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Annexe 1
ESSAIS DE REPRODUCTION ARTIFICIELLE DE C. CARPIO A MADAGASCAR

Deux Stations piscicoles furent préparées en vue de procurer au consultant les facilités nécessaires à la reproduction artificielle de la carpe commune à Périnet et à Kianjasoa. L'alimentation en eau des bouteilles d'incubation et d'éclosion fut réalisée de façon très rustique, au départ d'une large auge métallique à laquelle étaient fixés des robinets. Il fut possible de filtrer l'eau avant son arrivée aux installations. Il y avait en effet environ 120–150 cm. de différence entre le plus haut niveau de l'eau dans l'installation et le fond des bouteilles.

La propagation artificielle été conduite à Périnet entre le 25/9 et le 4/10/78 ainsi que du 4/11 au 11/11. A Kianjasoa les essais ont été faits du 12/10 au 21/10 (2 séries de reproduction) ainsi que du 13/11 au 18/11.

Dans ces deux stations, 42 femelles C. carpio au total furent traitées par hypophyses de carpe en vue de leur reproduction artificielle. Le poids total de ces femelles était de 108,8 kg (moyenne 2.6 kg), le poids individuel variant de 1,5 à 4 kg. Pour la première injection, 42 hypophyses séchées à l'acétone (76 mg) furent utilisées tandis que 238 glandes (595 mg) étaient requises pour les secondes injections. Par pression abdominale, 7,48 kg d'oeufs “secs” (environ 6 millions d'oeufs) furent expulsés manuellement. Divers essais de mise au point de la technologie furent réalisés en cours d'incubation et d'éclosion, avec un équipement rudimentaire. Ceci résulta en des pertes importantes. Cependant environ un million de larves en premier nourrissage furent stockées dans les étangs d'alevinage des Stations piscicoles, au cours du séjour du consultant.

Des 42 femelles injectées, 31 (73,8 %) ovulèrent pleinement et 5 (11,9%) ovulèrent partiellement (donnant plus de 30–40 g d'oeufs par expulsion). Par contre, 6 femelles (14,3 %) ne répondirent pas du tout à l'hypophysation, vraisemblablement en raison d'une dose trop faible ou pour d'autres raisons, comme par exemple une déficience en oxygène dans les étangs où elles étaient stockées au préalable.

Dans chaque Station, toutes les opérations successives de la conduite de la reproduction artificielle furent pratiquées et démontrées, en collaboration avec le personnel local; injection préparatoire, seconde injection, saturation de l'ouverture génitale des femelles, expulsion des oeufs et de la laitance, fertilisation artificielle, dissolution de la couche adhésive des oeufs, incubation, éclosion, élevage des larves, premier nourrissage des larves (jaune d'oeuf dur émietté et farine de soja), comptages et transferts dans les étangs de premier alevinage ainsi que la préparation de ces derniers.

Bien que la technologie de la reproduction artificielle de la Carpe commune soit bien connue et pratiquée à l'échelle commerciale dans de nombreux pays tempérés, il existe ici, en conditions tropicales, quelques variantes importantes d'application. Malheureusement jusqu'à présent, très peu d'expériences ont été menées dans de telles conditions. Les variantes les plus importantes ont trait: (i) au développement des oeufs dans les ovaires; (ii) aux doses d'hypophyses nécessaires; (iii) à la sensibilité des oeufs; (iv) au développement des oeufs et des larves; et (v) au comportement des jeunes alevins. Ces modifications sont liées aux effets de la température plus élevée des eaux.

1.1. LE DEVELOPPEMENT DES OEUFS DANS LES OVAIRES

Le développement semble être continu, ainsi qu'il a été expérimenté en eaux réchauffées dans les Stations piscicoles hongroises et allemandes. Ceci signifie que la carpe peut être induite à l'ovulation plusieurs fois (3–4 fois) au cours de l'année. Vraisemblablement, le même phénomène se passe sous conditions tropicales. Il paraît également vraisemblable que le développement des oeufs dans les ovaires soit en corrélation directe avec la nourriture, bien que des carpes entretenues avec une nourriture très pauvre en protéines aient développé des oeufs dans leurs ovaires et aient montré des signes de maturité à l'ouverture génitale. Leur abdomen n'était cependant pas distendu. L'étendue possible de la saison de reproduction induite n'a pas été analysée. A Madagascar, il serait indiqué de mener une série d'essais de reproduction naturelle et semi-naturelle sur kakabans, en novembre et décembre, et de reproduction induite jusqu'en janvier même.

