La physico-chimie réalisée en même temps que les pêches (tous les mois en général) par Moulherat et Vincke (1968) et synthétisée au tableau 5 met en évidence les variations spatiales suivantes:
la turbidité mesurée par la profondeur de disparition du disque de Secchi est faible: 5 à 6 m dans les lacs. Elle devient appréciable, 1 à 2 m au niveau des communications avec la mer. Il en est de même de la richesse en plancton, 5 à 8 cm3/m3 dans les lacs, 10 à 15 cm3/m3 au niveau des communications avec la mer;
la salinité est partout faible, sauf au niveau des lacs Ampitabe et Tampina, témoins probables d'infiltrations marines à travers le cordon dunaire;
les substances minérales nutritives montrent en général des valeurs faibles: les phosphates entre 0,6 et 10 mg/l, les sulfates entre 0 et 875 mg/l (en mer 2 716), le calcium entre 17 et 29, 5 mg/l (en mer 1 310); l'azote sous n'importe quelle forme n'a pu être mis en évidence.
Les variations spatiales des indices de peuplements (richesse, diversité, etc.) peuvent être mises en relation avec celles des composants physico-chimiques des eaux. La légère remontée des indices au niveau des lacs Tampina et Ampitabe correspond à une augmentation de salinité, probablement due à des infiltrations marines, au niveau d'une ancienne communication avec la mer.
Malgré la faible salinité des eaux, et l'introduction d'espèces nouvelles qui se reproduisent en eau douce: Osphromenus goramy, Cyprinus carpio, Heterotis niloticus, Tilapia rendalli, T. macrochir, T. mossambica, il n'y a pas eu constitution d'un véritable peuplement d'eau douce. Seuls les Tilapia qui représentent actuellement 26 pour cent du peuplement ont pu s'adapter. Le peuplement actuel constitué à 80 pour cent d'espèces saumâtres a évolué depuis deux ans vers un appauvrissement en richesse et diversité qui semble lié à une réduction des communications avec la mer qui rend les migrations des populations d'origine marine de plus en plus difficiles. Des espèces, qui autrefois migraient dans les lacs, y pénètrent actuellement plus rarement.
L'interprétation possible d'une telle évolution spatiale et temporelle peut être la suivante: tout semble se passer comme si l'écosystème avait accumulé jadis des substances nutritives, principalement d'origine marine. La diminution progressive des communications avec la mer faisant suite au creusement du canal des Pangalanes, fait que les réserves nutritives ne sont plus renouvelées et sont en cours d'épuisement. Cet épuisement s'est d'abord manifesté dans les lacs, zones les plus éloignées des communications avec la mer (sauf infiltration à travers le cordon dunaire) et se poursuit actuellement vers les estuaires. Cet appauvrissement du milieu (voir supra) semble se traduire sur la composition du peuplement par une diminution de l'importance relative des carnivores migrants au profit des omnivores, herbivores sédentaires. En fait, l'analyse des populations permet de mettre en évidence, schématiquement, deux grands types de stratégie:
une stratégie de sédentaire caractérisée par un taux de renouvellement de la biomasse, une fécondité, un nombre de générations et une mortalité importante. La longévité est faible. Ces populations adaptées aux conditions de milieu difficiles ont un rendement bioénergétique faible (Blondel, 1979).
une stratégie de migrant caractérisée par un taux de renouvellement de la biomasse, une fécondité, un nombre de générations et une mortalité faibles. La longévité est importante. Pour ces populations la fuite est la meilleure stratégie pour se soustraire à des conditions difficiles du milieu. Elles subissent peu de pertes en biomasse et elles ont aussi un rendement bioénergétique élevé. L'organisation du peuplement mesuré par les différents indices: diversité, distribution d'abondance, etc., dépend essentiellement de l'équilibre et du bilan global entre ces deux types de population de stratégie différente. Comme chacune d'elles a un bilan bioénergétique différent,, à fort ou faible rendement le rendement bioénergétique résultant dépend donc de l'équilibre entre ces deux types de population. Dans ces conditions, si l'on admet que les captures d'exploitation représentent une image du rendement bioénergétique résultant, il n'est pas étonnant d'observer une liaison entre les captures et l'organisation du peuplement.