plus que la nourriture étant peut-être ici le facteur limitant (660 individus pour 2.500 m2), bien qu'il s'agisse d'un milieu ouvert. Il est possible également que la présence de grosses Carpes ait modifié quelque pou les associations d'espèces.

3.4 - Reconstitution de l'acadja après la pêche

Suite aux difficultés rencontrées lors de cette première expérience, en raison notamment de l'implantation de l'acadja en zone légèrement trop profonde et trop vaseuse, il a été décidé de rapprocher la pêcherie du rivage et de l'installer sur des fonds plus accessibles. Par ailleurs, au lieu de reconstituer intégralement cette pêcherie dans sa forme primitive, on a préféré implanter quatre acadjas à la suite l'un de l'autre ayant comme dimensions respectives : 50 × 25m - 25 × 25m - 20 × 20m et 20 × 10m, ce qui en principe, en facilitera l'exploitation.

Dans la mesure du possible ces nouveaux acadjas-pilotes seront pêchés en Mai-Juin et en Octobre-Novembre 1978.

3.5 - Conclusions

  1. Sur le plan de l'acadja-pilote, il est sans doute prématuré de vouloir tirer des conclusions définitives à la suite de cette première expérience. Cependant, les résultats obtenus sont plus qu'encourageants et ouvrent indéniablement des perspectives très prometteuses sur l'avenir et les possibilités offertes par cette nouvelle technique introduite sous l'implusion du projet. On tout d'ores et déjà prévoir que l'acadja jouera un rôle de première importance dans l'aménagement des pêcheries des Pangalanes, comme par ailleurs dans certaines autres lagunes dont celles de FORT-DAUPHIN notamment.

  2. Sur le plan de l'environnement, la réduction successive du nombre d'exutoires vers la mer de 4 à 2, a entraîné une dégradation très marquée du milieu aquatique se répercutant directement sur les résultats socio-économiques de l'activité halieutique dont vivent 600 pêcheurs (représentant environ 3.000 personnes) qui voient leur avenir menacé. Cette situation est encore aggravée par le fait d'Eichornia crassipes obstruant totalement à présent l'exutoire de TAMATAVE, ce qui ramène en pratique le nombre d'exutoires de 4 à 1 seul, dans la région comprise entre TAMATAVE et ANDEVORANTO.

  3. Sur le plan de l'exploitation et de l'évolution des stocks; l'effort de pêche étant resté pratiquement constant (sinon croissant) l'appauvrissement progressif du milieu a précipité le déséquilibre des populations piscicoles dans lesquelles les voraces ont pris largement le dessus au détriment des populations phyto-planctonophages et omnivores, à rendement économique beaucoup plus intéressant de par leur chaîne alimentaire très courte.

Toutefois, l'absence totale de statistiques ne permet pas d'évaluer correctement l'évolution de la situation, ni de juger à bon escient des mesures prioritaires les plus adéquates qui seraient à prendre.


Page précédente Début de page Page suivante