1.2 LES DOSES D'EXTRAITS HYPOPHYSAIRES

Les doses sont en Europe (17–22°C) de 4-4,5 mg/kg d'hypophyses séchées à l'acétone. Un dixième de cette dose est donnée en une première injection et le reste administré lors de la seconde injection.

A Périnet, où la température de l'eau se situait entre 19 et 24°C (moyenne du jour 21°C), cette dose provoqua la pleine ovulation de toutes les femelles, mais avec un retard d'environ une heure. Au cours de la seconde reproduction, quand la température de l'eau était entre 22–27°C (moyenne = 23,4°C), une dose de 5mg/kg provoqua une pleine ovulation chez 8 femelles dans le temps normal, un poisson seulement ne répondant pas et un autre ne répondant que partiellement.

A Kianjasoa, la dose de 4,5 mg/kg a donné un résultat complet chez l femelle une réponse partielle chez 5 autres et 2 furent négatives, la température de l'eau étant de 27–28° C (moyenne 25,8°C). Après deux jours, le même stock de femelles fut réinjecté à la dose de 5,2 mg/kg et toutes les 7 donnèrent leurs oeufs dans le temps prévu. Pendant les troisième et quatrième essais, les femelles utilisées provenaient d'étangs très pauvres en oxygène, conditions qui eurent certainement un impact sur les résultats.

Sous conditions tropicales, quand la température de l'eau pendant la nuit est supérieure à 21–22° C, la dose d'hypophyse à donner doit être corrigée et augmentée jusqu'à 5-5,2 mg/kg. Pour toutes ces expériences, des hypophyses de même origine furent utilisées. La première injection ne fut inclue dans la dose et elle fut à chaque fois de 1,8 mg d'hypophyse.

A Périnet, l'intervalle entre la première et la seconde injection fut fixé à environ 22–23 heures. L'intervalle entre la seconde injection et l'ovulation se situait ainsi la nuit, sous des températures plus basses. A Kianjasoa, le premier intervalle dura seulement 14 heures (pendant la journée) et le second se situa la nuit.

Vraisemblablement, le métabolisme plus élevé et la circulation plus rapide du sang, à hautes températures, rendent nécessaire l'augmentation de la dose d'hypophyses à administrer. Une trop faible dose provoque le retard de l'ovulation et/ou une ovulation partielle, ou encore, la dose est insuffisante pour mener les oeufs jusqu'à ovulation. Dans tous les cas, la tranquillité des femelles injectées doit être assurée, un facteur important dans le succès de l'ovulation.

1.3 LA SENSIBILITE DES OEUFS

En Europe, après 1,5 heures de fertilisation, l'eau durcit les oeufs quand ils sont placés en incubation et qu'ils ne sont pas encore en état de clivage. Mais en eaux plus chaudes, le développement des oeufs étant plus rapide, ils sont en plein clivage (et par conséquent très sensibles) au moment où ils sont durcis par l'eau. En conséquence, de grands soins doivent être apportés à leur manipulation et la technologie doit être adaptée de manière à éviter tout dommage aux oeufs bien fertilisés. Au cours des premières tentatives d'adaptation de la technologie, l'on n'asobtenu que 70–80% d'éclosion alors qu'en Europe un taux de 90–98% est assez habituel. Avec des soins très particuliers l'on a cependant obtenu en deux occasions un taux de 95% d'éclosion des oeufs.

1.4 LE DEVELOPPEMENT DES OEUFS ET DES LARVES

Il fut très rapide, la température de l'eau étant supérieure à 17–22°C, température habituelle à laquelle la transformation de l'oeuf en larve dure 3 à 3,5 jours. Le tableau ci-dessous montre les temps de développement observés à Madagascar par le Consultant. En dépit du développement quelquefois très rapide des oeufs et des larves, le processus fut normal et aucune anomalie ne fut observée, les larves et jeunes alevins étant bien formés.

Durées de développement des oeufs et des larves C. carpio à Madagascar

  StationPERINETPERINETKIANJASOAKIANJASOA
  Dates - 197825/9-4/104–11/1112–21/1013–19/11
Température: Min., °C19222424
: Max., °C25272828
: moyenne, °C *   21.0 23.4   25.8  25.8
Développement des oeufs, heures76 6046     48 **
Températures horaires accumulées1600    1400    1200    1240    
Développement des larves jusqu'à la prise d'air, heures47 413334
Températures horaires accumulées980  950  890  900  
Développement des larves jusqu'au premier nourrissage, heures53534545
Température horaires accumulées1110   1300xx1300xx1300xx
Durée du processus de reproduction (jours et heures) à compter de la première injection jusqu'au premier nourrissage des larves     7 j.    6 j.     4 j.-
+20 h+ 9 h+ 10 h-

* Calculée selon les températures horaires
** Les oeufs furent traités à 3 reprises au vert de malachite
xx Le premier nourrissage fut retardé en raison de la nuit

1.5 LE COMPORTEMENT DES LARVES AVANCEES

Les larves avancées vinrent en masse à la surface de l'eau pour happer de l'air et remplir leur vessie natatoire. De telles performances de masse ne sont pas observées sous des températures plus basses.

Les larves faisaient aussi de très gros efforts pour prendre activement leur nourriture. Elles acceptèrent, comme première alimentation, les fines particules de farine de soja ainsi que des jaunes d'oeufs durs réduits en fines miettes.

En raison d'un arrêt inopiné de l'alimentation en eau pendant 4 heures, on a pu observer les larves venir en masse à la surface et “pomper de l'air”, ainsi que le font les poissons adultes avant suffocation. Suire à cet incident, seulement 20 à 30 % des larves écloses survécurent.

1.6 LE CONTROLE DE SAPROLEGNIA DANS LES INCUBATEURS

Le développement de Saprolegnia sur les oeufs morts ou non fertilisés posa un sérieux problème. Son développement rapide forma des colonies importantes dans les incubateurs, attaquant et tuant beaucoup d'oeufs fertilisés. D'autre, part, Saprolegnia contribua à séparer les bons oeufs des mauvais, gardant ces derniers à la surface de la masse des oeufs dans les incubateurs.

Le premier lot d'oeufs fut traité sans succès à l'aide d'une solution de tanin. Beaucoup ples efficace fut le traitement classique au vert de malachite, appliqié comme préventif après 12 heures de développement des oeufs (à Kianjasoa) et ensuite le matin et l'après-midi du jour suivant, le dernier traitement étant appliqué environ 10 heures avant l'éclosion. Cependant en traitant les oeufs, les bons des mauvais ne se séparent pas bien. De mauvais oeufs furent ainsi introduits dans les jarres d'éclosion mais grâce à ce traitement, Saprolegnia ne s'y développa point. Les mauvais oeufs ainsi que les membranes des oeufs éclos furent enlevés des jarres, par siphonage, au cours du second jour du développement des larves.

1.7 LA SURVIE DES LARVES ET DES JEUNES ALEVINS

Le taux de survie du frai jusqu'à la taille d'alevin dépend de beaucoup de facteurs et en premier lieu de la nourriture naturelle présente, ainsi que du nourrissage artificiel procuré. La préparation des étangs de premier alevinage fut loing d'être idéale. Il semblerait qu'à Madagascar, les microprédateurs (par exemple Cyclops) ne jouent pas un rôle aussi important qu'en Europe. Par contre, les insectes et les larves d'insectes prédateurs peuvent provoquer des mortalités importantes parmi le frai et les jeunes alevins. Le contrôle de ces prédateurs par des insecticides faibles n'est guère suffisant. Il serait indiqué de déterminer la technologie à appliquer en vue de mieu contrôler ces pestes.

Il faudrait aussi mener des essais de nourrissage du jeune frai, stocké en batteries de bacs ou de cages, technique qui pourrait avoir une grande importance dans la pratique et le succès de la production d'alevins de carpe.


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